Pas un lundi ne passe, depuis quelques mois, sans que se déroule dans
une grande ville allemande une manifestation de citoyens furieux
clamant « nous sommes le peuple ! »
Si bon nombre des manifestants « battent le pavé »
pour exprimer leur rejet d’une politique d’affrontement avec la Russie
et les politiques d’austérité qu’on lui impose, force est de constater
que l’oligarchie financière cherche à se mettre à l’abri de la colère
populaire, en la détournant vers les victimes de la crise, notamment les
immigrés.
A
la tête de cette opération, selon la presse allemande, une équipe
plurinationale et anonyme de douze personnes qui pilote le mouvement
PEGIDA (Patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident), qui
cherche à s’implanter dans toute l’Europe. Pour comprendre aujourd’hui
l’émergence d’un mouvement de masse synthétique contre « l’islamisation de l’Occident », il faut en identifier la matrice conceptuelle et en retracer l’historique.
Ce qui suit complétera utilement tout ce qu’a pu en dire Jacques Cheminade, lors d’un colloqué organisé par l’Académie géopolitique de Paris à l’Assemblée nationale, où il a identifié les « racines britanniques du terrorisme ».
Car
PEGIDA et ses clones ne sont rien d’autre qu’un produit de grande
consommation élaboré par le géopoliticien britannique nonagénaire
Bernard Lewis.
Bernard Lewis
Né
en 1916 à Londres, Lewis est un historien, professeur émérite des
études sur le Moyen-Orient à l’université de Princeton, spécialiste de
la Turquie, du monde musulman et des interactions entre l’Occident et
l’Islam. De citoyenneté britannique à sa naissance, il a aujourd’hui la
double nationalité américaine et israélienne.
Lors de la Seconde
guerre mondiale, il a d’abord travaillé pour l’Arab Bureau des services
secrets britanniques. En tant qu’expert, il s’est ensuite joint au
Conseil de sécurité des États-Unis et a été conseiller auprès de
Benjamin Netanyahou lorsque ce dernier fut ambassadeur d’Israël à l’ONU.
Il a fini par se lier avec la plupart des néo-conservateurs américains
et israéliens les plus belliqueux.
Parrain du choc des civilisations
L’œuvre
théorique de Bernard Lewis apparaît à l’origine dans le cadre de la
Guerre froide, à l’époque d’Eisenhower et de son secrétaire d’État John Foster Dulles.
Ce dernier fait l’impasse totale sur la décolonisation. Lorsqu’un pays
non-aligné exprime son souhait d’émerger en dehors des deux blocs,
Dulles n’y voit qu’une ruse soviétique visant à tromper « le monde libre ».
Après
l’abolition de la monarchie en 1953 par Gamal Badel Nasser (1956-1970),
un membre des Frères musulmans tente en 1954 d’assassiner Nasser, alors
qu’il donne un discours à Alexandrie pour célébrer le retrait des
forces britanniques. Et lorsqu’il appelle ouvertement au renversement de
la monarchie saoudienne en déclarant que « les Arabes devraient commencer par libérer Riyad avant de libérer Jérusalem », les clignotants s’allument à la City et à Wall Street, où opèrent les représentants de Standard Oil, Shell et ARAMCO.
C’est
en 1956, c’est-à-dire après l’affaire de Suez et lorsque plusieurs pays
arabes manifestent leur volonté de s’émanciper, comme l’Égypte, de la
tutelle coloniale, que Lewis « découvre » le choc des civilisations.
Lorsque l’État égyptien s’oppose à l’Empire anglo-américain, ce n’est
plus, prétend-il, à cause d’un différend politique mais d’une
incompatibilité culturelle insurmontable :
Les ressentiments actuels des peuples du Moyen-Orient se comprennent mieux lorsqu’on s’aperçoit qu’ils résultent non pas d’un conflit entre des États ou des nations, mais du choc entre deux civilisations.
