Le président Trump a publié un décret suspendant l’entrée
aux États-Unis pour les personnes originaires d’Irak, de Syrie, de Libye, de
Somalie, du Soudan, d’Iran et du Yémen (le décret est intitulé «Protéger
la nation contre l’entrée des terroristes étrangers aux États-Unis»). Ces mêmes pays ont été l’objet
de la «Visa
Waiver Program Improvement and Terrorist Travel Prevention Act de 2015» [programme d’amélioration des octrois de visas et loi de
prévention contre le voyage des terroristes, 2015], sous le président Obama.
Alors que les articles de presse sur le décret de Trump
soulignent qu’il s’agit de pays à majorité musulmane, les analystes semblent
avoir ignoré une autre caractéristique importante, que ces pays partagent.
À une exception près, tous ces pays ont été pris pour cible,
en 2001, par certains hauts fonctionnaires des États-Unis. En fait, cette
politique remonte à 1996, 1991, 1980 et même aux années 1950. Dans cet article,
nous retracerons cette politique dans le temps et examinerons ses objectifs et
ses promoteurs.
Le fait est que l’action de Trump
est dans la continuité des politiques influencées par des personnes travaillant
pour le compte d’un pays étranger, dont l’objectif a été de déstabiliser et de
remodeler une région entière. Ce type d’interventionnisme agressif axé sur le « changement de régime »
provoque des réactions en chaîne dont l’escalade de la violence est l’un des
maillons.
Nous assistons déjà à des guerres dévastatrices, à un
mouvement massif de réfugiés qui déracinent des peuples entiers et remodèlent
des parties de l’Europe, un terrorisme désespéré et horrible, et maintenant
l’horreur qu’est État islamique. Si cet effort de plusieurs décennies n’est pas
interrompu, il sera de plus en plus dévastateur pour la région, notre pays et
le monde entier.
Le coup d’État politique
de 2001
Le général quatre
étoiles Wesley Clark, ancien commandant suprême des forces interarmées, a
décrit ce qu’il a appelé le « coup
d’État »
de 2001, comme un petit groupe de personnes désireuses de déstabiliser et de
conquérir le Moyen-Orient, ciblant
six des sept pays mentionnés par Obama et Trump .
Clark en a donné les détails en 2007, dans une interview diffusée par Democracy Now et au
cours d’une conférence donnée au Commonwealth Club de San
Francisco.
Clark y décrit une rencontre fortuite au Pentagone en 2001,
dix jours après le 11 septembre, dans laquelle il a pris connaissance du projet
de s’en prendre à ces pays.
Après avoir rencontré le secrétaire d’État à la Défense
Rumsfeld et le secrétaire adjoint Paul Wolfowitz, Clark est descendu pour dire
bonjour aux employés de l’état-major des forces interarmées qui avaient
travaillé avec lui dans le passé. Un des généraux l’interpela.
« Monsieur, venez me voir une seconde, dit-il à Clark, «
nous avons pris la décision de partir en guerre contre l’Irak. »
Clark fut choqué. Il lui répondit : « Nous partons en guerre
contre l’Irak ? Pourquoi faire ? » L’officier lui répondit
qu’il ne savait pas. Clark demanda s’ils avaient trouvé des informations
reliant Saddam à Al-Qaïda. L’homme lui répond : « Non, non, il n’y a rien de nouveau à ce sujet. Ils
ont simplement pris la décision de déclencher une guerre contre l’Irak.»
Quelques semaines plus tard, Clark revient au Pentagone et
parle de nouveau au général. Il lui demande si les États-Unis envisagent
toujours de faire la guerre contre l’Irak.
