jeudi 10 novembre 2016

Trump président, le Nouvel Ordre Mondial vaincu

La victoire de Donald Trump a secoué les Etats-Unis et surpris le monde. Elle traduit la montée d’une vague de colère des classes populaires contre ce que l’on appelle les « élites ». Elle signe une réaction historique contre la fracture sociale, mais aussi idéologique et culturelle, aux Etats-Unis qui a vu se développer une politique, mais aussi des médias « hors sol ». Ces mêmes médias qui ont mené une campagne hystérique en faveur d’Hillary Clinton sont aujourd’hui brutalement désavoués. Ils devraient en tirer les leçons ; il n’est pas sûr qu’ils le fassent.

Une victoire, une défaite, un regret

trump-6Il y a eu, et c’est évident, des relents racistes dans la campagne menée par Donald Trump, mais les observateurs qui s’y sont attachés et qui n’ont voulu voir que cela ont oublié l’essentiel : cette vague de fond qui montait depuis des mois contre la « finance », contre Wall Street. L’élection de Trump c’est, symboliquement, la victoire de la vie réelle sur la vie virtuelle. Cette élection témoigne aussi, en creux, de ce que le bilan de Barack Obama n’est pas aussi bon que ce que la presse veut bien nous en dire, et que l’économie américaine ne s’est toujours pas relevée de la crise de 2007-2009.
a-01-senders-500x229Cette vague, elle aurait pu prendre aussi une autre direction. Bernie Senders, le candidat malheureux de la primaire démocrate, l’incarnait aussi, à sa manière, et certainement de façon plus politique que Donald Trump. C’est la responsabilité historique de « l’establishment » démocrate, des caciques du parti qui n’ont pas hésité à manipuler cette primaire, qui ont outrancièrement avantagé Hillary Clinton, que d’avoir permis la victoire de Donald Trump. Retenons ici la leçon. La gauche peut vaincre quand elle renoue avec le peuple, jamais quand elle se fourvoie avec les financiers et les grands patrons, la caste journalistique et des artistes aussi changeants qu’inconstants. C’est l’un des enseignements de cette campagne et de cette élection, et il valide en partie la stratégie de Jean-Luc Mélenchon.
a-01-hillaryMais, cette victoire et d’abord et avant tout la défaite d’Hillary Clinton. Elle est apparue comme la candidate de la finance ; ses liens avec les grandes banques d’affaires de Wall Street – dont Goldman Sachs – étaient notoires. Elle copinait avec les plus riches et les plus connus. Les liens financiers allaient au-delà, et le rôle de la Fondation Clinton restera à élucider, en particulier ses relations avec les dirigeants de certains pays comme l’Arabie Saoudite et le Qatar. Son comportement, ce mélange de négligence et d’arrogance dont elle a fait preuve dans l’affaire de ses courriels (le emailgate) a été rejeté par une majorité d’américains. Ses positions interventionnistes et aventuristes en politique étrangère ont aussi contribué à effrayer aussi une partie de l’opinion.

Les conséquences

L’élection de Donald Trump aura des conséquences importantes, que ce soit aux Etats-Unis mêmes ou dans les relations internationales. Il devra en un sens donner rapidement satisfaction à cette majorité d’américains qui a vu son niveau de vie baisser alors que celui d’une petite minorité explosait. Le vote des états de l’ancienne ceinture industrielle des Etats-Unis, ce que l’on appelle la « ceinture de la rouille » ou rustbelt est à cet égard typique du mouvement qui a porté Trump à la présidence. Il devra aussi reconstruire le parti républicain, dont une partie de l’élite s’est détournée de lui. Le fait que les républicains demeurent majoritaires au Congrès pourrait l’y aider. Mais, sa politique sera tiraillée entre l’aile la plus réactionnaire du parti et sa volonté de satisfaire ses électeurs, en lançant en particulier de grands programmes d’investissements publics. Il devra, symboliquement, réconcilier les américains avec eux-mêmes alors qu’ils sortent divisés de cette campagne qui a été vue par une grande majorité comme calamiteuse.
Mais, c’est bien dans les relations internationales que les conséquences de l’élection de Donald Trump vont progressivement marquer le plus grand changement. Le Président nouvellement élu n’a pas fait mystère de sa volonté d’améliorer les relations des Etats-Unis avec la Russie, de mettre fin à la sur-extension de l’appareil militaire américain, de revenir à une vision plus réaliste des échanges internationaux, loin des dogmes du libre-échange. L’heure ne sera plus aux grands traités internationaux, comme le TAFTA ou le CETA. Le protectionnisme est de retour, et il faudra le penser si l’on veut en tirer tous les avantages et mettre en œuvre ces « démondialisation » raisonnée que j’appelais de mes vœux et qui semble aujourd’hui inévitable. Acceptons-en donc l’augure, tout en comprenant que la politique d’un pays comme les Etats-Unis ne bascule pas en quelques jours ou en quelques semaines.
Mais, il est clair que l’élection de Donald Trump est porteuse d’espoir pour les relations avec la Russie, et que la posture de confrontation adoptée par Washington, que ce soit sur l’Ukraine ou sur la Syrie, ne sera pas maintenue. C’est aussi un point positif de cette élection. Souhaitons que cela soit aussi compris dans les pays européens qui ont – stupidement – décidé de maintenir les sanctions contre la Russie.

