La grande question du XXIème siècle est et sera celle de
l’islamophobie. L’islamophobie est en effet le mal du siècle présent, à
l’image de ce que fut l’antisémitisme au cours du siècle précédent. Si
la haine a changé de cible, elle n’a pas changé de méthode. La ‘bête
infâme’ est toujours là et rôde autour de sa proie avec le même appétit
prédateur. Les loups sont entrés dans Paris, Washington, Londres ou
Jérusalem. Aujourd’hui, ce sont les Musulmans qui sont les principaux
bouc-émissaires de la haine ordinaire des peuples occidentaux et de
leurs élites et qui risquent de payer très cher le peu de cas que nous
autres, citoyens des Lumières et enfants gâtés de la démocratie, faisons
de leur sort peu enviable.
L’Occident, une fois le cadavre du communisme jeté dans les bas-fonds
de l’histoire, a su faire de l’Islam le mal absolu, l’ennemi à
combattre, le nouveau totalitarisme qui menacerait nos libertés, nos
terres, nos identités. Moyen astucieux pour détourner les colères
légitimes des peuples occidentaux contre les prédations répétées de
leurs élites qui, pour s’enrichir à outrance, n’ont pas trouvé de
meilleure solution que d’expédier les emplois de leurs concitoyens dans
des contrées lointaines après avoir ouvert les vannes de l’immigration
économique pour faire pression sur les salaires de leurs travailleurs
nationaux. Face à la faillite d’un système libéral dominé par la finance
et l’esprit de lucre, il fallait brandir une menace qui puisse
canaliser toutes les vieilles rancœurs des peuples, fruits des échecs
successifs de nos sociétés capitalistes.
L’islamophobie a ses théoriciens respectés et reconnus dans le cercle étroit de nos élites atlantistes : tel un Samuel Huntington avec son “choc des civilisations”
qui est, en quelques sortes, une invitation à la guerre éternelle, un
bréviaire de la haine de l’autre au nom des intérêts géostratégiques
d’une poignée d’Occidentaux ; ou une Bat Ye’or avec son concept “d’Eurabia” (“Eurabia : l’axe euro-arabe”),
qui voudrait étendre à l’Europe le modèle d’apartheid et de
discrimination à l’œuvre en Israël afin de résister à l’invasion des
nouveaux ‘barbares’.
Nos élites islamophobes n’ont pas seulement leurs théoriciens, elles
ont aussi leurs guerriers qui sont allés porter la guerre en terres
musulmanes pour prouver leurs théories nauséeuses. Il leur fallait
donner de la substance à leur paranoïa, du prestige à leur volonté de
nuisance et pratiquer la physique des crimes après avoir épuisé toutes les ressources de la métaphysique des peurs.
Leurs chefs de guerre sont revenus de leur croisade afghane, irakienne,
libyenne, bouffis d’héroïsme sanglant, après avoir massacré des
innocents, torturé des enfants qui défendaient leur village avec une
pierre ou un bout de bois, après avoir ravagé les campagnes et les
villes avec des armes interdites par les conventions internationales,
après s’être accaparé les richesses des pays agressés, ils sont revenus
donc, pour proclamer sans nuance : “ils nous détestent”, “ils nous haïssent”, “ils nous maudissent”.
Ils ont osé justifier leurs guerres par cette haine prétendue que les
peuples lointains nourriraient à notre égard, en feignant d’ignorer que
cette haine, lorsqu’elle existe, n’est que la conséquence directe des
guerres que nous menons au nom de la démocratie contre ces peuples sans
défense [i].
L’ensemble des intellectuels atlantistes [ii],
autrement dit, ceux que nous entendons dans les médias occidentaux,
partagent, avec plus ou moins de virulence, plus ou moins de nuance, les
présupposés islamophobes et guerriers de ces ‘théories du complot
islamiste’. Celui qui ne suit pas à la lettre la doctrine atlantiste et
ne participe pas au lynchage intellectuel et médiatique des Musulmans
tombe vite dans la catégorie des suspects d’antisémitisme.
Par une sorte de tragique ironie de l’histoire, l’antisémitisme supposé des uns est devenu l’alibi de l’islamophobie avérée des autres : c’est ainsi que pour cacher son islamophobie radicale, tel ou tel intellectuel atlantiste ira de sa dénonciation de l’antisémitisme ambiant, soulignera avec effroi la dangereuse progression de l’antisémitisme dans nos sociétés toujours habitées par les démons du passé. Qu’importe que les faits et les chiffres invalident ces propos et que, si l’antisémitisme n’a pas disparu, pas plus que le racisme ou le sexisme, il est aujourd’hui marginal à l’échelle de nos sociétés (évidemment pas à l’échelle des personnes qui peuvent le subir). Qu’importe que l’antisémitisme soit l’allié naturel du sionisme qui a besoin de son contraire pour exister et se justifier, ce qui compte c’est de noyer l’islamophobie sous les paroles généreuses de celui qui combattrait l’antisémitisme. On peut s’acheter ainsi une vertu médiatique à bon compte et espérer monter dans la hiérarchie atlantiste.