Si le monde musulman rejette « nos »
valeurs, poursuit Lewis, c’est parce qu’il est depuis deux siècles en
déclin. Comment expliquer la nationalisation du canal de Suez par Nasser
en 1956 ? Non pas à cause du refus de John Foster Dulles de financer,
comme promis, le barrage d’Assouan, mais… de la haine de l’Occident…
Car, cet « Islam affaibli » évoqué par Lewis,
a toujours cherché des appuis pour combattre son ennemi : la démocratie occidentale. Il a d’abord soutenu les puissances de l’Axe (Hitler, Mussolini et le Japon fasciste) contre les Alliés, puis les communistes contre les États-Unis : ce qui a abouti à deux désastres…
Le
ton est donné : l’Islam, par sa nature même, est l’ennemi à abattre.
Alors que bizarrement à la même époque, avec le soutien des
Britanniques, Riyad va promouvoir, pour combattre le « panarabisme » de Nasser, le « panislamisme », en organisant en mai 1962 le sommet islamique de la Mecque...
Le Plan Bernard Lewis
Pour
empêcher la montée du nationalisme arabe qui mettrait potentiellement
en danger les intérêts pétroliers anglo-américains, Lewis envisage
toutes les possibilités : changement de régime, balkanisation des États,
réduction de leur population et, si nécessaire, la guerre.
C’est
dans cette perspective qu’il faut situer en 1975 la guerre et la
partition du Liban envisagée par un adepte de Bernard Lewis à Harvard :
Henry Kissinger.
En 1978, l’Executive Intelligence Review (EIR), la revue fondée par Lyndon LaRouche, révéla l’existence du « plan Bernard Lewis »,
un plan visant, grâce à des guerres, à balkaniser la région s’étendant
du Proche Orient au sous-continent indien dans une myriade de petits
états fondés sur des identités tribales et ethniques.
Le Plan
prévoyait une guerre entre l’Iran et l’Irak. Lorsque les shah remet en
cause les privilèges des groupes pétroliers anglo-américains en Iran, il
est remplacé en 1978 par Khomeini, dont les Britanniques espèrent se
servir pour accélérer le processus général de dissolution dans la
région.
- Zbigniew Bzrezinski
Un document de l’époque précisait : « Les
Chiites se dresseront contre les Sunnites et les musulmans modérés
contre les groupes fondamentalistes ; des mouvements séparatistes et des
entités régionales propres comme le Kurdistan ou le Baloutchistan
verront le jour. »
De 1977 à 1981, Bernard Lewis sera le
conseiller du Conseil national de sécurité américain que préside alors
Zbigniew Brzezinski.
Ce dernier popularisa en 1978 la théorie de « l’arc de crise »,
théorisée en premier par Bernard Lewis et visant à déstabiliser la
Russie et l’Iran, une vision qu’il appliquera ensuite au Caucase dans
son livre « Le grand échiquier ».
Guerre d’Irak
Ensuite,
dès 1998, Lewis est un des cosignataires d’une lettre envoyée par le
soi-disant Comité pour la paix et la sécurité dans le Golfe persique au
Président Bill Clinton, lui demandant d’adopter une « stratégie politique et militaire pour renverser Saddam et son régime ». Parmi les autres signataires, on retrouve le noyau dur des néoconservateurs du Project for a New American Century (PNAC),
c’est-à-dire, Richard Perle, John Bolton, Donald Rumsfeld, Frank
Gaffney, Paul Wolfowitz, William Kristol et Robert Kagan (l’époux de
Victoria Nuland).
Après le 11 septembre 2001, c’est le
vice-président Dick Cheney qui lui prête l’oreille. Et avant le départ
en guerre contre l’Irak, Cheney déclarait lors de l’émission Meet the Press :
J’ai la forte conviction qu’avec des hommes comme Bernard Lewis, une personne qui a étudié cette partie du monde, la riposte forte des Etats-Unis à la terreur et les menaces réussira pleinement à calmer les choses dans cette partie du monde.
Lors d’une cérémonie tenue en son honneur à Tel Aviv en mars 2002, Paul Wolfowitz exprimait sa gratitude à l’égard de Lewis :
Bernard Lewis nous a appris à comprendre l’histoire complexe et importante du Moyen-Orient et à l’utiliser pour nous guider vers la prochaine étape, afin de construire un monde meilleur pour les prochaines générations…
Ainsi,
en 2003, c’est Lewis qui convainc l’administration Bush que l’invasion
du pays fera naître une aube nouvelle, que les troupes américaines
seront accueillies en libératrices et que le Congrès national irakien de
son ami M. Ahmed Chalabi, exilé véreux et sans grande influence, reconstruira un nouvel Irak…
Salman Rushdie
Entretemps,
en 1988, une autre figure entre en scène. Il s’agit de Salman Rushdie,
un Britannique d’origine indienne et auteur des « Versets sataniques », un roman combinant des faits réels et des éléments biographiques de l’auteur avec ceux de la vie du prophète Mohammed.
