Poutine
révèle le concept du «monde multipolaire équitable» dans lequel les contrats
pétroliers pourraient contourner le dollar américain et être échangés avec du
pétrole, du yuan et de l’or
Le
sommet annuel du BRICS à Xiamen – ville dont le président Xi Jinping fut le
maire – ne pouvait intervenir dans un contexte géopolitique plus incandescent.
Encore
une fois, il est essentiel de garder à l’esprit que le noyau actuel du BRICS
est le «RC»; le partenariat stratégique Russie-Chine. Ainsi, dans l’échiquier
de la péninsule coréenne, le contexte du RC – avec les deux pays partageant les
frontières avec la RPDC – est primordial.
Pékin a
imposé un veto définitif à la guerre – dont le Pentagone est très conscient.
Le
sixième test nucléaire de Pyongyang, bien qu’il ait été planifié à l’avance,
n’a été effectué que trois jours après que deux bombardiers stratégiques
US-B-1B nucléaires aient mené leur propre «test» accompagnés de quatre F-35B et
quelques F-15 japonais.
Quiconque
est familier avec l’échiquier de la péninsule coréenne savait qu’il y aurait
une réponse de la RPDC à ces tests à peine déguisés de «décapitation».
Donc,
c’est pour faire suite à la seule proposition qui ait été posée sur la table :
le “double gel” du couple RC. Gel des exercices militaires
américains/japonais/sud-coréens; gel du programme nucléaire de Corée du Nord;
la diplomatie prend le relais.
Au lieu
de cela, la Maison Blanche a évoqué des « capacités nucléaires »
sinistres comme mécanisme de résolution du conflit.
:
Le
président chinois Xi Jinping et le Premier ministre indien Narendra Modi , le 4 septembre 2017. |
L’extraction de l’or en Amazonie, ça vous dit ?
Sur le
front du plateau de Doklam au moins, New Delhi et Beijing ont décidé, après
deux mois de tension, un «désengagement rapide» de leurs troupes frontalières.
Cette décision était directement liée à l’approche du sommet BRICS – où l’Inde
et la Chine ne pouvaient l’un ou l’autre que perdre la face de manière
dramatique.
Le
Premier ministre indien Narendra Modi avait déjà essayé de renverser la vapeur
de façon similaire avant le sommet BRICS à Goa l’année dernière. Ensuite
seulement, il prit une position catégorique pour que le Pakistan soit déclaré
«État terroriste». Le RC s’y était fermement opposé.
Modi a également
ostensiblement boycotté le sommet de l’entente Belt and Road Initiative (BRI) à
Hangzhou en mai dernier, essentiellement à cause du corridor économique
sino-pakistanais (CPEC).
L’Inde
et le Japon rêvent de contrer la BRI avec un projet semblable de connectivité;
le corridor
de croissance Asie-Afrique (AAGC). Croire que l’AAGC, dont l’inspiration,
l’esprit, la portée et les fonds viennent en partie de la BRI – pourrait lui
voler la vedette, serait entrer dans le domaine du vœux pieux.
Pourtant,
Modi a émis des signes positifs à Xiamen; « Nous sommes en mode mission
pour éradiquer la pauvreté; pour assurer la santé, l’assainissement, les
compétences, la sécurité alimentaire, l’égalité entre les sexes, l’énergie,
l’éducation. « Sans cet effort de mammouth, les grands rêves géopolitiques
de l’Inde sont mort-nés »
Le
Brésil, pour sa part, est plongé dans une tragédie sociopolitique gigantesque,
menée par l’usurpateur Temer, une non-entité corrompue de manière
Dracula-esque. Le président du Brésil, Michel Temer, a déclaré à Xiamen être
impatient de publier « ses » 57 principales privatisations en cours
pour les investisseurs chinois – complétées par l’exploitation minière aurifère
dans une réserve naturelle amazonienne de la taille du Danemark. Ajoutez-y de
l’austérité massive des dépenses sociales et de la sévère législation
anti-travail, et l’on a l’image du Brésil dirigé actuellement par Wall Street.
Le nom du jeu, c’est profiter du magot, et vite.
La
nouvelle Banque de développement du BRICS (NBD) – une contrepartie de la Banque
mondiale – est, comme on pouvait le prévoir, ridiculisée dans tout le Beltway.
Xiamen a montré comment le NBD commence seulement à financer les projets du
BRICS. C’est une erreur de la comparer avec la Banque asiatique
d’investissement dans l’infrastructure (AIIB). Elles investiront dans
différents types de projets – l’AIIB étant plus axée sur la BRI. Leurs
objectifs sont complémentaires.
‘BRICS Plus’ ou l’éclatement
Sur le
plan mondial, le BRICS constitue déjà une nuisance majeure pour l’ordre
unipolaire. Xi a déclaré poliment à Xiamen que « nous, les cinq pays,
[devrions] jouer un rôle plus actif dans la gouvernance mondiale ».
Et,
juste après, Xiamen a introduit des «dialogues» avec le Mexique, l’Égypte, la
Thaïlande, la Guinée et le Tadjikistan; Cela fait partie de la feuille de route
pour le « BRICS Plus » – la conceptualisation de Beijing, proposée en
mars dernier par le ministre des Affaires étrangères Wang Yi, pour élargir son
partenariat/coopération.
