Les rabbins disent souvent que l’antisémitisme est la jalousie de ceux qui n’ont pas été choisis par Dieu – une sorte de complexe de Caïn.
Le conseiller politique juif français Jacques Attali propose une variante plus subtile : l'antisémitisme est un ressentiment contre ceux à qui nous sommes redevables .[1] Que doivent les chrétiens aux juifs ? Dieu, bien sûr ! Sans les Juifs, nous ne connaîtrions pas Dieu et nous leur en voulons.
Je ne suis pas d'accord. Si les Goyim sont ingrats, c’est peut-être parce qu’au plus profond de leur âme, ils se savent trompés. Ils ont accepté des Juifs un faux Dieu, une contrefaçon grotesque et malveillante. Pire encore, les Juifs les ont convaincus il y a longtemps de jeter ce qu’ils possédaient depuis le début.
Nous, chrétiens, avons signé un contrat civilisationnel qui nous interdit depuis deux mille ans d'accéder à l'idée de Dieu par la seule raison, comme nous l'avaient enseigné les Grecs et les Romains, et qui exige en revanche notre adhésion à la « révélation » des Juifs que Dieu est le dieu d'Israël. Les Juifs nous ont ainsi dépouillés de la liberté la plus essentielle et ont obtenu de nous la reconnaissance de leur supériorité métaphysique originelle, une puissance symbolique incomparable et imparable.
La civilisation de la ruse
Nous aurions dû le savoir mieux. Il est assez clair dans les écritures juives que la ruse est l’essence de la judéité. C'est en trompant son père, son frère et son oncle que Jacob devint le fondateur éponyme d'Israël (Genèse 25-36). John E. Anderson a tenté de justifier cette « théologie de la tromperie » hébraïque dans un livre intitulé Jacob and the Divine Trickster (2011). Comment Dieu peut-il être « complice de la tromperie de Jacob » ? La réponse d’Anderson est que Dieu devait exister, dans le but supérieur de « perpétuer la promesse ancestrale ».[2] Mais bien sûr, la question elle-même est stupide à moins que, comme Anderson, vous ne soyez victime de la tromperie biblique fondamentale et que vous ne preniez le Dieu biblique au sérieux. Si Yahweh est simplement « le dieu d’Israël qui prétend être Dieu », alors tout est parfaitement logique : tel Dieu, tel peuple, et vice versa.
L'origine de cette astuce métaphysique semble remonter au Ve siècle avant JC, à Babylone sous domination perse, lorsqu'Esdras publia la première version du Tanakh (révisée plus tard par les Hasmonéens). Comme je l'ai montré dans De Yahvé à Sion , le subterfuge est presque transparent dans les livres d'Esdras et de Néhémie, dans lesquels la divinité appelée « Yahvé, le dieu d'Israël » dans le corps du texte, est appelée « Yahvé, le Dieu du Ciel » dans les faux édits attribués aux rois perses autorisant la reconstruction du temple de Jérusalem : l’implication est que les Perses zoroastriens ont été trompés en leur faisant croire que les Juifs adorent le Dieu universel.
Esdras vivait à l’époque du roi des rois perse Artaxerxès Ier, qui avait une politique religieuse notoirement tolérante. Il est intéressant de noter qu’Hérodote, qui vivait à la même époque, a écrit ceci à propos des Perses : « Ils considèrent le mensonge comme la chose la plus honteuse de toutes. »
On ne sait pas clairement dans quelle mesure les Perses ont été réellement trompés par les Juifs (appelés alors Judéens). Mais depuis ce jour, la relation du royaume de Judée avec l’Empire (et plus largement avec les Gentils) repose sur ce même double langage : on dit aux Gentils que le Temple de Jérusalem est dédié au Grand Dieu universel, mais les Juifs savent que c'est la demeure du dieu d'Israël, où seuls les Israélites sont admis. Ce double langage devient un double sens paradoxal : Yahvé est à la fois le Dieu universel et le dieu national d’Israël. Et ce double sens paradoxal est intériorisé par les Juifs eux-mêmes, dont l’esprit est tordu par cette foutaise cognitive de génération en génération.
Une autre facette de ce stratagème est le double sens de la judéité, qui pour les Juifs signifie séparation ethnique, mais qui pour les Gentils est présentée comme une foi dans le Dieu universel. Le premier sens est pratique, le second théorique ; la pratique est pour les Juifs, la théorie est pour les Gentils. Mais le double sens est intériorisé, et les juifs considèrent que ce qui les unit est à la fois une religion (le judaïsme) et une communauté génétique (la juiverie).