Les islamophobes radicaux vont encore plus loin : ils cherchent des têtes à couper en permanence,
et comme le Père Duchène ou l’Ami du Peuple qui, sous la Terreur,
réclamaient toujours plus de sang pour épurer le corps politique de ses
excroissances incongrues, ils dénoncent comme antisémites (avec le
courage inouï de ceux qui ne risquent que l’approbation de leur maîtres)
tous ceux qui prendraient la défense des Musulmans ou ne seraient pas
assez agressifs à leur égard, ou encore, quiconque oserait émettre une
critique envers l’Occident sans y aller de son couplet sur les mœurs
dénaturés de l’Islam [iii]. Toute critique de l’Occident passe, en effet, pour un manque d’islamophobie, et, par conséquent, pour un acte antisémite.
D’une manière générale, toute personne qui se pose des questions sur le
monde qui l’entoure devient suspect et est immédiatement mis à l’index
de la pensée dominante. On l’aura compris, les atlantistes
accusent leurs adversaires d’antisémitisme pour ne pas se voir accusés
eux-mêmes d’être des islamophobes radicaux.
Pour parvenir à leurs fins, ils utilisent toute une panoplie de procédés dignes des procès de Moscou : amalgame, confusionnisme, rhétorique de disqualification,
accusations en miroir, etc. Rien ne les arrête pour dénicher
l’anti-atlantiste, le faire sortir de l’ombre et l’abattre en place
publique pour édifier les peuples. Et le plus surprenant, c’est qu’ils
réussissent, malgré l’indigence de leur raisonnement et la haine
radicale qui les anime. Les victimes de leur vindictes sont en retrait,
elles demeurent sur la défensive et passent leur temps à essayer de se
justifier d’un brin d’humanité. Elles ne savent ni n’osent répliquer.
Or, il impérieux de réagir, pour être fidèle aux principes des
Lumières, pour être les bons élèves du devoir de mémoire ou, enfin, pour
garder le respect de soi-même. Il ne faut plus baisser la tête devant les islamophobes radicaux qui vous accusent d’être antisémites parce qu’ils sont à court d’arguments rationnels.
Il faut combattre avec vigueur leurs méthodes inquisitoriales au nom
des valeurs des Lumières qu’ils mettent en danger. Il convient de
démonter méthodiquement leur paranoïa maladive qui voit des
complots et des haines antisémites partout pour se dispenser d’affronter
leur propre islamophobie.
Ainsi, au nom de l’islamophobie tout leur semble aujourd’hui permis à
l’encontre des Musulmans dans les médias atlantistes : les dérapages
verbaux, les insultes directes ou indirectes, les stigmatisations en
tous genres, le mépris, les caricatures outrancières, les moqueries
condescendantes. « Tous des terroristes », « tous des délinquants », « tous antisémites » ; « des délinquants qui deviendront des terroristes ; « des profiteurs du système » ; « des parasites »
: ce sont là quelques uns des messages que les islamophobes distillent
quotidiennement dans nos médias. Jusqu’à la fameuse affirmation que « le peuple Palestinien n’existe pas »,
condensé de tout le reste qui peut se comprendre comme une manière de
nier le droit à l’existence d’un peuple pour s’autoriser à l’anéantir à
petit feu comme un Slow Motion Holocaust. Apres cela il ne faudra pas
s’étonner que la mort d’un Musulman sous les bombes occidentales ne soit
jamais considéré autrement que comme un dommage collatéral, un détail
sans importance dans la glorieuse histoire de l’Occident, rempart de la
civilisation face au néant de ‘l’autre’.
“L’islam ne pouvait naître que dans un désert stupide, au milieu de bédouins crasseux qui n’avaient rien d’autre à faire – pardonnez-moi – que d’enculer leurs chameaux.” Plateforme, Michel Houellebecq, éd. Flammarion, 2001, p. 261
Qu’importe que les principaux crimes de masse
dans le monde, depuis la chute du mur de Berlin, soient l’œuvre des
Occidentaux. Qu’importe que le terrorisme islamiste soit le résultat
d’une instrumentalisation sordide réalisée par les Occidentaux et leurs alliés wahhabites (comme on l’a vu le 11-Seprembre aux États-Unis, ensuite en Libye et en Syrie).
Ce qui importe est d’affirmer avec conviction son islamophobie tout en
la déguisant sous les habits de la laïcité, de l’humanisme, du
féminisme, de la lutte contre les extrémismes, des Lumières mêmes,
puisqu’on n’est plus à une contradiction ou à un reniement près.
Nous sommes descendus si loin dans le trou noir de l’irrationalité que, par une étrange logique, il n’est pas besoin de prouver un complot ou un attentat qui impliquerait des Musulmans
; quelques soupçons suffisent pour établir la liste des coupables et
faire de la conviction des accusateurs des vérités officielles qu’on ne
peut contredire sans risquer de se voir soumis à l’opprobre de ses
contemporains. Si des Musulmans ont pu participer à un attentat, c’est
qu’ils en sont les responsables et que les faits sont incontestables. À
l’opposé, il devient impossible de prouver un complot qui serait
l’œuvre des Occidentaux ; toute preuve, tout faisceau d’indices, tout
soupçon étayé ne sont jamais suffisants pour les tenants de l’innocence fondamentale des hommes blancs ; il leur faut toujours plus. [...]