Le général répond : « Oh,
c’est pire que ça. »
Clark raconte alors que le général a pris un morceau de papier sur sa table et
a dit : « Je viens de le recevoir de
l’étage supérieur aujourd’hui. C’est un mémo qui décrit comment nous allons
nous en prendre à sept pays en cinq ans, en commençant par l’Irak, puis la Syrie, le Liban, la Libye, la Somalie, le
Soudan et finir par l’Iran. »
Clark demanda : « Est-ce
classifié ? », l’autre répondit: « Oui, monsieur. »
Clark dit qu’il a été stupéfait : « Je ne pouvais pas croire que
cela puisse être vrai. Mais c’est ce qui s’est vraiment passé. Ces gens ont
pris le contrôle de la politique des États-Unis. «
1991
Clark rajoute qu’il se souvint alors d’une rencontre qu’il
avait eue en 1991 avec Paul Wolfowitz. En 2001, Wolfowitz était secrétaire
adjoint à la Défense alors qu’en 1991 il était sous-secrétaire à la Défense,
c’est-à-dire qu’il occupait le troisième échelon du Pentagone.
Wolfowitz
est un juif ultra sioniste néoconservateur pro-israélien, qu’un de ses associés
a caractérisé comme « prêt
à tout quand il s’agit d’Israël ».
Clarck décrit sa visite au bureau de Wolfowitz en mars 1991.
Clark dit à Wolfowitz : « Vous
devez être plutôt satisfait de la performance des troupes de l’opération Desert
Storm. » Wolfowitz lui a répondu: « Pas vraiment, parce que la
vérité est que nous aurions dû nous débarrasser de Saddam Hussein et que nous
ne l’avons pas fait. »
Wolfowitz lui déclare alors que les États-Unis avaient
l’occasion de nettoyer « la Syrie, l’Iran, l’Irak, avant
que la prochaine superpuissance ne vienne nous défier ».
Clark déclare qu’il a été choqué par la proposition de
Wolfowitz poussant les militaires à lancer des guerres et des changements de
régime, et du fait que Wolfowitz pensait que les États-Unis se devaient d’envahir
les pays dont ils n’aimaient pas les gouvernements. « J’en avais la tête qui tourne »,
raconte-t-il.
Clark précise que Scooter Libby participait à cette réunion.
Libby est un autre néoconservateur pro-israélien. En 2001, il était le chef de
cabinet du vice-président Cheney et travaillait en étroite collaboration avec
le Bureau des plans spéciaux, qui fabriquait
des arguments de propagande anti-irakiens.
« Ce pays a été pris en otage
par un groupe de personnes grâce à un coup d’état politique », révèle Clark dans son discours de 2007. « Wolfowitz, Rumsfeld, Cheney, et vous pourriez
nommer une demi-douzaine d’autres collaborateurs du Project for a New American
Century. Ils voulaient que nous déstabilisions le Moyen-Orient, que nous le
mettions à l’envers, que nous le contrôlions. «
(Le Project
for a New American Century était un groupe de réflexion qui a
fonctionné de 1997 à 2006 et qui fut remplacé par la Foreign Policy Initiative.)
Clark continue ainsi : « Est-ce qu’ils vous ont clairement annoncé une chose
pareille ? Y a-t-il eu un dialogue national à ce sujet ? Les sénateurs et les
membres du Congrès se sont-ils levés pour dénoncer ce plan? Y a-t-il eu un
grand débat américain à ce sujet ? Absolument pas. Et il n’y en a toujours pas. »
Clark fait remarquer que l’Iran et la Syrie sont au courant
d’un tel plan. « Tout
ce que vous avez à faire est de lire le Weekly Standard et d’écouter Bill Kristol, alors
qu’ils s’en vantent partout dans le monde – Richard Perle fait de même. Ils avaient hâte d’en finir
avec l’Irak pour pouvoir envahir la Syrie. »
Clark dit que les Américains n’ont pas voté pour George Bush
pour un tel programme. Bush, souligne Clark, avait fait campagne pour « une politique étrangère
humble, pas de maintien de la paix, pas de construction de nation ».
D’autres personnes ont décrit ce même groupe et sa
responsabilité dans l’invasion de l’Irak, ainsi que sa motivation
pro-israélienne.