Israël est donc la civilisation de la supercherie, de la ruse, du double langage, du mensonge et de tout autre synonyme que vous puissiez trouver. La ruse était au départ un moyen de survie collective pour les Juifs en période d’exil ou de dispersion, mais elle est devenue au fil des siècles un mode de vie et un mode de domination.
La civilisation romaine était fondée sur la culture grecque, centrée sur la sagesse, synonyme de vérité. Même si Rome avait également une passion pour la construction d’un empire, celle-ci reposait sur une passion pour le droit, qui était une application pratique de la raison grecque. C'est ce que j'ai expliqué dans mon article précédent (« Israël contre le droit international » ), où je comparais la loi de Rome basée sur la raison humaine et l'universalisme avec la loi d'Israël basée sur la révélation divine et le chauvinisme ethnique.
Je rappellerai ici brièvement les trois épisodes majeurs de la lutte à mort entre les civilisations romaine et juive, commençant à l'époque hellénistique et se terminant avec la conversion de Rome au christianisme. Mais d’abord, réglons la question de Dieu : les Romains croyaient-ils en Dieu ? En d’autres termes : avions-nous besoin d’être présentés à Dieu par les Juifs ?
Le Dieu des Romains
Nous considérons normalement le conflit entre Rome et Jérusalem comme un conflit entre polythéisme et monothéisme. Ce n'est pas faux. Aucun peuple n’était plus polythéiste que les Romains. Ils étaient si hospitaliers envers les dieux qu’ils adoptèrent même les dieux des vaincus. Mithra en est un bon exemple.
Mais l’opposition entre polythéisme et monothéisme est superficielle. Les Romains instruits croyaient en l’unité du divin, c’est-à-dire en un Dieu unique. Ils concilient ce monothéisme philosophique avec le polythéisme populaire et civique de deux manières. Premièrement, il y avait un Dieu suprême, qu'ils appelaient Jupiter, ce qui signifie simplement « Dieu le Père » (de Diu et Pater ). Deuxièmement, tous les dieux pourraient être considérés comme diverses manifestations ou représentations limitées du divin. Par conséquent, « Dieu » et « les dieux » sont des expressions indifférentes dans De la nature des dieux de Cicéron et dans de nombreux autres textes anciens. (Et rappelons que dans l’une des sources les plus anciennes de la Bible hébraïque, le singulier El et le pluriel Elohim sont utilisés de manière interchangeable.)
Pensons-y de cette façon : pourquoi Dieu serait-il masculin plutôt que féminin, et singulier plutôt que pluriel ? Les Grecs, comme les Égyptiens, trouvaient naturel d’imaginer le divin comme à la fois diversité et unité. Le polythéisme était un monothéisme inclusif.
Les Romains les plus instruits étaient éclectiques dans leurs opinions philosophiques, mais l’école la plus influente était le stoïcisme. Elle eut la faveur de Cicéron à la fin de la République, et de Marc Aurèle au zénith de l'Empire. Le fait que les stoïciens professaient une forme de monothéisme est indiscutable. Dans un célèbre hymne à Zeus , le philosophe stoïcien Cléanthe (IIIe siècle avant JC) a appelé Dieu « le grand souverain de la nature, gouvernant tout par la loi », vers qui les hommes doivent se tourner pour vivre « la vie noble, la seule vraie richesse ». Cléanthe a prié pour que les gens qui font le mal par ignorance puissent être éclairés : « Disperse, ô Père, les ténèbres de leur âme. »
On dit que les stoïciens ont confondu Dieu avec le cosmos ou avec la nature, et c'est pour cela qu'ils ont été qualifiés dans les temps modernes de « panthéistes ». Mais il faut être prudent avec les mots grecs et leurs traductions : Kosmos signifie « ordre », impliquant un « Dessein Intelligent », et Nature ( Phusis ) a un sens dynamique : c'est le principe qui anime la Nature.
Cependant, les Grecs et les Romains ne prétendaient pas connaître Dieu, encore moins ce que Dieu veut, ce que Dieu dit ou ce que Dieu aime. Un tel anthropomorphisme était acceptable pour les dieux, pas pour Dieu. Dieu est, pour le philosophe, l'inconnaissable, ou du moins l'indicible, puisque dire quoi que ce soit sur Dieu, c'était limiter l'infini. C’est ce que nous pouvons appeler l’humilité philosophique, qui contraste avec l’arrogance théologique.