“On est dans un moment épouvantable. Le milieu intellectuel parisien est dans une dérive parareligieuse, dans une islamophobie latente. Il existe une forme de crispation identitaire, une angoisse à la désoccidentalisation du monde, une rupture entre le clan des dominants et le monde multipolaire. Cette doctrine occidentaliste, qui veut que l’Occident soit riche et dominateur éternellement, m’inquiète”. Emmanuel Todd – El Watan. 3 novembre 2008.
Cette logique du ‘Musulman coupable par nature’, parce que Musulman,
est à la base de l’institutionnalisation de la torture par les
États-Unis qui peuvent ainsi soumettre à des traitements inhumains des
milliers de personnes à travers le monde (Guantanamo n’étant que l’un de
ces camps de torture dirigés par l’administration américaine) sur la
base d’un simple soupçon de ‘terrorisme’, soupçon qui ne fait l’objet
d’aucun contrôle judiciaire. La culpabilité d’un Musulman n’a
pas besoin d’être prouvée, elle se déduit de son être même. Il s’agit là
d’une forme d’essentialisme, qui est lui-même une forme radicale de
racisme.
Les démocraties occidentales, et tout particulièrement les
États-Unis, qui se définissent comme des États de droit, ont peu à peu
créé, au nom de la lutte contre le terrorisme islamique, des zones de
non-droit, des no man’s land juridiques destinés à rejeter hors de leur
espace légal les ‘terroristes’, les ‘nouveaux barbares’, les ‘autres’,
essentiellement les Musulmans, pour les soumettre à des régimes
d’exception où les condamnations sans preuve, la torture, les
humiliations en tous genres sont admis et encouragés[iv]. Le rejet de
groupes humains dans un espace para-légal, au sein même des sociétés
démocratiques ou dans des lieux soumis à leur souveraineté, est la
traduction politique et administrative d’un essentialisme dont le
ressort principal est la peur frénétique de l’autre.
« Les individus incarcérés à Guantanamo – n’étant ni des
prisonniers ni des accusés, mais de simples détenus – se trouvent dès
lors sous le joug d’une autorité sans réalité légale. Comme leur
détention échappe entièrement à la loi et à toute autorité juridique,
elle est illimitée dans le temps et de nature indéterminée. La seule
chose à laquelle on peut comparer ce phénomène est la situation des
Juifs dans les camps nazis qui, en plus de leur citoyenneté, avaient
perdu tout statut légal, sinon qu’ils conservaient encore leur identité
de juifs »[v]. Giorgio Agamben, Sovereign Power and Bare Life, Stanford University Press, 1998.
Cet essentialisme, on le retrouve, pour prendre un exemple
médiatique, dans les caricatures de Mahomet, publiées en France dans le
journal Charlie Hebdo en février 2006. Dans le contexte actuel de stigmatisation des Musulmans,
ces caricatures correspondent à celles des Juifs des années 30 dans la
presse antisémite. Et c’est au nom de la liberté d’expression qu’on nous
fait tolérer cette presse de caniveau dont les dirigeants sont des
partisans déclarés de l’atlantisme et du choc des civilisations[vi]. Bel exemple également de transmutation des valeurs.
(a) : « Il y a quelque chose, dans les hommes arabes, qui dégoûte les femmes de bon goût » ; «Les Musulmans se multiplient comme des rats » ; «
Au lieu de contribuer au progrès de l’humanité, [les fils d’Allah]
passent leur temps avec le derrière en l’air à prier cinq fois par jour », Oriana Fallaci, La Rage et l’Orgueil, Plon, 2002. (b) : « Fallaci vise juste, même si elle peut choquer par certaines formules », Pierre-André Taguieff, Actualité juive, 20 juin 2002. (c) : «
Oriana Fallaci a l’insigne mérite de ne pas se laisser intimider par le
mensonge vertueux. Elle met les pieds dans le plat, elle s’efforce de
regarder la réalité en face », Alain Finkielkraute, Le Point, 24 mai 2003.
L’islamophobie radicale prend peu à peu le dessus sur toutes les
autres haines. C’est la nouvelle peste du siècle, la nouvelle passion
grégaire d’une humanité occidentale à la recherche du mépris des autres
pour tenter de comprendre le sien. On observe ainsi que
l’ensemble des extrêmes droites européennes se rallient peu à peu à
l’islamophobie radicale tout en abandonnant leur antisémitisme
traditionnel (ce que l’on peut saluer) et prennent pour modèle le
sionisme. Car les extrêmes droites voient dans le sionisme tous
les éléments de leur philosophie : rejet de l’autre, discriminations
raciales, nationalisme, apartheid. C’est ainsi que l’on peut comprendre
le geste fou de Breivik en Norvège : c’est, en partie, au nom du
sionisme qu’il a commis son acte atroce, si l’on se réfère au manifeste
qu’il a lui-même écrit. Ses victimes étaient des jeunes militants
préparant des actes de boycott d’Israël afin de dénoncer le sort
réservés aux Palestiniens. Le meurtrier était un islamophobe radical,
lecteur et admirateur de Samuel Huntington et de Bat Ye’or. Dire cela, c’est s’exposer à être traité d’antisémite, même si l’on est Juif soi-même.
