Le président turc Tayyip
Erdogan a déclaré
le 20 novembre que la Turquie n'avait pas besoin de rejoindre l'Union
européenne «à tout prix». Au lieu de cela, elle pourrait faire partie de
l'Organisation de Coopération de Shanghai (SCO), ou Pacte de Shanghai. Le
leader turc a déclaré qu'il avait déjà discuté de l'idée avec le président
russe Vladimir Poutine et avec son homologue kazakh Nursultan Nazarbayev.
L'OCS est une organisation
politique, économique et militaire eurasienne fondée en 2001 à Shanghai. Ses
membres sont la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan
et l'Ouzbékistan. Le Kazakhstan, le Kirghizistan et l'Ouzbékistan parlent le
turc.
L'Inde et le Pakistan deviendront
des membres à part entière lors de la prochaine réunion à Astana en 2017. La
Mongolie, l'Inde, l'Iran, le Pakistan et l'Afghanistan sont des observateurs de
l'OCS. En 2013, la Turquie a obtenu le statut de «partenaire de dialogue» de l'OCS.
L'autre pays ayant le même statut est la Belarus. Les partenaires du dialogue
ont le droit de participer à des réunions au niveau ministériel et à d'autres
réunions de l'OCS, mais n'ont pas le droit de vote.
La Turquie avait formellement
demandé à devenir membre de l'Union européenne en 1987 et les négociations
d'adhésion ont débuté en 2005. Son ambition de faire partie du bloc remonte aux
années 1960. Ses perspectives d'adhésion semblent sombres après 11 ans de
négociations. Les prétextes soulevés par les Européens sont nombreux, mais la
véritable raison est que l’UE veut rester un bloc chrétien et que la Turquie
est un grand pays musulman. Compte tenu de l’islamophobie de plus en plus
virulente en Occident, les pays musulmans, comme la Turquie, ont intérêt à se
tourner vers un espace plus ouvert et plus tolérant : l’Asie.
L'UE a intensifié ses
critiques à l'encontre d'Ankara depuis le coup d'État du 15 juillet dernier,
affirmant que les lois antiterroristes du pays étaient appliquées trop brutalement.
L’UE oublie, en passant, que c’est l’OTAN, qui a soutenu la tentative de coup
d’état. Bien plus, certains pays européens, dont le Luxembourg et l'Autriche, ont appelé le
bloc à cesser les pourparlers d'adhésion avec la Turquie ou à la punir par d'autres
sanctions.
Pour sa part, la Turquie est
frustrée par la longue impasse sur l'adhésion à l'UE. Ankara a accusé l'UE de
traiter le pays différemment des autres candidats, bien moins fiables
économiquement, au sujet de sa tentative d'adhésion et de ne pas débloquer tout
l'argent qu'il avait promis de verser à la Turquie lors de l'accord
sur les réfugiés. La Turquie envisage de relancer la peine de mort. Cette
décision rendra l'adhésion à l'UE impossible. Le président Erdogan envisage
d'organiser un référendum sur l'avenir de l'adhésion de la Turquie à l'UE.
L'adhésion de la Turquie à
l'OCS constituerait une étape importante en réunissant l'organisation et le Conseil de
coopération des pays turcophones (CCTS) comprenant l'Azerbaïdjan, le
Kazakhstan, le Kirghizistan et la Turquie. Le Secrétariat général se trouve à
Istanbul, en Turquie. Le Turkménistan et l'Ouzbékistan sont de futurs membres
potentiels du Conseil.
L'organisation internationale
fonctionne également comme un organe de coordination pour tous les autres
mécanismes de collaboration autonome tels que l'Assemblée parlementaire des
pays turcophones (TURKPA), l'Organisation internationale de la culture turque
(TURKSOY) et l'Académie turque.
Depuis sa création en 2009,
le CPRST a fait des progrès significatifs en matière d'institutionnalisation de
l'interaction. Le 6e Sommet des Chefs d'État du Conseil Turcique devrait avoir
lieu jusqu'à la fin de l'année à Cholpon-Ata (Kirghizistan).
La déclaration du président
Erdogan est un autre signe du départ d'Ankara de l'Ouest vers d'autres
partenaires. Par exemple, la Turquie vient d'annoncer qu'elle est en
pourparlers avec la Russie sur l'achat des systèmes avancés de défense aérienne
à longue portée S-400 pour protéger son ciel. Elle cherche également à obtenir
des contrats dans les systèmes électroniques, les munitions et la technologie
des missiles. Le général Hulusi Akar, chef de l'état-major des forces armées
turques, s'est
rendu en Russie ce mois-ci pour discuter de la coopération militaire.
Lors de la visite de deux
jours d'Erdogan au Pakistan le 16 novembre, le rédacteur en chef d'un journal
pro-gouvernemental en Turquie a déclaré que
le pays devait développer sa propre force de dissuasion nucléaire. Il
aurait peut-être exprimé son opinion personnelle, mais il confirme la tendance
générale à la réorientation de la Turquie vers une défense indépendante de l’OTAN
et des États-Unis.
Lors du sommet du 9 août à
Saint-Pétersbourg, la Russie et la Turquie ont signé une déclaration sur un
partenariat sans précédent dans l'industrie de la défense. Les parties ont
également convenu de former un mécanisme militaire et de renseignement conjoint
pour coordonner leurs activités au Moyen-Orient. La coopération économique
russo-turque devrait progresser encore avec la relance du projet gazier Turkish Stream.
Il convient de noter que la
Russie, et non pas les États-Unis ou tout autre membre de l'OTAN, a été le
premier pays à être visité par le président turc après le coup d'État.
Fin octobre, la Turquie et la
Chine ont également tenu un
symposium commercial à Istanbul, signant un total de 36
nouveaux contrats d'une valeur de 300 millions de dollars. En raison de sa
géographie, la Turquie a un rôle crucial à jouer dans la mise en œuvre du
projet One Belt One Road (route de la soie) en Chine. La Turquie prend de
nouveau la position d'un partenaire d'investissement et de coopération clé qui
aidera à combler l'Est et l'Ouest.
Elle est devenue la 17e
économie du monde et une destination de plus en plus importante pour les
entreprises chinoises qui veulent commercer et investir. Actuellement, la Chine
est le troisième partenaire commercial d'Ankara, avec des échanges de 28
milliards de dollars. La Turquie est populaire parmi les touristes chinois, et
les relations culturelles entre les deux pays se développent.
Le ministre turc des Douanes,
Bulent Tüfenkci, a annoncé
en janvier que le pays entend maintenant tripler le commerce avec l'Iran, un
observateur de l'OCS, à 30 milliards de dollars «dès que possible».
Le passage progressif de
l'Occident vers l'Eurasie et vers d'autres partenaires fait partie d'un
processus plus large à mesure que l'Occident s'affaiblit et se divise. La
notion même d ' «unité occidentale» s'efface.
Sans surprise, comme ses relations avec l'Occident s’aigrissent, la Turquie
tend vers d'autres pôles de pouvoir. D'autres progrès sur la voie d'Ankara à
l'intégration avec l'OCS faciliteront la politique étrangère
multidimensionnelle pour renforcer la position d'Ankara dans le monde.
Source http://www.strategic-culture.org/
Traduction / adaptation : Hannibal GENSERIC
Traduction / adaptation : Hannibal GENSERIC