Il est (ou
était) extrêmement rare, par les temps qui courent (ou coururent) au rythme des
anathèmes contre Moscou et sa terrible machine de propagande dont RT est l’arme
et l’âme principales, de voir et d’entendre un officiel US du rang
d’ambassadeur US auprès de l’UE répondre à une interview de dix minutes.
(“Rare” et même sans précédent à notre connaissance pour la période rappelée
ci-dessous...).
Ted Malloch, qui attend sa nomination dès que le secrétaire
d’État Tillerson se mettra effectivement au travail après le processus de sa
confirmation du Congrès qui vient de se terminer, répondait donc ce 4 février
aux questions de Afshin Rattansi qui le recevait dans son émission Underground,
sur RT. Depuis l’interview qu’il a donnée à la BBC, Malloch a acquis une
célébrité qui a été jusqu’à donner à un député européen, allemand bien entendu
et bien informé, l’idée martiale de demander, ou bien d’exiger qui sait, que
l’UE réfute et refuse cet
ambassadeur. (Pourtant, quatre jours après cette interview de Malloch à la
BBC, les cadres dirigeants de l’Union Européenne n’étaient pas encore informés,
ni de l'émission, ni de son contenu. Ils ont donc appris grâce à l’intervention
de Jo Leinen ce que Malloch pense
d’eux.)
Tant pis, RT
n’est plus l’antre du diable moscovite pour le gouvernement US, s’il l’est plus
que jamais pour la presse-Système et l’“opposition” progressiste-sociétale dans
le bloc-BAO. Voici donc le début de l’interview de Malloch par Rattansi, de RT,
ce
4 janvier. (L’interview dans son intégralité peut être visionnée sur une
vidéo qui accompagne le texte RT référencé ; l’ensemble est également
repris sur ZeroHedge.com.)
RT: «Le
Parlement de l'UE essaie
en quelque sorte de mettre le veto à votre nomination en tant que prochain
ambassadeur US auprès de l'Union européenne. Quelle est votre réaction? »
Ted Malloch: «Ils ne doivent pas avoir remarqué que Donald Trump a remporté l'élection
américaine. Bien entendu, les ambassadeurs sont choisis par leurs pays
d'origine pour représenter ces pays et leurs intérêts nationaux dans les capitales
étrangères, et, dans ce cas, à Bruxelles. »
RT: «Est-ce
symptomatique du fait que les politiciens européens ne comprennent pas vraiment
le pouvoir de leurs relations avec Washington? »
Ted Malloch: «Je pense qu'il y a un peu de cela dans ce que vous dites. Mais il y a
aussi un soupçon, en particulier dans certains milieux politiques de gauche en
Europe, pour souhaiter que Trump disparaisse, ou pour penser que, dans quatre
ans, ils pourraient avoir Obama de retour. Ou bien, fondamentalement ils
pourraient me désigner comme «malveillant», ce qui
exige alors une théorie pour déterminer le «bon et du mauvais», théorie qu'ils
n'ont pas. »
RT: «Comment
les élites européennes les médias grand public continuent-ils d'être loin des
réalités lorsqu’il s’agit de Trump? »
Ted Malloch: «Je ne pense pas que ce soit juste pour l'Europe. C'est certainement le
cas partout dans le monde. L'homme de Davos est mort. Nous avons eu le Davos
World Economic Forum l'autre semaine, et bien sûr ils avaient beaucoup de « has-been »
là-bas. Les orateurs principaux étaient tous les gens qui quittaient leur
fonction comme, par exemple, le secrétaire d'État américain John Kerry. Xi
Jinping a été leur « garçon d’affiche » pour la mondialisation, et en
effet, la Chine a été un bénéficiaire de la mondialisation. Les 300 millions
d'emplois qui ont été créés en Chine étaient un fait économique important, mais
beaucoup de ces emplois ont été retirés d'Europe occidentale et d'Amérique. »
RT: Dans le
monde diplomatique, l'ambassadeur de Grande-Bretagne à Washington, Sir Kim
Darroch, estime
que «l'inexpérience de Trump pourra être exploitée par le Royaume-Uni.» Est-il
sage pour la Grande-Bretagne d'avoir un diplomate qui pense comme ça? »
Ted Malloch: «Bonne chance. Bien sûr, facétieusement, Donald Trump a suggéré que
quelqu'un d'autre soit l'ambassadeur du Royaume-Uni, évidemment, cela ne s'est
pas concrétisé et n'allait pas se produire. Tout le monde a sous-estimé Donald
Trump depuis un an et demi. Qu’est-il arrivé aux dix-sept candidats dans les primaires
républicaines ? Et à Hillary
Clinton, la plus expérimentée dans la politique américaine ? »
Bien
entendu, le fait même de l’interview à RT est très significatif, sinon
exceptionnel. Beaucoup de citoyens US, commentateurs, chroniqueurs,
journalistes, experts, etc., sont quotidiennement interviewés par RT (RT-America
dans ce cas), mais pas des officiels en activité. La politique officielle des
USA, jusqu’à l’arrivée de Trump, était de considérer RT comme une officine de
propagande type-Guerre froide de la Russie-type URSS, – selon les
développements de la narrative surréaliste depuis la crise ukrainienne
commencée en février 2014 par un coup d’État complètement opérationnalisé par
la CIA et complètement interprété comme une riposte démocratique à
l’ingérence constante de la Russie dans les affaires ukrainiennes (ainsi va la narrative,
avec les obligations terroristes du déterminisme-narrativiste).