Mais si Dieu est inconnaissable, les lois par lesquelles Il gouverne le Cosmos sont en partie accessibles à la science humaine. Ces lois constituent une sorte de principe intermédiaire, la pensée créatrice ou sagesse de Dieu, appelée Logos dans la tradition platonicienne, parfois identifiée à la Sophia féminine, la Sagesse de Dieu. Le fait que l'univers soit régi par des lois naturelles est la preuve de l'existence de Dieu, selon Cicéron ( De la nature des dieux II.12.34) :
Car lorsque nous regardons vers le ciel et contemplons les corps célestes, qu'y a-t-il de plus évident et de plus manifeste que l'existence d'une puissance possédant une intelligence transcendante par laquelle ces choses sont gouvernées ?
Le Dieu des Juifs
Contrairement aux Romains qui pensaient que Dieu était directement inconnaissable, les Juifs considéraient qu’eux, et eux seuls, connaissaient Dieu personnellement. Eux seuls connaissent le vrai nom de Dieu, qu'il a révélé à Moïse lors d'un entretien personnel. Ils connaissent même l'adresse de Dieu : il habite à Jérusalem et nulle part ailleurs (ils l'y ont amené du Sinaï dans une arche). Seuls les Juifs connaissent suffisamment Dieu pour savoir ce qu'Il aime et ce qu'Il n'aime pas (Il aime « l'odeur agréable » des holocaustes, par exemple, Genèse 8 : 21), ou ce qu'Il veut à un moment donné, en fonction de Son humeur. Le Dieu juif est un individu et un Dieu parlant.
Bien entendu, le plus important est que les Juifs savent que Dieu les a choisis pour gouverner le monde. Dieu leur a dit dans Deutéronome 32 :8-9 qu'après avoir créé toutes les nations, il a délégué un petit « fils de Dieu » (un ange ?) à chaque nation mais a gardé Israël pour lui. Et les autres nations doivent servir Israël ou périr : « Les rois se prosterneront devant toi, le visage contre terre, et lécheront la poussière à tes pieds », tandis que « je ferai manger à tes oppresseurs leur propre chair » (Ésaïe 49 : 23). 26). Ainsi parle Yahvé !
Selon les Gréco-Romains, Dieu communique avec les hommes par la raison. La raison est la source de la connaissance, et la connaissance est la source de la vertu, qui est une vie en harmonie avec le cosmos (et avec votre propre nature ou destin), et la source du vrai bonheur. C’est du stoïcisme en un mot.
Contrairement au Dieu gréco-romain, le Dieu juif ne se connecte pas à son peuple par la raison, mais par la loi. La « connaissance du bien et du mal », tout l’intérêt de la philosophie grecque, est le fruit défendu de Genèse 3, une histoire qui constitue une attaque polémique évidente contre l’hellénisme (ce qui prouve l’origine tardive de cette histoire). Le païen romain Celse (vers 178 après JC) a commenté que le Dieu juif est l’ennemi de la race humaine « puisqu’il a maudit le serpent, de qui les premiers hommes ont reçu la connaissance du bien et du mal ».[3] Il n’y a pas d’autre norme morale dans la tradition hébraïque que de suivre les lois et commandements arbitraires de Yahweh (comme tuer tout le monde dans telle ou telle ville).
Le Dieu suprême est pour les Romains, et les Stoïciens en particulier, un principe d'unité, et donc d'harmonie entre les hommes. Le Dieu juif, au contraire, apporte la division : sa Loi (Torah) vise principalement à séparer son peuple élu du reste de l'humanité. Même avant la naissance d’Abraham, le Dieu juif détestait voir les hommes s’entendre entre eux pour accomplir de grandes choses, comme une grande ville avec « une tour dont le sommet atteint les cieux ». Il se dit : « Descendons donc et confondons là leur langage, afin que l'un ne comprenne pas ce que dit l'autre » (Genèse 11 :6-7). La civilisation hellénistique étant fondée sur l’usage universel de la langue grecque, on peut déceler dans ce récit de la Tour de Babel, tout comme dans celui du Jardin d’Éden, une déclaration de guerre contre l’hellénisme.
Avant de s'opposer à Rome, Jérusalem s'est opposée à la civilisation hellénistique, qui englobait les royaumes séleucide et lagide (ou ptolémaïque). Et comme nous allons le voir maintenant, il y avait une dimension religieuse indubitable dans ce choc de civilisation, puisque le séparatisme juif était directement provoqué par l'affirmation incompréhensible des Juifs selon laquelle leur dieu ethnique était le Dieu universel, en d'autres termes, que le Dieu universel n'aimait que Juifs et voulait être adoré uniquement par les Juifs, à Jérusalem.
