samedi 9 mars 2019

Que se passe t-il réellement en Algérie ?

Sur fond de crise politique autour du cinquième mandat du président Bouteflika, âgé et très malade (et dont le sort est scellé), se joue une lutte à mort entre deux grandes factions du pouvoir réel Algérien :
D’un côté, les partisans de l’ancien patron des renseignements de 1990 à 2015, le Général Mediène plus connu sous le nom de Toufik, débarqué en 2015 dans une première joute où tous les coups étaient et sont toujours permis.
De l’autre, les partisans du Clan Bouteflika, ramené et propulsé par le Général Toufik avant de s’en affranchir mais qui dispose actuellement de la loyauté du très puissant Chef d’état-Major des Armées, le Général Ahmed Gaid Salah.
La lutte est celle de deux généraux, l’un issu du monde opaque des renseignements et l’autre, du terrain.
La signature de Toufik dans les appels anonymes à manifester est un fait indéniable pour les connaisseurs des méthodes de l’ex-DRS.

Que se passe t-il réellement en Algérie ? 
L’appel à une manifestation féminine à l’occasion du 8 mars porte l’empreinte génétique du système Toufik. Ce dernier s’inspire des Démocrates pro-féministes US contre Trump.
Le Général Major Ali Ghediri, candidat aux présidentielles d’avril 2019 en tant qu’indépendant est la créature du Général Toufik et du richissime oligarque Yssad Rebrab qui doit son ascension fulgurante dans le monde très fermé des affaires à l’ex-patron des renseignements. La mise à l’écart de Toufik en 2015 a provoqué la disgrâce de Rebrab aux yeux du régime, lequel ne cesse depuis de saboter ses investissements.
Les partis politiques idéologiques c’est encore l’ex-patron, créés, infiltrés ou manipulés par les renseignements depuis les années 90 comme le RCD ou Rassemblement pour la Culture et la Démocratie ou encore certains partis Islamistes dits modérés nés d’une implosion manipulée par les services qui soutiennent cette faction.
L’autre faction, plus pragmatique et moins idéologique, dispose de sa faune d’oligarques issus de la petite délinquance ou des réseaux criminels et a réussi à se débarrasser de l’ex-DRS en « achetant » ses éléments et l’ensemble de son écosystème socio-économique, opération grandement facilitée par la corruption généralisée d’une partie non négligeable de la population.
Il s’agit également d’une lutte entre deux clientèles, deux écosystèmes rentiers autour du contrôle du pouvoir et par conséquent de la rente des hydrocarbures.
Dans ce jeu en cours, le seul disposant de la puissance de feu absolue est le Général Gaid Salah. Ce dernier se déclare loyal à la présidence actuelle mais le rôle de ses enfants dans le monde des affaires semble peser sur ses choix.
C’est le soldat le plus ancien encore en activité dans le monde, le seul haut responsable Algérien à avoir systématiquement refusé de rencontrer les ambassadeurs étrangers et sa posture est susceptible de lourdement déterminer le sort de la crise politique algérienne.
Ironie du sort, le Général Ghediri, le poulain de Toufik, est un adversaire de longue date du Général Gaid Salah. Ce dernier a toujours soupçonné celui qui fut le DRH des forces armées d’être les yeux de Toufik au sein de son département avec mission de surveiller Gaid Salah. L’animosité entre les deux hommes est telle que lorsque le pouvoir réel algérien voulut imposer Ghediri comme alternative de compromis, c’est Gaid Salah qui mit son veto net et catégorique, « quitte à provoquer une guerre ! « . D’ailleurs, le Chef d’état-major des Armées accuse ses adversaires de vouloir déstabiliser la paix civile. Entre les lignes, le conflit est grave.
Les États-Unis font mine de ne rien voir. L’Europe, après avoir couvert le régime algérien en échange de très grandes concessions économiques et commerciales, fait semblant de découvrir une crise et en tremble pour ses intérêts et l’existence même de son Union qui risque d’éclater en mille morceaux si la crise algérienne dérape vers l’inconnu.
 Numidianus
source:https://strategika51.org/2019/03/05/que-se-passe-t-il-reellement-en-algerie/
