« Donne-moi quelques dizaines de likes et je saurai
quelle est ta couleur de peau, ton orientation sexuelle et pour qui tu
votes. Donnes-moi 150 likes et je te connaîtrai mieux que tes parents.
Encore quelques likes et que je te connaîtrai mieux que toi-même. »
Tels sont les mots que m’a tenu Mark Zuckerberg dans le dernier
sanctuaire où je peux encore vivre anonymement et sans craindre que mes
divagations puissent un jour être retenues contre moi : dans mes rêves.
Pierre-Joseph Proudhon disait qu’être gouverné, « c’est être
gardé à vue, inspecté, dirigé, légiféré, réglementé, parqué, endoctriné,
prêché, contrôlé, estimé, apprécié, censuré, commandé et espionné ». Rien n’a changé si ce n’est la technologie.
Cambridge Analytica, le fossoyeur de démocratie
Nous sommes espionnés, analysés, profilés et classés. Cambridge
Analytica, une lugubre entreprise de profilage psychologique, a fait
fortune en segmentant la population grâce aux données de Facebook.
Jusqu’à 5000 traits de caractères ont été passés au crible pour affiner
le ciblage des électeurs et les bombarder avec des fake news et autres messages de propagande sur-mesure en fonction de 32 types de personnalités déterminés par les psychologues de la firme.
« Notre job est de cerner quelles sont les peurs les plus
profondes des électeurs (profil psychologique). Il ne sert à rien de
faire une campagne politique en se basant sur des faits car les votes
dépendent de l’émotionnel. » Dixit les dirigeants de Cambridge Analytica.
Nous savons aujourd’hui qu’une bonne partie de cette désinformation a
été produite de manière industrielle dans la petite ville de Veles, en
Macédoine. Là-bas, des centaines d’adolescents peuvent gagner jusqu’à
plusieurs milliers de dollars par jour en publiant des intox (images
photoshopées, articles paraphrasant des contenus d’extrême droite pour
propager la haine de l’autre etc.) ...
Bref, pour peu que le petit pouce Facebook vous démange et que vous
partagiez régulièrement sur les réseaux sociaux, ceux qui moissonnent
vos données privées savent qui sont vos amis, pour qui vous votez, où
vous travaillez, avec qui et quand vous baisez, ce que vous lisez etc.
D’innombrables croisements de ce genre de données brutes peuvent être
effectués pour en savoir bien davantage et notamment vos comportements
futurs. Visa peut, par exemple, prédire deux ans à l’avance un divorce
en se basant seulement sur l’activité d’une carte bancaire…
« L’oubli est une grâce » Julien Green
L’IA lit en nous comme dans un livre ouvert et, jusqu’à présent, ce
sont des politiciens comme Donald Trump ou Jair Bolsonaro qui ont
bénéficié de cette technologie.
ALEXA, est-ce que tu m’aimes ?
Qui n’a jamais eu la surprise de recevoir des publicités sur son
téléphone très peu de temps après avoir manifesté à haute voix son
intention d’acheter telle ou telle chose ? Les GAFAM nient mais il ne
fait aucun doute que notre smartphone soit un mouchard qui enregistre
nos conversations privées. OK Google, Siri (Apple), Alexa (Amazon) sont
autant d’intelligences artificielles fouineuses qui nous anatomisent non
pas (que) pour mieux nous « cibler avec leurs publicité » mais pour
sonder au plus profond de nos êtres en vue de mieux nous manœuvrer.
Les faux frères électroniques s’immiscent même sur nos lieux de
travail. On ne parle pas des footballeurs marqués à la culotte pour
mesurer les distances parcourues mais des balises GPS dont Amazon équipe
ses employés pour s’assurer qu’ils fassent assez de kilomètres. La
multinationale – qui fraude allègrement les impôts en France – envisage
même de les menotter avec des « bracelets électroniques » à vibrations
pour guider leurs mains. À deux doigts d’inventer le collier électrique
pour chien…
Dans le même registre, des millions de dollars sont actuellement
dépensés pour faire cohabiter les employés avec des IA qui pourraient
écouter les conversations des équipes afin de « s’assurer que chaque membre ait son mot à dire
». Dans un monde où le politiquement correct est devenu du fascisme
inversé, on se demande bien ce qui pourrait mal tourner… Au lieu de
fantasmer sur la singularité, nous ferions mieux de nous demander si
l’IA n’est pas en train de robotiser l’humain.