Rome contre Jérusalem : le choc des civilisations
En 167 avant JC, le roi Antiochus IV Épiphane, prenant au mot l’affirmation des juifs selon lesquels Yahvé est le Dieu suprême, soit Zeus, voulut consacrer leur temple à ce dernier. La plupart des Judéens (il n’y a pas encore de mots distincts pour «juif» et «judéen») n’y voyaient pas d’objection. Mais comme toujours dans l’histoire d’Israël, une élite fanatique a déclenché une guerre civile et pris en main le destin d’Israël. Cet épisode est intéressant car il prouve la nature trompeuse du monothéisme juif. Non seulement les élites juives méprisaient les dieux des autres peuples, détruisant leurs sanctuaires partout où ils le pouvaient, mais ils refusaient aux Gentils le droit de partager le culte de leur dieu national, tout en prétendant qu’il était le Dieu suprême de toute l’humanité. C’était insupportable pour les Grecs. Au cours de cette période sont apparues les premières expressions écrites de judéophobie, qui incluent plusieurs versions de l’histoire selon laquelle les juifs ne se sont pas échappés d’Égypte comme ils le prétendent, mais en ont été chassés comme des lépreux.
On retrouve cette histoire par exemple chez Diodorus Siculus, qui raconte également que, lorsque le roi Antiochus VII Euergète assiégea Jérusalem en 134 avant JC, ses amis «l’engageaient vivement à anéantir complètement le peuple juif, ou, du moins, à détruire ses institutions et à le forcer de changer sa manière de vivre. Mais le roi, plein de magnanimité et de mansuétude, se contenta de prendre des otages et acquitta les juifs des accusations portées contre eux, après avoir exigé le tribut qu’ils lui devaient et abattu les murs de Jérusalem7 » Ainsi, le royaume hasmonéen survécut, jusqu’à ce que, profitant d’une guerre civile provoquée par une rivalité dynastique, le général romain Pompée en prenne possession et mettre fin à l’indépendance juive (63 avant JC).
Paradoxalement, on observe aussi durant cette période une intense activité apologétique et même prosélytique juive. Nul ne l’incarne mieux que Philon d’Alexandrie (mort vers 45 après JC), qui s’efforce de montrer que tous les philosophes grecs se sont inspirés de Moïse, ce qui est une façon de conquérir Rome de l’intérieur. «C’était tenter au profit du judaïsme, ce que le christianisme réalisera quatre siècles plus tard», explique le cardinal Jean Daniélou,qui précise par ailleurs que Philon est lié par son frère à «la grande banque internationale juive», créditrice de la famille impériale8.
En Israël se développe cependant un nationalisme messianique anti-romain, dont le contexte transparaît dans les évangiles. En 66 après JC, l’empereur Néron envoie le général Vespasien et son fils Titus soumettre cette Jérusalem rebelle. La guerre dura quatre ans et se termina par le pillage et la destruction du temple. Comme dit plus haut, les Romains avaient coutume d’accueillir les dieux des peuples vaincus, par une cérémonie d’evocatio. Mais le dieu des juifs, Yahvé, était considéré comme inassimilable, voire malfaisant. Aussi ses objets sacrés furent-ils traités comme un vulgaire butin de guerre. De plus, comme les juifs du monde entier avaient obligation de payer deux drachmes par an pour leur temple, Vespasien les obligea désormais à payer cet impôt au temple de Jupiter au Capitole9. Le message ne pouvait être plus clair.
Sous la dynastie suivante (les Antonins), l’empereur Trajan dut réprimer des insurrections juives dans toute la Diaspora, notamment en Afrique du Nord (115-117). Son héritier Hadrien fit face à un grave soulèvement messianique à Jérusalem, dirigé par le messie autoproclamé Shimon Bar Kochba, qui réussit à établir un État indépendant pendant quelques années (132-135). La campagne militaire romaine fit 580.000 morts selon Dion Cassius, qui ajoute : «À Jérusalem, Hadrien fonda une ville à la place de celle qui avait été rasée, la nommant Aelia Capitolina, et à l’emplacement du temple du dieu, il éleva un nouveau temple à Jupiter10.» Les juifs furent bannis de la ville et la circoncision fut interdite dans tout l’Empire. Le nom d’Israël fut effacé et la nouvelle province fut rebaptisée Syria Palæstina (en souvenir des Philistins d’origine grecque). Hadrien pensait ainsi avoir fait disparaître Israël une bonne fois pour toute.
Il faut donc retenir que la lutte entre Rome et Jérusalem est une dynamique centrale de l’histoire de l’Empire romain. Cette réalité a été largement sous-estimée dans l’historiographie occidentale, héritière d’une civilisation chrétienne dont la vocation était de réconcilier Rome et Jérusalem.
