lundi 13 novembre 2023

Georges Bernanos et « la masse affreusement disponible » des hommes trop modernes

Bernanos fait rêver dans la France contre les robots, son essai le plus connu. Il rêve encore, on est en 44-45, la France est libérée et va renaître et montrer le droit chemin aux hommes, etc. Mais c’est dans La Liberté, pour quoi faire ? qu’il donne son vrai message. Le livre, ensemble de quatre conférences et non essais, est écrit (bravo à la préface courageuse de Pierre Gilles dans l’édition Folio) entre décembre 46 et avril 47 ; et le grand homme (« votre place est parmi nous ! » lui dit le Général qui quitte très vite le pouvoir lui aussi) a compris à qui il avait affaire.

Bernanos et Drumont face aux Français modernes

Le constat est désespéré et désespérant. Sommes-nous tombés plus bas depuis, à coups de Gaza, de Reset, de Covid, de vaccins, de Biden-Macron-Leyen et consorts ? C’est possible mais je n’en suis pas sûr avec mon présent permanent ou ma Fin de l’Histoire : voyez mes textes sur Drumont, Céline ou Bernanos sans oublier ceux sur Bloy. Le froncé républicain de 1870-1871 a mis à la certaine idée de la France. C’est un bourgeois ou un micro-consommateur débile, ringard et soumis que la télé mène à l’abattoir. J’irai twitter sur ses tombes. Même Péguy avec ce destin de retraité qu’il dénonce dans un texte sur Descartes avait compris. C’est dire.

Quand les carottes sont cuites il faut l’admettre et il faut le dire. Bernanos écrit quelque part dans sa Liberté :
« Le drame de l’Europe, le voilà. Ce n’est pas l’esprit européen qui s’affaiblit ou s’obscurcit depuis cinquante plus, c’est l’homme européen qui se dégrade, c’est l‘humanité européenne qui dégénère.
Elle dégénère en s’endurcissant. Elle risque de s’endurcir au point d’être capable de résister à ‘importe quelle expérience des techniques d’asservissement, c’est-à-dire non pas seulement de les subir, mais de s’y conformer sans dommage. Car cette décomposition dont je parlais tout à l’heure aura évidemment une fin. »

La France décivilisée par les robots, Bernanos l'avait annoncé – Le  Courrier des Stratèges

La dégradation et la dégénérescence sont le fruit de l’étatisme et du socialisme, denrées très chéries en France. Bernanos se rapproche des libertariens (je parle des grands historiens comme mes regrettés amis Butler ou Raico, pas des politiciens) mais aussi de Tocqueville (que ne peut-il – le Souverain – nous ôter la peine de penser et de vivre ?) ou de Jouvenel, qui publie son phénoménal du Pouvoir au lendemain de la Guerre. Avec l’admirable Stefan Zweig Bernanos évoque ces temps d’avant 1914 où l’on voyageait sans passeport : une carte de visite et des lettres d’introduction suffisaient (c’était l’époque où l’on voyageait pour voir des gens, pas pour visiter des expos).

Bernanos a compris que la France est une masse, ce n’est plus un peuple. Il sort ces phrases formidables alors sur cette « masse affreusement disponible ».

« Il y a des millions et des millions d’hommes dans le monde qui n’ont pas attendu notre permission pour soupçonner que la France de 1940 - formée d’une immense majorité de pétainistes et d’une poignée de gaullistes - et celle de 1944 - formée d’une immense majorité de gaullistes et d’une poignée de pétainistes - ne forment réellement qu’une seule masse affreusement disponible, dont l’événement de Munich avait déjà permis de mesurer le volume et le poids, qui s’est retrouvée presque tout entière à l’Armistice pour rouler dans le pétainisme par le seul effet de la pesanteur, jusqu’à ce que l’invasion de l’Afrique du Nord, rompant l’équilibre, l’ait fait choir sur l’autre pente. » Munich, Pétain, de Gaulle, en attendant mai 68 et la coupe du monde de football ! Un qui a bien compris cela aussi c’est Audiard. Voyez son film sur la France pour rire.


Certains ici trouvent que Bernanos exagère. Mais pensez aux vaccins, présents et à venir, vaccins qui seront obligatoire sinon vous n’aurez plus droit de manger ou d’éclairer votre maison.

« Supposez que demain - puisque nous sommes dans les suppositions, restons-y - les radiations émises sur tous les points du globe par les usines de désintégration modifient assez profondément leur équilibre vital et les sécrétions de leurs glandes pour en faire des monstres, ils s’arrangeront très bien de leur condition de monstres, ils se résigneront à naître bossus, tordus, ou couverts d’un poil épais comme les cochons de Bikini, en se disant une fois de plus qu’on ne s’oppose pas au progrès. Le mot de progrès sera le dernier qui s’échappera de leurs lèvres à la minute où la planète volera en éclats dans l’espace. Leur soumission au progrès n’a égale que leur soumission à l’Etat. »

Des distraits nous parlent du néolibéralisme alors que l’on assiste au triomphe de l’Etat central universel qui accompagne le Trust des Trusts dont Bernanos parlait déjà dans sa Grande peur des bien-pensants.

C’est ma mère qui, parlant de sa plage à Biarritz, me disait qu’elle ne voulait plus s’y rendre, écœurée par le « dirigisme français » qui s’y manifestait : CRS, coups de sifflet, flipper, barboter entre des piquets, surfeurs industriels partout, etc.