Cette islamophobie ambiante est radicale en ce sens qu’elle permet de
légitimer l’usage, à une échelle globale, par les Occidentaux, de la
violence la plus extrême (guerres, tortures, dommages collatéraux, terrorisme d’État)
contre des populations musulmanes qui sont présentées comme coupables
des crimes qu’elles subissent. Torturer un Musulman est considéré comme
un acte de recherche de la vérité et non pas comme un acte barbare,
cruel et inhumain. D’une certaine manière, l’islamophobie radicale implique la mise à mort de ‘l’autre’, le Musulman, au nom de la bonne conscience à toute épreuve de l’homme blanc occidental.
L’islamophobie radicale est également une idéologie totalitaire
parce qu’elle prétend offrir une compréhension du monde totalisante et
unique, un prisme universel à travers lequel tout devrait recevoir une
explication simple, logique, définitive et qui donne systématiquement
raison aux Occidentaux et à leurs crimes. Elle vise tout Musulman, d’ici
ou d’ailleurs et est diffusée à travers l’ensemble des moyens
médiatiques de masse qui reflètent et façonnent la représentation du
monde des Occidentaux (dans les écrits des intellectuels de tous bords,
les films ou séries télévisées).
Cette idéologie totalitaire est, enfin, un instrument de la géopolitique de la peur
développée par les élites occidentales afin de continuer leurs
prédations (coloniales) antérieures. Elle construit un ennemi imaginaire
(le méchant musulman qui veut tuer le gentil blanc) à qui elle donne
corps et substance à force de le désirer et, avec cet épouvantail,
obtient, par la peur et l’effroi, le consentement (volontaire ou tacite)
de ses populations à ses aventures capitalistes guerrières.
Le paradoxe apparent de l’islamophobie radicale, c’est que ses
promoteurs s’allient volontiers avec l’Islam, lui aussi radical,
d’inspiration wahhabito-salafiste, pour mettre en œuvre le choc des
civilisations. Cela relève d’un faux paradoxe et d’une ambiguïté propre à servir les intérêts géopolitiques des Occidentaux et des Wahhabites.
Du côté de l’Occident, on développe le mal que l’on prétend combattre pour lui donner une réalité qu’il n’aurait pas autrement.
En effet, sans l’appui apporté par l’Occident au terrorisme islamique
wahhabite de l’Arabie saoudite et du Qatar (en Afghanistan, Serbie,
Tchétchénie, Libye, Syrie ou lors du 11-Septembre, etc), ce terrorisme
serait resté localisé et n’aurait jamais pu avoir l’envergure
internationale qu’il a aujourd’hui. Sans ce terrorisme islamique
globalisé, les guerres de conquête de l’Occident, sous couvert de lutte
contre le terrorisme, n’auraient pas pu aussi facilement trouver les
pretexes nécessaires à leur lancement tous azimuts. Du côté des
salafistes, l’islamophobie occidentale justifie la mobilisation de
l’islam radical face à l’Occident meutrier des Musulmans et donne le
change aux populations musulmanes (principalement sunnites) opprimées
par leurs dirigeants décadents qui font leurs emplettes à Paris, Londres
ou New-York.
Il faudra beaucoup de courage aux citoyens de tous horizons religieux
ou politiques pour oser défendre les Musulmans après tout les monceaux
de haines et de calomnies qui auront été déversés sur eux. Il leur en
faudra beaucoup aussi pour rester fidèles aux valeurs des Lumières qui
font de tous les êtres des semblables, des égaux, des frères humains.
Aucun peuple ne mérite de critiques excessives, ni aucun peuple de
louages exagérées. Ni haine ni angélisme, juste prendre ‘l’autre’ pour
ce qu’il est : une part de nous-mêmes, ni meilleure, ni pire, juste le
miroir de notre humanité.
Aujourd’hui l’inhumanité qui habite l’Occident s’en prend aux
Musulmans comme hier elle s’en prenait aux Juifs. C’est cela qu’il faut
avoir le courage de dire et de dénoncer. Parce que dénoncer les
puissants, ce n’est pas de la délation, mais du civisme. Pour que cesse
cette infamie des temps présents et que l’esprit des Lumières reprenne
le dessus sur le soleil noir de l’Occident ; pour qu’un jour il ne soit
pas interdit et considéré comme criminel de tendre la main à un
Musulman.
Guillaume de Rouville,
auteur de La Démocratie ambiguë,
Éditions Cheap, juillet 2012.Source : L’idiot du village
auteur de La Démocratie ambiguë,
Éditions Cheap, juillet 2012.Source : L’idiot du village
Témoignages :
1- TARIQ RAMADAN : Les médias français, les politiques et les intellectuels
Ces
derniers jours ont été bien révélateurs. Au gré de mes interventions
médiatiques en France, les téléspectateurs autant que les auditeurs ont
pu se rendre compte du jeu malsain de certains journalistes. La plupart
ont inlassablement répété le refrain de mon «double discours» et
d’autres, sans arguments, ont insisté sur la non-clarté de mon propos
pour entretenir l’impression de ce qu’ils ne pouvaient prouver. Oui,
vraiment, «nul n’est plus sourd que celui qui ne veut pas entendre », et
la double audition est devenue un mal médiatique (intellectuel et
politique) français.
