Décidément,
le sultan ne peut tenir en place. Il est vrai que les continuelles
claques géostratégiques reçues ces dernières années (Syrie, Kurdes,
Europe) n'ont pas d'effet apaisant sur un caractère comme le sien, qui
de surcroît dépend entièrement de sa popularité intérieure. Or, avec la
crise financière et les impasses extérieures, celle-ci commence à
sérieusement tanguer.
Ainsi donc a-t-il décidé de bombarder à nouveau,
mais de manière plus sévère, sa Némésis kurde dans le nord syrien et
irakien. Dans le collimateur : le PKK bien sûr, mais aussi les YPG
syriennes soeurs. A noter tout de même qu'à Sinjar, au nord-ouest de
Mossoul, les Turcs se sont lamentablement plantés et ont tué
six peshmergas de leur ami Barzani au lieu des ""terroristes"" visés...
Quant aux bombardements sur Qandil, base arrière du PKK dans les
montagnes kurdes irakiennes, ils sont monnaie courante et ne s'arrêtent
jamais vraiment.
Ce coup de menton sultanesque laisse les Américains perplexes et gênés, mais des soldats US patrouillent maintenant la frontière syro-turque. Message subliminal : ne bombardez plus les Kurdes. Si Erdogan passe outre, il risque de provoquer une conflagration au sein même de l'OTAN, ce qui ne manquerait pas de piment.
Le ton est très sec à Bagdad, à Damas mais aussi à Moscou où l'on juge "inacceptables" les frappes turques. On se rappelle que les Russes avaient eux aussi déployé des troupes dans le canton kurde d'Efrin, en guise d'avertissement à Ankara. Si l'entente américano-russe
en Syrie a connu des hauts et des bas ces dernières semaines, il semble
qu'elle reste tout de même suffisamment solide au nord pour bloquer le sultan.
Le
déploiement ou l'exhibition même symbolique de troupes (bleu marine
pour les Américains, bleu ciel pour les Russes) sont une mise en garde
aux velléités ottomanes :
Que
peut faire Erdogan ? Rien. Il est bloqué, "cornérisé". Il s'est fait
rouler dans la farine par Poutine qui, comme nous l'avions prévu, a
utilisé les Turcs pour repousser Daech d'Al Bab avant de leur fermer la porte au nez. La rencontre entre les deux hommes à Sochi le 3 mai vaudra son pesant de loukoums.
Un
mot cependant sur l'incompréhension qui frappe les observateurs, dont
votre serviteur, devant une incongruité absolue. Ce blog a suffisamment
démontré les talents stratégiques de Poutine pour ne pas relever
l'énorme connerie - désolé, il n'y a pas d'autre mot - qu'il s'apprête à
faire en autorisant semble-t-il la livraison de S-400 à la Turquie !
Certes la vente n'est pas encore faite, certes il y a des protocoles, certes la Syrie pourrait aussi en bénéficier,
mais enfin... Comment avoir une seule seconde confiance en Erdogan ?
Comment être sûr qu'il ne refilera pas certains secrets à l'OTAN ou
n'utilisera pas les S-400 contre des alliés de Moscou ? Comme oser
placer la Turquie du führerinho sur le même pied que des alliés
stratégiques comme la Chine ou l'Inde, seuls pays avec l'Algérie à
avoir reçu ces systèmes ? Ca nous dépasse...
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Ailleurs en Syrie, les loyalistes sont partout à l'offensive. A l'est de Damas, la poche de Qaboun devrait bientôt tomber et la Ghouta s'enfonce dans la guerre civile inter-barbue, même si prendre ce dernier abcès ne sera pas une promenade de santé. La zone gouvernementale s'étend autour de Palmyre
où Daech recule assez fortement. Au nord de Hama, les djihadistes ont
réussi à enrayer la débandade et stabilisé temporairement le front, mais
leurs contre-attaques stériles leur coûtent, l'une après l'autre, de nombreuses pertes. Après une petite pause, l'attention loyaliste se tourne maintenant vers Lataminah, prochain objectif de l'armée. Plus au nord, à Idlib, dernier fief rebelle, les assassinats/attentats continuent de miner la grande fraternité barbue.
Avant-hier, Israël a fait sa petite sortie mensuelle en bombardant un dépôt d'armes
du Hezbollah sur l'aéroport de Damas. Chose intéressante et qui a été
peu relevée : il s'agissait d'un missile tiré à partir d'Israël et non
d'un bombardement aérien avec survol du territoire. Cela semble indiquer
que l'avertissement
irano-russe au lendemain de l'affaire des Tomahawks a été pris au
sérieux à Tel Aviv : plus d'avions israéliens dans le ciel syrien.
Justement grâce aux S-400 que Moscou s'entête à négocier avec le
sultan...
Puisqu'on parle du pays de Goliath David, ajoutons cet aveu de l'ex-ministre de la Défense qui explique que Daech, qui occupe une petite poche sur le Golan, s'est excusé
après avoir ouvert le feu sur une patrouille israélienne. Il se peut
qu'il s'agisse d'un accrochage ayant eu lieu en novembre et qui s'est
terminé par des salves israéliennes tuant quatre petits hommes en noir.
Pourquoi ces excuses : peur des représailles, "alliance" ponctuelle et
locale ? La presse israélienne s'interroge en tout cas sur le canal de
communication utilisé avec l'entité terroriste, ce qui pourrait
constituer une grave violation de la loi.
Golan vers lequel se dirigera une nouvelle unité
formée par les Russes pour reprendre le terrain aux djihadistes.
Gageons qu'à ce moment, les lignes téléphoniques entre Moscou et tel
Aviv seront très occupées pour éviter tout dérapage.
En vrac, le
président russe est plus populaire que jamais en Syrie et beaucoup de
bébés appelés "Poutine" ou "Vladimir" ont vu le jour ces derniers temps. A Alep libérée, une femme a été nommée maire d'un district.
Les Occidentaux, si soucieux de féminisme, sont... silencieux. Il est
vrai que les euronouilles (au minimum six d'entre eux) préfèrent élire sans rire
l'Arabie saoudite à la Commission des femmes de l'ONU ! Pour l'instant,
seule la Belgique a avoué. Le gouvernement finissant de Flamby, lui,
tient à garder son vote secret...
Source : http://www.chroniquesdugrandjeu.com/sultanpete-dans-un-verre-d-arak