Officiellement, pour Rushdie, qui ne croit « en aucune entité surnaturelle qu’elle soit chrétienne, juive, musulmane ou hindoue. »,
il s’agit plus d’une provocation que d’une insulte. Seulement, le fait
qu’il a passé quatre ans de sa vie pour écrire cette œuvre de 500 pages,
permet à ses détracteurs de douter qu’il s’agit, contrairement à ses
affirmations, d’une simple blague…
En tout cas, les effets furent explosifs. Le fait que l’Inde, estimant que le livre est « susceptible de provoquer des heurts entre les communautés religieuses »
en interdit la diffusion, fait en sorte que les fondamentalistes
iraniens et pakistanais découvrent l’existence de ce qu’ils appelleront
une « machine de guerre littéraire contre l’Islam ». Les menaces
de mort fusent. L’Université al-Azhar du Caire dénonce le livre et
appelle les musulmans britanniques à intenter des actions en justice.
Fin
1988, 7000 personnes manifestent à Manchester et brûlent un exemplaire
du livre dont ils exigent l’interdiction. En février 1989, à Islamabad,
capitale du Pakistan, une foule en colère d’une dizaine de milliers de
personnes tente de prendre d’assaut et d’incendier le Centre culturel
américain, exigeant que le livre soit interdit sur le territoire
américain.
Le 14 février 1989, à Téhéran, l’ayatollah Khomeini,
guide spirituel de la Révolution islamique et du monde chiite iranien
publie une fatwa (décret religieux) lançant un appel à tous les
musulmans d’exécuter Rushdie, pour des « propos blasphématoires ». [1]
Rushdie,
Lewis et leurs maîtres britanniques ont alors de quoi se frotter les
mains : les réseaux qu’ils contrôlent dans le monde musulman, comme
l’organisation dees Frères Musulmans créée en 1928 par Sir John Glub
Pascha (1897-1948), ont pu entraîner les foules musulmanes dans la
psychose.
Samuel Huntington
C’est dans le contexte de l’affaire Rushdie que Bernard Lewis reprend donc de nouveau, en septembre 1990, sa formule choc de « choc des civilisations », dans un article intitulé « Les racines de la rage musulmane » publié par l’Atlantic Monthly. Il laissera à son élève Samuel Huntington (1927-2008) le soin de la populariser dans son article « Le choc des civilisations », publié en 1993 dans Foreign Affairs.
Il s’agit de la revue du Council on Foreign Relations (CFR) de New
York, un think-tank où l’oligarchie financière mondiale peaufine ses
politiques. La thèse sera publiée sous forme de livre en 1996 et
traduite en 37 langues.
Après l’effondrement du système soviétique
en 1991, Lewis et Huntington savent bien que le complexe
financiaro-militaire a urgemment besoin d’un nouvel ennemi global. Ils
vont donc doubler leurs efforts pour diaboliser l’Islam.
- Samuel Huntington, l’auteur du livre
Le choc des civilisations et la refonte de l’ordre mondial
Huntington (p. 217) :
Le problème sous-jacent pour l’Occident n’est pas le fondamentalisme. C’est l’Islam, une civilisation différente de gens convaincus de la supériorité de leur culture et obsédés par l’infériorité de leur pouvoir. Ce n’est pas la CIA ou le Pentagone qui posent problème pour l’Islam, mais l’Occident, une civilisation de gens convaincus de l’universalité de leur culture, qui croient que leur pouvoir supérieur, bien qu’en déclin, leur impose l’obligation d’étendre cette culture dans le monde.
Huntington (p. 209) :
Certains occidentaux, comme l’ancien Président Bill Clinton, ont argué que l’Occident n’a pas de problème avec l’Islam, mais seulement avec des extrémistes islamistes violents. Quatorze siècle d’histoire démontrent le contraire (…) L’Islam est la seule civilisation qui a mis en doute la survie de l’Occident, et elle l’a fait au moins deux fois… (…) Les concepts parallèles de jihad et de croisade ne font pas que se ressembler.
