samedi 11 février 2017

Des Tu-22 russes à nouveau en Iran

Dans "Mad Dog" Mattis : la deuxième erreur de Trump", nous écrivions: "Le militaire en chef de Trump, le général Mattis est en train de prouver que son sobriquet de “chien fou” est bien mérité. Il vient juste de déclarer que “l’Iran est le seul plus gros sponsor du terrorisme dans le monde”, alors que tout le monde sait que ce "plus gros sponsor" est le protectorat américain appelé communément "Arabie Saoudite".
Les Russes commencent à s’agiter dans l’affaire de la “drôle de crise” iranienne, qui semblerait nous ramener dix ans en arrière, comme si rien ne s’était passé entretemps, sous le prétexte absurde et absolument sans le moindre fondement que l’Iran est le “plus gros producteur de terrorisme” islamiste.
Quand on a sous la main d’aussi excellents amis que l’Arabie, le Qatar & Cie, sans compter la CIA, comme l’ont les présidents et les parlementaires US successifs, l’actuelle “crise“ déclenchée par les seuls USA apparaît absolument irréelle et surréaliste. Il faudra d’ailleurs s’habituer à cette espèce d’irréalité et cette sorte de surréalisme également trumpistes, dans nombre d’actions du président Trump ; lequel fait ainsi payer ses actes fondamentalement antiSystème qu’il pose par ailleurs de la façon la plus éclatante.
(Tous les commentateurs antiSystème sont et seront obligés à la pratique de cette gymnastique entre l’approbation extrême et la critique très ferme, comme nous-mêmes d’ailleurs [voir le 7 février et le même 7 février], sans qu’il y faille voir en aucun cas un changement de l’opinion sinon de l'humeur, ou une incertitude du jugement : il suffit d’aligner et de comparer les deux chroniques successives de Justin Raimondi, du  6 février 2017 [applaudissements enthousiastes] et du 8 février 2017 [appréciation très critique].)
Pour l’Iran, donc, les Russes montrent directement et avec des actes qu’il est très loin le temps où les USA parviendront à éloigner la Russie et de l’Iran. Il s’agit non seulement de mots et d’actes concrets, dans le domaine le plus sensible : d’une part, la possible livraison de chasseurs Soukhoi Su-27 à l’Iran, d’autre part, — et là, beaucoup plus important, – l’évocation précise de la possibilité de l’utilisation d’une base aérienne iranienne par les forces aériennes russes. C’est en revenir à la formule étrennée en août 2016 (voir les 16 et 18 août 2016), avec le déploiement temporaire de bombardiers stratégiques Tu-22 russes sur la base d’Hamadan. Ce stationnement avait d’abord été annoncé comme permanent, puis réduit à un simple déploiement de quelques jours, le temps d’une mission stratégique sur la Syrie.
Le pouvoir civil iranien avait du reculer sous la pression des militaires et de ses propres extrêmes, au nom de la protection de la sécurité nationale, et avait abandonné la formule initiale du stationnement permanent. Aujourd’hui que le danger US réapparaît, cet argument n’a plus guère de poids puisqu’un stationnement d’avions russes à Hamadan ou ailleurs en Iran représente une formidable garantie pour l’Iran, du fait que la moindre agression US contre l’Iran toucherait directement la Russie et impliquerait cette puissance dans le conflit. L’excellent businessman qu’est The-Donald va devoir apprendre qu’il a en face de lui de rudes joueurs d’échec, et qu’il faut en tenir compte s’il les veut à ses côtés. (Ci-dessous, extraits du texte d’Alexander Mercouris sur ce sujet, le 9 février dans TheDuran.com.)


Levan Dzhagaryan, ambassadeur de la Russie en Iran, a soudainement laissé courir  la possibilité que l'armée de l'air russe utilise de nouveau la base aérienne de Shahid Nojed près d'Hamadan en Iran.
« La force aérienne russe a brièvement utilisé cette base aérienne pour lancer des frappes contre ISIS dans l'est de la Syrie en août. A la suite de plaintes déposées au Parlement iranien, les Russes se sont brusquement retirés, soit parce qu'ils ont choisi d'aller, soit parce que les Iraniens leur ont demandé de le faire. Dzhagaryan semble maintenant évoquer la possibilité que l'aviation russe y retourne et même que la Russie vende des avions de combat avancés SU27 à l’Iran. Voici comment l'agence de presse officielle russe TASS rapporte ses commentaires
 « Si les dirigeants des deux pays estiment nécessaire d'utiliser l'infrastructure militaire iranienne pour combattre le terrorisme en Syrie ou ailleurs, de telles mesures seront prises. L'année dernière, la Russie a terminé complètement l'exécution de ses obligations pour la livraison des systèmes de défense aérienne S-300 à l'Iran. La coopération entre la Russie et l'Iran se déroule dans de nombreux domaines, y compris dans le domaine militaire et technique. Les ministères de la défense des deux pays sont actuellement en pourparlers à différents niveaux sur de nombreux projets intéressant l'Iran. Il est de notoriété publique que l'équipe de démonstration aérienne russe Chevaliers Russes (volant sur des jets Sukhoi-27 ) a participé à l'Iran Airshow-2016 sur l'île de Kish en novembre dernier. Hossein Dehghan (ministre iranien de la Défense - AM) a également visité une exposition de chasseurs Sukhoi-27 ».
Il est difficile de voir ces commentaires comme autre chose qu'un avertissement voilé par les Russes à la nouvelle administration Trump que la Russie supportera l'Iran dans toute nouvelle confrontation avec les États-Unis. L'intervention de l'armée de l'air russe revenant en Iran pour y mener des opérations semble davantage destinée à dissuader les attaques que les États-Unis pourraient envisager contre l'Iran plutôt que de combattre ISIS ... »
DeDefensa.org.
Mis en ligne le 9 février 2017

