L’étude des relations bilatérales des trois pays (USA / Russie / Israël),
pris deux à deux, est très intéressante car ces relations conditionnent et
expliquent bon nombre d’événements géopolitiques majeurs qui agitent la planète
aujourd’hui.
On connaît les excellentes relations USA-Israël sans
en connaître tous les ressorts, les relations très froides teintées d’hostilité
entre les USA et la Russie sans en connaître non plus toutes les raisons, mais
ce dont on a moins conscience, c’est que ces relations USA-Russie découlent
pour une large part des relations Israël-Russie dont le moins qu’on puisse dire
est qu’elles sont, malgré les apparences, tout sauf cordiales.
Examinons donc ces relations très particulières
Israël-Russie et voyons comment elles conditionnent largement les relations
USA-Russie, et pourquoi, malgré la volonté affichée de Trump, ces relations
USA-Russie auront beaucoup de difficultés à s’améliorer.
I - RELATIONS RUSSO-ISRAÉLIENNES
Derrière les poignées de main et les sourires de circonstance
lors des rencontres bilatérales entre Poutine et Netanyahu, la relation entre
la Russie et Israël, ne peut pas être bonne pour au moins dix raisons.
1 – La Russie a reconnu, dès novembre 1988, l’état de
Palestine dans ses frontières de 1967 à l’ONU en entraînant derrière elle tous
ses alliés des BRICS et de l’OCS (Organisation de coopération de Shanghai) et
de très nombreux états indécis (137 pays au total à ce jour).*
2 – La Russie milite inlassablement, avec ses alliés
BRICS et OCS, pour la reconnaissance par le reste de la communauté
internationale (56 pays) du droit des Palestiniens à un État. Ce point est
régulièrement évoqué dans les déclarations finales des congrès annuels des
BRICS.
3 – La Russie a toujours voté à l’ONU pour les Palestiniens, contre l’état hébreux sur tous les projets de résolutions
opposant les deux parties, et notamment sur la résolution 2334 du 23 décembre
2016 dans le vote unanime du conseil de sécurité de l’ONU (14 à 0, abstention
US)condamnant la poursuite des implantations israéliennes en Palestine occupée.
4 – La Russie est un allié fidèle et solide de la
Syrie de Bachar el Assad, ennemi déclaré d’Israël. Son intervention militaire,
en soutien des forces armées du seul gouvernement légal de Syrie, a entraîné
l’échec d’un démembrement programmé de ce pays dont Israël espérait tirer
profit (en annexant, entre autre, le Golan, château d’eau de la région).
5 – La Russie est un allié solide de l’Iran, principal
ennemi déclaré d’Israël, auquel il livre de l’armement défensif (missiles
S-300, commande iranienne de 9,3 milliards de $ d’armement en Novembre 2016
pour des chars T 90 et des avions).
Vladimir Poutine soutient aussi la candidature de
Téhéran qui souhaite être membre à part entière de l’OCS (l’Iran en est
« membre observateur » depuis plusieurs années). Une appartenance de
l’Iran à l’OCS et les livraisons d’armes et de technologies russes pourraient
rendre plus délicate, voire plus coûteuse, une intervention militaire
préemptive du binôme israélo-US. Quant à la remise en place, contre l’Iran, de
sanctions approuvées par l’ONU, elle est peu probable car la Russie, elle même
objet de sanctions USA-UE, appliquerait son droit de veto et serait
probablement suivie par la Chine).
6 - La Russie entretient de bonnes, voire d’excellentes
relations avec la Turquie et l’Irak, l’Égypte et la Libye, qui ne sont pas
vraiment de grands amis d’Israël.
7 – La Russie a toujours condamné, avec ses alliés des
BRICS et de l’OCS, la politique de colonisation, d’apartheid, de répression brutale
et disproportionnée de l’état hébreu en Palestine, notamment à Gaza.
8 – La Russie a été, historiquement, terre de très
forte présence juive et surtout terre de pogroms, notamment au XIXème et au
début du XXème siècle. Une émigration récente et considérable des juifs de
Russie (près d’un million depuis 1990) vers Israël ou vers les pays de la
coalition occidentale a pu, à tort ou à raison, être perçue comme une forme de
désertion par les autorités russes. Elle a considérablement réduit l’effectif
et donc le poids politique de la communauté juive en Russie. En 1960 il y avait
encore 2,3 millions de juifs en URSS (sur 212 millions d’habitants). Ils ne
sont plus que 200 000 aujourd’hui dans la Russie de Poutine (sur 145 millions
d’habitants).
