Le
FN est en passe de l’emporter dans au moins deux, sinon trois régions.
Cette poussée frontiste doit beaucoup à la peur post-attentats, mais
surtout au discrédit des grands partis, en particulier à gauche. Le
Front national premier parti de France, les deux Le Pen en position
éligible à la tête de deux régions : Marine Le Pen peut remercier deux
acteurs politiques pour ce succès, le groupe Etat islamique et François
Hollande.
Ça peut sembler anachronique, et il ne faut pas nier
l’efficacité de la stratégie politique du FN qui lui a permis de
poursuivre sa conquête des électeurs. Mais il ne faut pas non plus nier
ces deux facteurs clés qui lui ont permis d’atteindre ce niveau record.
Marine Le Pen, Louis Aliot et Robert Ménard le 1er décembre au cours d’un meeting des régionales -
Merci Daech !
Les attentats du 13 novembre ont évidemment pesé sur ce scrutin sans véritable campagne.
Le choc des 130 morts du Bataclan et des autres
cibles des djihadistes a, comme on pouvait le redouter, avantagé le
parti qui prône la plus grande fermeté, et qui distille depuis toujours
un discours anti-islam pernicieux.
Le paradoxe est que le FN n’a pas eu besoin de trop
en faire pour surfer sur la peur provoquée par ces attentats : il a
suffi à Marine Le Pen de prétendre avoir tout prévu, et d’affirmer avoir
les solutions aux menaces qui pèsent sur la France, pour que le message
passe à un moment de doute.
La surenchère sécuritaire dans laquelle s’est engagé
le gouvernement, avec l’état d’urgence, les perquisitions à outrance
chez les barbus ou supposés tels, les contrôles aux frontières, la
dénonciation des échecs sécuritaires européens, les projets de loi
sécuritaires à venir... Tout cela est du miel pour le FN.
Ce faisant, c’est exactement le calcul que pouvait
faire Daech qui, selon tous les experts, cherche à provoquer la guerre
civile, ou du moins de fortes tensions entre Français musulmans et non
musulmans. Des régions présidées par le Front national, c’est plus de
discriminations, de stigmatisations, de xénophobie.
Merci François Hollande !
Mais le FN était déjà très haut avant les attentats,
et ceux-ci n’expliquent pas tout. Incontestablement, le discrédit de la
classe politique traditionnelle, de droite comme de gauche, est au cœur
de la poussée du Front national, aujourd’hui encore plus qu’hier.
Et François Hollande, puisque c’est lui qui préside
le pays depuis trois ans et demi, porte une responsabilité particulière,
ce qui n’exonère en rien son prédécesseur, Nicolas Sarkozy.
Le discrédit de la gauche de gouvernement qui
s’exprime dans ce premier tour de scrutin est moins l’absence de
résultats, notamment sur le chômage, que la longue liste des
renoncements et des promesses non tenues, qui ont contribué au discrédit
de la politique elle-même.
L’élection de François Hollande en 2012 constituait
une dernière chance d’alternance pour prouver que le slogan « UMPS » de
Marine Le Pen était faux. Raté : à peine élu, l’« ennemi de la finance »
et de l’austérité s’est coulé dans le moule de son prédécesseur, à
quelques inflexions près.
Au passage, le gouvernement majoritairement PS a
démobilisé ses propres électeurs, dont une bonne partie, ce dimanche, se
sont retrouvés dans les rangs des abstentionnistes. Et cet échec a même
asséché le vivier de la « gauche de la gauche » et profité à une seule
force : le FN.
Et maintenant ?
Comme à chaque scrutin désormais, les électeurs de gauche se posent la question : on fait quoi maintenant ?
La question dépasse largement les discussions
tactiques sur le deuxième tour de scrutin, qui mobilise les états-majors
mais passe au-dessus de la tête de la plupart des électeurs. Certes, la
priorité est d’empêcher les victoires du FN là où c’est encore
possible, mais ça ne suffira pas.
Il s’agit de la recomposition de l’« offre »
politique, comme on dit. Nul ne peut se contenter de ripoliner les
partis actuels, tous à bout de souffle, sans exception.
Les citoyens sont nombreux qui cherchent à se
retrouver dans une grande force politique intégrant les deux grandes
révolutions de notre époque, celle de l’écologie et la numérique, qui
sache convaincre sur la nécessité d’une Europe différente, qui sache
assurer la cohésion sociale et humaine en France... La liste est longue,
mais ces citoyens-là sont aujourd’hui orphelins.
Le resteront-ils éternellement ? Sommes-nous
condamnés à nous contenter de voter au deuxième tour pour le candidat
qui « fera barrage au Front national » ? Si on répond non à cette
question, il est temps de se réveiller.