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Comment les réseaux du général Toufik noyautent les manifestations contre le 5e mandat
Depuis le début de cette semaine, l’Algérie assiste à des soubresauts politiques impressionnants qui remettent en cause tous les rapports de force au sein du sérail algérien. Après deux immenses marches dans toutes les villes du pays contre le 5e mandat d’Abdelaziz Bouteflika, les organisations de masse et de nombreux partis politiques sont noyées dans les divisions à la suite de plusieurs démissions proclamés par des acteurs et des personnalités qui ont décidé de rejoindre la « rue » dans l’espoir de renforcer la contestation contre le clan présidentiel des Bouteflika.
Et derrière ces divisions brutales et surprenantes, un seul nom apparaît : celui du général Toufik ! En effet, les réseaux de l’ex-puissant patron du DRS, l’homme qui a régné sur les services secrets pendant pas moins de 30 longues années, ont été réactivées depuis fin février pour porter un coup de grâce aux membres du clan présidentiel. Ainsi, tout a commencé par cette fuite surprenante d’un enregistrement audio entre Sellal, l’ex-directeur de campagne du 5e mandat, l’un des proches et fidèles soldats d’Abdelaziz Bouteflika, avec Ali Haddad, l’un des principaux financiers de la campagne électorale des Bouteflika. Nos sources sont unanimes à affirmer que l’homme qui a fait fuiter cet enregistrement est un homme d’affaires, un ancien proche du général Toufik, qui a manipulé Ali Haddad pour se retrouver avec lui dans le bureau de Sellal. Aujourd’hui en fuite à Londres, cet « agent double » du général Toufik a réussi son coup : mettre de l’huile sur le feu en révélant cet enregistrement à la veille des marches du vendredi 1 mars.
Le deuxième acte de la stratégie du clan du général Toufik fut, par la suite, d’utiliser la colère populaire pour semer la zizanie au sein de plusieurs organisations et institutions. Ainsi, au sein du FCE, le patron algérien présidé par Ali Haddad, une dissidence a été rapidement organisée et plusieurs hommes d’affaires, tous des anciens entrepreneurs proches des décideurs militaires des années 90, ont annoncé leur soutien aux manifestations contre le 5e mandat. Ali Haddad, désavoué, est plus que jamais isolé et les Bouteflika sont en train de perdre la main sur le FCE, l’un des plus puissants patronats dans toute l’Afrique.
L’acte 3 du clan du général Toufik est de lancer une grande offensive dans toutes les organisations de masse comme l’UGTA, la centrale syndicale longtemps acquise au régime de Bouteflika. En 48 heures, plusieurs sections locales comme celle de la zone industrielle de Rouiba, la principale zone industrielle du pays, ont fait dissidence et annoncent leur soutien ou leur participation aux manifestations dans les  rues contre le 5e mandat. Après l’UGTA, les syndicats autonomes du secteur de l’éducation et de la santé adhèrent à cette démarche et annoncent leur participation aux manifestations de rue. Les réseaux du général Toufik s’emparent, par la suite, de l’organisation nationale des Moudjahidine, plusieurs associations des enfants des Chouhadas et des anciens agents des services de renseignement, le fameux MALG. Toutes ces organisations ont affirmé qu’elles soutiennent la rue contre… Bouteflika.
De nombreux avocats, réputés pour leur proximité historique avec le général Toufik, ont exercé un très fort lobyying pour organiser des marches à  travers tout le pays. Petit à petit, les réseaux du général Toufik réussissent l’improbable : créer un climat de désobéissance nationale ! Des parlementaires démissionnent, des partis comme le FLN ou le RND connaissent de vives tensions, etc. Et dans les rues, au sein des marches, les cellules dormantes de l’ex-DRS s’activent brillamment. D’un coup, des actions de protestation harmonieusement synchronisées voient leur jour à la surprise générale et prennent de court les hauts responsables du clan présidentiel
Source : Maghreb Intelligence