Les néoconservateurs, Israël et l’Irak
Un article de Haaretz, l’un des
principaux journaux d’Israël, publié en 2003, annonce sans ambages : « La guerre en Irak a été conçue
par 25 intellectuels néoconservateurs, la plupart juifs,
qui poussent le président Bush à changer le cours de l’histoire. » (Haaretz met souvent
en évidence l’affiliation juive des acteurs importants, en raison de son rôle autoproclamé
de journal de référence de l’« État
juif ».)
Le journal fournit ce qu’il appelle une « liste partielle »
de ces néoconservateurs : les fonctionnaires américains Richard Perle, Paul Wolfowitz, Douglas Feith et Eliot
Abrams, ainsi que les journalistes William
Kristol et Charles Krauthammer. L’article les décrit comme des « amis mutuels qui se
soutiennent les uns les autres ».
L’article comprenait une interview avec le chroniqueur du New York Times,
Thomas Friedman, cité comme disant :
« C’est
la guerre que les néoconservateurs voulaient. C’est la guerre dont les
néoconservateurs ont fait la promotion. Ces gens avaient une idée à vendre
quand le 11 septembre est arrivé, et ils l’ont vendue. Oh les gars, ils y sont
arrivé. Ce n’est donc pas une guerre que la population exige. C’est une guerre
voulue par l’élite. »
L’article poursuit:
« Friedman
ironise : «
Je pourrais vous donner les noms de 25 personnes (qui sont toutes en ce moment
dans un rayon de cinq pâtés de maisons de ce bureau) ; si vous les aviez
exilées sur une île déserte il y a un an et demi, la guerre en Irak n’aurait
jamais eu lieu.
»
Un
autre article de Haaretz
a décrit comment certains de ces individus, des hauts responsables américains,
ont donné aux dirigeants israéliens des conseils sur la façon de gérer les
actions américaines et d’influencer les membres du Congrès des États-Unis, en
concluant : « Perle,
Feith et leurs collègues stratèges marchent sur une corde raide entre leur
loyauté au gouvernement américain et celle aux intérêts israéliens. »
Haaretz indiquait
aussi que le but réel était bien plus qu’une simple invasion de l’Irak : « À un niveau plus profond, c’est une guerre plus
large, pour la formation d’un nouveau Moyen-Orient. »
L’article disait que la guerre « avait
pour but de concrétiser un nouvel ordre mondial ».
« La guerre en Irak est vraiment le début d’une gigantesque
expérience historique… »
Nous voyons maintenant le résultat tragique et violent de
cette expérience de changement de régime.
L’Américaine, militante pour la paix et ancienne analyste de
la CIA, Kathleen Christison, parlait des néoconservateurs qui ont promu la
guerre contre l’Irak, dans un article de 2002.
Elle y écrivait : « Bien
que beaucoup de choses aient été écrites sur les néocons qui truffent
l’administration Bush, leur lien avec Israël a généralement été traité avec
beaucoup de prudence. »
L’administration Bush, y écrit-elle « a été gangrénée par des gens qui
ont un grand registre d’activisme au nom d’Israël, font la promotion de la
stratégie israélienne et la promotion d’un agenda en faveur d’Israël, souvent
en désaccord avec la politique américaine existante. »
«Ces gens », écrit-elle, « qui peuvent être qualifiés
de partisans israéliens, sont maintenant à tous les niveaux de gouvernement,
depuis les chefs de bureau du ministère de la Défense jusqu’au niveau de
secrétaire adjoint, à la fois de l’État et de la Défense, du personnel de la
Sécurité nationale et du bureau du vice-président. »
L’auteur Stephen Green a écrit un exposé méticuleusement documenté, en 2004,
décrivant comment les agences de renseignement des États-Unis avaient enquêté
sur certains de ces individus, dont Perle et Wolfowitz, pour des « brèches » de
sécurité bénéficiant à Israël.