9 – Pour assurer son pouvoir, Poutine a dû affronter
une nomenklatura et une oligarchie ayant une très forte composante issue de la
communauté juive (25% sur les 200 principaux oligarques, beaucoup plus sur la
nomenklatura héritée de Eltsine). Pour éliminer ses principaux opposants
membres de cette oligarchie, Poutine a dû frapper fort et faire des exemples
(Berezovski, Goussinski, Mikhaïl Khodorkovski,Vladimir Yevtushenkov…..).
S’agissant de la nomenklatura, il a remplacé progressivement les proches de
Eltsine par des hommes à lui à tous les postes clefs.
L’influence du Congrès juif de Russie s’en est trouvé,
peu à peu, considérablement réduite.
10 - Poutine sait depuis longtemps qui a monté, contre
les intérêts russes, le coup d’État de Maidan en Ukraine alors qu’il préparait
et tentait de réussir ses jeux olympiques de Sotchi. Il sait que Victoria
Nulland, maître d’oeuvre US de ce coup d’état, est une juive néoconservatrice pure et
dure d’ascendance ashkénaze, [c'est à dire khazare]. Il connaît les liens très étroits qui lient les
néoconservateurs US à l’AIPAC (American Israeli Public Affairs Commitee) et
l’AIPAC à Israël. Il connaît ceux qui, au Congrès US, s’opposent aujourd’hui à
toute amélioration des relations USA-Russie, pourtant souhaitée par Trump. Il
sait l’influence qu’exerce Benjamin Netanyahu sur ces « néocons »
du Congrès US.
Au total, le simple examen des faits ci-dessus évoqués
montre que la Russie de Poutine et l’État Hébreu de Benjamin Netanyahu ne
peuvent être que des adversaires irréductibles.
Ces deux hommes qui ne respectent que la force et les
chefs d’état forts qui leur ressemblent, ne peuvent que se respecter, voire
s’estimer, tout en s’opposant farouchement et froidement l’un à l’autre.
Tous les moyens vont être utilisés par les deux partis
pour isoler, affaiblir, neutraliser l’adversaire. S’agissant d’Israël ces
moyens utilisés vont inclure l’action conjointe de tous les lobbies qui le
soutiennent dans de grands pays (USA, France, GB, Canada, Australie, mais aussi
Russie, Brésil, Argentine). Ces lobbies qui lui sont attachés sont
particulièrement actifs dans la politique, les médias , les affaires et chez
les people.
Le russian bashing dans les médias occidentaux et
l’attaque systématique dans ces mêmes médias de tous ceux qui, de près ou de
loin, soutiennent la Russie ou veulent simplement dialoguer avec, ou avec tout
autre adversaire d’Israël, peuvent facilement se comprendre ainsi.
II - RELATIONS USA-ISRAEL
La relation « fusionnelle » entre les États
Unis et Israël est mieux connue, plus ouverte, mais rares sont ceux qui en
identifient tous les ressorts et connaissent la véritable ampleur de
l’influence de l’état hébreu sur la politique étrangère US.
Il faut se souvenir que le vote de la résolution 181
des Nations Unies sur le plan de partage de la Palestine et la reconnaissance
d’un État juif n’a été obtenu le 29 novembre 1947 qu’après plusieurs tentatives
infructueuses dont la première datait de septembre 1947. Les votes favorables
n’étant pas suffisants en septembre et toujours pas le 25 novembre, le Yichouv
représentant le mouvement sioniste en Palestine, a fait appel à la riche
communauté juive américaine et en particulier à la « Zionist Organization
of America (ZOA) » pour faire pression sur le gouvernement US afin qu’il
incite certains états, en situation de dépendance, à changer leur vote.
Cet appel a porté ses fruits puisque 8 états (dont la
France, fortement dépendante du plan Marshall) ont changé leur vote en 4 jours,
entre le 25 et le 29 novembre 1947 permettant enfin la reconnaissance de l’état
d’Israël. Notons, pour l’anecdote, que Staline, croyant que Ben Gourion allait
faire du nouvel état un état communiste, a fait voter en faveur du plan de
partage.