Au-delà
de ma personne, cette attitude met en évidence un problème en France,
réel, profond, ancien. Pour discréditer ma personne, il faut commencer
par dire que je suis «controversé», «ambigu», et que mon discours est
«habile» et «double». Ces deux dernières semaines étaient symptomatiques
: à quelques rares exceptions près, la même stratégie fut établie, pour
refuser d’entendre, ou pour troubler l’écoute du public. Il s’agit donc
soit de ne pas m’inviter, soit de m’inviter avec «le filtre» d’usage.
«Prévenir», «avertir» les spectateurs et les auditeurs que «l’homme» est
dangereux et malin…des fois qu’il (cet Africain, cet Arabe, ce
musulman) dirait quelque chose d’intéressant (il serait alors deux fois
plus dangereux). Ils sont rares ceux qui en France ont osé m’inviter
sans y ajouter le perpétuel coup bas d’une présentation malhonnête,
agrémentée de sinueux sous-entendus : Moati, Giesbert, Taddéi, Simonin,
Marschall et Truchot, Naulleau et Zemmour, à ce jour. Tant d’autres,
grands défenseurs de la liberté d’expression, ne m’invitent pas, ou plus
(les pressions et les critiques furent si fortes).
Il
est intéressant de noter le parallèle avec les institutions d’État et
les universités. Je suis professeur d’études islamiques contemporaines à
Oxford et j’ai été invité à m’exprimer dans les plus grandes
universités et institutions à travers le monde. Sauf en France, avec son
étrange « exception », où l’académique semble prendre pour argent
comptant (et se plier devant) les approximations médiatiques (ce qui est
en soi très inquiétant). Pas d’interventions universitaires, des
conférences annulées et des services de l’État faisant pression pour
m’empêcher de m’exprimer, presque chaque mois, depuis vingt-cinq ans.
Quelle insulte faite aux étudiants français ! Ils ne seraient donc pas
intellectuellement armés pour entendre, analyser, critiquer ?
Seraient-ils plus bêtes et vulnérables que les autres ? Ou alors a-t-on
peur d’autre chose, que mon propos réveille des consciences libres par
exemple ?
Il faut mettre en évidence trois points qui sont cruciaux au-delà de ma personne :
- 1. Soit les musulmans invités à s’exprimer (tv, radios, ou autres) sont diabolisés soit ils répètent ce que les médias et l’État a envie d’entendre ou de leur faire dire. Le résultat est sans équivoque : on n’avance pas, on assiste à l’éternel retour des mêmes sujets, réchauffés, encore et encore. Quelle lassitude ! Or, ne pas avancer sur ces questions c’est bel et bien régresser. Intellectuellement (et socialement), chers journalistes, vous faites régresser la France et les politiques et les intellectuels vous emboîtent le pas.
- 2. Les Français de confession musulmane sont encore et toujours perçus comme « l’autre » dans les débats publics et médiatiques. Ils doivent se justifier, sont suspects et/ou suspectés, et leur liberté d’expression critique est restreinte par cette épée Damoclès sous laquelle elles /ils doivent décliner leur identité physique autant qu’intellectuelle. Ils doivent montrer patte blanche avec le faciès autant qu’avec l’esprit.
- 3. Les médias grands publics, comme les politiques et les intellectuels, sont aujourd’hui les principaux responsables de la normalisation du discours stigmatisant, xénophobe, raciste aux parfums de l’extrême droite d’antan. On peut bien faire mine de ne pas y toucher, mais le ton, la substance des débats et les stigmatisations récurrentes sont en train d’avoir un impact dangereux sur la France, sa psychologie collective et son manque d’ouverture à la diversité.
Je
l’ai répété souvent. Je ne suis que l’arbre qui cache la forêt et mon
traitement médiatique et académique est révélateur des contradictions
françaises… pays de la liberté aux libertés à géométrie variable.
Néanmoins, je suis optimiste car les choses changeront assurément. Je
prends date. Je me répète depuis 30 ans, en France, sans être entendu :
déjà des femmes et des hommes, Français de confession musulmane, se font
entendre et défendent autant leurs droits qu’ils connaissent leurs
responsabilités. Ils construiront une France réconciliée avec ses
valeurs de liberté et d’égalité. Il faudra les écouter car votre surdité
continuée serait alors le pire qui puisse advenir. Vous les entendrez,
assurément, et vous vous souviendrez qu’un jour, avec humilité et
sérénité, je vous avais invités à prendre date.
J’accuse
aujourd’hui la grande majorité d’entre vous de manquer de déontologie,
de professionnalisme, de liberté et de courage. Et je prends date car
l’Histoire sera plus forte que vos présentes trahisons à ces belles
valeurs que vous affirmez défendre.
Source : Tariq Ramadan, 3/2/2015
2- Chris Hedges : Un message des dépossédés
A Istanbul, ce vendredi, devant le Consulat français, des crayons cassés ont été placés dans une flaque simulant du sang, en mémoire des victimes de la fusillade du journal satirique français Charlie Hebdo. AP/Emrah Gurel
L'attaque
terroriste survenue au journal satirique Charlie Hebdo en France
n'était pas à propos de la liberté d'expression. Elle ne concernait pas
l'Islam radical. Elle n'illustrait pas le fictif choc de civilisations.
C'était le signe avant-coureur d'une émergente contre-utopie où les
damnés de la terre, privés de ressources pour survivre, désespérés,
sauvagement tenus sous contrôle, rabaissés et raillés par des
privilégiés vivant dans la splendeur et l'indolence de l'Occident
industriel, se déchaînent en une défiante furie criminelle.
