jeudi 21 mai 2015

Hallucinant : L’Arabie Saoudite met l’Algérie sur une liste noire de pays «peu engagés» dans la lutte contre le terrorisme

L’information peut paraître tirée d’un film de science-fiction, tant il est impensable de voir une monarchie, dont le seul nom évoque l’extrémisme et le terrorisme, proscrire un pays, l’Algérie, qui en est d’abord la première victime et dont le tribut payé pour combattre les hordes formatées par les parrains wahhabites a été très lourd. Pourtant, l’information est officielle.
Le ministère saoudien des Affaires étrangères vient d’instruire les autorités concernées du pays (les ministères de l’Industrie et du Commerce et le Conseil de la monnaie saoudienne), leur demandant de faire preuve de «plus de vigilance» dans leurs transactions financières avec onze pays, dont l’Algérie, afin de «parer aux risques d’implications dans des affaires de blanchiment d’argent ou de financement de terrorisme». L’information est rapportée par le journal saoudien Mekka, dans son édition de dimanche 17 mai. Le gouvernement saoudien accuse ces pays (l’Algérie, l’Équateur, l’Éthiopie, l’Indonésie, Myanmar, le Pakistan, la Syrie, la Turquie et le Yémen) de «ne pas respecter leurs engagements dans le cadre du Groupe d’action financière contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (Gafi).
Le rapport cite aussi l’Iran et la Corée du Nord sur sa liste de pays «se refusant à toute coopération» dans la lutte contre ces deux fléaux. Dans sa directive adressée aux institutions concernées, le ministère des Affaires étrangères saoudien énumère huit mesures à «appliquer strictement» dans leurs relations financières avec les onze pays cités. En tête de ces mesures, le «durcissement des conditions d’identification des clients, afin de connaître l’identité du véritable bénéficiaire, avant toute transaction avec les personnes physiques ou morales dans les pays qui présentent une faiblesse dans leurs dispositifs ou n’appliquant pas les recommandations du Gafi contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme». A ce titre, le ministère recommande également de «se conformer scrupuleusement aux notes d’avertissement établies par le Gafi, aux résolutions du Conseil de sécurité ou de la commission chargée de l’application du chapitre VII de la Charte des Nations unies en la matière».
Autre mesure notifiée par les autorités saoudiennes, «assurer une mise à jour instantanée des conditions énoncées dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, et prendre les mesures de prévention nécessaires pour une meilleure assurance de toutes les transactions contractées avec les parties relavant des pays» concernés.
La note exige aussi de «s’assurer que toutes les transactions commerciales établies avec les parties relevant des pays visés par des bulletins d’avertissement sont à des fins économiques et clairement légales» et d’«identifier les véritables bénéficiaires». .Dernières mesures, enfin, «consulter les sites web des organisations cibles de façon régulière et périodique, chercher d’autres sources d’information fiables et prendre des mesures adéquates en conséquence de ce qui y est diffusé».
Le rapport indique, en outre, que ce nouveau dispositif sera transmis au secrétariat du Conseil de coopération du Golfe (CCG). L’Arabie Saoudite avait empêché un avion d’Air Algérie d’atterrir à Sanaa pour le rapatriement de ressortissants algériens et maghrébins du Yémen. Une information confirmée par le pilote de la compagnie aérienne nationale, mais démentie par notre ministère des Affaires étrangères. Ce nouvel épisode – que nos responsables s’empresseront sans doute de démentir encore une fois – est un indice clair du classement de l’Algérie par les pays du Golfe comme un pays «récalcitrant» à «surveiller de près», pour avoir refusé de participer à l’opération militaire contre les Houthis. La preuve en est que des États arabes comme le Maroc et la Jordanie ne sont pas concernés par la liste noire de Riyad qui cible ouvertement des régimes non monarchiques. Nous y reviendrons.

R. Mahmoudi

La diplomatie algérienne répond à l’Arabie saoudite

Suite à la publication par un quotidien belge de l’article « L’Arabie saoudite blackliste l’Algérie pour son rôle supposé dans le financement du terrorisme », l’ambassade d’Algérie en Belgique a réagi en faisant parvenir au journal une mise au point.
En effet, l’ambassade de l’Algérie en Belgique a fait parvenir trois mises au point au quotidien Le Soir, que nous publions intégralement.
1- En tant que pays pionnier dans la lutte contre le terrorisme, qu’il a dû affronter seul, parfois dans l’indifférence et l’incompréhension la plus totale, l’Algérie a tout naturellement inscrit la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme en tête de ses engagements internationaux.
Au plan interne, l’arsenal juridique adopté dans ce sens a été régulièrement actualisé, à commencer par la Loi nº05-01 du 6 février 2005 relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, jusqu’à la Loi nº15-06 du 15 février 2015 portant introduction de certaines règles prévues dans les accords internationaux et décisions du Conseil de sécurité, en passant par le Décret exécutif promulgué le 12 mai 2015 relatif aux procédures de saisie et/ou de gel des fonds et des biens dans le cadre de la prévention et de la lutte contre le financement du terrorisme.
2- L’arsenal en question se veut une adaptation du cadre juridique en Algérie aux exigences internationales et tient compte des recommandations du Groupe d’action financière pour la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (Gafi), dont la mission consiste justement à resserrer l’étau autour des groupes terroristes.
3- L’Algérie a poursuivi ses efforts sur le plan international dans le sens de l’édification d’un système juridique visant à éradiquer ce fléau et à assécher les sources de financement du terrorisme en appelant à la criminalisation du versement des rançons.