Rome conquis par Jérusalem
Israël survécut à la tentative romaine d’éradication, par la culture talmudique de la Diaspora. Israël survécut dans - et peut-être même par -la haine de Rome. Cette haine couvait certainement au sein de la communauté des 97.000 captifs juifs ramenés à Rome par Vespasien (selon Flavius Josèphe), dont beaucoup furent affranchis, et certains même, comme Josèphe lui-même, adoptés dans la famille impériale, c’est-à-dire anoblis. Dans les deux premiers siècles de notre ère, la haine vengeresse de Rome s’exprime de façon cryptée dans une littérature juive apocalyptique qui reprend les codes symboliques du Livre de Daniel : Rome est assimilée à la quatrième bête de la vision de Daniel, munie de dix cornes, qui «mangera toute la terre, la foulera aux pieds et l’écrasera» (7,23).
L’Apocalypse de Jean, qui clôt le canon chrétien, appartient typiquement à cette littérature. Rome y est appelée «Babylone la Grande, la mère des prostituées et des abominations de la terre». Elle est «assise sur une Bête écarlate couverte de titres blasphématoires et portant sept têtes et dix cornes». Les sept têtes représentent les sept collines de Rome. «Et cette femme-là, c’est la Grande Cité, celle qui règne sur les rois de la terre.» L’ange proclame : «Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la Grande ; elle s’est changée en demeure de démons» ; «en un seul jour, des plaies vont fondre sur elle : peste, deuil et famine ; elle sera consumée par le feu». «Alleluia ! Oui, sa fumée s’élève pour les siècles et des siècles» (17,5-19,3). Vient ensuite une vision de «la Cité sainte, Jérusalem, qui descend du ciel, de chez Dieu» (21,10).
Comment expliquer cette diabolisation de Rome dans la religion qui, au IVe siècle, deviendra la religion de Rome ? Il faut renverser la question : comment expliquer que Rome s’est convertie à une religion dont la prophétie programmatique est la chute de Rome et la renaissance de Jérusalem ?
La conversion de Rome au christianisme est l’une des plus grandes énigmes de l’histoire, que nul historien n’a encore résolue. Ce qu’on sait, c’est que le christianisme s’est d’abord répandu à Rome par le bas. Selon l’auteur païen Celse, écrivant sous Marc Aurèle (161-180 après JC), les prédicateurs chrétiens, qui étaient encore à cette époque majoritairement juifs, ciblaient les personnes ignorantes et crédules, les esclaves et les femmes en particulier11.
En convertissant les masses incultes au christianisme, ont-ils hâté la chute de Rome ? De grands esprits l’ont pensé. Citons Ernest Renan :
«Durant le IIIe siècle, le christianisme suce comme un vampire la société antique, soutire toutes ses forces et amène cet énervement général contre lequel luttent vainement les empereurs patriotes. […] L’Église, au IIIe siècle, en accaparant la vie, épuise la société civile, la saigne, y fait le vide. Les petites sociétés tuèrent la grande société. La vie antique, vie tout extérieure et virile, vie de gloire, d’héroïsme, de civisme, vie de forum, de théâtre, de gymnase, est vaincue par la vie juive, vie antimilitaire, amie de l’ombre, vie de gens pâles, claquemurés12.»
Cette accusation n’est pas sortie du cerveau anticlérical de Renan. L’aristocratie sénatoriale romaine, restée majoritairement païenne jusqu’au Ve siècle, pensait de même. Il semblerait d’ailleurs que la faveur accordée au christianisme par les empereurs après Constantin soit un aspect de la lutte de pouvoir entre l’empereur et le Sénat. C’est ce que ce suggère la décision de l’empereur de retirer de la Maison du Sénat l’autel de la Victoire, avec sa statue de la déesse ailée tenant une branche de palmier. En 384, le sénateur Symmaque écrivit à l’empereur Valentinien II pour le supplier de restaurer l’autel et, avec lui, les «cérémonies ancestrales» qui apportent la bénédiction des dieux à Rome : «Qui est assez amical avec les barbares pour ne pas vouloir un Autel de la Victoire ?» demande-t-il.
De toute évidence, il y avait ici bien plus qu’une simple lutte de pouvoir entre les empereurs chrétiens et les sénateurs païens. Supprimer la déesse de la Victoire du Sénat romain ! Peut-on imaginer un geste symbolique plus sinistre ?