Nous
avons organisé la rage des dépossédés. Le fléau du capitalisme
prédateur global et de l'empire mondial a engendré le fléau du
terrorisme. Et plutôt que de comprendre les racines de cette colère et
de tenter d'y remédier, nous avons construit des mécanismes sophistiqués
de sécurité et de surveillance, voté des lois qui permettent les
assassinats ciblés et la torture des faibles, et amassé des armées
modernes et les machines de guerre industrielle pour dominer le monde
par la force. Cela n'a rien à voir avec la justice. Rien à voir avec la
guerre contre le terrorisme. Rien à voir avec la liberté ou la
démocratie. Rien à voir avec la liberté d'expression. Cela a à voir avec
la course folle des privilégiés pour survivre aux dépens des pauvres.
Et les pauvres le savent.
Si
comme moi vous passez du temps à Gaza, en Irak, au Yémen, en Algérie,
en Egypte et au Soudan, aussi bien que dans les logements sociaux
déprimants des ghettos connus sous le nom de "banlieues" qui entourent
les grandes villes françaises comme Paris et Lyon, où sont entassés des
immigrants nord-africains paupérisés, vous commencez à comprendre les
frères Chérif Kouachi et Saïd Kouachi, tués vendredi dans un échange de
tirs avec la police française. Il y a peu d'emplois dans ces poches de
misère. Le racisme ne se cache pas. Le désespoir est rampant, notamment
pour les hommes, qui se sentent dénués de rôle. Le harcèlement des
immigrants, couramment pratiqué par la police lors des contrôles
d'identité, est pratiquement constant. La police a un jour fait sortir
un immigré maghrébin, sans raison apparente, d'une rame du métro de
Paris où je me trouvais pour le battre impitoyablement sur le quai. Les
musulmans français constituent 60 à 70 pourcent de la population
carcérale en France. Les sirènes de la drogue et de l'alcool attirent
les communautés musulmanes pauvres pour atténuer leur douleur.
Les
5 millions de maghrébins en France ne sont pas considérés comme
français par les français. Et quand ils retournent à Alger, Tanger ou
Tunis, où ils sont peut-être nés et ont vécu brièvement, ils sont
traités comme des parias étrangers. Coincés entre deux mondes, ils
s'enfoncent, comme les deux frères, dans le désœuvrement, la petite
délinquance et la drogue.
Devenir
un guerrier saint, un djihadiste, le champion d'un idéal absolu et pur,
est une enivrante conversion, une sorte de renaissance, qui amène un
sentiment de pouvoir et d'importance, aussi familier pour un djihadiste
islamique qu'il l'était pour un membre des Brigades Rouges ou des
anciens partis communistes et fascistes. Les convertis à n'importe quel
idéal absolu qui promet la venue d'une utopie adoptent une vue
manichéenne de l'histoire pleine d'étranges théories du complot. Les
forces, même bienveillantes, qui s'opposent à eux sont dotées d'une
malveillance dissimulée. Les convertis croient vivre dans un monde
binaire divisé entre bien et mal, pur et impur. En tant que champions du
bien et de la pureté ils sanctifient leur statut de victime et
diabolisent tous les incroyants. Ils croient avoir reçu une onction pour
changer l'histoire. Et ils embrassent une violence hyper masculine vue
comme un moyen de nettoyer les pollutions du monde, ce qui inclut les
gens appartenant à d'autres systèmes, races ou cultures. C'est pourquoi
l'extrême droite française, organisée autour de Marine Le Pen,
dirigeante du Front National anti-immigration, a tant en commun avec les
djihadistes que Le Pen dit vouloir annihiler.
Quand
vous sombrez dans le désespoir, quand vous vivez piégé dans Gaza,
l'immense prison à ciel ouvert d'Israël, dormant à 10 sur le sol d'un
taudis de béton, marchant tous les matins à travers les rues boueuses de
votre camp de réfugiés pour chercher une bouteille d'eau car celle de
votre robinet est toxique, faisant la queue devant les bureaux de l'ONU
pour obtenir un peu de nourriture parce qu'il n'y a pas de travail et
que votre famille a faim, quand vous subissez périodiquement les
bombardements aériens d'Israël qui font des centaines de morts, votre
religion est tout ce qu'il vous reste. La prière musulmane, qui a lieu 5
fois par jour, vous donne votre seul sens de structure et de
signification, et encore plus important, de dignité. Et quand les
privilégiés du monde ridiculisent la seule chose qui vous offre cette
dignité, vous réagissez avec une incontrôlable fureur. De même, il n'est
pas paradoxal qu'il soit possible de concevoir que cette fureur soit
exacerbée lorsque vous et tous ceux autour de vous se sentent
impuissants à réagir.
Les
dessins du prophète dans l'hebdomadaire satirique parisien Charlie
Hebdo sont offensants et puérils. Aucun d'entre eux n'est drôle. Et ils
dévoilent un grotesque double standard dès qu'il s'agit des musulmans.