Pourtant, en dépit d’une série d’actions très discutables
suggérant la trahison, ils ont continué à obtenir des autorisations de sécurité
de haut niveau, pour eux-mêmes et leurs copains. Le programme néoconservateur
est également devenu influent en Grande-Bretagne.
(Au cours de la récente élection présidentielle américaine,
les néoconservateurs étaient extrêmement hostiles
à Trump, et ont été perturbés
de voir leur influence sur son administration être plus faible qu’elle n’aurait
été avec Hillary Clinton. Ils doivent être soulagés de le voir ciblant leurs
habituels punching balls du Moyen Orient. Il n’est pas évident que les
néoconservateurs restent longtemps à l’écart du cercle intérieur de la Maison
Blanche : le néoconservateur Michael Ledeen
est très proche
du récent conseiller à la Sécurité nationale de la Maison Blanche, M. Michael
Flynn, et Trump pourrait nommer Elliott
Abrams comme secrétaire d’État adjoint.)
Le plan de 1996 contre l’Irak et la Syrie
La stratégie de changement de régime néoconservatrice avait
été établie dans un
document datant de 1996, intitulé Une
rupture sans bavure : une nouvelle stratégie pour sécuriser le Royaume.
Il a été écrit pour le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, par un
groupe d’étude dirigé par Richard Perle. Bien que Perle et les autres auteurs
soient des citoyens américains, le « royaume »
en question désignait Israël.
1.
Perle
était alors président du Conseil à la politique de défense des États-Unis. Il a
été auparavant secrétaire adjoint américain à la Défense pour la politique de
sécurité internationale.
Selon le rapport, dans le passé, la stratégie d’Israël
consistait à amener les États-Unis à utiliser leur argent et leurs armes pour « pousser les Arabes »
à négocier. Cette stratégie, déclare le plan, « nécessitait de donner l’argent états-unien à des
régimes répressifs et agressifs ».
Le rapport recommande qu’Israël aille au-delà d’une
stratégie centrée uniquement sur Israël et la Palestine, et s’occupe de toute
la région – qu’elle « donne
forme à un environnement stratégique ».
Il demande d’« affaiblir,
contenir et même faire reculer la Syrie » et d’« enlever Saddam Hussein du
pouvoir en Irak ». Le journal énumère également l’Iran et le
Liban comme des pays à traiter (et la Turquie et la Jordanie d’être utilisées
comme outils stratégiques).
Le plan souligne qu’il est nécessaire d’obtenir l’appui des
États-Unis pour une telle stratégie, et conseille qu’Israël utilise « une langue familière aux
Américains en abordant les thèmes des administrations américaines pendant la
guerre froide… ».
Perle, Douglas Feith (sous-secrétaire adjoint à la Défense
en 2001) et les autres signataires du rapport ont présenté leur proposition
comme étant un nouveau concept, mais l’idée pour Israël de remodeler le paysage
politique du Moyen-Orient était discutée depuis des années. (Pour être clair, « remodeler le paysage
politique » signifie changer les gouvernements, ce qui n’a
jamais été accompli sans perte massive de vies et répercussions de grande
envergure.)
En 1992, les dirigeants israéliens travaillaient déjà à
endoctriner le public au sujet d’un prétendu besoin d’attaquer l’Iran.
L’analyste israélien Israël Shahak a écrit dans son livre Open Secrets,
que le but était de « provoquer
la défaite militaire et politique totale de l’Iran ».