Monstre de Frankenstein
Aujourd’hui,
c’est un secret de polichinelle que les Anglo-américains, dans le cadre
de guerre contre l’URSS en Afghanistan, ont fait appel à des combattants wahhabites importés du Pakistan et d’Arabie saoudite. Lors d’un entretien en 2009, Hillary Clinton a reconnu que « ceux [les terroristes] que les États-Unis combattent aujourd’hui sont ceux que nous avons financés il y a vingt ans ».
Seulement,
à partir du milieu des années 1990, le terrorisme financé par les
Anglo-américains dans le cadre de la guerre froide contre l’Empire
soviétique devient un véritable « monstre de Frankenstein ». Parfois manipulé, parfois de façon spontanée, on découvre des « bombes humaines », opérant en petites équipes, perpétuant des attentats spectaculaires à haute valeur symbolique ajoutée.
Par
exemple, dans ce qui ressemble aujourd’hui à un brouillon des attentats
du 11 septembre 2001, le Groupe islamiste armé (GIA), animé par des
combattants de retour d’Afghanistan, envisageait en décembre 1994
d’écraser un avion dans la tour Eiffel ou dans la Tour Montparnasse à
Paris ! Si ce projet particulier a pu être empêché grâce à la
perspicacité des services français, la France subît par la suite, en
1995, une série d’attentats revendiqués par le GIA provoquant 8 morts et
200 blessés, notamment celui du RER Saint-Michel à Paris.
Une
fois de plus, Londres joue un rôle primordial et toutes les polices
d’Europe le savent. Comme le confirme le récit de quelqu’un qui a
infiltré pour la DGSE pendant sept ans les réseaux d’Al Qaida, le GIA
opérerait à partir du Londonistan
dont le centre était la fameuse Mosquée de Finsbury Park dirigée par le
prédicateur wahhabite Abou Hamza, éditeur de la revue d’information du
GIA Al Ansar. Les dortoirs au sous-sol pouvaient accueillir
jusqu’à 200 personnes. Une cinquantaine d’hommes qui fréquentaient la
mosquée sont morts dans des opérations terroristes et des attaques
d’insurgés, et ce dans plus d’une douzaine de pays étrangers.
En
France, Djamel Beghal, l’homme qui a recruté les frères Kouachi
(attentat Charlie Hebdo) au terrorisme et qui était en contact avec
Coulibaly (attentat hyper casher de la Porte de Vincennes) et Nemmouche
(attaque contre le Musée juif de Bruxelles), a passé deux ans à Londres avec Abou Hamza.
Fourmis rouges contre fourmis noires
Si
les théories de Bernard Lewis n’influençaient initialement qu’un
conseiller présidentiel ou une petite élite, la médiatisation des
attentats du 11 septembre, agissant sur l’inconscient collectif des
populations, a sournoisement jeté les bases d’un mouvement populaire
contre l’Islam.
Un des premiers pays où « la mayonnaise »
prendra sera les Pays-Bas, où les assassinats du député populiste Pim
Fortuyn (2002) et du réalisateur Théo Van Gogh (2004) par des islamistes
radicaux provoqueront l’indignation populaire. En 2004, c’est l’ancien
commissaire européen Fritz Bolkestein, pour marquer son opposition à l’adhésion de la Turquie à l’UE, qui mettra en garde : « Si cela devait arriver, la libération de Vienne, en 1683, n’aurait servi à rien. » Et Bolkestein cite alors Bernard Lewis lorsqu’il prophétisait il y a plusieurs décennies que « L’Europe sera musulmane d’ici la fin du siècle. »
Bolkestein parraine alors la carrière de son attaché parlementaire Geert Wilders et son parti islamophobe. Séduit par la novlangue d’Orwell, Wilders dira : « Je ne hais pas les musulmans, je hais l’Islam. »
Sophiste, il prétend défendre la liberté religieuse. Pour Wilders,
l’Islam n’a rien d’une religion, il n’est qu’une idéologie totalitaire.
En 2007, il déclara au Volkskrant que le Coran est « un livre fasciste », à interdire au même titre que le Mein Kampf d’Hitler.