En France, un négationniste de la Shoah, ou quelqu'un qui nie le
génocide arménien, peut être emprisonné pendant un an et forcé de payer
une amende de 60 000$. C'est un acte criminel en France de se moquer de
la Shoah comme Charlie Hebdo s'est moqué de l'Islam. On doit enseigner
aux lycéens français la persécution des juifs par les nazis, mais ces
mêmes étudiants ne trouvent presque rien dans leurs manuels à propos des
atrocités françaises généralisées, qui incluent un nombre de morts
algériennes que certains portent à plus d'un million, lors de la guerre
d'indépendance algérienne contre la France coloniale. La loi française
interdit le port public de la burqa, un vêtement couvrant pour les
femmes qui comporte une grille sur le visage, aussi bien que le niqab,
un voile intégral avec une fine fente pour les yeux. Les femmes portant
ces vêtements en public peuvent être arrêtées, condamnées à payer une
amende équivalant à 200$ et être forcées d'accomplir un travail
d'intérêt général. La France a interdit des rassemblements de soutien
aux palestiniens l'été dernier lorsque Israël conduisait des raids
aériens journaliers qui aboutissaient à la mort de centaines de civils.
Le message aux musulmans est clair : vos traditions, votre histoire et
votre souffrance ne comptent pas. Votre histoire ne sera pas entendue.
Joe Sacco a eu le courage d'en parler dans une bande dessinée pour le
journal The Guardian. Et comme Sacco l'a fait remarquer, si nous
n'écoutons pas ces histoires, nous ne ferons jamais qu'échanger sans fin
le terrorisme d'état contre le terrorisme.
"C'est
une triste situation lorsque la liberté signifie la liberté d'insulter,
de dégrader et de se moquer des concepts les plus sacrés des gens", m'a
écrit par email le savant islamiste Hamza Yusuf, un américain vivant en
Californie. "Dans certains pays latins, des gens sont acquittés pour
meurtre quand la mère de l'accusé a été calomniée par la victime. J'ai
vu cela en Espagne il y a de nombreuses années. Ce n'est pas une excuse
pour le meurtre, mais cela explique la situation en termes d'honneur, ce
qui ne veut plus rien dire en Occident. L'Irlande est un pays
occidental qui garde encore un peu de cette mentalité, et c'était les
règles de duel irlandaises qui étaient utilisées au Kentucky, le dernier
état américain à interdire le duel. La pratique du duel était autrefois
très importante en Occident, quand l'honneur avait une profonde
signification pour l'âme des hommes. Aujourd'hui on n'a plus le droit de
se sentir insulté que par une injure raciale ce qui, en fait, a moins
d'impact sur une personne profondément religieuse qu'une attaque contre
sa religion. Les pays musulmans sont encore gouvernés, comme vous le
savez bien, par des codes d'honneur et de honte. La religion est le plus
important. J'ai été attristé par les tweets et images "Je suis Charlie"
car bien que je n'aie certainement aucune sympathie pour ces idiots
égarés [les hommes armés qui ont fait irruption dans le journal], je ne
me sens pas en solidarité avec les moqueurs."
Charlie
Hebdo, qui se fait pourtant fort de taper sur tout le monde de la même
façon, a viré un artiste et journaliste en 2008 pour un article qu'il
jugeait antisémite.
Peu
après les attaques du 11 septembre, alors que je vivais à Paris en tant
que reporter pour le New York Times, je suis allé à la cité des 4 000,
une cité HLM grise où les immigrés maghrébins vivaient dans des
appartements aux fenêtres murées. Des ordures parsemaient les cages
d'escalier. Des slogans tagués sur les murs dénonçaient le gouvernement
français comme fasciste. Des membres des trois principaux gangs
vendaient de la cocaïne et du haschich dans les parkings au milieu des
carcasses de plusieurs voitures brûlées. Quelques jeunes hommes m'ont
jeté des pierres. Ils scandaient “Fuck the United States ! Fuck the
United States ! Fuck the United States !” et "Oussama Ben Laden !
Oussama Ben Laden ! Oussama Ben Laden !" Sur la porte de l'appartement
d'une vieille femme juive, quelqu'un avait tagué un "Mort aux juifs"
qu'elle avait lessivé.
Dans
les banlieues Oussama Ben Laden était un héros. Lorsque les nouvelles
des attaques du 11 septembre ont atteint la Cité des 4 000 - ainsi
nommée car elle avait 4 000 HLM lors de sa construction - des jeunes
hommes sont sortis de leurs appartements pour se réjouir et scander en
arabe "Dieu est grand !". Quelques semaines plus tôt, en France, a eu
lieu le premier match de football entre les équipes françaises et
algériennes depuis la guerre d'indépendance ayant pris fin en 1962. Les
maghrébins dans le stade ont hué et sifflé l'hymne national français.
Ils ont scandé "Ben Laden ! Ben Laden ! Ben Laden !" et ont jeté des
bouteilles sur deux ministres français, deux femmes. Alors que l'équipe
française approchait de la victoire, les supporters algériens, pour
arrêter le match, ont envahi le terrain.
"Vous
voulez qu'on pleure pour les américains quand ils bombardent et tuent
des palestiniens et des irakiens tous les jours ?" m'a dit Mohaam Abak,
un immigré marocain assis avec deux amis sur une banc lors de ma visite
de 2001 à la Cité des 4 000. "On veut que plus d'américains meurent pour
qu'ils commencent à sentir ce que ça fait."