 

Qui finance le terrorisme?

Indirectement, c'est nous - Occidentaux- qui vivons dans un occident prospère, mais un occident qui a besoin des milliards des pays du golf pour soutenir sa croissance économique qui atteint ses limites. Mais pour que l'argent de ces régimes théocrates puisse couler à flots, avec un minimum de transparence, vers nos marchés, nos banques, nos institutions et nos partis politiques, il y a un prix à payer.
Quel est au juste ce prix ?
C'est un prix qui fut jusqu'à tout récemment dérisoire à comparer avec les bénéfices récoltés. Mais voilà que l'équation change.
En effet, le prix consistait simplement à ce que nous fermions les yeux sur les comportements de ces régimes «amis», à leur ouvrir les portes de la légitimité internationale et les aider ainsi à survivre le plus longtemps possible en mode théocratique verrouillé. Ce n'est pas par hasard que les vents du soi-disant printemps arabe n'ont pas soufflé dans ces pays. La contrepartie pour ces royaumes et émirats consistait à repomper les milliards vers l'occident, (2) accepter sur leur sol des bases militaires occidentales et (3) fomenter et financer le renversement des régimes laïcs et séculiers de nos soi-disant ennemis (Iraq, Syrie, Libye, Égypte et Afghanistan) avec le grand prétexte d'implanter la démocratie. Sans ironie.
Mais tout allait, malgré tout, relativement bien pour nous, tant que ces pétrodollars ne pouvaient pas menacer notre quiétude et nos valeurs.
Cette entente tacite et cynique s'appuyait cependant sur un double déni : celui de l'occident, à l'égard des risques que ces régimes moyenâgeux financent le terrorisme islamique et le déni de ces régimes, à l'égard de leur implication dans le terrorisme international fécondé, engendré et nourri par leur propre idéologie du jihad et du combat des mécréants. Le jihad sert en effet à justifier leurs régimes totalitaires aux yeux de leurs populations tout en leur permettant de disposer sans reddition de comptes aucune des revenus pétroliers.
Mais voilà que ces régimes qui ont écrasé toute liberté d'expression en faisant régner l'intégrisme religieux sur leurs populations ont élargi leur zone d'influence en exportant et finançant l'intégrisme et le Jihad à travers le monde. À travers notre monde.
Et qu'avons-nous fait depuis? Même si les actes ont été dénoncés (on pense entre autres aux attentats de New York, Londres et Madrid), on a encore une fois fermé les yeux en vertu de cette relation de clientélisme honteux. Il est difficile de formuler une vraie critique quand on bénéficie au maximum de cette manne peu couteuse et profitable à nos multinationales, banques et industries d'armement. On croyait et on le croit encore que cette manne peut compenser nos récessions multiples, voire cacher les vices structurels de nos économies. L'intention donc était de demeurer profitable et si les dommages collatéraux consistent en une dizaine d'attentats en occident et une centaine de vies fauchées, les bénéfices financiers dépassent, aux yeux des grands décideurs (les États-Unis, La France et le Royaume-Uni), les dommages causés. N'oublions pas que l'on ne met jamais dans l'évaluation de ces «dommages» les centaines de milliers de vies fauchées dans les pays du Moyen-Orient, en Afrique et en Asie de l'Est. Seuls les dommages directs infligés aux occidentaux et exceptionnellement à un pilote de la coalition internationale sont pris au sérieux (Je suis Charlie, Je suis le journaliste prisonnier de l'État islamique, etc.)
Comment se sortir de cette terrible équation du double déni (assumons que nous voulons vraiment en sortir) avant qu'il ne soit trop tard?
La réponse est complexe et demande du courage, quitte à nous priver de ces milliards coupables.
Pour couper les sources du financement du terrorisme, il faudrait, d'abord, parler et agir. Même si l'on sait que le fondamentalisme islamique ne sera vaincu à long terme que par l'éducation, il faudrait immédiatement demander à l'Arabie Saoudite, au Qatar, aux princes zélotes des Émirats, ainsi qu'à leur facilitateur régional (la Turquie) de cesser leur soutien financier et logistique aux doctrines jihadistes et de changer de cap en implantant une série de réformes envers leurs populations. Il faut cesser d'exporter et de prêcher cette mentalité qui refuse l'autre et qui encourage la haine, rien de moins.
Et si cette méthode ne marche pas, qu'allons-nous faire ? Là, il nous faut sortir les grands moyens, pacifiques, si l'on veut vraiment préserver l'avenir, le nôtre et celui de plusieurs milliards de personnes qui souffrent beaucoup plus que nous. Il nous faut, ni plus ni moins, nous affranchir de notre dépendance au pétrole du Golf et de ses retombées financières. Ensuite, il nous faut repenser la structure de nos économies : la croissance effrénée n'est peut-être pas le seul modèle pour notre avenir.
Finalement, il faut raffiner sérieusement nos politiques d'immigration, d'accueil et d'intégration. Le temps presse pour les démocraties occidentales d'arrêter ses guerres désastreuses au Moyen-Orient et de faire des alliances avec ceux qui n'exportent pas le terrorisme.
Kamal KARAZIVAN,
ingénieur