A la suite de cette première réussite dans
l’instrumentalisation de la communauté juive américaine, l’état hébreu a
compris tout l’intérêt d’organiser et de cultiver sa relation avec les États
Unis, pays surpuissant, membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU avec
droit de veto.
Dès 1951, l’AIPAC (American Israeli Public Affairs
Comittee), principal outil d’influence d’Israël sur le gouvernement des
États-Unis, est créé. Il se donne six objectifs principaux :
• Faire du lobbying auprès du Congrès américain et de
la Maison Blanche pour préserver lesintérêts israéliens,
• S’assurer du veto des États-Unis contre toute
résolution de l’ONU condamnant les actions israéliennes,
• Assurer une aide financière et militaire généreuse
envers Israël,
• Préparer la future génération de leaders US
pro-Israéliens,
• Surveiller les votes et les propos des élus
américains concernant les affaires liées de près ou de loin à Israël,
• Coordonner et orienter les donations des juifs
américains pour les candidats auxélections, notamment présidentielles.
Il est important de noter que ce puissant lobby est
riche, bipartisan et plutôt transparent.
Après plus de 65 ans d’existence, il est
particulièrement efficace tant chez les Démocrates que chez les Républicains.
Il ne cache pas grand-chose de ses objectifs et de ses méthodes.
C’est peut être, en partie, ce qui fait sa force.
Il est également important de noter qu’au travers des
donations aux candidats aux élections, l’AIPAC « achète » évidemment
le vote du parlementaire élu grâce à son aide, ou la position de politique
étrangère du Président des États-Unis élu grâce aux donations de ses membres,
ou des postes clefs de conseillers dans la haute administration US, notamment
dans la politique étrangère, dans le secteur de la défense et dans le
renseignement.
Sans oublier le chantage : le Mossad, en collaboration avec la CIA, a monté des réseaux surpuissants de pédophilie qui "tiennent par les burnes" environ un tiers de tous les décideurs politiques américains, démocrates comme républicains (voir : Un haut fonctionnaire du Ministère de l’Intérieur US: La CIA et le Mossad sont derrière le réseau de pédophiles à Washington DC).
L’AIPAC peut évidemment compter sur une très forte
majorité des médias qu’il contrôle et qui lui est dévouée et sur de nombreux
« people » qu’il a contribué à promouvoir.
A noter que ce système qui fonctionne de manière
ouverte aux USA, existe aussi, mais de manière plus occulte, dans certains
autres pays de la « coalition occidentale ».
Pour compléter ce dispositif, le Mossad a mis en
place, principalement aux USA mais aussi ailleurs, un dispositif très efficace
facilitant le renseignement et l’action directe. Il s’agit du système unique
des sayanims, individus de bon niveau et bien placés dans la société, membres
de la diaspora et acceptant d’aider Israël. Ce système est parfaitement
décrit par Jacob Cohen dans sa courte conférence consultable sur You Tube :
https://www.youtube.com/watch ?v=2FYAHjkTyKU
Selon lui, ils seraient environ 15.000 juifs américains aux USA [qui travaillent pour le Mossad contre l'Amérique].
Ce dispositif est également évoqué par Victor
Ostrovsky, ancien agent du Mossad ayant fait défection, ou par Gordon Thomas,
dans son livre : « l’histoire secrète du Mossad ».
Enfin l’AIPAC, outil d’influence d’Israël au cœur de
la gouvernance US, est très lié à l’idéologie néoconservatrice. Ce lien
apparaît clairement dans l’article de Laurent Guyenot de mars 2013.
Extrait : « Le néoconservatisme, qui est
généralement perçu comme une droite républicaine extrême, est en réalité un
mouvement intellectuel né à la fin des années 1960 au sein de la rédaction de
la revue mensuelle Commentary, l’organe de presse de l’American Jewish
Committee qui a remplacé le Contemporary Jewish Record en 1945.
The Forward, le plus ancien quotidien juif américain,
écrit dans un article de 2006 : « S’ily a un mouvement intellectuel
en Amérique dont les juifs peuvent revendiquer l’invention, c’est bien le
néoconservatisme. Cette pensée horrifiera sans doute la plupart des juifs
américains, majoritairement libéraux.