"L'Amérique
a déclaré la guerre aux musulmans il y a bien longtemps", disait Laala
Teula, un immigré algérien qui a travaillé de nombreuses années comme
mécanicien dans les chemins de fer. "Ce n'est que la réponse."
Il
est dangereux d'ignorer cette rage. Mais il est encore plus dangereux
de refuser d'examiner et de comprendre ses origines. Elle n'a pas émergé
du Coran ou de l'Islam. Elle a émergé d'un désespoir de masse, de
conditions palpables de pauvreté, allant de pair avec la violence
impérialiste occidentale, l'orgueil et l'exploitation capitaliste. Alors
que les ressources du monde diminuent, tout spécialement sous l'effet
du changement climatique, le message que l'on fait passer aux damnés de
la terre est sévère et sans équivoque : nous avons tout ; si vous
essayez de nous prendre quoi que ce soit, nous vous tuerons. La réponse
des dépossédés est également sévère et sans équivoque. Elle a été donnée
à Paris.
Source
: Chris Hedges (journaliste et auteur américain. Ancien correspondant
de guerre, il est reconnu pour son analyse de la politique américaine
ainsi que de celle du Moyen-Orient), Truth Dig, le 11/01/2015
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
Stop au “Mahomet bashing”, par Eric Brunet |
Je ne suis pas Charlie. Je suis resté chez moi, le dimanche 11 janvier, comme 62 millions de Français. Pour autant, les tueries de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher m’ont meurtri. Je connaissais personnellement deux victimes...
Si je vous dis que je ne suis pas Charlie,
ce n’est pas pour cultiver ma différence, mais parce que j’estime que
la liberté d’expression ne peut être réduite au droit de dessiner
Mahomet avec une paire de testicules sur la tête… ou le pape avec un
crucifix dans le postérieur.
Beaucoup
de Français viennent de découvrir que la liberté de la presse est
menacée dans notre pays. On pourrait sourire... Dans les faits, elle est
bafouée tous les jours par des censeurs éminemment plus subtils que les
frères Kouachi : les groupes financiers ou industriels qui achètent nos
quotidiens, les milliers de journalistes qui s’autocensurent pour
garder leur job...
Curieux,
ce réveil tardif des défenseurs de la liberté. Où étaient-ils lorsque
Mitterrand usait de tous ses pouvoirs pour empêcher Jean-Edern Hallier
de révéler l’existence de sa fille dissimulée, ses liens avec Pétain et
la Cagoule, ou le cancer qu’il cachait aux Français ? ... Oui, la
liberté d’expression, c’était Jean-Edern, pas les caricatures
représentant Mahomet sous la forme d’une crotte enturbannée ou Benoît
XVI en train de sodomiser des enfants.
Entendons-nous
: je ne suis pas religieux et j’adore le rire et la provocation. Mais
cessons de nous arcbouter sur le logiciel français et admettons que les
obsessions de Charlie Hebdo ont déboussolé une communauté
musulmane qui entretient avec Dieu une relation particulière, différente
de celle des chrétiens et des juifs.
Je
ne rêve pas que la France renonce à la liberté de caricaturer. Je veux
juste qu’elle fasse montre de mesure et de discernement... Ces derniers
jours, les chaînes de télévision américaines et britanniques ont refusé
de montrer la couverture de Charlie Hebdo à leurs publics.
Pourtant, les États-Unis et le Royaume-Uni comptent parmi les plus
anciennes démocraties du monde. Et CNN comme la BBC ne sauraient être
accusées d’indulgence à l’endroit des extrémistes musulmans. Mais dans
ces nations où le dogme laïque n’existe pas, le bon sens commun a
conduit les médias à prendre une position responsable.
Il est temps d’affirmer que les manifestations du 11 janvier ne donnent pas à Charlie Hebdo un droit éternel à allumer des incendies. Les caricaturistes doivent lever le crayon. « Un dessin est un fusil à un coup », disait Cabu. Vrai : lors des manifestations anti-Charlie Hebdo,
des effigies de François Hollande ont été brûlées et de nombreux
chrétiens ont été assassinés. N’oublions pas que près de 3 millions de
nos compatriotes vivent à l’étranger, et beaucoup redoutent la haine
anti-Français...
Source : Valeurs Actuelles, le 26/01/2015
LIBERTE D’EXPRESSION. Quand Charlie Hebdo s’oppose à la parution de « Charpie Hebdo »
Charlie
Hebdo vient de s’illustrer encore une fois. Négativement. La chose la
moins bien partagé dans ce canard, c’est la liberté d’expression. On se
souvient de Siné. Aujourd’hui, le journal dit satirique mais plutôt
sadique vient de faire savoir, par lettre recommandée de son avocat,
son opposition au projet de lancement d’un titre baptisé « Charpie
Hebdo ».
Ce n’est pas une surprise.
On sait que ceux se réclamant de la liberté d’expression sont toujours
les plus grands censeurs, pour peu qu’ils aient le pouvoir. Soutenu par
tous, Charlie Hendo fait donc du zèle. Julien Saint-Guillaume, directeur
de la rédaction du « Connard », un des deux titres édités par Sonora
Média qui voulait lancer « Charpie Hebdo » déclare:
« Il n’y a pas la satire acceptable et la satire pas acceptable. C’est la preuve que Charlie Hebdo veut fixer des limites à la liberté de la presse ».
Véridique….