mercredi 12 novembre 2014

Syrie: une initiative russo-égyptienne pour ramener la paix

Après des mois de paralysie totale, au cours desquels la loi des armes a pris le dessus sur l’option politique en Syrie, la diplomatie recommence à bouger. L’envoyé international en Syrie, Staffan De Mistura, se trouvait à Damas cette semaine, où il a été reçu par le président Bachar al-Assad, après avoir visité précédemment Téhéran et Beyrouth. Regain d’activité également à Moscou, qui a accueilli l’ancien chef de la «Coalition nationale syrienne», Moaz al-Khatib.
Le diplomate italien d’origine suédoise travaille sur deux projets distincts, selon des sources diplomatiques à Beyrouth. Le premier, souhaité par la France et la Turquie, consiste à «geler» le conflit dans la ville d’Alep, où les groupes extrémistes, qui contrôlent les quartiers Est, sont en passe d’être totalement encerclés par l’Armée arabe syrienne, qui tient les quartiers ouest et avance dans la campagne à l’Est de la ville. La deuxième initiative, défendue par la Russie etSyrie: une initiative russo-égyptienne en gestation. l’Egypte, prévoit la tenue, à Moscou, d’une conférence de dialogue inter-syrienne avec la participation de représentants du pouvoir et des personnalités de l’opposition. Cette idée a été longuement évoquée par les présidents russe, Vladimir Poutine, et Egyptien, Abdel Fattah el-Sissi, lors de la visite de ce dernier à Moscou, le 12 août.
Des sources bien informées à Beyrouth indiquent que l’initiative russo-égyptienne prévoit de réunir autour d’une même table, à Moscou, une délégation du gouvernement syrien, conduite par le ministre des Affaires étrangères, Walid Moallem, et certains opposants, qui n’ont pas de relations avec les groupes extrémistes, comme Moaz al-Khatib, Haitham Mannah, l’ancien vice-premier ministre syrien, l’opposant Kadri Jamil, le chef du Parti démocratique kurde, Saleh Muslim, dont les hommes combattent «Daech» à Aïn el-Arab, ainsi que d’anciens membres de la «Coalition nationale». Cette conférence, appelée Moscou-1, serait préparée par la Russie et l’Egypte mais aussi par les Nations unies, via Staffan De Mistura. Les deux délégations examineraient la possibilité de former un gouvernement de transition, doté de larges prérogatives, mais toutes les questions relatives à l’armée ou à la sécurité resteraient de la compétence du président Assad. Le gouvernement serait présidé par une personnalité consensuelle.

L’Occident n’a plus d’initiative

Le quotidien libanais al-Akhbar écrit dans son édition de mardi que le gouvernement de transition aurait pour tâche de former une constituante chargé d’amender profondément la Constitution, avant d’organiser, dans un délai de deux ans, des élections législatives, puis présidentielle. Bachar al-Assad pourrait se représenter à ce scrutin.
Les sources précitées affirment que le président Sissi, qui entretient d’excellentes relations avec Riyad, aurait convaincu l’Arabie saoudite de ne pas mettre les bâtons dans les roues de cette initiative, surtout que la priorité devrait être de combattre le terrorisme de «Daech» et consortSyrie: une initiative russo-égyptienne en gestation. ainsi que les Frères musulmans. Or pour Le Caire, la lutte anti-terroriste passe impérativement par la préservation de l’Armée arabe syrienne, seule force capable d’infliger une défaite décisive aux groupes extrémistes.
Sauvegarder l’institution militaire syrienne et les services de sécurité est pour le président Sissi une priorité, car la Syrie et l’Egypte mènent un même combat, surtout que le mouvement terroriste «Moujahidi Beit al-Makdess» a prêté allégeance, dernièrement, à «Daech» et à son chef, Abou Bakr al-Baghdadi.
Les puissances occidentales, qui sont à court de moyens et d’idées pour ce qui est de la Syrie, ont posé une condition pour ne pas saboter l’initiative russo-égyptienne: le «gel» de la bataille d’Alep. C’est la France qui a été chargée, comme d’habitude, des sales besognes. Dans une tribune parue dans plusieurs journaux -Le Figaro, le Washington Post et al-Hayat-, le 4 novembre, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, écrit: «Alep fait face aujourd’hui à la menace d’être prise en tenaille entre les barils d’explosifs du régime et les égorgeurs de Daech. L’encerclement est déjà presque total. La ville n’est plus reliée à l’extérieur que par une seule route menant à la Turquie. Fidèle à sa politique de famine, le régime cherche à tuer la résistance par la faim et par le froid (…)».
Ce cri d’alarme est dû au fait que l’Occident est désormais parfaitement conscient que les groupes extrémistes qu’il a créés, financés, entrainés et armés pour renverser le pouvoir en Syrie sont incapables de mener à bien leur mission. Sur tous les fronts, l’armée syrienne a repris l’initiative et les quelques percée enregistrées ici et là par les extrémistes et relayées à grand tapage médiatique -comme à Nawa-Deraa, en fin de semaine dernière- ne changeront rien aux rapports de force réels.

