samedi 7 février 2015

Les Russes éprouvent, de plus en plus, du dégoût pour l'Europe

Le Saker US, fait ici part des sentiments de dégoût qui envahissent aujourd’hui le peuple russe suite à la conduite arrogante et stupide des Occidentaux dans tous les domaines qu’ils abordent.
Mon opinion personnelle est que ce sentiment de dégoût est largement partagé en Europe, dans le monde arabe et dans le reste du monde.

L’UE s’est réunie à nouveau et, avec le vote de la Grèce, elle a décidé de nouvelles sanctions contre la Russie. Entre-temps, la junte soutenue par l’UE continue à tuer tous les jours un grand nombre de civils en Novorussie. Et tandis que, pour Charlie, nous voyons des millions de gens dans les rues, personne ne semble s’en soucier. Pire, l’Union européenne soutient les assassins nazis (et je ne mentionnerai même pas les États-Unis).

C’est tragique à plus d’un titre. Bien sûr, c’est tragique pour les gens en Novorussie, mais ça ne l’est pas moins pour les gens en Ukraine, qui vivent maintenant sous un régime nazi sans espoir de changement prévisible. C’est aussi tragique pour les Russes qui souffrent des conséquences économiques des sanctions. Et, bien sûr, c’est tragique pour les peuples d’Europe qui souffrent également de ces sanctions (autodestructrices). Mais quelque chose d’autre est en train de se produire, qui pourrait avoir des conséquences à long terme.

Pendant trois siècles, les élites russes ont été plus ou moins divisées en deux camps : les pro-occidentaux et les anti-occidentaux. Évidemment, à cette époque, Occident signifiait Europe de l’Ouest, pas les États-Unis ni l’Europe centrale.

Les amis européens de la Russie – bref rappel

Le camp pro-européen avait été formé par les nouvelles élites créées par le tsar Pierre 1er dans le but d’imposer ses réformes au peuple russe. A la fin du XIXe et au début du XXe siècle, le camp pro-occidental contrôlait presque totalement la Russie. Ensuite, à l’époque soviétique, ces catégories se sont plus ou moins estompées lorsque l’idéologie est devenue centrale. Si on peut soutenir que les trotskystes étaient de facto pro-occidentaux, ils constituaient une si petite fraction du parti bolchévique, qui lui même était une infime partie de la population russe, que je ne crois pas qu’on puisse parler de factions pro-occidentales au sein du parti bolchévique ou du parti communiste. Même Khrouchtchev, certainement le pire dirigeant que l’URSS a jamais eu, n’était pas réellement pro-occidental. Je pense que le premier dirigeant soviétique pro-occidental était le dernier, Gorbatchev. Mais après 1991, la grande majorité des Russes, fatigués des tensions idéologiques, fatigués d’une guerre froide dont ils ne voulaient pas, fatigués d’être vus comme des ennemis de l’Europe, ont sincèrement désiré faire partie de l’Occident et, enfin, tirer un trait sur le passé.

Nous savons tous ce qui s’est passé ensuite. Pendant toute une décennie, l’Occident a maintenu au pouvoir un régime dégénéré d’oligarques, de marionnettes de la CIA et de voyous, tandis que l’OTAN avançait sur tous les fronts en Europe Centrale. Au lieu de vivre la lune de miel démocratique promise, la Russie a été pillée, humiliée, ridiculisée, et entièrement colonisée. En vérité, de 1991 à 1996, la Russie est devenue le caniche de l’Oncle Sam, une société profondément dysfonctionnelle dirigée par des fous très semblables à ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui à Kiev. En 1996, la situation était si mauvaise qu’elle en était devenue réellement explosive et que l’Oncle Sam a dû agir plus prudemment, avec moins d’arrogance évidente. Mais il a fallu l’arrivée de Poutine au pouvoir pour commencer réellement à renverser cette tendance. La période entre 1991 et 1996 a vu la Russie souffrir de pertes humaines et matérielles tout à fait comparables à celles qu’on attendrait d’une guerre nucléaire. Pendant ces années-là, la société russe a commencé à ressentir que l’Occident lui manifestait un étrange manque de sympathie: pour toutes les félicitations et les grandes promesses de partenariat, l’Occident (les États-Unis et l’Union européenne) ont offert une standing ovation aux wahhabites tchétchènes, même si ceux-ci étaient au moins aussi fous et sanguinaires que l’EI aujourd’hui. De même, les États-Unis et l’Union européenne ont manqué à toutes leurs obligations internationales et, conjointement, ils ont attaqué à la fois la Yougoslavie et la Serbie. Les Russes étaient conscients de cela, mais ils ont continué à éprouver une sympathie générale pour les Européens, qui étaient les gens les plus gentils, les plus polis et apparemment les mieux intentionnés qui soient. En outre, on peut toujours essayer d’excuser toutes ces politiques bizarres en les imputant à l’héritage de la guerre froide pour fuir ses responsabilités. Finalement, Eltsine et Milosevic ont été des chocs, aucun doute à ce propos, et la Russie a été faible et, franchement, laide. Donc la plupart des Russes ont compris, en quelque sorte, que les États-Unis et l’UE n’avaient pas un penchant très sympathique pour la Russie.