En conséquence de tout cela, l’exceptionnalité de l’interview de Malloch tient
en ce qu’il dit clairement que l’administration Trump écarte de facto
cette interprétation terroriste et déterministe-narrativiste sur le statut,
le rôle, la fonction de RT par rapport aux USA ; il s’agit, pour l’administration
Trump, d’une
organisation normale, sinon amie (certainement plus amie que la presse-Système
US), de communication de l’information et non pas d’une organisation de
propagande dans une quasi-guerre totale de la communication.
On lit donc
ci-dessus ce que Malloch pense de l’Europe, des jugements extérieurs sur Trump,
etc. (Il faut entendre son “Bonne chance” [Good luck] chargé d’ironie
défiante, sinon sarcastique, qui vient en réponse à la citation par Rattansi
des nouvelles d’il
y a deux mois selon lesquelles, selon un mémo “fuité”, les Britanniques
entendent profiter de l’inexpérience supposée de Trump pour le manipuler à leur
avantage.) Le passage sur Davos est surtout ce qui attire l’attention par la
force de la formule, mais il s’agit simplement de confirmer que, pour l’administration Trump, le
globalisme est mort et enterré, devenu une vieillerie sans plus
aucun intérêt, passé de mode et dont le temps a passé, – par conséquent, fin de
séquence et point final. “L’homme
de Davos” a rejoint l’homme de Neandertal et l’on a vu effectivement
combien, à la dernière rencontre, les présents étaient des has-been qui
ne comptent plus guère... Les intéressés apprécieront. [La présence d’un
fossile salafiste comme Rached
Ghannouchi, l’un des chefs des Frères Musulmans, une Internationale
Islamiste Terroriste, en dit long sur cette réunion des has-been°].
Le reste de
l’interview est également très intéressant... On y relève notamment les idées
suivantes, qui ont pour intérêt, notamment, de remettre à jour et en place
certains jugements récents sur ce qui serait l’évolution de la politique
extérieure de Trump. Voici comment nous les interprétons :
• Sur la Russie, Malloch est tranchant et définitif.
Tout doit être fait pour rétablir les meilleures relations possibles avec cette
puissance. De ce point de vue, Malloch retrouve la ligne clairement mise en
évidence par Trump durant sa campagne ; laquelle ligne, semble-t-il de
plus en plus précisément, sera fondamentalement la “ligne Tillerson”, du
secrétaire d’État qui commence désormais son travail puisque le Congrès vient
de donner son aval à sa nomination : Tillerson sera l’homme qui, à
l’intérieur du cabinet, donnera son impulsion à cette orientation majeure de
l’administration Trump.
(Il
y a deux jours, The Independent a recueilli des déclarations de
l’ancien ministre russe de l’énergie Yousoufov, absolument enthousiaste à
l’égard de Tillerson. C’est aussitôt l’occasion pour le quotidien londonien,
plus presse-Système que jamais à cet égard, de reprendre le refrain du “complot
russe” [Tillerson, sorte d’“homme de main”, ou Manchurian Secretary of State
de Poutine]. La stupidité et l’aspect absolument rassis et fripé de cette narrative
qui se voulait si pimpante il y a trois ou quatre mois ne découragent aucun des
plumitifs commis à cette besogne ; l’entrain des robots, c’est bien connu,
ne connaît aucune limite tant qu’ils sont alimentés comme il importe qu’ils
soient, et l’effet de leur travail complètement aveugle et absurde devrait
être de renforcer la détermination de ceux dont ils sont la cible :
«Le nouveau secrétaire d'État américain, Rex Tillerson, a
reçu l'aval de l'ancien ministre russe de l'énergie. S'adressant à The
Independent, Igor Yusufov a déclaré que son expérience de travailler avec M.