L’armée a repris l’initiative

Car depuis mi-2013, l’armée syrienne et ses alliés ont repris l’initiative et son passés à l’offensive, enregistrant des succès sur les fronts suivants:
-Dans la Ghouta orientale de Damas, encerclée par l’armée, les extrémistes ont perdu la plupart de leurs bastions (Mliha, Oteibé, Adra etc…). Ils sont partout sur la défensive et ne sont plus en mesure de menacer la capitale.
-L’armée et ses alliés ont repris toutes les villes et villages du Qalamoun, à la frontière libano-syrienne. Les terroristes, retranchés dans les montagnes, ne parviennent pas à reprendre pied dans une seule localité. Leurs lignes d’approvisionnement sont coupées et leur combat est désespéré.
-Dans le vieux Homs, ils ont été contraints à la reddition et ne sont plus présents que dans le quartier d’al-Waher, totalement encerclé par l’armée. Leur tentative de s’emparer des puits deSyrie: une initiative russo-égyptienne en gestation. gaz et de pétrole dans la campagne à l’est de Homs sont vouées à l’échec. Ils ne parviennent pas à garder les positions qu’ils prennent par surprise à l’armée et d’où ils sont délogés quelques jours plus tard.
-Dans la province de Hama, l’armée a repoussé de 35 kilomètres les lignes de front et a pris Helfaya et Morek, deux bastions terroristes.
-A Alep, l’armée a désenclavé la prison centrale de la ville et poursuit sa progression à l’est et au sud-est.
-Sur le front sud, l’armée mène un combat défensif, visant à empêcher les extrémiste d’atteindre leur objectif d’instaurer une ceinture de sécurité le long du Golan occupé. Elle a reporté sa grande offensive pour reprendre le terrain perdu, en attendant la fin de la bataille de la Ghouta orientale.
On le voit bien, le rêve de renverser le régime militairement ne se concrétisera jamais. Et c’est pour sauver ce qui peut encore l’être que l’Occident réclame le «gel» du front d’Alep. Le président Assad a informé De Mistura qu’il était prêt à examiner une telle option, qui passe, forcément, par l’arrêt de l’armement des terroristes. Mais le commandement syrien sait très bien que la Turquie n’acceptera pas de mettre un terme à l’afflux d’armes et de combattants via son territoire. Et c’est Ankara qui torpillera ce plan, et creusera davantage le fossé entre lui et ses alliés occidentaux… un nouveau contentieux qui s’ajoutera à celui provoqué par l’attitude ambigüe de la Turquie vis-à-vis de Daech dans la bataille d’Aïn al-Arab.

Samer R. Zoughaib
Source: french.alahednews