On sait qu’au début du Ve siècle les derniers païens tenaient les chrétiens responsables du sac de Rome par Alaric (410). C’est pour leur répondre que le grand saint Augustin écrivit La Cité de Dieu. Il ne conteste pas que les chrétiens se désintéressent de leur cité terrestre, se souciant uniquement de leur cité céleste. Mais il veut rassurer les Romains : en les dépouillant de leurs biens terrestres, les Wisigoths ont agi pour le salut de leur âme et les ont rapprochés de Dieu. Quant à leurs filles violées, aucun mal ne leur a été fait, puisque leur âme n’a pas été contaminée - à moins bien sûr qu’elles n’aient éprouvé du plaisir (I, 10).
Lorsque Rome se releva, elle était devenue une colonie de Jérusalem, avec un pape siégeant dans le palais impérial du Latran. Jérusalem devint, pour les descendants des Romains, la Ville sainte. Dix-huit siècles après que Rome ait tenté d’effacer Israël de la surface de la terre, l’Occident, éduqué dans l’idéalisation de ce même Israël antique, l’a recréé.
Et ce Dieu juif que nous avons adopté, qu’est-Il devenu ? Il est mort. Nous l’avons rejeté, comme un corps étranger qu’il était : plutôt vivre sans Dieu qu’avec cette grotesque parodie de la divinité ! Telle a été la logique historique de l’athéisme, comme l’a bien dit Thomas Jefferson : «Les sectes chrétiennes ont donné une grande prise à l’athéisme par le dogme qu’il n’y aurait pas de preuve suffisante de l’existence de Dieu sans la Révélation13.»
N’est-il pas temps de dénoncer l’abus de confiance dont nos ancêtres ont été victimes, et renouveler le contrat qui nous liait à la raison gréco-romaine ?
Bien entendu, nous garderons Jésus, dont l’histoire sublime nous enseigne tout ce que nous avons besoin de savoir sur les élites de Jérusalem et leur façon de faire crucifier leurs ennemis par le pouvoir impérial romain.
NOTES
- Laurent Guyénot, Du Yahvisme au Sionisme, KontreKulture, 2016, p. 51.
- John E. Anderson, Jacob and the Divine Trickster: A Theology of Deception and Yhwh’s Fidelity to the Ancestral Promise in the Jacob Cycle, Eisenbrauns, 2011, p. 1.
- Pierre Hadot, Le Voile d’Isis. Essai sur l’histoire de l’idée de nature, Folios/Gallimard, p. 27-28.
- Vie et opinions des philosophes illustres, VII, i, §147.
- De la nature des dieux, II, xii, §34.
- Origène, Contre Celse, VI, 28.
- Diodore de Sicile, XXXIV, 1, dans Théodore Reinach, Textes d’auteurs grecs et romains relatifs au judaïsme, 1895, p. 56-57.
- Jean Daniélou, Philon d’Alexandrie, Arthème Fayard, 1958, p. 24 et 14.
- Martin Goodman, Rome and Jerusalem: The Clash of Ancient Civilizations, Penguin, 2007, p. 454.
- Ibid., p. 484. Eusèbe de Césarée a une chronologie différente, mais c’est une source plus tardive.
- Louis Rougier, Celse contre les Chrétiens (1965),Le Labyrinthe, 1997, p. 17.
- Ernest Renan, Marc-Aurèle et la fin du monde antique (Histoire des origines du christianisme, livre VII), 4ème éd., Calmann Lévy, 1882, p. 589-90.
- Lettre à John Adams, 11 avril 1823.
Laurent Guyénot • 29 juin 2024
Source : Unz Review
Mauvais article. Fallacieux et biaisé.
RépondreSupprimerVoudriez-vous nous dire en quoi trouvez-vous cet article "mauvais, fallacieux et biaisé"? Soyez assez aimable de nous apporter des arguments solides qui nous obligeraient à partager votre jugement somme toute franchement lapidaire en l'état.
Supprimer@Anonyme 10:35
SupprimerCet article est trop savant pour vous. Lisez les aventures de Tintin, vous avez une petite chance de les comprendre.
Le commentateur anonyme de 19h35 a tout le fait le droit d'exprimer son opinion à propos de l'article considéré., Certes la manière lapidaire laisse à désirer.De votre coté, chevalier blanc.......Pourquoi ne pas nous apporter votre éclairage......vos analyses et explications afin de nous instruire sur ce thème. Aussi ne soyez pas aussi catégorique pour ne pas dire cassant: CAR.....Je suis presque certain que vous n'avez pas non plus compris le sens idéologique que l'auteur veut donner à son article en matière de religions......C'est une pensée qui flotte dans l'air.....depuis assez longtemps....et qui n'est pas de lui.
SupprimerLaurent Guyénot est connu mondialement comme l'un des meilleurs experts en religions.