Ce dirigisme Bernanos le voit à l’œuvre :
« La menace qui pèse sur le monde est celle d’une organisation totalitaire et concentrationnaire universelle qui ferait, tôt ou tard, sous un nom ou sous un autre, qu’importe ! de l’homme libre une espèce de monstre réputé dangereux pour la collectivité tout entière, et dont l’existence dans la société future serait aussi insolite que la présence actuelle d’un mammouth sur les bords du Lac Léman. Ne croyez pas qu’en parlant ainsi je fasse seulement allusion au communisme. Le communisme disparaîtrait demain, comme a disparu l’hitlérisme, que le monde moderne n’en poursuivrait pas moins son évolution vers ce régime de dirigisme universel auquel semble aspirer les démocraties elles-mêmes. »

Oh, mais comme il est pessimiste ce Bernanos ! Comme il est prophète de malheur ce Bernanos ! Comme il devrait se soigner (ou se vacciner) ce Bernanos, ai-je lu ici ou là.

Il envoie dinguer les optimistes dans une belle et célèbre formule :
« L’optimisme est un ersatz de l’espérance, dont la propagande officielle se réserve le monopole. Il approuve tout, il subit tout, il croit tout, c’est par excellence la vertu du contribuable. Lorsque le fisc l’a dépouillé même de sa chemise, le contribuable optimiste s’abonne à une revue nudiste et déclare qu’il se promène ainsi par hygiène, qu’il ne s’est jamais mieux porté. »

Claude Janvier expliquait à Bercoff qu’il connaissait un jeune content de ne pas voyager, content de ne pas posséder de bagnole, content de ne pas prendre l’avion, content de disposer à vie de neuf mètres carrés et content surtout de ne pas polluer. Ils sont quelques milliards comme ça.

Bernanos voit très bien qu’il va être trop tard (le chant du « signe » comme on sait c’est Debord et ses Commentaires) :
« Il faut se hâter de sauver l’homme, parce que demain il ne sera plus susceptible de l’être, pour la raison qu’il ne voudra plus être sauvé. Car si cette civilisation est folle, elle fait aussi des fous. »

Loin de l’hypocrisie de tous nos commentateurs cathos qui auront tout gobé avec ce pape (Gaza, le vaccin, l’Europe, le Reset, les migrants, le truc LGBTQ) Bernanos écrit :
« ... l’opinion cléricale qui a justifié et glorifié la farce sanglante du franquisme n’était nullement exaltée. Elle était lâche et servile. Engagés dans une aventure abominable, ces évêques, ces prêtres, ces millions d’imbéciles n’auraient eu, pour en sortir, qu’à rendre hommage à la vérité. Mais la vérité leur faisait plus peur que le crime. »

Le catholique était déjà une conscience disponible, affreusement disponible.

Nicolas BONNAL

Novembre 2023

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Les images ont été rajoutées par H. Genséric

3 commentaires:

  1. Lire René Guénon est à mon sens salutaire. Selon sa vision eschatologique, le déclin de l'occident en temps que civilisation chrétienne commence avec la Renaissance. La suite est une descente au enfer, la fermeture des portes du ciel et l'abrogation de toutes vertus humaines, pour finir dans l'Infra humain. Néanmoins, à titre individuel, tout humain peut sauver sa peau. Souvenez-vous Dieu est proche, c'est ce qui est dit par Dieu lui-même. N'est-ce pas ce que René Guénon a réalisé avec succès ?

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  2. Député Guiraud : https://twitter.com/HalaOukili/status/1723067459668779178

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  3. Oui, ..., mais pas de confusion.
    Le génie qui apparait ici est celui de Bernanos, non celui de l'auteur des quelques lignes qui apparaissent entre les citations.
    Auteur, qui comme à son habitude en profite pour calomnier les Catholiques (au sens propre et précis du terme), dont faisait partie Georges Bernanos, en les confondant sciemment avec les "catholiques" nominaux (ceux évoqués à la télé) et qui constituent en vérité la Contre-Église, dont François est le chef.
    La cause profonde des tristes vérités que dénonce l'auteur de "La Grande Peur des bien-pensants", est que le catholicisme authentique, qui était le sien, a progressivement disparu de la surface de la terre depuis bien longtemps. On peut même s'autoriser à penser que ses tenants en acte n'ont jamais dû être très nombreux.
    Comme beaucoup de conservateurs nostalgiques du passé, N. B. regrette surtout les conséquences civilisationnelles des périodes de Foi. Mais les cathédrales, la famille et les mœurs chrétiennes, les merveilles de l'art chrétien, etc. sont DES CONSÉQUENCES de la Foi, de la Foi authentique, non des objectifs civils pouvant être recherchés et atteints en dehors d'elle.
    Je vais à nouveau lui souffler de se pencher sur un auteur, sur l'un des plus profonds penseurs du XXème siècle, Eric Voegelin, et spécialement sa "Nouvelle Science du Politique", sortie en anglais en 1952. Il y démontre avec une intelligence aigüe que l'essence de la Gnose, consiste en l'échange de la tension mentale vers le Ciel lors de la vie d'ici-bas, par celle vers une sorte de paradis terrestre. L'espérance du Paradis après la mort en l'ayant mérité sur terre, par le "ici et maintenant" teinté d'un parfum de "spiritualité" qui ne peut être que diabolique. Eric Voegelin avait prédit en 1952 que la Modernité - c'est d'elle qu'il s'agit - mourrait d'overdose et que cela ne devrait plus être très long. De fait, nous y sommes.

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