Les conséquences pour l’idéologie européiste

Plus généralement, cette élection rebat les cartes aussi pour l’Union européenne. Ce n’est pas par hasard si l’ancien Premier-ministre italien, Enrico Letta, dit qu’il s’agit de l’événement le plus important depuis la chute du mur de Berlin. Les élites européistes ont perdu un soutien décisif dans la présidence américaine[1], et cela se sent tant aux réactions de Juncker et Tusk, qu’à celles d’Angela Merkel ou de François Hollande. A l’inverse, les personnalités politiques qui contestent cet européisme, de Nigel Farage à Beppe Grillon, en passant par Marine le Pen, se réjouissent de cette victoire de Donald Trump.
Bien entendu, on tentera d’entonner le fameux couplet sur l’Europe fédérale, et l’on cherchera à ranimer les feux moribonds d’une intégration européenne. Mais, les divisions entre les Etats de l’UE ne disparaitront pas par enchantement. Les intérêts de ces Etats vont rester ce qu’ils sont, opposés à toute intégration. Il faudra donc bien, un jour où l’autre, en tirer les conséquences et revenir à cette politique des Nations qui n’exclut d’ailleurs pas la coopération et l’amitié entre ces dites Nations. A se refuser à cela, les dirigeants européistes prennent le risque d’aggraver la colère qui, elle aussi, bout dans l’Union européenne. Les dénis de démocratie ont été trop nombreux, trop systématiques. Ces dirigeants sont menacés de connaître, à leur échelle et dans leurs conditions, le sort d’Hillary Clinton.
Il est cependant peu probable qu’ils comprennent que nous avons changé d’époque, certes non du fait de cette élection présidentielle qui n’est qu’un élément de plus dans le changement, mais bien parce que nous vivons aujourd’hui, et depuis plus de dix ans, le grand retour des Nations. Rien n’est plus dramatique que quand des élites, qu’elles soient politiques ou culturelles, se cramponnent à une vision du monde que la réalité a dépassée et démentie. On peut, jusqu’à un certain point, vivre dans une bulle. Mais, à un moment donné, cette bulle éclate et il faut payer au prix fort ce monde d’illusions que l’on a construit.
[1] http://www.lastampa.it/2016/11/09/esteri/russia-e-destre-europee-esultano-lue-relazioni-transatlantiche-pi-difficili-KpVb6IQVQoRjaEBIeyH2fM/pagina.html
Source : Russeurope, Jacques Sapir, 09-11-2016

Trump: Notre victoire [A.Dugin]

