samedi 1 novembre 2014

Daesh en Afghanistan, en Libye, en Egypte...et en Afrique noire

Bien entendu, la dynamique ISIS/EI/Daesh, composante actuellement en pleine expansion de la nébuleuse islamiste/djihadiste, a multiplié les contacts en dehors de sa zone privilégiée d’intervention (Irak-Syrie). L’Afghanistan et ses talibans occupent une place de choix dans ses contacts extérieurs. Le Maghreb et le Sahel, aussi. Cela fait plusieurs semaines que des précisions diverses sont données sur ces contacts, que des nouvelles dans ce sens sont publiées dans la presse en général (Système et antiSystème), sans qu’une image précise n’en émerge encore.


DAESH en Afghanistan

On donnera ici quelques-unes des plus récentes précisions, fournies par le Daily Star de Beyrouth qui a en général des contacts régionaux dans des milieux disposant de relations avec les activistes divers autour de cette même nébuleuse islamiste/djihadiste. Comme on le lit (ce 5 octobre 2014), ces précisions restent assez vagues et assez formelles, cantonnées au stade des déclarations, des perspectives assez générales, et surtout elles concernent le Pakistan bien plus que l’Afghanistan au niveau opérationnel, – mais les deux pays étant bien entendu liés.
D’une façon un peu plus précise concernant l’Afghanistan, Time Magazine, relayant la BBC, annonçait, il y a un peu plus d’un mois (le 3 septembre 2014) que des contacts directs étaient noués entre les talibans et ISIS, avec de possibles conséquences opérationnelles en Afghanistan.
Mais il y a désormais des appréciations beaucoup plus précises, de type stratégique, qui viennent informellement du côté russe, par le biais d’une évaluation générale que fait le gouvernement russe à partir de ses divers services de renseignement et d’analyse. Les Russes tentent de faire partager leur très grande inquiétude, – car “très grande inquiétude” il y a, – notamment dans des contacts avec les Européens. (Ces contacts, sur cette sorte de matière comme dans d’autres cas de crises en cours, se poursuivent de manière régulière quoique informelle, malgré la crise ukrainienne où la situation de communication présente une forte restriction des contacts, selon les initiatives courantes des Européens.)

Les Russes estiment qu’il existe actuellement, non plus seulement des contacts informels entre talibans et ISIS pour établir une éventuelle coopération, mais bel et bien le transfert de forces ISIS “conséquentes” vers l’Afghanistan, dans le but de lancer effectivement des initiatives opérationnelles conjointes. La situation avec les différents chefs de guerre des talibans reste assez confuse, certains ayant accepté des accords avec ISIS, d’autres les négociant, avec la possibilité pour ce dernier cas que ces accords n’aboutissent pas et qu’il s’établisse une certaine hostilité d’affrontement, – ce qui semble impliquer que des forces d’ISIS sont déjà en place même dans ces cas incertains.

Bien entendu, on comprend l’intérêt des Russes pour cette situation. Les Russes se sont immédiatement intéressés à cette crise d’ISIS selon une perspective géopolitique “nordiste”, et ils ont tout de suite envisagé des hypothèses d’extension d’ISIS vers l’Est-Nord-Est, à la limite occidentale du sous-continent indien (Afghanistan-Pakistan), c’est-à-dire toutes les hypothèses où ISIS se rapprochent de leurs frontières méridionales et des foyers de terrorisme du Caucase et sur son Est. La préoccupation des Russes pour l’Afghanistan est réelle et immédiate, puisque leurs hypothèses opérationnelles (action effective d’une alliance taliban-ISIS) portent sur les prochains mois. Cette perspective implique un grand changement stratégique avec l’établissement d’un axe de déstabilisation terroriste qui établirait un lien direct, organique et opérationnel entre le Moyen-Orient et l’Afghanistan. Leur prospective n’écarte aucune possibilité parmi les plus dramatiques, comme celle d’une offensive conjointe taliban-ISIS pouvant aboutir à une opération du même type que l’opération initiale d’ISIS en Irak, avec une menace contre Kaboul même. L’hypothèse grotesque de voir Bagdad et Kaboul menacés presque conjointement après l’offensive initiale de 2002-2003 des USA et futur bloc BAO pour “libérer” ces deux capitales éclaire l’évolution stratégique incohérente de ces treize dernières années et le triomphe du désordre engendré par l’intervention initiale.

Une fois de plus, les Russes jugent leurs “partenaires” européens, dans les contacts qu’ils ont pris avec eux, assez insouciants des réelles possibilités de déstabilisation majeure. Pour l’instant, les Européens apprécient la situation en Afghanistan surtout à partir des données politiques et sociétales qu’ils favorisent, avec l’élection du nouveau président, et surtout avec l’accord du 20 septembre entre les deux candidats du second tour, Ashraf Ghani (élu président) et Abdullah Abdullah, pour une sorte de coalition de direction. Bien que les commentaires généraux soient plutôt très sceptiques, les officiels européens ont une tendance marquée à concentrer leurs analyses sur ces facteurs pour y voir une pacification de la vie politique afghane ouvrant des perspectives encourageantes (bonne gouvernance, modèle démocratique, libéralisation sociétale, bref le catalogue standard des salons). D’une façon générale, les Russes considèrent cette attitude avec le plus grand étonnement non exempt d’ironie fataliste, – une habitude chez eux, face aux réactions politiques européennes, – et jugent qu’elle est outrageusement optimiste, sinon relevant d’une perception qui n’est pas loin d’approcher le réflexe habituel du bloc BAO de tendre à se réfugier dans la narrative.