Supprimerce n'est pas un vulgaire "Anonyme"
Après une formation d’ingénieur à l'École nationale supérieure de techniques avancées, Laurent Guyénot a étudié l’histoire biblique à New York puis a mené des recherches en histoire des religions, à Paris. Il est déjà l’auteur de La lance qui saigne. Métatextes et hypertextes du « Conte du Graal » de Chrétien de Troyes (Champion, 2010). Plus récemment il a écrit La Mort féérique - anthropologie du merveilleux XII - XVème siècle (Gallimard, 2011)
Lisez sa page Wikipédia.
Ce serait trop long à réfuter cet article fleuve mais je prend simplement le début. La réalité est qu'à l'origine TOUS les chrétiens (y compris le Christ) sont juifs. Après la Pentecôte, la conscience des chrétiens est que le Christ a ACCOMPLI le judaïsme. D'oú la haine des pharisiens qui se sont vu dépossédés de leur emprise sur le peuple. Le christianisme EST le judaïsme accompli. L'ancien judaíïsme est caduque soudainement.
SupprimerIl n'y a donc aucun sentiment d'avoir été escroqué de la manière dont le prétend l'auteur. C'est le sentiment de l'auteur lui même qui lui appartient mais en rien celui de la conscience chrétienne traditionnelle et tout spécialement a l'origine.
L'auteur dit "nous, chrétien", mais personne ne peux parler au nom de tous les chrétiens de cette manière et à voir ses interprétation veterotestamentaires très heterodoxe de celle des Pères de l'Eglise, je doute qu'il soit chrétien. C'est plutôt le discours d'un athée. L'auteur prend son cas pour une généralité à l'évidence. En tout cas pour un chrétien orthodoxe, ses prises de position son absolument irrecevables. Et au Mont Athos, il serait qualifié d'hérétique s'il se présentait comme chrétien. Cela ferait scandale sans aucun doute.
Quant au fait qu'il soit présenté comme "spécialiste des religions" il suffit de rappeler que "au royaume des aveugles, les borgnes sont roi"
Tout l'article est à l'avenant ou l'auteur ne fait qu'illustrer par des elements disparâtes srs propres opinions. Et les notes de bas de page même si elle font "sérieux" n'y chnge rien à l'affaire. Sur le fond, c'est délirant pour l'Orthodoxie et la tradition orthodoxe fondée sur la patristique grecque.
Et c'est valable également pour son livre "du yahvisme au sionisme". Cela fait parti de l'effondrement occidental et la conséquence de la scholastique romaine oú la raison en roue libre echaffaude toute sorte de théories fantaisistes imaginaires détachées de l'expérience mystique intérieure et non plus "en prise" avec elle, ordonnée à son expérience.
SupprimerSi vous voulez un spécialiste de l'histoire des religions tournez vous plutôt vers Mircea Eliade par exemple...
SupprimerLaurent Guyenot est surtout un bon connaisseur des attentats du 11/9 et des kennedy...
Supprimerles juifs disent , nous valons mieux que les chretiens , les chretiens disent , nous valons mieux que les juifs .
RépondreSupprimeralors que la thora est venu après le prophète ibrahim , quel faux jugement ils font , ref le glorieux coran .
le prophète ibrahim , lui était un vrai monothéiste qui suivait fidelement les lois de dieu et était adepte du prophète nuh ainsi que parmi ces fils , le prophète ismail et le prophète yacoub .
et du prophète ismail les descendants sont les bani hanif et dont est issu le prophète muhamad et sa famille ( p ) et du prophète yacoub dont le surnom était israel d'ou les bani israil il y avait youssouf .
une sourate entière dont le titre est : youssouf .
il y aussi la sourate , le vendredi et de tant d'autres versets qui a été revelés au prophète de dire aux juifs que s'ils sont les mieux aimés de dieu , alors qu'ils souhaitent la mort immédiate , mais ils ne la souhaiterons jamais au vu de leurs crimes abominable qu'ils ont commis .
que dire du prophète nuh qui a vecu parmi son peuple 900 + 50 ans = 950 ans et après le déluge a vécu encore dans les quelques mille ans et plus , que dire des prophètes de dieu venu avant nuh que dieu seul sait , il y a bien sur le prophète idriss ou enoch , mais ils y en avaient d'autres que dieu seul sait .
le prophète yacoub a vecu assez longtemps en egypte pour choisir la famille ou devait naitre le prophète moise et entre temp le futur beau père du prophète moise , le prophète chuaib vivait dans la zone de madyan avant que moise soit né .