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La réaction d’Alexandre Dugin à la victoire de Donald Trump (Traduction rapide)
Lecteur vidéo
La nouvelle de la victoire de notre candidat aux élections présidentielles aux États-Unis est un événement énorme. Nous avons averti qu’après le 8 Novembre, nous allons vivre dans un monde différent, et voila, nous sommes entrés dans cet autre monde. Notre chaîne a toujours poursuivi une politique de soutien au Président Trump. Nous avons mis en jeu notre réputation d’analystes comme de sérieux commentateurs politiques, en dépit de toutes les campagnes d’information organisées par la «cinquième colonne» des médias et souvent diffusées par nos médias gouvernementaux et fédéraux. Nous avons effectué notre analyse de la campagne électorale américaine, nous avons parlé des conséquences, nous avons parlé de l’importance de Trump.
Nous avons eu raison. Aujourd’hui – c’est notre journée. Si Hillary Clinton avait gagné, ça aurait été un jour de deuil. Nous avons parié et gagné. Nous avons donné notre analyse de ce qui se passera dans la journée électorale américaine, et nous avions raison. Nous et le Los Angeles Times.
Il faut marquer cette victoire de l’approche analytique, la victoire de la vision géopolitique. Ceci est notre fête. Nous avons fait tout notre possible pour préparer notre société (et dans la mesure où la Russie a de l’influence sur d’autres pays) à la victoire de Trump, nous avons soutenu Trump. Nous savions ce que nous faisons, et notre candidat a gagné.
La première chose que je dirais (en particulier étant en Turquie) – nous sommes entrés dans un nouveau monde. Ce monde est beaucoup plus proche d’un idéal multipolaire pour lequel nous nous battons, que le monde qui existait il y a deux jours.
Bien sûr, les événements ne se développeront pas instantanément et précipitamment. Mais la victoire de Donald Trump est une véritable révolution. Ceci est une révolution en Amérique, un retour aux États-Unis que nous avions oublié et que nous avions perdu. C’est l’Amérique réelle, un pays avec des gens ordinaires, concernée par leurs propres problèmes et qui ne se soucie pas de l’hégémonie mondiale, de la domination du monde et des élites transnationales.
Cette Amérique a remporté aujourd’hui la victoire. Elle a remporté la victoire non sur une autre Amérique, mais elle a vaincu celle-là l’élite globaliste, celle qui a volé l’Amérique, qui a tenté de l’utiliser pour ses intérêts globaliste, bien loin des intérêts américains. Et cette élite représentée par la sanglante Hillary, a essuyé aujourd’hui une destructrice défaite.
L’Amérique a gagné – l’élite globaliste a perdu. Ceux qui voulaient imposer au monde un ordre fondé sur le libéralisme agressif, séculaire, fanatique, maniacal et sectaire ont perdu. Aujourd’hui c’est le jour de la défaite des libéraux.
Il faut en tirer les conclusions. Cette défaite c’est aussi la défaite définitive du libéralisme en Russie. Après elle, on peut en jeter les restes à la poubelle, et en particulier terminer de nettoyer ces libéraux qui continuent à roder jusqu’au sommet du pouvoir en Russie. C’est leur mort, il n’y aura plus aucun soutien de l’Amérique qui commencera à s’occuper de ses propres problèmes nationaux.
Goodbye, les libéraux russes. Au revoir, « la cinquième colonne ». Votre financement se termine. Vous glapissiez au soutien d’Hillary, vous affichiez les les gueules les plus odieuses au nom de Trump. Mais notre honnête candidat conservateur a vaincu. Cela signifiera le devenir du monde multipolaire et l’agonie définitive de la monopolarité.
Et le principal : Désormais nous voyons l’Amérique tout à fait autrement. Je pense, qu’aujourd’hui est le jour de la fin de cet antiaméricanisme absolu moral global, qui était provoqué par la réaction à l’hégémonie américaine. Nous fermons l’Amérique globaliste et nous ouvrons l’autre. Avec cette Amérique nous pouvons parfaitement devenir des partenaires tranquilles normaux.
Il reste à faire la conclusion fondamentale : nous vivons dans un autre monde.