Shahak y raconte : « Dans
une des versions, Israël attaquerait l’Iran seul, dans l’autre, il ‘persuaderait’ l’Occident de faire le travail. La
campagne d’endoctrinement à cet effet gagne en intensité. Elle est accompagnée
de ce que l’on pourrait appeler des scénarios d’horreur semi-officiels, qui
prétendent détailler ce que l’Iran pourrait faire à Israël, à l’Occident et au
monde entier, si ce pays acquérait des armes nucléaires comme on s’y attend
pour d’ici quelques années. »
Les plans israéliens de 1950 et 1982 pour
fragmenter le Moyen Orient
Un
document intitulé Une
stratégie israélienne pour les années quatre-vingt-dix, proposé par
l’analyste israélien Oded Yinon, a été publié par l’Organisation sioniste
mondiale en 1982 [Version
française, NdT].
Le document, traduit par Israël Shahak, demandait la
dissolution des États arabes existants en des États plus petits, qui
deviendraient des satellites d’Israël.
Dans une analyse du plan, Shahak a fait remarquer: « Alors que l’on parle hypocritement
de ‘défense de l’Occident’ face
au pouvoir soviétique, le but réel de l’auteur et de l’establishment israélien actuel est clair : faire
d’Israël une puissance mondiale impérialiste. »
Puis il ajoute que le ministre israélien de la Défense Ariel
Sharon avait prévu de « tromper
les Américains après avoir trompé tous les autres ».
Shahak écrit aussi que la refonte du Moyen-Orient au nom
d’Israël était discutée depuis les années 1950 : « Ce n’est pas une idée nouvelle, elle ne fait pas
surface pour la première fois dans la pensée stratégique sioniste. En effet, la
fragmentation de tous les États arabes en unités plus petites a été un thème
récurrent. »
Il rappelle que cette stratégie a été documentée dans un livre intitulé
Terrorisme sacré d’Israël
(1980), écrit par Livia Rokach. S’appuyant sur les mémoires du second Premier
ministre d’Israël, l’ouvrage
de Rokach décrit, entre autres, une
proposition datant de 1954 pour effectuer un changement de régime au Liban.
Le résultat
Revenons au présent, pour examiner la situation dans les « pays préoccupants »
nommés par le président Trump la semaine dernière, par le président Obama en
2015 et ciblés par Wolfowitz et compagnie, en 2001.
Il y a plusieurs années, le journaliste Glenn
Greenwald commentait la déclaration du général Clark sur le coup d’État de
2001 : « Si vous parcourez cette liste de sept pays, dont
on dit que les néoconservateurs avaient prévu de changer les gouvernements,
vous voyez assez bien que cette vision… est en train d’être réalisée. »
Greenwald remarquait que les gouvernements de l’Irak, de la
Libye et du Liban avaient été renversés. Les États-Unis ont intensifié leurs
combats par procuration et les attaques de drones en Somalie; des troupes
américaines ont été déployées au Soudan; « et les pays les plus importants de cette
liste, l’Iran et la Syrie, sont clairement la cible de toutes sortes d’efforts
de changement de régime cachés de la part des États-Unis et d’Israël ».
Voici un schéma de ce qui s’y est passé :
L’Irak a été envahi et le pays détruit.
Selon un rapport
d’une ONG, datant de 2015, l’invasion et l’occupation de l’Irak par les
États-Unis ont entraîné la mort d’environ 1 million d’Irakiens, soit 5% de la
population totale du pays, en 2011. Plus de trois millions d’Irakiens ont
déplacés, et le carnage continue.
La destruction de l’Irak et l’appauvrissement de son peuple sont à l’origine de
la plupart des extrémismes d’aujourd’hui et il a été démontré que cela a
conduit à la montée d’EI, comme l’a
admis l’ancien Premier ministre britannique et coauteur de la guerre en
Irak, Tony Blair.