Hocine Benhadid, général à la retraite: Les Algériens ne doivent pas croire aux affabulations de Gaïd Salah

Extraits de l’interview du général Benhadid (revue de presse : El Watan – Algérie  - 8/3/19)*
…(…)… Vous qualifiez de prédateurs et d’Apaches les gens qui, selon vous, font tout pour maintenir Bouteflika au pouvoir. Qui sont ces gens-là ?
Le principal, c’est son frère Saïd. Même s’il a commencé bien avant à s’intéresser au pouvoir, il a réussi à s’imposer en profitant de l’état de santé compliqué de Bouteflika en 2005. Gaïd Salah, en place depuis 2004, en a fait de même.
Depuis, ce sont ces deux hommes qui gèrent le pays. Gaïd a consolidé les positions de Saïd. Ce dernier a fait pareil et c’est ainsi qu’il est devenu le patron de la présidence.
Tout le monde lui obéit, y compris Gaïd Salah. Saïd a continué jusqu’à modifier la Constitution de 2008 pour permettre à son frère de briguer un 3e mandat, puis un 4e. C’est lui le principal ordonnateur et c’est lui qui commande ces Apaches dont les oligarques, comme les qualifie Louisa Hanoun. Je cite ici Ali Haddad, Tahkout, Kouninef et d’autres.
Ouyahia aussi. C’est ce dernier qui a créé l’empire Tahkout en lui octroyant des terrains et des usines prêtes au dinar symbolique, comme celle de Tiaret. C’est Ouyahia qui lui a donné 3000 ou 4000 bus d’étudiants.
En tant que Premier ministre, il a profité lui aussi de cette situation pour devenir un réel oligarque. C’est un bon exécutant discipliné. Il a étudié le personnage du frère du président, Saïd. Il l’a bien cerné, au point de le manipuler.
C’est la raison pour laquelle Ouyahia est resté au pouvoir jusqu’à ce jour. Le pouvoir connaît aussi son histoire. Ils ont trouvé un terrain d’entente pour rallonger le règne de Bouteflika. Mais il n’y a pas qu’Ouyahia, il y a aussi tous les gouvernements successifs du temps de Bouteflika. Ces derniers ont profité aussi de la situation. Ils sont devenus, en quelque sorte, les esclaves des Bouteflika.
Puis, il y a aussi les partis politiques créés par le pouvoir, dont celui du dissident du MSP, Amar Ghoul, de Amara Benyounes, et d’autres dont El Karama de Benhamou et bien évidemment le FLN et le RND.
Ils sont devenus des porte- parole du gouvernement, ou plutôt de Saïd Bouteflika. Tout le monde est nommé sur ordre de Saïd, y compris les militaires ! Saïd interfère même dans les grandes décisions de l’armée.
Cela veut dire que même le chef d’état-major n’est pas libre. On lui impose les chefs militaires pour les besoins et les intérêts de la présidence, comme par exemple certains chefs des Régions militaires, le poste du chef de la Garde républicaine et certains postes des renseignements. Ils sont tous imposés par lui.
…(…)…
Les Algériens doivent continuer leur combat pacifique et ne doivent pas croire ce genre de fabulations. Gaïd Salah attend juste la mort de Bouteflika pour prendre sa place. Il est sûr que si ce dernier décède, c’est lui qui reprendra les rênes du pays.
Vous parlez d’une solution à la situation actuelle. Pouvons-nous en connaître le contenu ?
Première étape. Il faut appliquer l’article 102 de la Constitution et annoncer la vacation du poste du président. Nous savons tous que l’actuel président de l’APN a été placé par effraction et par la force du cadenas et que c’est Saïd Bouteflika qui a placé les différents gouvernements, le Conseil constitutionnel ainsi que le chef d’état-major. Ils sont donc tous illégitimes. Il faut les destituer.
Gaïd Salah reçoit même des ordres des Émirats. Trouvez-vous cela normal ? 
Imaginez-vous un chef d’état-major de l’armée qui parle de paix et de stabilité alors qu’il reçoit des ordres de l’étranger ? Il n’est qu’un pion. Il n’y a pas d’État. Nous sommes dans l’illégalité la plus totale. Je propose un comité des sages. Il sera composé de Ali Yahia Abdennour, d’Ahmed Taleb Ibrahimi et de Boualem Benhamouda.
Ces derniers auront des conseillers, dont l’avocat Mustapha Bouchachi, le journaliste Fodil Boumala et le colonel Chafik Mesbah. Ce comité aura un coordinateur qui sera le Dr Lounes Oukaci. Ce comité des sages doit être installé par le président du Sénat Abdelkader Bensalah.
Ce comité aura pour mission de nommer un gouvernement provisoire dans une période de trois mois ou peut-être plus afin de préparer la transition. Il doit aussi aider le président du Conseil de la nation à préparer l’intérim de la présidence. Il aura, donc, trois mois pour installer le gouvernement et trois autres pour préparer les élections. Ce sont eux qui décideront s’ils gardent l’APN ou non.
Tous les membres des gouvernements successifs doivent rendre des comptes. Ils doivent déposer leurs bilans et rendre publics leurs biens immobiliers depuis la prise de leurs fonctions. Ils doivent être interdits de sortie du territoire jusqu’à ce qu’ils prennent le quitus de la Cour des comptes.
Tout haut fonctionnaire doit le faire dont, je cite pour l’exemple, Mohamed Raouraoua ou l’empereur de la résidence d’Etat Hamid Melzi. Il faut aussi assurer la sécurité des membres du comité qui doivent être à l’abri. Pour cela, il faut nommer un nouveau directeur de la sécurité militaire. Ce ne sera pas Tartag.
…(…)…
(Les passages sont soulignés par nous)
*Source et version intégrale : El Watan (photo Souhil B)

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