Et pourtant c’est un fait qu’en tant que philosophie
politique, le néoconservatisme est né parmi les enfants des immigrants juifs et
qu’il est actuellement le domaine particulier des petits-enfants de ces
immigrants ». L’apologiste du néoconservatisme Murray Friedman explique
cela par la bénéficience inhérente au judaïsme, « l’idée que les juifs ont
été placés sur terre pour en faire un monde meilleur, peut-être même plus
sacré. »
On peut effectivement constater que les principaux
néoconservateurs américains qui ont fondé le PNAC ( Project for a New American
Century ) en 1997, et rédigé son texte de référence « Rebuilding America’s
Defenses » en 2000, sont d’ascendance juive Krauthammer, Kristol,
Podhoretz, Perle, Kagan, Horowitz, Wolfowitz, etc.)
Depuis septembre 2001, ce sont bien les
néoconservateurs qui ont initié la politique d’ingérence US tous azimuts et
tous prétextes de Bush (Irak, Afghanistan), et qui ont continué, à un moindre
degré sous Obama, à influencer la politique étrangère (printemps arabes, Libye,
Syrie, Yémen, Ukraine). Si le PNAC est bien mort en 2006 suite au conflit
irakien, l’idéologie néoconservatrice, elle, imprègne encore les esprits dans
la politique et la haute administration US.
Obama n’a réussi à échapper à cette influence
« néoconservatrice-AIPAC » qu’à trois occasions, lors de son second
mandat, alors qu’il ne cherchait plus la réélection :
- le refus d’appliquer des frappes sur les forces du régime syrien du 30 août 2013,
- l’accord sur le nucléaire iranien du 14 juillet 2015,
- l’abstention US lors du vote du Conseil de sécurité de l’ONU condamnant la poursuite des implantations israéliennes en Palestine occupée du 23 décembre 2016.
L’influence incontournable et la puissance de l’AIPAC
se sont clairement exprimées lorsque Benjamin Netanyahu a pu se faire inviter
par le président du Congrès US à prononcer un discours, devant les parlementaires,
le 3 mars 2015, contre la volonté du Président Obama, ce qu’aucun autre chef
d’état au monde n’est capable de faire, et ce qu’il a probablement payé le
23 décembre 2016.
Quid de la relation entre l’AIPAC et Trump
aujourd’hui ?
Le 21 Mars 2016, Hillary Clinton et Trump ont effectué
leur « grand oral » à la conférence annuelle de l’AIPAC. Le
flamboyant Trump a fait un tabac auprès des congressistes mais pourtant, c’est
la prévisible et plus « docile » Hillary qui a été adoubée par la
direction de l’AIPAC au grand dam de ses militants.
Notons au passage un élément important de ce
choix : H. Clinton affichait son hostilité, voire une véritable
agressivité à l’égard de la Russie tandis que Trump proclamait qu’il fallait
s’entendre avec les russes et coopérer avec eux dans la lutte contre le
terrorisme.
La position de Trump sur la Russie ne pouvait
qu’indisposer l’AIPAC, représentant les intérêts d’Israël, adversaire de la
Russie, et les néoconservateurs (liés à l’AIPAC), partisan d’une suprématie
sans partage des USA et donc d’une lutte sans merci contre tout
« challenger » pouvant contester leur monopole de superpuissance.
Conformément aux objectifs qu’il s’est fixé, l’AIPAC a
orienté les donateurs vers les deux candidats, en privilégiant très fortement
H. Clinton. Dans les dix derniers jours de campagne, anticipant une possible
victoire de Trump, l’AIPAC a fait un petit effort en sa faveur pour faire
valoir son image bipartisane et surtout pour ne pas mettre tous ses œufs dans
le même panier. Bien lui en a pris.
Plusieurs journaux de l’état hébreu tel Haaretz, le
Jerusalem Post, JSS News, se sont réjouis du niveau des donations de la
communauté juive américaine aux deux candidats : Selon JSS News et le
Jérusalem Post, 50% des donateurs de Clinton et 25% des donateurs de Trump
étaient juifs.
Selon Haaretz qui nous a livré leurs noms, les 5 plus
gros donateurs de Clinton étaient également juifs. Cela donne une idée du
niveau de l’investissement de l’AIPAC, représentant les intérêts d’Israël, dans
la campagne présidentielle US. Cela donne aussi une idée du niveau des retours
sur investissement attendus par l’AIPAC.
