Deux semaines après son investiture, la presse atlantiste poursuit son
œuvre de désinformation et d’agitation contre le nouveau président
états-unien. Celui-ci et ses premiers collaborateurs multiplient des
déclarations et des gestes apparemment contradictoires, de sorte qu’il
est difficile de comprendre ce qui se passe à Washington.
Donald Trump fut la première personnalité au monde à contester la
version officielle des attentats du 11-Septembre, le jour même à la
télévision. Après avoir rappelé que les ingénieurs ayant construit les Twin Tower
travaillaient désormais pour lui, il déclara sur le Canal 9 de New York
qu’il était impossible que des Boeing aient traversé les tours malgré
les structures en acier. Il poursuivit en constatant qu’il était
également impossible que des Boeing aient provoqué l’effondrement des
tours. Il conclut en affirmant qu’il devait y avoir d’autres facteurs
alors inconnus.
Depuis cette date, Donald Trump n’a eu de cesse de résister à ceux
qui avaient commis ces crimes. Lors de son discours inaugural, il a
souligné qu’il ne s’agissait pas d’un passage de pouvoir entre deux
administrations, mais d’une restitution du pouvoir au peuple états-unien
qui en avait été privé [depuis 16 ans] [2].
Durant sa campagne électorale, à nouveau durant la période de
transition, et depuis sa prise de fonction, il a répété que le système
impérial des dernières années n’a pas profité aux États-uniens, mais à
une petite clique dont Madame Clinton est la figure emblématique. Il a
déclaré que les États-Unis ne chercheraient plus à être les
« premiers », mais les « meilleurs ». Ses slogans sont : « L’Amérique
grande à nouveau » (America great again) et « L’Amérique d’abord » (America first).
Ce virage politique à 180° bouscule un système mis en place durant
les 16 dernières années et qui trouve son origine dans la Guerre froide
voulue par les seuls États-Unis en 1947. Ce système a gangréné de
nombreuses institutions internationales, telles que l’Otan (Jens
Stoltenberg et le général Curtis Scaparrotti), l’Union européenne
(Federica Mogherini), et les Nations unies (Jeffrey Feltman [3]).
Si Donald Trump y parvient, réussir cet objectif lui demandera des années.
Vers le démantèlement pacifique de l’Empire états-unien
En deux semaines, beaucoup de choses ont commencé, souvent dans la
plus grande discrétion. Les déclarations tonitruantes du président Trump
et de son équipe ont volontairement semé la confusion et lui ont permis
de faire confirmer les nominations de ses collaborateurs par un Congrès
partiellement hostile.
Comprenons que c’est une guerre à mort qui a commencé à Washington
entre deux systèmes. Laissons donc la presse atlantiste commenter les
propos souvent contradictoires et incohérents des uns et des autres, et
attachons-nous aux seuls faits.
Avant toutes choses, Donald Trump s’est assuré de contrôler les
organes de sécurité. Ses trois premières nominations (le conseiller de
Sécurité nationale Michael Flynn, le secrétaire à la Défense James
Mattis et le secrétaire à la Sécurité de la Patrie John Kelly) sont
trois généraux qui ont contesté le « gouvernement de continuité » dès
2003 [4].
Puis, il a réformé le Conseil de Sécurité nationale pour en exclure le
chef d’état-major interarmées et le directeur de la CIA [5].
Même si ce dernier décret devrait être amendé, il ne l’est toujours
pas. Notons au passage que nous avions annoncé la volonté de Donald
Trump et du général Flynn de supprimer la fonction de directeur du
Renseignement national [6].
Pourtant celle-ci a été maintenue et Dan Coats y a été nommé. Il
s’avère qu’il s’agissait d’une tactique pour prétendre que la présence
du directeur du Renseignement national dans ce Conseil suffisait à
justifier l’exclusion du directeur de la CIA.
La substitution du « meilleur » au « premier » conduit à engager un
partenariat avec la Russie et la Chine plutôt que de tenter de les
écraser.