Tillerson, ancien directeur général du géant pétrolier ExxonMobil, avait été
"fantastique", ajoutant qu'il avait les «meilleures qualités» d'un cadre
supérieur. Ses remarques viennent au milieu de l'inquiétude dans certains milieux
sur la proximité de l'administration Trump avec Vladimir Poutine. Ainsi, l'agence
de renseignement américaine rapporte que les agents russes ont interféré dans
les élections américaines pour aider le milliardaire républicain à battre
Hillary Clinton. M. Tillerson a fait son nom en Russie en aidant à transformer
un projet techniquement difficile, en réalisant avec succès les forages des
puits de pétrole au large de l'île de Sakhaline, en faisant gagner ainsi des
milliards de dollars de recettes fiscales pour Moscou. Le magazine Fortune a
même suggéré que M. Poutine pourrait avoir une «sorte de fixation» sur le
nouveau Secrétaire d'État ... »
• Sur la politique européenne, la logique implicite
du discours de l’administration Trump est plus que jamais populiste. Deux
points sont mis en évidence : le Brexit d’une part, qui est l’évasion
d’une souveraineté emprisonnée dans un contexte de contrainte
supranationale : un référendum type-Brexit devrait, selon
Malloch, avoir lieu dans tous les pays de l’UE pour permettre aux peuples
d’exprimer leurs positions sur l’appartenance à l’UE. D’un point de vue plus général,
la politique européenne de Trump commence à prendre forme d’une manière conceptuelle sous la
forme d’un axe Washington-Bruxelles-Moscou.
Tous les
mots chaleureux à l’égard des Russes qu’on a mentionnés plus haut, se trouvent
intégrés dans une conception qui se résumerait par un propos lapidaire de cette
sorte : “Si vous voulez le rétablissement d’un axe transatlantique entre
les USA et l’Europe (après que les peuples des nations européennes aient parlé
quant à leurs positions vis-à-vis de leur union, et sous quelle forme, etc.),
alors il faut l’envisager comme
se prolongeant jusqu’à Moscou dans le respect des intérêts de chacun. L’entente de l’Europe avec
la Russie est aussi indispensable que l’entente des USA avec la
Russie...” Symboliquement, Malloch rappelle la fameuse photo des trois
“grands“ de la deuxième Guerre mondiale à Yalta (Roosevelt-Churchill-Staline)
aussi bien qu’à Potsdam (Truman-Churchill-Staline), cela étant entendu avec le
fait capital que la Russie n’est plus l’URSS et n’est donc plus
menaçante : l’axe
transatlantique continuera à vivre s’il est prolongé jusqu’à Moscou et devient
l’axe fondamental de la paix du monde.
• Interventionnisme ? Les positions de Malloch
peuvent-elles considérées comme une ingérence dans les affaires
européennes ? Curieusement et joliment, Malloch utilise l’argument des
antiaméricanistes et des anti-européistes selon lequel les USA (CIA & le
reste) ont été fondateurs de ce qui est devenu l’Europe-UE pour mieux la
contraindre au travers d'un carcan supranational, mais complètement à front
renversé : “N’oubliez pas, dit-il, que nous avons été à la base du
relèvement et de la de la fondation de l’Europe, en intervenant dans la
Deuxième Guerre mondiale puis avec le plan Marshall. Cela nous donne le droit
d’avoir notre mot à dire, et ce mot est aussi bien Brexit pour tout le
monde et accommodement avec Moscou...” On voit combien l’antiSystème est un art, y compris dans sa
dialectique la plus resserrée, constitué de souplesse, de contrepied et de “faire aïkido”.
• Sur l’évolution de ces derniers jours, qui a
beaucoup inquiété ceux qui attendent une politique extérieure antiSystème de
l’administration Trump, Malloch a été catégorique tout en restant très
général : les diverses postures, aussi bien vis-à-vis de l’Iran que
vis-à-vis de
l’Ukraine à l’ONU, sont les effets d’une mise en marche toujours complexe
et contradictoire, lorsqu’on passe d’une politique à l’autre, avec
nécessairement des interférences de l’ancienne politique. Malloch parle en termes apaisants (c’est-à-dire
entente avec la Russie) de la Syrie, de l’Ukraine, et même de la Crimée
dont il juge qu’en négociant on peut arriver à une apparence de compromis qui
permettrait de régler l’aspect international du problème.
Mis en ligne
le 5 février 2017
Source :
http://www.dedefensa.org/article/lhomme-de-davos-a-rejoint-lhomme-de-neandertal
Ted Malloch représentant US auprès de l’UE? L’Europe voit rouge
Les
critiques du candidat au poste d’ambassadeur américain à l’UE Ted
Malloch envers l’organisation et les chefs de ses institutions ne sont
pas passées inaperçues. Outrée, l’Union a exprimé sa ferme intention de
bloquer sa candidature.
Junker (à gauche) et Malloch (à droite) |
Au cœur de la polémique sont les propos de M. Malloch, qui a annoncé que la monnaie unique « pourrait s'effondrer » dans les 18 prochains mois et affirmé que « l'UE pourrait sombrer à l'avenir comme l'a fait l'URSS autrefois ».
Hannibal GENSERIC