En 2008 Wilders réunit à Rome sur le thème de la crise d’identité européenne, une « internationale » islamophobe sous l’étiquette American Freedom Alliance (AFA).
A part lui, on y retrouve des responsables des Légionnaires du Christ,
la baronne britannique Cox de Christian Solidarity Worldwide, ainsi que
les néoconservateurs américains Robert Spencer de Jihad Watch et Daniel Pipes, un ancien kremlinologue devenu islamologue qui a fondé le Middle East Forum.
Son organisation prend en charge tous les frais légaux encourus par le
provocateur néerlandais Geert Wilders. C’est l’ami de Pipes, l’ancien
soixante-huitard David Horowitz, qui a introduit Wilders auprès des
trois grands milliardaires américains et des fondations (Olin, Bradley,
Sarah Scaife) qui financent l’extrême droite américaine et les colons
israéliens. Ce sont les mêmes intérêts qui calomnient le plus grand opposant à Wall Street aux États-Unis : Lyndon LaRouche.
Les caricatures de Mahomet
Du
côté danois, on trouvait à cette conférence Flemming Rose, le rédacteur
en chef des pages culturelles du journal conservateur danois Jyllandsposten, qui publia, à la demande du néoconservateur américain Daniel Pipes en septembre 2005, les fameuses « caricatures de Mahomet » montrant le prophète coiffé d’un turban en forme de bombe, dessins aussitôt repris, après France-Soir, par Charlie Hebdo le 8 février 2006. [2]
Suite à l’indignation que cela provoqua, Caroline Fourest, Corinne Lepage et Pierre Cassen lancent dans Libération du 28 avril 2006 un appel « contre un nouvel obscurantisme », où ils s’élèvent contre le racisme et appellent à lutter contre l’islam politique réactionnaire.
Le 1 mars 2006, Charlie Hebdo publie alors « l’appel des douze » intitulé : « Ensemble contre le nouveau totalitarisme »,
signé notamment par Ayaan Hirsi Ali (une proche de Wilders), Caroline
Fourest, Bernard-Henri Lévy, Salman Rushdie et le chouchou de Nicolas
Sarkozy, Philippe Val, à l’époque rédacteur en chef de Charlie Hebdo...
Le
16 mai, plusieurs responsables de la Ligue des droits de l’homme (LDH),
notamment Henri Leclerc, Michel Tubiana et Jean-Pierre Dubois, réagissent dans Libération :
Sauf à décréter que tout Islam politique est proscrit, ce que nous n’avons pas fait en Europe avec les mouvements chrétiens, nous aurons, bien sûr, à dialoguer. D’abord en cessant de diaboliser l’Islam, ici ou ailleurs, et en lui reconnaissant la place qu’il occupe, comme d’autres religions, dans la vie des peuples y compris au sein de nos sociétés sécularisées. En fondant, ensuite, ce dialogue sur les droits de l’homme et la démocratie, ce qui implique bien entendu que ces concepts cessent d’être travestis quotidiennement dans nos banlieues comme ailleurs. Ce qui implique aussi d’admettre que chaque peuple peut créer sa propre voie pour y accéder, sans pour autant que nous concédions quoi que ce soit sur les principes essentiels.
Les croisades
- La bombe humaine norvégienne : Anders Breivik
Précisons
que les opérations terroristes visant à créer une guerre de tous contre
tous nous viendront de tout les cotés. Rappelons-nous qu’en 2011, une
autre « bombe humaine » explosa. Le norvégien Anders Breivik, un croisé autoproclamé, exécute de sang froid 72 jeunes
du parti socialiste sur l’île d’Utoya. Dans son manifeste, où il cite
le néoconservateur américain et ami de Wilders Robert Spencer, il
justifie son acte. Il s’agissait, de liquider, y compris physiquement,
la « génération bizounounours » qui « ouvre les frontières des pays européens judéo-chrétiens à l’invasion de l’Islam »...
Charlie Hebdo
Si nous déplorons tous les morts des attentats horribles contre Charlie Hebdo,
force est de constater que, bien plus que les chefs d’États qui ont
défilé sur nos boulevard, c’est toute l’internationale islamophobe qui
pense récupérer l’événement en y voyant la démonstration éclatante de la
justesse des vues de Bernard Lewis et de ses disciples.
