L'affaire
a été révélée par le journal Le Monde : pour continuer à faire
fonctionner sa cimenterie de Jalabiya dans le nord-est de la Syrie,
fleuron du cimentier français au Proche-Orient, le groupe Lafarge aurait
financé l'Etat Islamique.
A partir
de l'année 2013, l'Etat Islamique est de plus en plus présent dans la
région et, pour faire fonctionner l'usine, le groupe français à été
contraint de continuer de se fournir en pétrole, dont les champs
étaient tombés dans les mains de l'Etat Islamique. La cimenterie a
aussi négocié des droits de passage aux checkpoints tenus par les
djihadistes pour ses camions. Ces financements, durent jusqu'en
septembre 2014, quand l'Etat Islamique s'empare de l'usine, et que le
groupe français abonne son activité dans la région.
Le
site a été repris par les forces kurdes en février 2015. La cimenterie
désaffectée sert maintenant de base aux forces spéciales occidentales,
françaises, américaines et britanniques, qui soutiennent les forces
kurdes dans la région.
La
cimenterie avait été rachetée par Lafarge en 2007 et mise en service en
2010. Estimé à 600 millions d'euros, le projet constituait à l'époque
l'un des investissements étrangers les plus importants jamais consentis
en Syrie en dehors du secteur pétrolier. Depuis août 2013, la sécurité
de la cimenterie était assurée par le PYD, la branche militaire du Parti
kurde de l'Union démocratique (PUD), majoritaire dans la région.
Le
groupe Lafarge est l'un des fleurons de l'industrie française. Numéro
un mondial du ciment depuis sa fusion avec le Suisse Holcim en juillet
2015, le groupe est une des valeurs du CAC 40 et emploie 115 000
personnes dans 90 pays.
L'Or noir, principale source de financements pour Daesh
Les
revenus issus des gisements de pétrole sont un élément clef dans le
financement de l'Etat Islamique. En Octobre 2015, le quotidien
britannique Financial Times avançait le chiffre impressionnant de 1,5 million de dollars de revenus pétroliers par jour amassé par Daesh
Les
hydrocarbures ont joué un rôle centrale dans le développement de
l'organisation djihadiste, jusqu'à guider ses conquêtes
territoriales. l’Etat Islamique, après s’être retiré du nord-ouest de la
Syrie (important stratégiquement, mais peu riche en pétrole)
s’était emparé dès 2013 de nombreuses zones pétrolifères dans l’est du
pays. Cette main-mise sur les ressources pétrolières de la région a
aboutit à une situation paradoxale, où même les groupes qui sont
hostiles à l'Etat Islamique sont contraint de s'approvisionner en
pétrole... auprès de celui-ci. Il n'est donc pas surprenant que pour son
usine dans le nord-est du pays, le groupe Lafarge ait été obligé de se
fournir auprès de Daesh.
La
plus grande partie du pétrole extrait par l'Etat Islamique est destinée
à des réseaux de contrebande locaux, pour répondre à une demande
régionale. Néanmoins, il n'est pas exclu qu'une partie minime de ces
flux transitent par la Turquie, avant d'être exportés en Europe.
A plusieurs reprises, la Russie à pointé du doigt le rôle ambigu de la Turquie, l'accusant de laisser prospérer ces réseaux de contrebande. Les
équipes de RT présentent en Syrie avaient même découvert un certain
nombre de documents, notamment des factures, prouvant que le pétrole de
l'Etat Islamique transitait par la Turquie.
De
nombreuses frappes aériennes russes visaient d'ailleurs directement les
puits de pétrole, les raffineries et les camions-citernes de l'Etat
Islamique.
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KTKB, la banque turque qui finance le jihad
Me
Mogeeb Weiss, avocat a San Francisco, a déposé une plainte en Caroline
du Nord, au nom de l’association assyrienne Saint-François-d’Assise. Il
accuse la Kuveyt Turk Katilim Bankasi A.S. (KTKB) de financer l’ensemble
des groupes jihadistes en Syrie et en Irak [1].
La
plante s’appuie sur les recherches de l’équipe de Tom Creal, qui fut
expert aux Nations unies, aux États-Unis, en Afghanistan, au Sierra
Leone et en Irak contre la corruption et le crime organisé.
La
banque KTKB a été créée en 1989 par la Kuwait Finance House (KFH), la
principale banque koweïtie. Les autres porteurs de parts sont la
Direction générale des Fondations de la République de Turquie,
l’Institution publique koweïtie de Sécurité sociale et la Banque
islamique de développement. KTKB dispose de 180 agences en Turquie.
Ancien
collaborateur du président Recep Tayyip Erdoğan, le vice-président de
la KTKB, Adnan Ertem, est le directeur général des Fondations de la
République de Turquie.
[1] « Türkiye ve terör finansmanı », Tolga Tanış, Hürriyet, 19 juin 2016.
A contrario, la coalition internationale conduite par les Etats-Unis a refusé pendant plusieurs mois de frapper les sites pétroliers et les réseaux de contrebandes, officiellement pour ne pas faire souffrir d'avantage les populations civiles. En novembre nombre 2015 cependant, des premières frappes ont été effectuées sur des camions citernes, acheminant le pétrole entre la Syrie et la Turquie depuis les puits contrôlés par Daesh.
Des
attaques aériennes françaises, britanniques, américaines et russes qui
semblent porter leurs fruits : en avril 2016, des responsables
américains de la lutte antiterroriste déclaraient que les ressources
financières de l'Etat Islamique s'étaient considérablement réduites,
grâce aux attaques répétées sur les infrastructure pétrolière du groupe
djihadiste. Les responsables américains estimaient que le revenu global de l'Etat Islamique issu du pétrole avait diminué 50%.