Quels ont été ces retours jusqu’à présent ? Ils
semblent à la hauteur de l’investissement mais sans plus. Il y a :
La
promesse de campagne de transférer l’ambassade US de Tel Aviv à Jérusalem, dont
nul ne sait si Trump la tiendra,
Le
projet de décret présidentiel contre l’ONU qui a osé défier Israël par une
condamnation de la politique d’implantation en Palestine occupée, à l’unanimité
du conseil de sécurité (14 à 0, abstention US). Nul ne sait encore si Trump va
signer ce décret.,
La
nomination comme ambassadeur en Israël de David Friedman, soutien de la
colonisation israélienne en Cisjordanie et adversaire déclaré d’une solution à
deux Etats,
La
nomination comme conseiller spécial sur les affaires du Proche et Moyen orient
de Jared Kushner, 36 ans, gendre de Trump et mari d’Ivanka, juif orthodoxe,
soutien assumé d’IDF (Israeli Defense Forces), sayan dont l’impartialité sur le
problème israélo-palestinien est loin d’être évidente.
La
nomination de quelques membres du cabinet : Steven Mnuchin, secrétaire au
Trésor, Gary Cohn, directeur au budget entre autres. (Les sionistes tiennent le cordon de la "bourse" de Trump)
Mais Trump a également mis en place de puissants
contre-pouvoirs en nommant Steve Bannon, haut conseiller à la stratégie.
Directeur de campagne de Trump mais trop indépendant de l’AIPAC, Bannon dérange
au point qu’une campagne est organisée contre lui pour obtenir son départ. Il
est qualifié de raciste, de suppôt de l’extrême droite et d’antisémite par ses
opposants dont il n’est pas très compliqué de savoir qui les instrumentalise en
sous-main.
Trump a également nommé au département d’État
(ministère des affaires étrangères) Rex W Tillerson, un proche de Vladimir
Poutine, décoré par lui de l’ordre russe de l’amitié en 2013. Ceci ne fait les
affaires ni de l’AIPAC, ni d’Israël. Lors de son audition par la commission des
affaires étrangères, Tillerson a dû simuler une prise de distance suffisante
avec la Russie pour pouvoir obtenir sa confirmation mais il a du aussi
promettre de prendre Elliot Abrams, candidat de l’AIPAC, comme adjoint.
Sur le conseil de Steve Bannon, Trump a refusé
d’attribuer le poste d’adjoint de Tillerson à Elliot Abrams, néoconservateur
pur et dur, gendre de Norman Podhoretz, gourou de l’idéologie néoconservatrice
et membre éminent du lobby pro-israélien. C’est un échec de l’AIPAC qui tentait
d’infiltrer l’un des siens au plus haut niveau de la politique étrangère US. Les
choses sont parfaitement claires : Trump et Bannon ne veulent pas d’une
politique étrangère inspirée par les néocons et par l’AIPAC.
Enfin Trump a nommé à des poste clefs 4 généraux (un
record) qui ne semblent pas avoir de liens avec l’AIPAC. Flynn, conseiller à la
Sécurité Nationale (puis démissionné); Mattis, secrétaire à la Défense ; Kelly,
secrétaire à la sécurité du territoire ; Zinke, secrétaire à l’intérieur.
Lors de la période de transition et alors que Trump
était en conflit avec la CIA sur l’ingérence présumée des russes dans la
campagne électorale US, c’est le directeur du MOSSAD, Yossi Cohen qui est venu,
le 17 décembre 2016, exposer à l’équipe de Trump sa vision de la situation
internationale, notamment au Proche et Moyen Orient et sur le conflit
israélo-palestinien, en présence de Yaakov Nagel, chef du conseil de sécurité
national israélien et de Ron Dermer, ambassadeur israélien aux États Unis.
C’est encore Israël qui a lancé la première invitation pour une visite d’État
au nouveau président US.
Ceux qui souhaitent creuser le sujet des relations
USA-Israël peuvent se référer à l’excellent ouvrage de John Mearsheimer et
Stephen Walt, deux universitaires de très haut niveau en science politique des universités de Chicago et d’Harvard : The Israel Lobby and U.S. Foreign
Policy « Le lobby pro-israélien et la politique étrangère
américaine ». (résumé en français sur :
Les deux universitaires ont évidemment perdu leur
poste et leur carrière (la liberté d’expression a des limites aux USA et les
vérités ne sont pas toutes bonnes à dire. Aux USA comme en France, traiter un juif de "juif" est passible de poursuites pour insulte raciste et antisémitisme), mais cela donne de la crédibilité à
l’ouvrage qui est intéressant et très argumenté.
