Salafisme, sunna, hadiths,
wahhabisme, vrai islam, faux islam, sunnisme, chiisme : des mots souvent
prononcés à tort et à travers.
Dès
après les attentats de Paris, tous les commentateurs se sont improvisés
spécialistes de l’islam. Salafisme, sunna, hadiths, wahhabisme, vrai
islam, faux islam, sunnisme, chiisme : des mots souvent prononcés à tort
et à travers.
Aucun journaliste, « expert » ou homme politique
n’a su définir pédagogiquement ce que représentent concrètement ces
concepts. Il faut dire que la télévision française s’est transformée en
cellule d’assistance psychologique alors qu’elle aurait dû, plus que
jamais, faire œuvre de transmission des savoirs. Bref, passons.
Au
commencement de l’islam était la loi. Plus précisément la loi d’Allah,
c’est-à-dire celle de Dieu. Le Coran, livre saint des musulmans,
représente le verbe incréé d’Allah transmis au monde sous forme de
révélations faites au prophète Mahomet par l’archange Gabriel. Ce verbe
incréé se traduit en règles, en interdits, pour faire court en une
pratique religieuse. Tous les musulmans partagent le Coran, mais
nombreuses sont les divisions quant à la « bonne » pratique, à l’interprétation des hadiths (témoignages oraux de Mahomet) ou à l’authenticité de ces hadiths.
L’islam
sunnite nous intéresse au premier chef pour plusieurs raisons : il est
le courant musulman majoritaire en France et dans le monde (90 % des
pratiquants), les terroristes islamistes se revendiquent du sunnisme.
Tous les sunnites partagent les mêmes croyances (Coran et Sunna), mais
ils se divisent en quatre madhabs (écoles juridiques) ayant des
interprétations juridiques (fiqh) différentes de ces sources communes :
le malikisme (majoritaire en France et dans le Maghreb), l’hanbalisme
(Arabie saoudite), l’hannafisme (Turquie et Asie) et le chaféisme
(Afrique de l’Est). Toutes ces écoles prononcent des fatwas qui
désignent, en français, des « avis religieux » ayant force de loi pour
les musulmans. Des avis religieux qui dépassent le droit international
et peuvent s’appliquer à tous les musulmans, où qu’ils se trouvent dans
le monde.
Auquel de ces madhabs appartiennent les salafistes ?
Aucun. En effet, ces derniers sont des réformistes. Ils entendent
reconstruire l’islam des origines, à la manière des protestants pour le
christianisme, et prétendent pouvoir dépasser les fatwas des quatre
écoles juridiques susmentionnées. Bien que ne respectant pas les avis
d’une école juridique, ils sont sunnites. Au sein du monde sunnite, leur
présence suscite de vives oppositions. Par certains aspects, ils sont
les héritiers du wahhabisme du XVIIIe siècle. Ces deux groupes veulent
créer des théocraties.
Au sein du salafisme, il faut opérer une summa divisio
entre les quiétistes, les Frères musulmans et les djihadistes. Les
premiers refusent la politique active, les seconds n’y rechignent pas,
les troisièmes s’engagent dans le combat armé sans attendre. Tous ont
pour point commun de s’affranchir des règles des madahabs, mais tous ne
sont pas terroristes. En revanche, tous ont le même projet : restaurer
l’islam des origines et convertir le monde entier à leur foi. Ils sont
expansionnistes. En ce sens, les djihadistes ne sont que des quiétistes
impatients qui respectent la pensée politique de Sayyid Qutb (Frère
musulman égyptien et penseur théologico-politique) : internationalisme
avec Allah en réponse au socialisme nassériste, révolution, hégémonie
culturelle. Notons, d’ailleurs, que la plupart des djihadistes se sont
formés chez les salafistes « pacifistes ». La France doit donc refuser
de céder du terrain tant à l’islam de combat qu’à l’islam politique. Peu
importe les bonnes intentions de façade.
Nota bene :
certains salafistes quiétistes prétendent que l’État islamique est
kharidjiste. Cela est faux. Si la pratique rigoriste (est mécréant celui
qui accomplit un acte de mécréance) les rapproche, le kharidjisme est
une vieille école sectaire islamique principalement présente au sultanat
d’Oman.
Juriste
SG du Collectif Culture, Libertés et Création du RBM