Le verdict de la Russie est aujourd’hui assez clair. 
On se trouve, avec cette perspective taliban-ISIS, devant la possibilité d’un bouleversement géostratégique d’une très grande importance, et d’un immense danger. On pourra observer que, sur ce point, chez les Russes, existe tout de même une tendance inverse à celle des Européens à dramatiser peut-être excessivement les perspectives stratégiques. Néanmoins, cette tendance va dans le sens de ce qu’on constate ces dernières années, et surtout ces derniers mois : l’hyper-désordre... En effet, la perspective qu’ils craignent pour la situation décrite ici est évidemment moins celle d’une dynamique d’affrontement et de recherche d’une hégémonie classique, que celle d’une dynamique de désordre (hyper-désordre). Il n’y a rien dont les Russes ne se défient plus que le désordre/l’hyper-désordre. Les événements actuels ne les démentent pas, et ce qui pourrait être jugé en temps normal comme une obsession a, dans le contexte courant, les allures plus classique du simple réalisme. 

En Egypte

Après son implantation en Libye (Derna), et ses tentatives d'implantation en Tunisie et en Algérie, DAESH s'implante en Égypte. Le groupe extrémiste Ansar Baït al Makdis, opérant dans le Sinaï et considéré comme l'une des formations islamistes les plus dangereuses en Égypte, a prêté allégeance au groupe djihadiste Etat islamique (EI/DAESH), rapportent mardi les médias internationaux.
"Après nous en être remis à dieu, nous avons décidé de jurer allégeance à l'émir et le fidèle Abou Bakr al-Baghdadi, calife des musulmans en Syrie et en Irak et dans les autres pays", lit-on dans le communiqué d'Ansar, reproduit par des agences occidentales.
Ansar est affilié à la nébuleuse Al-Qaïda, alors que ses commandos coordonnent toutes leurs actions avec l'EI qu'ils considèrent comme "source d'inspiration ou de conseil".
Ce groupe extrémiste mène dans la province du Sinaï une insurrection qui a déjà fait plusieurs centaines de morts. Plusieurs centaines de policiers et de soldats ont été tués dans le Sinaï depuis que le peuple égyptien a chassé le président islamo-sioniste Mohamed Morsi en juillet 2013.
La semaine dernière, un kamikaze avait lancé sa voiture bourrée d'explosifs sur un barrage militaire dans le nord de la péninsule du Sinaï, tuant plus de 30 soldats dans l'attaque la plus meurtrière contre les forces de sécurité depuis la destitution par l'armée du président islamiste Mohamed Morsi en juillet 2013.Au lendemain de cet attentat, le président Abdel Fattah al-Sissi avait promis une réponse implacable à "la menace existentielle" que représentent les djihadistes pour l'Egypte, affirmant que "beaucoup de mesures" allaient être prises dans la zone frontalière entre son pays et la bande de Gaza "pour traiter le problème à sa racine".
Le gouvernement égyptien a décrété trois mois d'état d'urgence dans le nord du Sinaï et établi une zone-tampon à sa frontière avec la bande de Gaza.
La zone-tampon vise à "isoler les terroristes dans des zones sans population, ce qui permet de les prendre pour cible plus facilement et limite les pertes civiles", affirme Imane Ragab, experte en sécurité, qui estime cependant que les résultats ne sont pas garantis: "nous ne savons pas si cette zone est un bastion terroriste, ou juste leur terrain d'opération."
L'Egypte soupçonne des activistes palestiniens de prêter main-forte aux attentats qui se sont multipliés dans le pays.

En Afrique aussi...


L'annonce égyptienne (allégeance au calife des brutes) vient après la dédicace à l’État Islamique du nigérian Abubakar Shekau – chef du groupe takfiriste Boko Haram, présumé mort depuis le mois de septembre et ressuscité une dizaine de jours plus tard – celle du Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (ou MUJAO, essentiellement présent au nord du Mali) prononcée par son fondateur le mauritanien Hamada ould Mohamed Kheirou en juillet dernier, ou plus récemment le dimanche 21 septembre les membres du groupe algérien Jund Al-Khilafa (« Les soldats du califat ») qui auraient soi disant enlevé Hervé Gourdel et par la même occasion prêté allégeance à l’EI.
Des annonces qui viennent toujours de groupes obscurs locaux dont les représentants sont eux aussi très étranges. Prenons par exemple le bourreau des 200 jeunes filles maliennes, Abubakar Shekau, qui a ressuscité 3 fois en 5 ans après l’annonce de sa mort photos à l’appui par les forces nigérianes. Le cas se répéte avec Mokhtar Belmokhtar, alias Belaouer ou Laouer (« le borgne »), ou encore surnommé monsieur Marlboro par les services algériens et qui selon certains s’est entraîné dans des camps en Arabie saoudite, à l’époque où la CIA et l’agence de renseignement pakistanaise Inter-Services Intelligence appuyaient les djihadistes, et qui a la fâcheuse habitude lui aussi de revenir d’entre les morts, celui-ci à 2 reprises en juin 2012 et mars 2013.
Hannibal GENSERIC


VOIR AUSSI :

OTAN : des hordes islamistes pour déstabiliser la Russie et la Chine

 Daesh et Talibans, c'est kif kif bourricots