Compte tenu de ce qui vient d’être dit, examinons
maintenant où en sont les relations USA Russie et leur possible évolution.
III- RELATIONS USA-RUSSIE
Sous l’influence des néoconservateurs US, démocrates
et républicains, liés à l’AIPAC, et avec l’appui quasi unanime des médias
états-uniens dont on sait qui les contrôle, le Russian Bashing (dénigrement
systématique de la Russie), est devenu très à la mode Outre-Atlantique. Dans
ces conditions, les relations USA-Russie ne peuvent être bonnes et auront bien
du mal à s’améliorer.
Il y a, bien sûr, l’héritage lointain de la guerre
froide dont on laisse entendre aux populationsoccidentale qu’elle est de retour
en raison de la volonté et des actions du « dictateur ( ?) »
Poutine ;
Il y a « ce méchant Poutine, allié de Bachar, qui
ne combat pas DAESH ???, mais qui massacre les pauvres « terroristes
modérés » qui veulent promouvoir la démocratie et les droits de l’homme en
Syrie » ; « Ce méchant Poutine qui écrase ALEP sous les bombes,
et qu’il faudrait juger au TPO (Tribunal Pénal Occidental) pour crime de guerre
et crime contre l’humanité ; »
Il y a « ce méchant Poutine qui agresse la pauvre
Ukraine et annexe la Crimée (on n’ose pas ajouter contre la volonté de sa
population) » ; et qui soutient les deux républiques autoproclamées
de Donetsk et de Lougansk contre le gouvernement légitime ( ?), issu du
coup d’état de Maidan ; »
Il y a « ce méchant Poutine qui provoque l’OTAN
et menace l’occident tout entier par ses actions en Ukraine et au Proche
orient ; » et qui ose faire transiter sa flotte par la Manche.
Il y a aussi« ce méchant Poutine qui vient
perturber les élections US en favorisant l’élection de Trump » et qui,
avec Wikileaks et Julien Assange complote contre les États-Unis ; »
Il y a, encore et toujours, « ce méchant Poutine,
qui envoie 100 hooligans, super entraînés au combat, rosser 2 000 supporters
(et hooligans) anglais lors de la coupe du monde de football ; »
Il y a ce méchant Poutine qui dope ses athlètes et
dont le pays doit être interdit de JO, alors que nous, gentils occidentaux, ne
dopons jamais nos sportifs (sauf exceptionnellement tout de même : Lance
Armstrong et beaucoup d’autres).
Il y a enfin « ce méchant Poutine qui, à l’ONU,
met son veto, avec la Chine, à toutes les excellentes résolutions que nous proposons
pour favoriser la paix dans le monde et l’instauration de la
démocratie ; »
Il y a même, pour les météorologues, ces vagues de
froid désagréables qui nous viennent de Sibérie, pays du méchant Poutine.
Depuis que Trump a exprimé sa volonté d’améliorer la
relation USA-Russie ..., l’hystérie russophobe a véritablement explosé dans
tous les milieux sous forte influence AIPAC (camp démocrate, néocons, médias,
sayanims, people).
Qu’on en ait eu conscience ou non, Israël a
certainement indiqué sa préférence à la direction de l’AIPAC, son relais aux
États-Unis, pour qu’il soutienne prioritairement la russophobe Clinton dans
l’élection présidentielle. L’AIPAC l’a fait de manière très officielle en mars
2016. Si Tel Aviv ne l’avait pas voulu, il ne l’aurait pas fait.
Aujourd’hui, Israël n’a pas changé d’avis. Trump, le
russophile, élu malgré tous les efforts consentis pour le faire battre, avec
95% des médias contre lui, un budget de campagne de 800millions de $, très
inférieur à celui de Clinton (1,3 milliard de $) n’est pas le Président espéré
parTel Aviv et il faut donc le mettre dans une situation telle qu ’ il ne
puisse pas réaliser un rapprochement avec la Russie, préjudiciable aux intérêts
israéliens.
Soutenus par l’AIPAC, les néoconservateurs et les sayanims
de tous les secteurs, les médias et les people sont à la manoeuvre. Le
milliardaire SOROS, 87 ans, d’ascendance ashkénaze, bien connu pour avoir
financé toutes les « révolutions colorées » dans le monde, expert de
classe mondiale dans la création du chaos, fervent soutien et second principal
donateur de la campagned’Hillary, dirige la dissidence en finançant très
ouvertement les manifestations anti-Trump dans quelques grandes villes à forte
majorité démocrate. Ces manifestations sont évidemment relayées et leur ampleur
fortement exagérée par des médias complices, y compris en Europe.