Dans une vaine tentative de bonne conduite, les Russes se sont efforcés d’être gentils et hyper-démocratiques. Ils ont laissé les Lettons introduire l’apartheid [entre lettons de souches et russophones, NdT], ils ont approuvé les sanctions contre l’Iran, ils ont vu l’OTAN encercler progressivement la Russie avec des bases militaires et des navires de guerre, et ils ont vu les États-Unis traiter ouvertement la Russie avec mépris. En réponse, la Russie a protesté assez mollement, elle a participé aux négociations usuelles et a laissé les États-Unis dépenser 5 milliards de dollars pour subvertir l’Ukraine et même y annuler des élections.

En contrepartie d’une soumission totale de la Russie, l’Ouest a peut-être généreusement accepté de cesser de soutenir les wahhabites tchétchènes, qui de toute façon avaient été vaincus par les efforts conjoints de Vladimir Poutine et d’Akhmad Hadji Kadyrov (et de son fils Ramzan). Ensuite, juste au moment où le désespérément pro-occidental Dmitri Medvedev arrivait au pouvoir et où les espoirs que la Russie continuerait à se soumettre étaient au plus haut, Saakachvili a tout fichu par terre en écoutant les néocons américains et en attaquant l’Ossétie du Sud. Et là, pour la toute première fois, la Russie a dit «niet». Elle a écrasé l’armée géorgienne, même si le rapport de force local était beaucoup plus favorable à la Géorgie et si les forces géorgiennes étaient mieux équipées. Les Etats-Unis et l’OTAN ont soutenu l’armée géorgienne, que certains  experts avaient qualifiée de gros morceau à avaler pour une armée russe corrompue, mais qui a quand même été totalement détruite en trois jours. Ensuite, soudainement et pour la première fois, les politiciens occidentaux ont commencé à douter de leur propre propagande: la défaite presque instantanée de la Géorgie, la mobilisation ultra-rapide de la flotte de la mer Noire et le fait que l’armée de l’air russe avait atteint la supériorité aérienne juste deux jours après avoir subi quelques pertes initiales très humiliantes, tout cela a laissé un goût amer dans la bouche de ceux qui avaient cru aux mythes de la supériorité militaire occidentale.

Day after day, love turns gray, like the skin of a dying man (Roger Waters) [une chanson des Pink Floyd, NdT]

En Russie, toutefois, cela avait aussi laissé un très mauvais goût dans la bouche. Bien que l’immense majorité des Russes n’éprouvaient aucune hostilité à l’égard de la Géorgie ni des Géorgiens, ils ne pouvaient tout simplement pas comprendre deux choses simples :

a) Comment les gens, à l’Ouest, pouvaient-ils sérieusement laisser entendre que la Russie était l’agresseur alors que l’attaque de la Géorgie avait été diffusée en direct à la télévision?
b) Comment les gens, à l’Ouest, pouvaient-ils soutenir un type aussi évidemment psychopathe, une ordure et un fou comme Saakachvili?

Plus tard, nous avons vu l’Occident trahir ouvertement la Russie à l’Onu sur la Libye pour se tourner immédiatement après vers la Syrie avec exactement les mêmes intentions. Au moins les États-Unis défendaient-ils leurs propres intérêts nationaux (comme le 1% de leur État profond l’a compris). Mais l’Europe? Pourquoi la France s’est-elle mise sur le devant de la scène en Libye et en Syrie ? Que se passait-il ? Qu’est-ce qui n’allait pas avec ces gens ?

