Les néoconservateurs américains sont obsédés par le
« changement de régime » ultime — à savoir déstabiliser la Russie et se
débarrasser de Poutine — mais ils ignorent la probabilité que le
successeur de Poutine puisse être un dirigeant nationaliste bien plus
radical. Une perspective examinée par Gilbert Doctorow.
Comme aux heures soviétiques, les chauffeurs de taxi russes figurent
toujours au nombre des interlocuteurs les mieux informés et friands des
tenants et des aboutissants de la politique souvent opaque du pays —
ceux que nous avions coutume d’appeler « kremlinologistes » et qui
déchiffraient les ascensions et les chutes selon qui se tenait près de
qui lors des manifestations publiques.
La « kremlinologie » se porte bien, témoins les chauffeurs de taxi
qui cette semaine spéculaient sur le retrait imminent du gouverneur
Georgi Poltavchenko, vu qu’il n’est apparu nulle part lors des grands
spectacles du quatrième Forum culturel international, un événement
majeur dans la vieille capitale impériale, envahie en cette occasion par
les grands pontes moscovites qu’on pouvait voir partout.
Mais le sujet essentiel pour l’Occident est est de savoir qui fait la
queue derrière Poutine pour l’accession au pouvoir, si celui-ci devait
quitter ses fonctions pour une raison ou une autre. Cela fait maintenant
des années que les jusqu’au-boutistes américains et en particulier les
néoconservateurs désirent ardemment un « changement de régime » à
Moscou, avec l’espoir qu’une figure malléable, comme le défunt président
Boris Eltsine, soit remise au sommet de l’État.
Toutefois, comme me le disent de nombreux chauffeurs de taxi bien
renseignés, l’homme situé juste derrière le président russe s’appelle
Sergueï Ivanov et sa façon de traiter avec l’Occident ferait passer
Poutine pour un agneau. Et si ce n’est pas Ivanov, le suivant en lice
est vraisemblablement Dmitri Rogozine, un autre fervent patriote et
favori du Kremlin.
Malgré les déclarations des dissidents russes Mikhaïl Khodorkovski et Masha Gessen aux lecteurs du New York Times,
un « changement de régime » à Moscou n’aboutirait probablement pas à
une seconde ère Eltsine. Les souvenirs de l’humiliation des années 90,
après la chute de l’Union soviétique, sont encore trop présents,
rappelant comment des « experts » de la finance envoyés par l’Occident
avaient prescrit un « traitement de choc » capitaliste pour le système
russe — ce qui amena une chute brutale du niveau de vie et une
augmentation alarmante du taux de mortalité.
Ce qui est clair, c’est qu’on ne trouve aucun des chouchous
« libéraux » de l’Occident dans la poupée russe du pouvoir. Un message
que feraient bien d’intégrer les initiés du Capitole. Non que l’on
puisse remarquer le moindre signe substantiel de désapprobation publique
envers Poutine.
Dans les rues de Saint-Pétersbourg, le battage autour du Forum
culturel fut juste une toile de fond pour la visite de Poutine qui
n’était pas venu ici depuis des mois, m’a-t-on dit. En ville, on ne
parlait que de son apparition prévue aux cérémonies d’ouverture du
Forum.
Les médias russes ont fait la promotion de l’événement auprès du
public national comme étant le « Davos de la culture » une référence au
fameux colloque d’affaires international de Davos, en Suisse. On
comptait sur 9000 visiteurs pour assister aux concerts, spectacles de
danse et autres débats conduits par des commissaires d’exposition, des
cinéastes et nombre de célèbres spécialistes des arts.
Les espaces culturels étaient concentrés à l’intérieur du musée de
l’Ermitage, l’ancien bâtiment de l’état-major général situé sur la place
du Palais, mais se déployaient aussi dans le centre historique de la
ville. Des diplomates et des représentants gouvernementaux de plus de 40
pays lui conféreraient sa dimension internationale. Si l’Europe fut
lamentablement sous-représentée (seul le Luxembourg figurait sur la
liste des participants), le vide fut comblé par les nombreux notables
venus d’Extrême-Orient.
Poutine ne nous fit pas attendre. Il fut le premier intervenant sur
la scène, adressant une brève apostrophe au public suivie d’une sortie
rapide. À la cérémonie, d’une durée de deux heures, succéda un
traditionnel « dîner déambulatoire » au cours duquel les nuées d’invités
dévalisèrent les plateaux de sandwiches au caviar et au crabe qu’on
leur passait.
Un « changement de régime » en Russie est bien
la dernière chose dont nous, américains, ayons besoin.
Gilbert Doctorow
coordinateur européen du Comité américain pour une entente Est-Ouest.
Son livre le plus récent Does Russia Have a Future ?
coordinateur européen du Comité américain pour une entente Est-Ouest.
Son livre le plus récent Does Russia Have a Future ?
Source Consortiumnews.com, 17 décembre 2015
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr.
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