Syrie : le nœud coulant autour d'Al Bab se resserre

Jeudi noir pour l'armée turque : cinq morts dans les combats contre Daech, plus trois dans un bombardement accidentel de l'aviation russe, apparemment sur mauvais renseignements fournis par l'état-major ottoman lui-même. Avant l'admission de Moscou, les Turcs avaient accusé l'aviation syrienne de les avoir arrosés. Il est vrai que la tension monte à mesure que les nouveaux vrais-faux alliés se rapprochent les uns des autres :
C'est la dèche pour Daech, les petits hommes en noir al-babiens étant en passe d'être coupés du reste de leur territoire. Mais la question à un million concerne évidemment la "rencontre" entre l'armée loyaliste et le duo ASL-Turcs, mortels ennemis d'hier. Certes, tout cela a forcément été préparé en amont lors des discussions Poutine-Erdogan, mais il y a un monde entre les corridors du pouvoir et la réalité du terrain, et les haines tenaces ne s'effacent pas du jour au lendemain. Les généraux syriens font d'ors et déjà monter la pression, se disant prêts à en découdre avec l'ASL et les Turcs si nécessaire. Ambiance, ambiance...
Des rapports faisaient d'ailleurs état de premières escarmouches entre l'armée syrienne et l'ASL hier, et l'escalade est maintenant en vue, ce qui semble indiquer qu'Erdogan et Poutine, pourtant en contact quasi journalier, ne contrôlent pas entièrement leurs protégés. Attention, c'est parfois de ces petits accrochages que sortent les grands conflits ; la poudrière d'Al Bab n'a pas encore dit son dernier mot. Et c'est sans compter les Kurdes, à 10 km à l'ouest et à l'est, qui observent, pour l'instant sagement, ce maelstrom...

Sur l'ensemble de la Syrie, les Russes ont globalement la main.
Le Donald change le fusil d'épaule de l'empire, les pétromonarchies et leurs laquais européens sont soudain inaudibles, le sultan a fortement rabaissé ses prétentions. Moscou se sent comme un poisson dans l'eau et vient de fournir à Damas la plus grosse quantité de missiles jamais livrée entre les deux pays, ce qui est un sûr indicateur de la confiance du Kremlin dans la victoire finale.
L'ambassadeur russe à Téhéran a indiqué que l'aviation russe utiliserait des bases iraniennes si nécessaire. Le fait qu'il l'affirme publiquement est d'autant plus surprenant que des problèmes de prestige et de face étaient apparus l'année dernière :
Toujours au Moyen-Orient, nous avions évoqué l'utilisation de la base iranienne d'Hamadan par les bombardiers mastodontes TU-22m3 et le fait que Téhéran ne s'opposait pas à l'emploi d'autres pistes d'envol. Depuis, quelques bisbilles sont apparues, non pas sur le fond mais sur la forme ; des députés iraniens ont blâmé le ministère russe de la Défense pour avoir divulgué l'information, véritable coup de tonnerre puisque aucun pays ne s'était jamais vu accorder ce privilège depuis la Révolution khomeïniste de 1979. Le Perse est fier et, officiellement, l'ours n'utilise plus cette base. Derrière ce sauvetage de face, difficile d'imaginer toutefois que l'activité n'a pas repris depuis, mais ça, on ne le saura pas...
Décidément, Moscou doit se sentir drôlement en confiance désormais. Et ce ne sont pas les déclarations d'Assad qui doucheront son optimisme. Lors d'une rencontre avec une délégation de députés de la Douma, il a affirmé que les Russes auraient la part belle dans la reconstruction énergétique de l'après-guerre. Jusqu'ici, rien que de très normal, mais l'argument avancé a dû fait sourire jaune à Téhéran et à Pékin, pourtant eux aussi alliés de Damas : "Ni la Chine ni l'Iran n'ont de compagnies ayant suffisamment d'expertise pour concurrencer les sociétés russes".