Du côté du Congrès, Netanyahu et l’AIPAC comptent
aussi sur l’appui de leurs nombreux soutiens néocons démocrates mais aussi
républicains.
Dans le propre camp du Président élu, le sénateur Mc
Cain, président de la commission de la défense, et le sénateur Lindsay Graham,
président de la commission des affaires étrangères, ont déjà déclaré leur
opposition déterminée à toute levée par Trump des sanctions contre la Russie.
Ils ont même menacé Trump de passer par la voie
législative pour interdire tout rapprochement jugé contraire aux intérêts des
États Unis et à la sécurité nationale.
Les jeunes sénateurs Rubio et Cruz, anciens
concurrents de Trump à la primaire républicaine, qui souhaitent évidemment
poursuivre une brillante carrière politique, se sont prononcés, eux aussi,
contre tout rapprochement avec « l’ennemi » Russe.
Dans de telles conditions, Trump aura du mal à faire
valoir son point de vue et à tenir ses promesses de campagne. Il rencontrera
beaucoup d’obstacles sur le chemin de la normalisation des relations avec la
Russie. Il n’a pas la majorité au Congrès sur tous les sujets si l’on tient
compte des parlementaires néocons de son propre camp qui travaillent directement
pour l’état hébreu.
Pour conclure, sur les relations USA-Israël, le seul
homme qui dispose vraiment de la majorité absolue au Congrès US aujourd’hui est
bien Benjamin Netanyahu.
Mais Trump est un homme fort, déterminé et malin qui
sait parler au peuple américain.
Contre toute attente, il a gagné les primaires
républicaine. Contre toute attente, contre 95% desmédias et des instituts de
sondage, et avec moitié moins de dépenses que son adversaire, il a gagné la
présidentielle. Il ne renoncera peut être pas à la normalisation des relations
avec la Russie. Son Secrétaire d’État Tillerson est populaire. Il peut, à petit
pas, y parvenir en obtenant, par exemple, un nouvel accord sur le désarmement.
En conclusion, on peut vraiment se demander si l’action
bipartisane et combinée de l’AIPAC, des néoconservateurs et des sayanims US,
tous étroitement unis dans la défense des intérêts de l’état hébreu, ne décide
pas souvent de la politique étrangère des États Unis et donc de la paix ou de
la guerre dans telle ou telle partie du monde.
Il est aussi fascinant de constater qu’Israël, petit
État de 22.000 km² (2 fois le département de la Gironde), peuplé de 8,6
millions d’habitants (30% de moins que l’Île De France) puisse exercer une
telle influence au niveau planétaire.
Ce système « pro-Israël » qui fonctionne
parfaitement aux États Unis existe-t-il à l’identique dans d’autres pays ?
La réponse est oui.
Un tel système existe, mais plus opaque, dans une
bonne dizaine de pays au moins, parmi lesquels la France, la Grande Bretagne,
le Canada, l’Australie mais aussi le Brésil, l’Argentine et même la Russie où
il est, aujourd’hui, maîtrisé par Poutine.
En France, il existe bien un lobby dont l’influence a
été évoquée par François Mitterrand. Il existe bien des néocons qui influencent
les décisions de politique étrangère et de défense. Le journaliste
d’investigation Vincent Jauvert en a débusqué tout un groupe qui contrôlerait
le Quai d’Orsay et serait gentiment surnommé par leurs collègues :
« la secte ». [Lorsque je travaillais chez une grande compagnie d'informatique en France, l'immeuble abritant les patrons (PDG, DG, et tous les Directeurs) était appelé "la Synagogue" par l'ensemble des ingénieurs, car dès qu'un Pdg juif est nommé, toute la direction était, en quelques jours, judaïsée, mais Chut ! il est interdit de le dire à haute voix].
Quant aux sayanims, ils seraient environ 2000 en
France selon Jacob Cohen. On les trouve évidemment dans le gouvernement et la
haute administration, au parlement (60 députés franco-israéliens), aux Affaires
Étrangères, à la Défense, dans le renseignement, dans la presse, dans
l’audiovisuel, à la culture, dans les affaires et chez les people.