L’Ukraine de Napoléon à Adolf Hitler puis à Conchita

Cette dernière crise en Ukraine a vraiment brisé quelque chose dans la conscience nationale russe et maintenant je pense que le sentiment prédominant en Russie à l’égard de l’Occident est tout simplement le dégoût.
conchita3-original
La nouvelle image de l'Europe :
c'est Conchita Wurst
Dégoût de l’hypocrisie totale qui affirme être pour une chose, en théorie, et soutient exactement son contraire.
Dégoût d’un système politique entièrement bâti sur des mensonges.
Dégoût d’une société qui valorise davantage les droits des homosexuels à adopter des enfants que le droit de vivre des enfants de Novorussie.
Dégoût des pleurnicheries obscènes de millions de Charlies, défilant avec des dirigeants criminels, mêlées à la totale et cruelle indifférence à l’égard des milliers de civils tués chaque jour.
Dégoût de la servilité de l’Union européenne à l’égard des États-Unis même si cette servilité va clairement à l’encontre de ses propres intérêts nationaux..

Dégoût d’une société qui interdit les symboles nazis et même une honnête recherche sur ce qu’on appelle l’Holocauste, mais envoie des milliards de dollars pour soutenir les nazis à Kiev.
Dégoût d’une société qui n’a pas eu la force morale de résister à Hitler et qui a dû être libérée d’Hitler par Staline.
Dégoût d’une société qui a oublié son libérateur, l’artisan de la défaite d’Hitler.
Dégoût d’une société prête à s’infliger un seppuku [hara-kiri, NdT] économique juste pour plaire à son impérial suzerain, l’Oncle Sam.
Dégoût à l’égard des pays d’Europe centrale qui n’ont rien de plus à offrir à leurs nouveaux maîtres que le concours à qui sera le plus hystériquement anti-russe (c’est la Pologne et la Lituanie qui gagnent), même si, sous le régime communiste, tout allait mieux pour eux qu’en Russie.

Si Napoléon était haï et si Hitler était craint, Conchita Wurst est simplement méprisé(e). Même les libéraux russes, qui passent encore beaucoup de temps à la télévision russe, ne trouvent maintenant rien de mieux à dire que notre gouvernement est tout aussi mauvais que ceux de l’Ouest – presque une réponse enthousiaste. Le fait est que, à toutes fins utiles, et pour la première fois depuis plus de trois cents ans, il n’y a plus de véritable camp pro-européen ou pro-occidental en Russie, ni chez les élites ni au sein du peuple ordinaire. Oh bien sûr, il y a encore tout plein de membres de la cinquième colonne aux échelons supérieurs du pouvoir (nous devons remercier l’Occident des années 1980 et 1990 pour cela aussi), mais ils ne peuvent pas propager leurs idées ouvertement. Maintenant, ils sont même obligés de prétendre qu’ils sont dégoûtés de l’Occident et qu’ils sont patriotes. Ce processus est devenu encore plus profond en raison d’un autre facteur très important.

Les Russes aussi ont changé

Oui, les Russes ont changé. Aujourd’hui, il existe toute une génération de Russes qui ne se souviennent pas de l’Union soviétique et qui ne souffrent pas de cette sorte de complexe de culpabilité/infériorité qui frappait parfois l’ancienne génération.

C’est une plaisanterie que j’ai entendue pour la première fois en 2008 : «A quoi reconnaissez-vous un étranger sur la Place rouge? C’est celui qu’il est habillé comme un pauvre.» Ce n’est pas très drôle tant que vous ne vous rappelez pas les années soviétiques, lorsque les seules personnes portant des vêtements élégants étaient les étrangers. Maintenant, la roue a tourné. La jeunesse se sent libérée de tout complexe de culpabilité ou d’infériorité lié à l’époque soviétique et, en fait, de nombreux jeunes Russes ont confiance en eux et se sentent souvent même supérieurs à leurs voisins européens, qu’ils voient peut-être comme une belle valise : agréable, pratique, utile – mais certainement pas excitante. Dans certains cercles, j’ai perçu un plus grand respect pour la génération soviétique de la Deuxième Guerre mondiale que pour les Européens modernes. Oh bien sûr, ils sont bienvenus pour vendre leurs voitures ou leur jambon à la Russie, mais s’ils cessent, il y a plein d’autres producteurs de bonnes voitures ou de jambon ailleurs dans le monde.