La Libye
a été envahie en 2011 et son chef violemment renversé; pendant la vacance de
pouvoir post-Kadhafi, un
rapport de l’ONU de 2011 a révélé que la torture, les lynchages et les abus
y étaient omniprésents. Cinq ans plus tard, le pays est toujours déchiré par
une guerre civile et EI aurait profité du chaos pour s’y installer. Un
rapport de Human Rights
Watch de 2016, déclare : « La
crise politique et sécuritaire de la Libye s’est aggravée […] le pays est au
bord d’une crise humanitaire, avec près de 400 000 personnes déplacées à
l’intérieur du pays. » Les forces belligérantes « continuent impunément à
détenir arbitrairement, à enlever et faire disparaître des gens, à les
soustraire de force de leurs maisons. Le système de justice pénale interne
s’est effondré dans la plupart des régions du pays, exacerbant la crise des
droits de l’homme
». [Photos
ici]
Soudan :
Les États-Unis, engagés dans une soi-disant « construction
de la nation » au Soudan, ont prétexté en 2005 que le
gouvernement commettait un génocide,
et certains joueurs américains ont finalement organisé la sécession du Sud
Soudan en 2011 (le néoconservateur ultra sioniste israélien Elliott Abrams
était l’un de ces joueurs.) Un journaliste en a rapporté le
résultat : « [Un] abîme de misère et de sang
indescriptible […] Des dizaines de milliers de tués, 1,5 million de déplacés et
5 millions de personnes ayant grandement besoin d’aide humanitaire. »
Somalie :
La Somalie a subi un certain nombre d’interventions américaines, et plus
récemment une guerre
clandestine, menée par Obama, qui utilise des troupes d’opérations
spéciales, des frappes aériennes, des entrepreneurs privés et des alliés
africains. Les extrémistes somaliens, comme d’autres, citent
à plusieurs reprises les crimes d’Israël contre les Palestiniens, autorisés
par les États-Unis, comme facteurs de leur extrémisme violent.
Iran: L’Iran a longtemps été la cible d’Israël et
les partisans d’Israël mènent une campagne
anti-Iran aux États-Unis. Plus récemment, un effort de relations publiques a
été fait pour affirmer que l’Iran développe des armes nucléaires, même si les services de
renseignement états-uniens et d’autres experts
ne soutiennent
pas ces accusations. Israël et les États-Unis ont déployé un virus informatique
contre l’Iran dans ce qu’on a appelé la première arme
numérique du monde. Des jeunes physiciens nucléaires iraniens ont été
assassinés par l’allié américain qu’est Israël, et les États-Unis ont institué
un blocus contre l’Iran, qui a causé l’insécurité alimentaire et des
souffrances massives parmi les civils du pays (un tel blocus peut être
considéré comme un acte de
guerre). Le député démocrate et partisan israélien Brad Sherman a
admis ce qu’était l’objectif des sanctions contre l’Iran : « Les critiques des sanctions font valoir que ces
mesures nuiront au peuple iranien. Franchement, c’est exactement pour cela que
nous les imposons. »
Yémen :
Les États-Unis ont lancé des frappes de drones contre le Yémen pendant des années, tuant
de nombreux civils yéménites et même certains Américains. En 2010, quelques
semaines après qu’Obama a remporté le prix Nobel de la paix, il a utilisé des
bombes à sous-munitions qui ont tué
35 femmes et enfants yéménites. L’administration Obama a
tué un Américain de 16 ans en 2011, et il y a quelques jours les forces
américaines sous Trump ont tué la sœur du garçon. En 2014, les forces
américaines ont attaqué une
cérémonie de mariage, et en 2015, l’administration Obama a
admis qu’elle faisait la guerre au Yémen. Aujourd’hui, plus de deux
millions d’enfants yéménites souffrent
de malnutrition. Le régime yéménite que nous attaquons est devenu politiquement actif
en 2003 à la suite de l’invasion américaine de l’Irak.
Syrie
: Dans un email révélé par Wikileaks, Hillary Clinton a écrit
que le « meilleur moyen d’aider Israël »
était de renverser le régime syrien.