Ceci explique que notre politique étrangère soit
strictement alignée sur celle des USA depuis 2007. Ceci explique aussi que
notre presse se soit strictement alignée sur la presse US pour porter la
candidature d’Hillary, la russophobe, contre Trump le russophile. Ceci explique
enfin pourquoi nos médias poursuivent le dénigrement systématique de Trump avec
leurs partenaires US.
On peut aussi se demander si le « système »
décrit ci dessus, en essayant de promouvoir, pour les prochaines
présidentielles française, un candidat à sa botte, ne fait pas payer à
Mr François Fillon sa volonté affichée de dialogue avec Poutine et Bachar
el Assad, deux adversaires d’Israël [Voir : Qui utilise la presse et la Justice contre Trump & Fillon].
Le simple examen des noms, des CV et des entreprises
des patrons des médias les plus agressifs envers Mr Fillon est, en effet,
assez révélateur .
Il y a le groupe Le Monde avec Louis Dreyfus, Pierre
Berge, et Niel (Le Monde, La Vie, Le Huffington Post, Le courrier international,
le Nouvel observateur, rue 89, …etc….)
Mais il y a surtout les médias du franco-israélien
DRAHI, sayan émérite, qui a reçu le prix Scopus de l’université hébraïque de
Jérusalem le 18 mars 2015 : (L’Express, L’Expansion, L’Étudiant,
Libération, BFMTV, RMC, I24 …etc... ),
Le nombre et la notoriété des titres coalisés autour
de la candidature de Mr Macron, donc contre celle de François Fillon, sont
impressionnants. Le bon peuple sera-t-il dupe ? Rien n’est moins sûr.
A noter, pour l’anecdote, quatre faits incontestables :
1 - Mr Macron , ministre des finances, a aidé
Mr Drahi, en lui accordant un feu vert de Bercy le 28 octobre 2014 pour
racheter SFR. Ce feu vert avait été refusé par son prédécesseur parce qu’il
posait des problèmes importants de surendettement, de fiscalité, et de
concurrence. Mr Montebourg, ministre précédant Mr Macron, disait de
Mr Drahi : « Il a une holding au Luxembourg, son entreprise est
cotée à la bourse d’Amsterdam, sa participation personnelle est à Guernesey,
dans un paradis fiscal, et lui-même est résident suisse ».
2 – L’empire Drahi a aujourd’hui une dette colossale
de 50 milliards d’euros, plus élevée que celle de Madoff au moment de sa
faillite. Il va avoir besoin de soutien dans les années à venir , pour sortir
du surendettement dans lequel il se trouve, d’autant que la valeur de ses
actifs ne cessent de chuter en bourse. A moins que l’épilogue de cette aventure
Drahi ne ressemble à celle des affaires Stavisky ou Madoff.
3 – Le banquier de Mr Drahi, Bernard Mourad,
ancien de la banque Morgan Stanley, devenu patron de Altice média (du Groupe
Drahi), a démissionné de ses fonction en Octobre 2016 pour devenir conseiller
spécial d’Emmanuel Macron.
4 – L’empire médiatique de Drahi soutient aujourd’hui
avec une énergie farouche la candidature de Mr Macron en tentant d’écraser
Mr Fillon. Il ne s’agit peut être que de coïncidence, mais cela ressemble
furieusement à un renvoi d’ascenseur pour le feu vert d’octobre 2014 et à
nouvel investissement de l’empire Drahi pour les années à venir. Une campagne
électorale coûte cher. Qui donc finance celle de Mr Macron ?
Les médias de Drahi et de Bergé décideront-ils, à eux
seuls, de l’issue du scrutin d’avril prochain , en « travaillant »
quotidiennement au corps les électeurs français ?
Les Français auront-ils un sursaut de lucidité en
rejetant cette forte incitation médiatique à voter selon le plan des Drahi,
Bergé et consorts, et en faisant mentir les sondages comme ils l’ont fait en
novembre et janvier dernier ?
L’avenir nous le dira.
NOTE : les textes dans cette couleur ont été rajoutés par Hannibal GENSERIC
Titre original : ANALYSE DES RELATIONS ÉTATS-UNIS/ RUSSIE/ ISRAELPar : Général (2S) Dominique DELAWARDE
(Ancien chef du
bureau Situation-Renseignement-Guerre Électronique » de l’État major
Interarmées de Planification Opérationnelle).
mardi 21 février 2017, Comité Valmy