Robert Spencer de Jihadwatch et Fox News ont même affirmé qu’il existait en France plus de 900 « no-go zones »,
c’est-à-dire des endroits sous la coupe de la « charia » (loi
islamique), où plus personne n’ose se risquer car non-protégé par le
droit républicain.
Alors qu’on était 4 millions le 11 janvier à
défiler pour l’unité nationale et contre le choc de civilisations, ils
étaient 25 000 à manifester en Allemagne avec PEGIDA dans les rues de
Dresde le lundi 12 janvier, aux cris de « Nous sommes le peuple »,
mais en arborant des banderoles contre l’islamisation de l’Occident.
Geert Wilders y voit évidemment son triomphe. Sur son twit, il affirme
avoir envoyé un message aux organisateurs et que ces derniers allaient
le lire devant la foule.
Pegida en France
A
Paris, la préfecture de police a interdit la manifestation prévue le 18
janvier pour lancer PEGIDA en France, mais d’autres sont planifiées. A
l’origine de la manif avortée : Riposte laïque, connu pour avoir organisé en 2010 des « apéros saucisson-pinard » pour choquer les musulmans à la sortie des mosquées ; Résistance républicaine ; le Bloc identitaire
et une vingtaine d’organisations partenaires. A la place de la manif,
Renaud Camus a annoncé lors d’une conférence de presse la création de
plusieurs antennes de PEGIDA en France.
Renaud Camus est un idéologue d’extrême droite, bien connu depuis 2010 pour sa théorie du « grand remplacement » du peuple français « de souche » par des peuples étrangers.
Renaud Camus est un idéologue d’extrême droite, bien connu depuis 2010 pour sa théorie du « grand remplacement » du peuple français « de souche » par des peuples étrangers.
Invité
pour l’occasion, Mélanie Dittmer, une jeune égérie allemande de PEGIDA
qui s’est présentée en gilet pare-balle, et qui a fustigé l’islamisation
excessive qui menace notre culture. Présents également : Pierre
Renversez, de l’association belge « Non à l’Islam » (Nonali) ; le
député suisse Jean-Luc Addor, de l’Union démocratique du centre (UDC) ;
ainsi qu’Armando Manocchia, président de l’association italienne « Une rue pour Oriana Fallaci » (une italienne de la gauche laïque devenue anti-Islam).
Solutions
Le
terrorisme n’est donc que le sommet visible d’un iceberg qui s’appelle
la stratégie du choc des civilisations. Aujourd’hui, tout pays qui
résiste aux diktats d’une oligarchie financière désespérément en
faillite, se retrouvera rapidement désigné comme cible. Il s’agit en
premier lieu des pays des BRICS qui tranquillement mais avec
détermination bâtissent un monde émergeant, mais également des pays
comme la France qui refusent de s’aligner dans une nouvelle guerre
froide contre la Russie.
Lutter contre le terrorisme oblige donc
de mettre fin au choc des civilisations. Pour y arriver, il faut porter
un coup fatal à la City de Londres et à Wall Street et contribuer le
meilleur de ce dont nous disposons à la dynamique des BRICS. C’est cela
faire de la politique !
[1] En 1998, le gouvernement iranien a déclaré qu’il n’entreprendrait rien pour faire appliquer la fatwa.
[2] Sur
l’interdit de la représentation : s’appuyant sur un verset du Coran
rejetant les statues des idoles et sur un hadîth accusant les faiseurs
d’images de vouloir rivaliser avec Dieu, seul créateur et insuffleur de
vie, certains théologiens musulmans ont condamné formellement la
représentation des êtres animés. Cet interdit de la figuration,
strictement appliqué pour le Coran et les ouvrages de hadîths ou de
fiqh, a favorisé l’émergence des arts de la calligraphie et d’une
ornementation fondée uniquement sur l’arabesque et la géométrie.
Pourtant, des représentations figurées, parmi lesquelles on peut voir
Muhammad, sa famille et les prophètes bibliques, ont existé dans
d’autres genres littéraires, épopées, chroniques historiques, Qisas
al-anbiyyâ’ (Histoires des prophètes), particulièrement dans les mondes
iranien, turc et indien. Plus sur le site de la BNF.
Karel Vereycken