La Syrie semble être un
symbole de la destruction recommandée par les stratèges israéliens. Comme l’a signalé le Guardian britannique en 2002 : « Le désordre et le chaos qui
dévastent la région ne seraient pas un malheureux effet collatéral de la guerre
contre l’Irak, mais un signe que tout se passe comme prévu. »
La moitié de la population syrienne a été déplacée – 5
millions de personnes ont fui le pays et 6 millions ont été déplacés en interne
– et plus de 30.000 sont morts de cette violence. Les grandes villes et les
sites anciens sont en
ruines et la campagne dévastée. Amnesty International l’appelle
« la pire crise
humanitaire de notre temps ».
Alors que l’insurrection contre un dictateur impitoyable a
sans doute été lancée par des rebelles syriens authentiques, d’autres avec des
agendas douteux s’y sont immiscés, certains soutenus par les États-Unis et
Israël. Le chef du renseignement militaire israélien a
déclaré qu’Israël ne voulait pas qu’EI soit battu. Le ministre israélien de
la Défense a
reconnu qu’Israël a fourni une aide aux combattants d’EI.
État islamique
Un des facteurs majeurs du chaos syrien et de la montée d’EI
a été la destruction de l’Irak, ce qui a été révélé par des
entretiens approfondis avec des combattants d’EI par des chercheurs d’Artis International,
un consortium pour l’étude scientifique au service du règlement des
conflits :
«Beaucoup
supposent que ces combattants sont motivés par l’espoir d’un État islamique […]
mais cela n’est pas le cas des prisonniers que nous interviewons. Ils sont malheureusement ignorants de l’islam et ont de la
difficulté à répondre aux questions sur la charia, le jihad militant et le
califat. »
« Plus pertinentes que la théologie islamique,
d’autres explications, beaucoup plus convaincantes, disent pourquoi ils ont
combattu pour le côté qu’ils ont choisi. »
Un interviewé déclarait : « Les
Américains sont venus. Ils ont emmené Saddam, mais ils ont aussi pris notre
sécurité. Je n’aimais pas Saddam, nous étions affamés alors, mais au moins nous
n’avions pas la guerre. Quand vous êtes arrivé ici, la guerre civile a
commencé. »
Le rapport remarque que les combattants « ont grandi pendant la
désastreuse occupation américaine post 2003 ».
« Ils sont des enfants de l’occupation, beaucoup avec
des pères ayant disparu pendant ces périodes cruciales (à cause de la prison,
d’un assassinat, ou de la lutte dans l’insurrection), pleins de rage contre
l’Amérique et leur propre gouvernement. Ils ne sont pas alimentés par l’idée d’un califat
islamique sans frontières. Au contraire, EI est le premier groupe depuis
al-Qaïda à offrir à ces jeunes hommes humiliés et enragés une façon de défendre
leur dignité, leur famille et leur tribu. »
Le chef d’État islamique, Abu Bakr al-Baghdadi, a été
emprisonné pendant huit mois dans l’infâme Abu Ghraib, une prison irakienne
gérée par les États-Unis, connue pour la torture grotesque de ses prisonniers. Les
photos publiées à cette époque montrent des soldats américains qui sourient
à côté de tas de prisonniers nus et un détenu à capuchon debout sur une étroite
boîte avec des fils électriques attachés à ses mains tendues.
Un interrogateur d’Abou
Ghraib a ensuite révélé
que les Israéliens les avaient formés à l’utilisation des techniques utilisées
contre les Palestiniens. Le général
Janis Karpinski (responsable de l’unité qui dirigeait la prison) et d’autres ont dit que des
Israéliens ont été impliqués dans les interrogatoires. Il a été signalé
que le chef de la société de sécurité impliquée dans les tortures à la prison
d’Abou Ghraib avait des liens étroits avec Israël et avait visité un camp
d’entraînement israélien en Cisjordanie.
