Tout commence avec la double offensive
YPG kurdes-armée loyaliste dont nous avons parlé il y a quelques jours.
La situation devient sérieuse pour l'EI. Les Kurdes poussent toujours
plus à l'ouest de l'Euphrate et sont en passe d'encercler totalement Manbij, importante tête de pont daéchique vers la frontière turque. De leur côté, les forces du régime continuent leur avancée vers Raqqah et ne se trouvent plus qu'à 30 km de l'aéroport stratégique de Taqbah.
Ce double mouvement en tenaille menace de couper tout simplement le territoire de l'EI en deux et d'isoler la partie que tient Daech le long de la frontière turque.
Ce double mouvement en tenaille menace de couper tout simplement le territoire de l'EI en deux et d'isoler la partie que tient Daech le long de la frontière turque.
Résultat, alors qu'ils étaient en pleine bourre au nord d'Alep il y a quelques semaines encore, les petits hommes en noir sont en train de dégarnir et même d'abandonner plusieurs de leurs positions afin de renforcer leur présence plus au sud et ne surtout pas perdre Manbij et Taqbah.
Si
les deux villes tombent, la seule voie de communication avec le nord et
la frontière turque se résumera... au lac Assad. Inutile de dire que
les Sukhois russes s'en donneront à coeur joie pour couler les
embarcations brinquebalantes. A Raqqah, on doit maudire le nom d'Assad
pour mille générations.
Notons que ce repositionnement de Daech
profite à plein aux terroristes "modérés" qaédistes si chers à
l'Occident et à Erdogan, au bord de l’asphyxie il y a peu et qui
reprennent maintenant du terrain au nord d'Alep. Ironie de l'histoire,
ce retour à la vie est permis par l'offensive de leurs pires ennemis :
Assad, les Kurdes et les Russes ! L'Orient est décidément bien
compliqué...
Et ici, les choses deviennent très intéressantes.
L'EI est condamné depuis le début ; il n'a jamais été que le paravent,
l'instrument des manigances et contre-manigances des grands en Syrie.
C'est autour des terroristes "modérés" et des Kurdes que tout se joue.
L'offensive
kurde sous patronage US a-t-elle été décidée par les Américains afin de
sauver Al Qaeda et Ahrar al-Cham au nord d'Alep ? Même si les Kurdes
ont leur propre agenda et occupent des villages dans cette zone au
détriment des djihadistes "modérés" qui restent leurs ennemis, on peut
sans doute répondre à la question par l'affirmative. Washington a à
plusieurs reprises demandé aux Russes
de ne pas bombarder Al Qaeda autour d'Alep afin de soit-disant
dissocier les "rebelles modérés" des djihadistes. Mais le seul résultat
aura été de gagner du temps et de renforcer ces mêmes djihadistes, comme
cela avait été le cas avec le cessez-le-feu de février.
Il se
peut toutefois que ce soit encore plus complexe, le double jeu américain
pouvant en réalité bien être un triple jeu. Sous couvert d'aider les
djihadistes d'Erdogan via l'offensive kurde (ô ironie), les Etats-Unis
préparent peut-être le terrain à l'unification du Kurdistan syrien ; une
entente russo-américaine sur le dos du sultan en quelque sorte. Les
atermoiements de Washington étant à peu près impossibles à décrypter,
seul l'avenir nous le dira...
Qu'il soit double ou triple, le jeu
US fait perdre patience aux Russes qui reviennent lentement mais
sûrement au niveau de leur intervention automnale. Le rythme des
bombardements s'intensifie depuis une semaine dans la région d'Alep et il est même question d'un possible déploiement de troupes.au sol (où l'on pourrait reparler de ce que nous évoquions
il y a quelques mois, à savoir une éventuelle intervention tchétchène).
Notons également que si les ministres de la Défense iranien, russe et
syrien se sont rencontrés aujourd'hui à Téhéran, ce n'est pas pour
parler de la pluie et du beau temps. Cette fois, il n'y aura pas de
deuxième chance pour les "rebelles" qui n'auront pas déposé les armes...