Même les États-Unis sont plus intéressants

Les Russes rient quand ils entendent que le commerce américano-russe a augmenté et que la NASA achète des moteurs de fusée russes. Cela, au moins a du sens. En fait, que sont en train de faire *réellement* les États-Unis, juste là, maintenant ?
Ils essaient de protéger le dollar.
Ils essaient de maintenir leur hégémonie mondiale.
Ils essaient de soumettre l’Europe.
Ils essaient d’écraser la Russie en tant que concurrent potentiel.
Rien de tout cela n’est noble et moral, mais tout cela est tout à fait dans la logique de l’Empire, et ce n’est pas pire que ce que d’autres empires ont fait auparavant. Bien sûr, cela ne signifie pas que la Russie moderne croie toute la propagande sur la démocratie, les droits humains et le libre marché – ils savent que ce ne sont là que mensonges – mais ils reconnaissent simplement que les États-Unis font ce qu’ils ont à faire. Et même si récemment les États-Unis sont passés militairement et économiquement de désastre en désastre, ils continuent à lutter pour leurs propres intérêts et pour leur empire. Et que dire de la façon dont les États-Unis ont tiré leur richesse de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale, puis ont manœuvré pour que le monde entier accepte leur dollar créé à partir de rien? Ces politiques ne méritent-elles pas au moins du respect, même réticent, devant tant d’opiniâtreté? Et lorsque Biden [vice-président US, NdT] admet avec candeur que les États-Unis ont forcé les Européens à céder aux exigences américaines par rapport à l’Ukraine, n’est-ce pas normal que les Russes éprouvent beaucoup moins de dégoût pour lui que pour Merkel et Hollande? Finalement, lorsque Nuland a dit  fuck the EU [nique l’UE, NdT], puis n’a jamais présenté d’excuses, la plupart des Russes ne sont pas seulement d’accord avec elle, mais ils se moquent des Européens traités avec autant de mépris et qui gardent un silence soumis.

Le consensus: seulement des territoires occupés

Je regardais la fameuse émission de télévision Sunday evening with Vladimir Soloviev (FortRuss a publié des extraits sous-titrés anglais) et j’ai été étonné de voir qu’il y avait un quasi-consensus parmi les invités: tant l’Ukraine que l’Union européenne sont des territoires occupés et la guerre va durer jusqu’à ce que les États-Unis décident qu’ils n’en ont plus besoin. Cela signifie aussi qu’il n’y a personne pour négocier, ni à Kiev, ni à Bruxelles. Et depuis que les nécessités états-uniennes exigent autant de guerre et de confrontation en Ukraine et en Europe que possible, la seule manière d’arrêter la guerre est de la gagner. C’est la version courte. L’autre, plus civilisée et plus optimiste, donne quelque chose comme ceci.

Même si les négociations avec Kiev et Bruxelles ne peuvent résoudre quoi que ce soit, il pourrait être utile d’y participer uniquement pour briser l’élan européen et laisser la crise économique en Ukraine et dans l’Union européenne commencer à éroder sérieusement l’actuelle domination américaine. Pour négocier, il n’est pas nécessaire d’y mettre tous ses espoirs. Et puis il y a des choses intéressantes qui se passent dans l’Union européenne : de plus en plus de pays, de fractions, de délégations et de politiciens changent de camp ou, du moins, trouvent la situation inconfortable. Et nous ne parlons pas seulement de la Grèce, il y a beaucoup de mécontentement même en Allemagne. Ainsi oubliez l’UE s’applique seulement à la politique actuelle de l’Union européenne, mais ça pourrait changer demain. Comme pour gagner la guerre, cela ne veut pas dire des tanks russes à Lviv ou même Kiev, cela pourrait signifier un effondrement total de la junte et de l’armée, résultant de la défaite dans l’Est (car cette guerre absorbe déjà tout ce qui reste de l’argent reçu par l’Ukraine et qui n’a pas été planqué sur des comptes offshore) .

Finalement, il y a une différence que les Russes font entre l’Union européenne et l’Ukraine. La grande majorité des Russes est sincèrement désolée pour le peuple ukrainien pour lequel ils n’éprouvent aucun dégoût (bon, à part pour les fous nazis et leurs escadrons de la mort, évidemment). La plupart des Russes ont le cœur brisé par les destructions, les morts, les mutilations, la pauvreté, l’humiliation et tous les maux qui ont, de nouveau, frappé cette terre. Une génération entière d’Ukrainiens perdue.