Un autre facteur
important dans la montée de l’extrémisme anti-occidental est le soutien
largement inconditionnel à l’oppression violente d’Israël contre les
Palestiniens. Selon un rapport
de l’ONU : « L’ampleur
des pertes humaines et des destructions à Gaza au cours du conflit de 2014 a
été catastrophique et a […] choqué le reste du monde. »
Le professeur John Mearsheimer et le professeur Stephen Walt
de Harvard ont
écrit que les politiques américaines promues par le lobby israélien ont
donné « aux
extrémistes un puissant outil de recrutement, ont accru le bassin de
recrutement des terroristes et sympathisants potentiels et contribuent au
radicalisme islamique dans le monde ». Ben Laden avait cité
le soutien américain aux crimes israéliens contre les Palestiniens parmi ses
raisons de combattre les États-Unis. Ceux-ci donnent à Israël plus de 10 millions de dollars par
jour.
Réaction aux décisions exécutoires de Trump
Des milliers de personnes, dans tous les États-Unis, se sont
opposées à l’arrêté sur l’immigration de Trump, à cause de l’extrême
difficulté dans laquelle cela met des multitudes de réfugiés. L’accent mis sur
les musulmans (Trump a dit que les chrétiens pourraient être exemptés) a
provoqué l’indignation contre cette discrimination religieuse et ce profilage
injuste (la grande majorité des musulmans s’oppose
fermement à l’extrémisme).
Des individus venant de tout le spectre politique, de Code
Pink aux frères Koch, ont décrié cet arrêté. Les Koch ont publié une
déclaration contre cet ordre exécutoire :
« Nous pensons qu’il est possible de garder les
Américains en sécurité, sans exclure les personnes qui souhaitent venir ici
pour contribuer au pays et chercher une vie meilleure pour leur famille.
L’interdiction de voyager est une mauvaise approche et sera probablement
contre-productive. Notre pays a énormément bénéficié de l’accueil de gens
venant de toutes les cultures et de tous les milieux. C’est une caractéristique
des sociétés libres et ouvertes. »
Le sénateur démocrate de New York, Chuck Schumer, qui a
défendu la guerre en Irak et suggère
que Dieu l’a envoyé pour protéger Israël,
a étouffé
des larmes lors d’une conférence de
presse et a trouvé que cette décision de Trump est « médiocre et anti-américaine ».
La Ligue anti-diffamation (ADL), connue pour être un fervent
défenseur pro-israélien (et qui a l’habitude de considérer les critiques de la
politique israélienne comme de l’« antisémitisme »),
a promis une « lutte
implacable » contre cette loi d’immigration.
Certains craignent que l’action de Trump n’aggrave le
terrorisme, plutôt qu’elle ne nous en protège. Beaucoup d’autres approuvent
l’ordre, par conviction qu’il va les protéger de la violence extrémiste (comme
mentionné ci-dessus, l’administration Obama a entrepris une action similaire,
quoique plus douce, pour une raison similaire).
Je suggère que tout le monde – tant ceux qui déplorent cette
décision pour des raisons humanitaires, que ceux qui la défendent par souci de
sécurité des Américains – examinent le contexte historique décrit ci-dessus et
les politiques américaines qui ont mené à cette situation.
Pendant des décennies, les administrations démocratique et
républicaine ont adopté des politiques largement identiques concernant le
Moyen-Orient et Israël–Palestine. Nous en voyons les résultats, et la plupart
d’entre nous sont profondément mécontents.
Je soutiens que, tant pour les obligations humanitaires que
pour les besoins de sécurité, il est urgent que nous trouvions un chemin
différent.
Par Allison Weir
Le 11 février 2017
Alison Weir est directrice générale de If Americans Knew, présidente du Council for the National Interest, et auteure de Against Our Better Judgement : The Hidden History of How the US was used to create Israel.
Le 11 février 2017
Alison Weir est directrice générale de If Americans Knew, présidente du Council for the National Interest, et auteure de Against Our Better Judgement : The Hidden History of How the US was used to create Israel.
Source Information Clearing
house
Traduit par Wayan, relu par Nadine pour le Saker Francophone
Traduit par Wayan, relu par Nadine pour le Saker Francophone
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