d'un coté il y avait la mission du prophète ismail en arabie pour l'avenement de l'islam par l'arrivée beni du prophète muhamad ( p ) et reçevoir le coran en entier dans son coeur , pas le coeur qui bat , mais le coeur qui n'est pas visible et de ali ibn abu talib ( p ) et d'un autre coté il y avait la mission du prophète yacoub ,
pour l'arrivée beni du prophète moise et de son frère , prophète aussi , aaron pour reçevoir la thora bien plus tard dans le mont sinai qui se trouve en arabie et non en egypte .
c'est pourquoi c'est dieu qui sait son mystère et la puissance toute entière appartient a dieu , et c'est pourquoi les plans de dieu , c'est lui seul qui le sait .
le diable et ces suppots font des plans et dieu fait aussi ces plans .
véridique !
SupprimerLe monothéisme est source de délire et de meurtres. La croyance en Dieu pour un être humain est une ouverture et un envol. La révélation est un danger sans pareil et une légitimation de l'esclavage. Logiquement Dieu est un mais il reste inconnu. Suivre un imposteur est tentant, l'homme vil aime le bruit de ses chaînes et aime enchaîner ses semblables.
SupprimerLe syndrome juif est strictement OCCIDENTAL. Car le reste du monde n'accorde aucune valeur à leur fumisterie. Mêmes les Chrétiens non occidentaux ne se laissent pas prendre à leur piège sémantique.Ils les voient comme des Déicides point. En Islam on leur accorde trop de crédit..... tout en les considérant comme fondamentalement mauvais. En fait pour éviter de s'égarer dans des détails et autres subtilités langagières,à caractère académique, il faut juste considérer les juifs comme une SECTE.
RépondreSupprimerOui, pour un chrétien oriental, comme dit plus haut, le "judaïsme" du temps du Christ (saducéens, esseniens, pharisiens, zélotes etc) a entièrement été "récapitulé" et accompli définitivement (la Loi et les prophètes) dans la Personne du Christ, le Verbe incarné.
SupprimerN'est resté que la secte des pharisiens, éparpillée après la destruction du Temple en 70 et la destruction de Jérusalem. Ce que l'on appelle "judaïsme" aujourd'hui est un néo-judaïsme apparu à partir du second millenaire assise sur la doctrine de la secte pharisienne, mais qui n' a pas grand chose à voir avec la tradition israélite du temps du Christ divisée en de nombreux courants. On a bien affaire à une secte.
Les hébreux étaient élu cinquième siècle avant Jc jusqu'à l introduction blasphématoire de l usure avec intérêt uniquement pour les goy entre les hebreux pas d intérêt
RépondreSupprimerC est le début de la ségrégation financière mondial envers tout les peuples
Plus racisme arrogance cinisme trompeur voleur violeur depeseur d enfant en sacrifice a leur satanique dieu moloch
Dieu a envoyé le prophète Éli et Élisée pour prévenir les rabbins sanhédrin de leur grave péché pour avoir changer la thora et que la sanction' divine qui il va envoyé un peuple plus mecreantes qu eux
Qui sont la babylone tout les hébreux ont été réquisitionné exilé en Irak
Et le temple de Salomon détruit
Dieu a conclu que les mécréants n ont pas de place dans les lieux saint
Deuxième sanction divin les hébreux1300 ans plus tard on été remplacer par un autre peuple qui sont les khazars qui ont usurper au vrai hébreux leur identité leur religion leur histoire etc
Les khazars trompeur dirigent actuellement le monde sont tous des sataniste et sont les légions du système de l antéchrist et leur père qui est Satan dieu du matérialisme des idéologie des corruptions des sacrifices humains
Personne ne peut imaginer l ampleur de leur action maléfiques sur terre
Vous avez juste un aperçu de ce que ils font au peuple palestinien
Vous aussi, essayez (involontairement?)de nous égarer, dans des détails historiques et mêmes métaphysiques que l'on n'a sur ce site, ni les compétences ni le temps pour en vérifier la véracité et ensuite en discuter. Il ne faut plus donner trop d'importance à ce qui est une SECTE! Il faut juste la dénoncer et la combattre comme telle.
Supprimer@anonyme de 14h03 :
SupprimerVous résumez en gros ma pensée. Étant moi-même scientifique, mais aussi catholique, je suis placé pour porter un jugement sur ce texte. clairement athée qui s'apparente plutôt à une correction d'exo de concours qu' à un raisonnement théologique.
Il s'agit de deux ordres différents.
Il manque à L G toute la philosophie d'Aristote et st Thomas.
Malheureusement, il ne cherche pas à de corriger et est trop sûr de lui.