Au
moins, le message est clair. Selon le très officiel « Global Times »,
la Chine défendrait le régime de Kim Jong-un si Washington venait à
déclencher une guerre. Elle resterait neutre si c’est Pyongyang qui
attaque en premier. Pendant ce temps, la « guerre des mots » continue. La Corée du Nord n'étant ni un pays arabe, ni un pays musulman, Washington n'a pas les mains libres pour la détruire et lui piquer ses richesses impunément.
Enfin,
serait-on tenté dire. Depuis une semaine, Trump s’égosille pour que la
Chine s’interpose dans la guerre psychologique avec la Corée du Nord.
C’est chose faite, mais pas dans le sens rêvé par le président
américain. « Si
la Corée du Nord lance des missiles qui menacent le sol américain et que
les États-Unis ripostent, la Chine restera neutre », a lancé le Global Times dans un éditorial. Mais, ajoute le journal officiel du Parti, « si
les États-Unis et la Corée du Sud effectuent des frappes et essayent de
renverser le régime nord-coréen, la Chine les empêchera de le faire ». Bien sûr, la Chine a voté pour les sanctions onusiennes contre la Corée du Nord le samedi 5 août. Le Global Times réaffirme également son opposition à « la prolifération nucléaire et à la guerre dans la péninsule coréenne ». Mais
attention, pas touche aux intérêts vitaux des Chinois. Aux yeux de
Pékin, tout vaut mieux qu’un effondrement du régime de Kim Jong-un, qui
provoquerait d’abord une arrivée massive de réfugiés dans le Nord-Est
chinois, et serait suivie d’une réunification de la péninsule sous la
houlette du Sud, soutenue militairement par les Américains. Ce serait
laisser Washington étendre son influence jusqu’à la frontière chinoise.
Inacceptable. En définitive, la Corée du Nord, État tampon
indispensable, sert les intérêts stratégiques de Pékin, souligne le South China Morning Post. C’est pourquoi la Chine milite pour le maintien du statu quo dans la péninsule coréenne.
L’éditorialiste du Global Times ne se fait aucune illusion sur la situation actuelle. Le dialogue pacifique entre Washington et Pyongyang n’est « pas à l’ordre du jour ». Le régime de Kim Jong-un maintient son plan d’attaque sur Guam.
Quant aux Américains, ils ont préparé des bombardiers pour de
potentielles frappes préventives sur les sites d’armement nord-coréens,
constate le quotidien chinois. Même si aucun des deux ennemis ne veut
d’une guerre, le Global Times veut ainsi indiquer clairement la ligne suivie par Pékin en cas de déclenchement d’un conflit armé.
En
parallèle, la guerre des mots se poursuit. A Washington, Trump n’a pas
l’intention de faire profil bas. Le milliardaire a certes suscité un
tollé national et à l’étranger après ses propos sur le « feu et la colère » promis à à la Corée du Nord. Mais ce n’est pas ce qui l’occupe. « Peut-être que ce n’était pas assez ferme », a-t-il
renchéri ce jeudi 10 août, toujours depuis son Club de golf dans le New
Jersey. Jusqu’où faut-il aller ? Le locataire de la Maison-Blanche ne
donne pas de précision sur ses plans. Et fait même monter le suspense : « Vous verrez, vous verrez », a-t-il
fait miroiter aux journalistes. Pour lui, la situation a trop duré, et
puisque aucun de ses prédécesseurs n’a réussi à trouver une solution en
négociant, il préfère utiliser la méthode forte. « Quelqu’un doit bien le faire », défend-il. Et de réitérer ses menaces de destruction de la Corée du Nord en cas d’attaque sur Guam.
Furieux,
60 élus démocrates au Congrès ont adressé une lettre au secrétaire
d’État Rex Tillerson, lui demandant de modérer le président américain. « Ces
déclarations sont irresponsables et dangereuses, et sont une
bénédiction pour la propagande de la Corée du Nord qui cherche depuis
longtemps à présenter les États-Unis comme une menace pour son peuple », s’indigne la lettre citée par le New York Times.
L’ancien président Jimmy Carter, qui s’est rendu trois fois à Pyongyang
à titre privé, s’est invité dans le débat : « En plus d’éviter la
rhétorique belliqueuse, nos dirigeants doivent encourager le dialogue
entre la Corée du Nord et les autres pays, notamment la Chine et la
Riussie. » Mais comme le rappelle le secrétaire de la Défense Jim
Mattis, « le peuple américain a élu le président » : il n’est donc soumis à aucune censure et peut s’exprimer comme il l’entend.
Quelle issue à cette insidieuse escalade verbale entre Washington et Pyongyang ? Le Korea Herald évoque dans un éditorial une
solution qui attire de plus en plus la classe politique à Séoul :
nucléariser Corée du Sud afin de de contrebalancer l’arsenal du Nord.
Cette solution reste encore peu envisageable eu égard au principe de
non-prolifération. Mais, propose l’éditorial, il reste possible de
demander à Washington de nucléariser ses forces déployées dans le sud de
la péninsule coréenne. Cela permettrait d’équilibrer le rapport de
forces entre le Nord et le Sud. Et d’assurer en somme « un équilibre de la terreur », selon la veille expression de la guerre froide
Juliette Parjadis
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