Les « cookies » gardent la trace de tous les sites internet que nous
visitons. Sitôt un pied dehors, dans certaines villes des caméras à
reconnaissance faciale prennent le relais. Big Brother se cache même
dans l’espace et l’entreprise BlackSky global promet bientôt 70 images
HD par jour de toutes les grandes agglomérations. Assez pour savoir
quand votre voiture se trouvait ou non dans votre allée.
Et après ?
Totalitarisme à la pékinoise
Le fait de savoir que tous nos faits et gestes sont gardés en mémoire
provoque une autocensure qui se métamorphose en aliénation
inconsciente. La crainte passive de la surveillance de masse inhibe les
masses bien plus efficacement que n’importe quelle police et suffit à
décourager tous ceux qui auraient autrement battu le pavé s’ils se
savaient protégés par l’anonymat.
C’est à travers ce prisme de l’épée Damoclès omnipotente qu’il faut
analyser la « loi haine » qui prépare le retour pur et simple de la
censure sous couvert de pénaliser les excès verbaux en ligne. La liberté
d’expression ne connaît aucun excès verbal. Cette loi scélérate, à
l’instar de l’enfer éternel, vise à inhiber l’envie d’exprimer sa colère
face à l’injustice benallisée. Napoléon ne disait-il pas que la
religion, « c’est ce qui retient le pauvre de tuer le riche » ?
.......
Contrairement aux
centaines de milliers d’agents de la Stasi nécessaires pour surveiller
la population de RDA, les vies sont passées à la moulinette d’une seule
IA ayant accès aux historiques d’achats et de recherche sur internet
sans oublier nos opinions postées sur les réseaux sociaux. Et gare à
ceux dont la philosophie de vie diverge du standard officiel…
Critiquez le parti sur Internet, cessez de rendre visite à vos
parents âgés ou fréquentez des amis mal notés, et votre crédit social
s’amenuisera, tout comme vos libertés. Taux d’emprunt plus élevé,
impossibilité de quitter le territoire, interdiction de prendre le train
ou l’avion, temps d’attente plus long pour se faire soigner,
ralentissement de la connexion internet etc. En revanche, soyez un clone
docile et alors vos enfants seront autorisés à fréquenter les
meilleures écoles. Vous jouirez de réductions d’impôts et d’une myriade
d’avantages réservés aux citoyens modèles.
Pas d’inquiétude néanmoins si la baisse de votre crédit social a fait
de votre vie un enfer. Il vous suffira de donner votre sang, de faire
du bénévolat ou d’écrire des commentaires bienveillants à l’égard du
gouvernement pour regagner l’estime de Mr. Algo. Ce n’est pas le
synopsis d’un film de science fiction dystopique. La surveillance de
masse est actuellement présentée comme une nécessité face à l’épidémie
de Coronavirus et les entreprises qui développent les caméras à
reconnaissance faciale n’hésitent plus à se vanter que leurs centaines
de millions de cyclopes indiscrets permettent de repérer les fiévreux.
Dis-moi ce que tu achètes et je te dirai qui tu es
Certes, la valeur d’image a remplacé la valeur d’usage et nos actes
d’achat sont l’expression délibérée de notre assuétude au mimétisme de
classe.
« Nous achetons des choses dont nous n’avons pas besoin avec de l’argent que nous n’avons pas pour impressionner des gens que nous n’aimons pas. […] La pub nous fait courir après des voitures et des fringues, on fait des boulots qu’on déteste pour se payer des merdes qui nous servent à rien ! » Fight Club
Nous payons bêtement pour arborer des signes de réussite ostentatoire
illusoires mais il n’en demeure pas moins que chacun a son jardin
secret. Avoir la possibilité de payer de façon anonyme est un rempart
contre cette surveillance totale qui voudrait insidieusement nous
inciter à refouler notre moi par crainte de ne pas être « normal ». De
ne pas être un consommateur compulsif à l’ego démesuré.
Le cash protège ce qu’il nous reste de vie privée mais là aussi,
l’étau se resserre, lentement, sans faire de bruit. Il est désormais
interdit de payer en liquide lorsque le prix dépasse 1000 euros et plus
de 1000 distributeurs disparaissent tous les ans en France. Au Danemark,
les commerçants ne sont plus obligés d’accepter l’argent liquide et, en
2018, la banque centrale européenne a arrêté la production du billet de
500 euros. Même les pièces de centime sont en voie de disparition ! La
Belgique, par arrêté royal, a rendu obligatoire l’arrondi aux 5 centimes
supérieurs pour préparer le terrain à la disparition de la petite
mitraille de 1 et 2 centimes. (Il ne faudrait pas que l’inflation se
voit trop non plus). En Suède, certains acceptent de se faire implanter
des micro-puces sous la peau pour régler leurs achats.