Pour empêcher cette politique, les amis de Mesdames Clinton et Nuland
ont relancé la guerre contre le Donbass. Les pertes importantes qu’ils
ont subi depuis le début ont conduit l’armée ukrainienne à se retirer et
à placer les milices paramilitaires nazies en première ligne. Les
combats ont infligé de lourdes pertes civiles aux habitants de la
nouvelle République populaire. Simultanément, au Proche-Orient, ils sont
parvenus à livrer des blindés aux kurdes syriens comme prévu par
l’administration Obama.
Pour résoudre le conflit ukrainien, Donald Trump cherche un moyen
d’aider à éjecter le président Petro Porochenko. Il a donc reçu à la
Maison-Blanche le chef de son opposition, Ioulia Tymochenko, avant même
d’accepter une communication téléphonique du président Porochenko.
En Syrie et en Irak, Donald Trump a déjà débuté les actions communes
avec la Russie, même si son porte-parole le nie. Le ministère russe de
la Défense qui l’avait imprudemment révélé a cessé de communiquer à ce
sujet. Washington a révélé à l’état-major russe les emplacements des
bunkers des jihadistes dans le gouvernorat de Deir ez-Zor. Ceux-ci ont
été détruits cette semaine avec des bombes pénétrantes.
Vis-à-vis de Beijing, le président Trump a mis fin à la participation
états-unienne au Traité trans-Pacifique (TPP) ; un traité qui avait été
conçu contre la Chine. Durant la période de transition, il a reçu la
seconde fortune chinoise, Jack Ma (l’homme qui affirme : « Personne ne
vous a volé de jobs, vous dépensez trop en guerres »). On sait que les
discussions ont porté sur la possible adhésion de Washington à la Banque
asiatique d’investissement pour les infrastructures. Si tel devait être
le cas, les États-Unis accepteraient de coopérer avec la Chine plutôt
que de l’entraver. Ils participeraient à la construction des deux routes
de la soie, ce qui rendrait inutiles les guerres du Donbass et de
Syrie.
En matière financière, le président Trump a commencé le démantèlement
de la loi Dodd-Frank qui avait tenté de résoudre la crise de 2008 en
prévenant la faillite brutale de grandes banques (« too big to fail »).
Bien que cette loi ait des aspects positifs (elle fait 2 300 pages),
elle institue une tutelle du Trésor sur les banques, ce qui freine
évidemment leur développement. Donald Trump s’apprêterait également à
restaurer la distinction entre les banques de dépôts et celles
d’investissement (Glass-Steagall Act).
Enfin, le nettoyage des institutions internationales a également
commencé. La nouvelle ambassadrice à l’Onu, Nikki Haley, a demandé un
audit des 16 missions de « maintien de la paix ». Elle a fait savoir
qu’elle entendait mettre un terme à celles qui paraîtraient inefficaces.
C’est au regard de la Charte des Nations unies, le cas de toutes sans
exception. En effet, les fondateurs de l’Organisation n’avaient pas
prévu ce type de déploiement militaire (aujourd’hui plus de
100.000 hommes). L’Onu a été créée pour prévenir ou résoudre des
conflits entre États (et jamais intra-étatiques). Lorsque deux parties
concluent un cessez-le-feu, l’Organisation peut déployer des
observateurs pour vérifier le respect de cet accord. Au contraire, les
opérations de « maintien de la paix » visent à imposer le respect d’une
solution imposée par le Conseil de sécurité et refusée par une des
parties au conflit ; c’est en réalité la poursuite du colonialisme.