Une
autre instance du « BRICS Plus » peut être détectée lors du lancement
éventuel, avant la fin de 2017, du Partenariat économique global régional
(RCEP) – succédant au défunt TPP.
Contrairement
au déluge de racontars que l’on trouve en Occident, le RCEP n’est pas «conduit»
par la Chine. Le Japon en fait partie – de même que l’Inde et l’Australie aux
côtés des 10 membres de l’ASEAN. La question brûlante est de savoir quel genre
de jeux New Delhi pourrait jouer pour paralyser le RCEP en parallèle avec le
boycott de la BRI.
Patrick
Bond à Johannesburg a développé une critique
importante, arguant que des «forces économiques centrifuges» étaient en
train d’émietter le BRICS, grâce à la surproduction, à la dette excessive et à
la dé-mondialisation. Il interprète le processus comme «l’échec du capitalisme
centripète voulu par Xi».
Il ne
doit pas nécessairement être ainsi. Ne sous-estimez jamais le pouvoir du
capitalisme centripète chinois, en particulier lorsque la BRI change de
braquet.
Voici la triade pétrole/yuan/or
C’est au
moment où le président Poutine prend la parole
que le BRICS dévoile sa véritable bombe. Géopolitiquement et
géo-économiquement, l’accent est mis sur «un monde multipolaire équitable» et
«contre le protectionnisme et les nouvelles barrières dans le commerce
mondial». Le message est clair.
Le
changement des règles du jeu en Syrie – où Pékin soutenait silencieusement mais
fermement Moscou – devait être évoqué; « C’est en grande partie grâce aux
efforts de la Russie et d’autres pays concernés que des conditions ont été
créées pour améliorer la situation en Syrie ».
Sur la
péninsule coréenne, il est clair que RC pense à l’unisson; « La situation
se trouve au bord d’un conflit à grande échelle ».
Le
jugement de Poutine est aussi cinglant que la solution possible proposée par RC
est saine; « Mettre la pression sur Pyongyang pour arrêter son programme
de missiles nucléaires est mal avisé et futile. Les problèmes de la région ne
devraient être réglés que par un dialogue direct de toutes les parties
concernées sans conditions préalables « .
Le
concept d’ordre multilatéral de Poutine et Xi est clairement visible dans la
large Déclaration
de Xiamen, avec les propositions de processus de paix et de réconciliation
nationale «menée par les Afghans et appartenant aux Afghans», incluant le
format de consultations de Moscou et le « Cœur du processus Asie-Istanbul ».
C’est le
code d’une solution afghane asiatique (et non occidentale) négociée par
l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), dirigée par le RC, et dont
l’Afghanistan est un observateur et un futur membre à part entière.
Et puis,
Poutine assène l’argument décisif ; « La Russie partage les préoccupations
des pays du BRICS concernant l’iniquité de l’architecture financière et
économique mondiale, qui ne tient pas compte du poids croissant des économies
émergentes. Nous sommes prêts à collaborer avec nos partenaires pour promouvoir
les réformes de la régulation financière internationale et surmonter la
domination excessive d’un nombre limité de monnaies de réserve « .
«Pour
surmonter la domination excessive d’un nombre limité de monnaies de réserve»,
c’est la façon la plus polie de préciser ce dont le BRICS discute depuis des
années; comment contourner le dollar américain, ainsi que le pétrodollar.
Pékin
est prêt à mettre la barre plus haut. Bientôt, la Chine lancera
un contrat à terme de pétrole brut évalué en yuan et convertible en or.
Cela
signifie que la Russie – ainsi que l’Iran, l’autre élément clé de l’intégration
d’Eurasie – peuvent contourner les sanctions américaines en échangeant
l’énergie dans leurs propres devises ou en yuan. Ce qui est intrinsèque dans
tout cela c’est un véritable gagnant-gagnant chinois; le yuan sera entièrement
convertible en or sur les échanges à Shanghai et à Hong Kong.
La
nouvelle triade du pétrole, du yuan et de l’or est en fait une
gagnant-gagnant-gagnant. Aucun problème, si les fournisseurs d’énergie préfèrent
être payés en or physique au lieu de yuans. Le message clé est que le dollar
américain est contourné.
Le
couple RC – via la Banque centrale de Russie et la Banque populaire de Chine –
a développé des swaps de roubles-yuans depuis un bon moment déjà.
Une fois
que cela aura dépassé le BRICS pour aspirer les membres de «BRICS Plus» et
ensuite tout le monde du Sud, la réaction de Washington sera obligatoirement
nucléaire (en espérant que ce ne soit pas au sens littéral).
La
doctrine stratégique de Washington a décidé que le couple RC ne devrait en
aucun cas être autorisé à être prépondérant sur la masse continentale
eurasienne. Pourtant, ce que le BRICS a en magasin géo-économiquement ne
concerne pas seulement l’Eurasie – mais l’ensemble du monde du Sud.
Des
sections du Parti de la guerre à Washington qui comptaient instrumentaliser
l’Inde contre la Chine – ou contre le RC – pourraient avoir un réveil brutal.
Autant le BRICS fait face actuellement à diverses vagues de turbulences
économiques, autant la feuille de route audacieuse à long terme, bien au-delà
de la Déclaration de Xiamen, est en place plus que jamais.
l
Traduction :
Avic
– Réseau International