La question qui se pose désormais est : qui risquera d’acheter une
place pour aller voir un humoriste transgressif ou faire un don à telle
ou telle organisation militante s’il sait que cela pourra le nuire par
la suite ?
La Chine a prévu de lancer cette année le « cryptoyuan ». Une
cryptomonnaie qui n’a bien évidemment rien à voir avec le Bitcoin. Là
encore, le Coronavirus a bon dos pour justifier la fin du cash en
prétextant que les pièces et billets sont un vecteur de transmission du
virus alors qu’un micro-organisme ne survit pas plus de deux heures sur
un billet. Même scénario en Inde où la banque centrale veut une société
sans argent liquide dès 2021. La Chine et l’Inde représentent 34 % de la
population mondiale.
« À moins d’un changement de cap, la civilisation mondiale sera devenue d’ici à quelques années une dystopie de surveillance postmoderne à laquelle seuls les plus habiles auront une chance de se soustraire. » Julian Assange
I Own U
Au-delà du contrôle insidieux de la société via l’instauration d’un
climat de paranoïa, la fin du cash empêchera toute échappatoire face au
racket d’un système bancaire chaque jour un peu plus insolvable en
raison du pic de pétrole conventionnel que nous avons franchi en 2007
(AIE). Les banquiers savent que sans énergie abondante (peu chère), il
est illusoire d’espérer la croissance économique indispensable à leur
système d’esclavage par la dette et ses intérêts usuriers. Les taux
auront beau rester à 0 %, rembourser la dette dans un monde en
décroissance est une chimère.
Que ce soit le pic pétrolier (prévu pour 2025) où l’obligation de
laisser le carbone dans le sol afin d’éviter la catastrophe climatique,
le système capitaliste productiviste finira tôt ou tard par imploser.
L’effondrement de près de 80 % de la valeur boursière du secteur
bancaire européen n’est que le prélude d’un effondrement dans le réel
et, ce jour-là, nous réaliserons que l’argent que nous croyions en
sécurité à la banque, n’existe pas.
« La monnaie c’est l’or. Tout le reste n’est que du Crédit. » J.P. Morgan
« La monnaie est par nature l’or. » Karl Marx
La fin du cash protégera les banques contre leur plus grande
hantise : le « bank run ». La dématérialisation totale de l’argent nous
empêchera d’échanger la fausse monnaie se trouvant sur nos comptes en
banque contre une monnaie ayant une valeur intrinsèque comme le Bitcoin
ou l’or. Rappelons qu’en 1933, le président Franklin D. Roosevelt ne
s’était pas gêné pour confisquer tout l’or des américains en leur
ordonnant de le ramener à la banque sous peine de 10 ans de prison.
Le billet de banque se distingue de l’or car il n’a évidemment aucune
valeur intrinsèque, mais il a toujours plus d’utilité que des zéros sur
l’ordinateur d’une banque en faillite. Il ne peut pas être confisqué
d’un clic et permet de s’offrir une porte de sortie anonyme avant le
cataclysme financier qui verra l’or revenir au centre du système
monétaire international.
L’or présente l’intérêt de n’être la dette de personne si bien qu’il
ne présente aucun risque de défaut contrairement aux monnaies nationales
qui sont forcément adossées à la dette des nations qui les émettent. Il
est le « canari dans la mine de monnaies » et ce n’est pas pour rien si
la Chine et la Russie – qui ont pour ambition affichée de «
dédollariser » le commerce mondial – en achètent sans compter depuis 20
ans. Ce n’est pas non plus une coïncidence si les banques centrales
européennes se remettent à en acheter pour la première fois depuis 1999,
lorsqu’elles s’étaient promis de faire oublier cette bonne vieille
relique barbare.
L’argent, tel qu’il est créé de nos jours, est un outil d’esclavage,
mais la fin du cash sera paradoxalement une chaîne supplémentaire.
Nos Desserts :
- « Au nom du Coronavirus, l’État met en place la société de contrôle », sur Reporterre
- « La ‘ville sur’ ou la surveillance par les algorithmes », sur Le Monde Diplomatique
- Sur Le Comptoir « Coronavirus, le pillage de nos données personnelles ? »
- L’universitaire Olivier Ertzscheid affirme qu’ « Aucune technologie sociale n’est neutre »
La Sœur Kim yo jon prête à succéder à Kim jung Un 36 ans? Sur côté est ? Nomenklatura! Silence Radio ! BASTA !!!
RépondreSupprimer