https://tvs24.ru/cumulus/videos/120/trump-notre-victoire-a-dugin/

Les 7 propositions de Donald Trump que les grands médias nous cachent

1) En premier lieu, les journalistes ne lui pardonnent pas ses attaques frontales contre le pouvoir médiatique. Ils lui reprochent d’encourager régulièrement son public à huer les médias « malhonnêtes ». Trump affirme souvent : « Je ne suis pas en compétition avec Hillary Clinton, mais avec les médias corrompus. »Récemment, il a tweeté : « Si les grands médias, répugnants et corrompus, couvraient de manière honnête ma campagne, sans fausses interprétations, je dépasserais Hillary de 20 %. » Il n’a pas hésité à interdire d’accès à ses meetings plusieurs médias importants comme The Washington Post, Politico, Huffington Post et BuzzFeed. Il a même osé attaquer Fox News, la grande chaîne de la droite pamphlétaire, qui pourtant le soutient à fond …
2) Une autre cause des attaques médiatiques contre Trump : sa dénonciation de la globalisation économique qu’il tient pour responsable de la destruction des classes moyennes. Selon lui, l’économie globalisée est une calamité dont le nombre de victimes ne cesse de croître. Il rappelle que plus de 60 000 usines ont dû fermer ces quinze dernières années aux Etats-Unis et qu’environ cinq millions d’emplois industriels ont été détruits.
3) Trump est un fervent protectionniste. Il propose d’augmenter les taxes sur tous les produits importés. Et se dit prêt, s’il arrive au pouvoir, à établir des droits de douanes de 40% sur les produits chinois. « Nous allons récupérer le contrôle du pays et nous ferons en sorte que les Etats-Unis redeviennent un grand pays » affirme-il souvent, en reprenant son slogan de campagne. Partisan du Brexit, il a déclaré que, s’il était élu, il ferait sortir les Etats-Unis de l’Accord de libre échange nord-américain (ALENA). Il s’est également attaqué au Traité Trans-Pacifique (TPP) et a confirmé que, une fois élu, il retirerait les Etats-Unis de l’accord : « Le TPP constituerait un coup mortel pour l’industrie manufacturière des Etats Unis. »Evidemment, s’il est élu, il stopperait aussi les négociations en cours avec l’Union européenne. Il va même plus loin : « Nous allons renégocier ou sortir de l’OMC (Organisation mondiale du commerce). Ces accords commerciaux sont un désastre. » répète-t-il. Dans des régions comme le rust belt, la « ceinture de rouille » du nord-est où les délocalisations et la fermeture d’usines ont fait exploser le chômage et généralisé la pauvreté, ces propos sont reçus avec enthousiasme et font renaître tous les espoirs.
4) Autre option dont les médias parlent peu : son refus des réductions budgétaires néolibérales en matière de sécurité sociale. De nombreux électeurs républicains victimes de la crise économique, et tous ceux qui ont plus de 65 ans, ont besoin de la Social Security (retraite) et du Medicare (assurance maladie) mis en place par le président Barack Obama que les autres dirigeants républicains veulent supprimer. Trump a promis ne pas revenir sur ces avancées sociales. Il a aussi promis de diminuer les prix des médicaments, d’aider à régler les problèmes des « SDF », de réformer la fiscalité des petits contribuables, et de supprimer un impôt fédéral qui touche 73 millions de foyers modestes.
5) Dénonçant l’arrogance de Wall Street, Trump propose également d’augmenter de manière significative les impôts des tradersspécialisés dans les hedge funds (fonds spéculatifs) qui gagnent des fortunes. Il promet le rétablissement de la loi Glass-Steagall (votée en 1933 pendant la Dépression et abrogée en 1999 par William Clinton), qui séparait la banque traditionnelle de la banque d’affaires pour éviter que celle-ci puisse mettre en péril l’épargne populaire par des investissements à haut risque. Evidemment, l’ensemble du secteur financier est vent debout contre Trump et s’oppose au rétablissement de cette loi.
6) En matière de politique internationale, Trump s’est fait fort de trouver des terrains d’entente à la fois avec la Russie et avec la Chine. Il veut notamment signer une alliance avec Vladimir Poutine et la Russie pour combattre efficacement l’organisation Etat islamique (Daesh) même si pour l’établir Washington doit accepter l’annexion de la Crimée par Moscou.
7) Enfin, Trump estime qu’avec son énorme dette souveraine, l’Amérique n’a plus les moyens d’une politique étrangère interventionniste tous azimuts. Elle n’a plus vocation à garantir la paix à n’importe quel prix. Contrairement à plusieurs responsables de son parti, et tirant les leçons de la fin de la guerre froide, il veut changer l’OTAN : « Il n’y aura plus – affirme-t-il – de garantie d’une protection automatique des Etats-Unis envers les pays membres de l’OTAN. »
Ces sept propositions n’oblitèrent pas les déclarations odieuses et inacceptables du candidat républicain diffusées en fanfare par les grands médias dominants, mais elles expliquent sans doute un peu mieux les raisons de son succès auprès de larges secteurs de l’électorat américain. L’aideront-ils à l’emporter ? On ne peut l’affirmer mais il est certain que les trois duels télévisés à venir, face à Hillary Clinton, vont être redoutables pour la candidate démocrate. Car les stratèges militaires le savent bien : dans un affrontement entre le fort et le fou, celui-ci, par son imprévisibilité et son irrationalité, l’emporte bien souvent.
En 1980, la victoire inattendue de Ronald Reagan à la présidence des Etats-Unis avait fait entrer le monde dans un cycle de quarante ans de néolibéralisme et de globalisation économique. Une éventuelle victoire de Donald Trump le 8 novembre prochain pourrait, cette fois, faire entrer le monde dans un cycle géopolitique nouveau dont la caractéristique idéologique principale, que l’on voit poindre un peu partout et notamment en France, serait : l’autoritarisme identitaire.
Ignacio RAMONET