Dans la pratique, la présence de ces forces ne fait que prolonger le
conflit, tandis que leur absence ne change rien à la donne. Par exemple,
les troupes de la Finul déployées à la frontière israélo-libanaise,
mais uniquement en territoire libanais, ne préviennent ni une action
militaire israélienne, ni une action militaire de la Résistance
libanaise, ainsi qu’on l’a déjà plusieurs fois expérimenté. Elles
servent juste à espionner les Libanais pour le compte des Israéliens,
donc à faire durer le conflit. De même, les troupes de la Fnuod,
déployées à la ligne de démarcation du Golan en ont été chassées par
Al-Qaïda sans que cela change quoi que ce soit au conflit
israélo-syrien. Mettre fin à ce système, c’est donc revenir à l’esprit
et à la lettre de la Charte, renoncer aux privilèges coloniaux, et
pacifier le monde.
Derrière les polémiques médiatiques, les manifestations de rues, et
les affrontements politiciens, le président Trump maintient son cap.
[1] « Derrière le Mur bi-partisan », par Manlio Dinucci, Traduction Marie-Ange Patrizio, Il Manifesto (Italie) , Réseau Voltaire, 28 janvier 2017.
[2] « Discours d’investiture de Donald Trump », par Donald Trump, Réseau Voltaire, 21 janvier 2017.
[3] « L’Allemagne et l’Onu contre la Syrie », par Thierry Meyssan, Al-Watan (Syrie) , Réseau Voltaire, 28 janvier 2016.
[4] « Trump : le 11-Septembre, ça suffit ! », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 24 janvier 2017.
[5] « Donald Trump dissout l’organisation de l’impérialisme états-unien », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 30 janvier 2017.
[6] « La réforme du Renseignement selon le général Flynn », par Thierry Meyssan, Contralínea (Mexique) , Réseau Voltaire, 27 novembre 2016.
Commentaire
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La Syrie/Irak est un point chaud très
difficile.
Trump a dit qu’il avait un plan secret pour éliminer État islamique.
Typiquement, il a donné trente jours au Pentagone pour émettre ses
propositions. Ce n’est qu’alors qu’il annoncera sa décision.
Il y a déjà toute une série de problèmes pour Trump.
La Russie semble aujourd’hui l’unique acteur politique dans la région. Elle a
emprunté la voie de la création d’un processus politique de paix qui inclut le
gouvernement de Bachar al-Assad, la principale force d’opposition syrienne, la
Turquie et l’Iran (en même temps que le Hezbollah). Les États-Unis, l’Europe occidentale et l’Arabie
saoudite sont tous exclus.
Une telle exclusion est intolérable pour Trump, qui parle maintenant d’envoyer des troupes américaines au
sol pour combattre EI. Mais avec qui ces troupes s’allieront-elles
en Syrie ou en Irak ? Si c’est le gouvernement irakien dominé par les
chiites, elles perdront le soutien des forces tribales sunnites irakiennes que
les États-Unis ont cultivées malgré leur soutien pendant un temps à Saddam
Hussein. Si ce sont les peshmerga kurdes, elles
s’affronteront à la fois à la Turquie et au gouvernement irakien. Si ce sont
les forces iraniennes, elles vont provoquer des hurlements au Congrès américain
et à la fois en Israël et en Arabie saoudite.
Si Trump envoie
malgré tout des troupes, il sera presque impossible de les faire sortir, comme l’ont fait George W. Bush et Barack Obama avant
lui. Mais avec les inévitables victimes américaines, le soutien au pays
disparaîtra. Tôt ou tard, lui et ses partisans apprendront l’amère vérité
des limites de la puissance géopolitique des États-Unis et donc les limites du
pouvoir de Trump.
Et
ensuite ? Est-ce que Trump va exploser et commettre des actes
dangereux ? C’est ce que craint le plus grande partie du monde – des
États-Unis trop faibles en puissance réelle et trop forts en armement. Trump
sera confronté à un choix entre deux solutions : l’utilisation des armes
qu’il a, ce qui est futile mais terrible ; ou un retrait silencieux de la
géopolitique dans la forteresse Amérique, un aveu d’échec implicite. Dans les deux
cas, ce sera une décision très inconfortable pour lui.