Le plus célèbre auteur russe actuel est probablement Sergei Lukyanenko. Lukyanenko est l’archétype du Russe: un mélange de familles russe, ukrainienne et tatare, et il se considère comme totalement russe, et même un patriote russe. Déjà, son patronyme est distinctement ukrainien et, de toute évidence, il a été horrifié par ce s’est passé en Ukraine. En fait, Lukyanenko était si outré et en colère qu’il a personnellement interdit toute nouvelle traduction de ses livres en ukrainien. Quelques mois plus tard, il a fait une annonce. Lukyanenko était invité à participer à l’une des sessions marathon de questions à Poutine à la télévision russe, où des gens téléphonent de toute la Russie pour poser des questions. Lukyanenko avait le micro et il a posé à Poutine une question sur l’Ukraine en parlant d’un pays maudit. Poutine a corrigé Lukyanenko avec gentillesse et respect, disant que l’Ukraine n’était pas maudite, mais qu’elle était un pays martyr qui souffre depuis longtemps. Puis il a demandé à Lukyanenko, comme une faveur personnelle, de lever l’interdiction sur les traductions de ses ouvrages en ukrainien. Lukyanenko l’a regardé, profondément ému, pendant quelques secondes, puis il a hoché la tête et accepté (et l’auditoire tout entier a ovationné Poutine et l’écrivain).

Ce petit incident montre le vrai visage de la Russie envers l’Ukraine : une immense tristesse et de la sympathie, mais jamais de dégoût.

La fin d’une ÉPOQUE

Mais concernant l’Ouest (ici les États-Unis et l’Union européenne), je pense que cette dernière invasion occidentale de l’Ukraine marquera la fin d’une très longue époque historique, qui a vu une longue série de tentatives tragiques, souvent sanglantes, et toujours infructueuses, pour faire de la Russie une partie de l’Europe ou, plus exactement, pour soumettre la Russie et en faire une colonie de l’Europe. Du fanatisme haineux des chevaliers teutoniques à l’attirance de Napoléon pour la franc-maçonnerie, de la sombre détermination de Hitler à conquérir ce qu’il croyait être son Lebensraum [espace vital, NdTla lune de miel démocratique imaginaire qui ne s’est jamais réalisée, la Russie a toujours zigzagué entre résistance et soumission, entre isolement et intégration. Je pense que ce processus arrive à sa fin: alors que la volonté de résister à toute invasion (militaire, économique ou culturelle) perdure, il n’y a plus ni admiration ni espoir, seulement le sentiment d’un total dégoût envers l’Europe

Comme toutes les guerres, celle-là aura une fin. Mais je pense que le sentiment de désillusion et de dégoût complets pour l’Occident  et ses valeurs restera une réalité centrale de l’avenir politique russe. C’est sûr, les diplomates feront des sourires et les conflits passés seront mis de côté, mais je ne pense pas qu’il y ait un quelconque avenir en Russie pour ceux qui veulent qu’elle devienne comme l’Occident, du moins pour autre chose qu’un membre de la cinquième colonne ou comme objet de plaisanteries.

Avertissement des Russes : Nous sommes prêts pour la guerre

Une des différences les plus notables entre les médias russes et occidentaux, c’est que l’éventualité d’une guerre est constamment abordée dans le premier cas, et pratiquement jamais dans le second. En Russie, le risque qu’une guerre éclate est avancé dans les émissions d’affaires publiques et par des personnalités bien connues, et ce thème revient souvent dans les émissions-débats. Même Poutine a dû déclarer récemment qu’il ne croyait pas qu’une guerre était probable. C’est comme si la Russie et l’Occident étaient deux trains sur la même voie, se dirigeant à toute allure l’un vers l’autre, mais avec une différence notable: le train occidental fonce les yeux fermés, tandis que le train russe s’avance en gardant les yeux bien ouverts.
Une autre grande différence est la rage et la détermination exprimées par les Russes de toutes les couches de la société. La phrase qui revient le plus souvent ces temps-ci est Русские не сдаются (les Russes ne capituleront pas). C’est que les Russes n’en reviennent tout simplement pas que les leaders occidentaux soient assez fous pour en être venus à croire que les Russes vont plier et cesser de soutenir le Donbass par crainte d’Obama. L’humeur ambiante se résume à si vous cherchez vraiment la bagarre, vous l’aurez.