Un crime contre l’humanité politiquement incorrect : la traite des Slaves du VIIIe au XVIIIe siècle. Sait-on que le mot français « esclave » vient du latin sclavus
désignant l’homme slave asservi, terme apparu en ce sens en 937 dans un
diplôme germanique puis largement utilisé dans les actes notariés génois et vénitiens à partir de la fin du XIIe siècle pour
finalement s’imposer dans les langues romanes et germaniques ?
L’étymologie, encore plus explicite en anglais, révèle un fait
historique le plus souvent ignoré non seulement du grand public, mais du
milieu historien lui-même : la traite esclavagiste exercée aux dépens
des peuples slaves du VIIIe au XVIIIe siècle.
Mr Alexandre Skirda, essayiste et historien d’origine russe, vient de
consacrer à cet épisode tragique de l’histoire européenne un livre (1)
qui comble une lacune de la documentation française, et qui pourtant
n’a guère suscité l’intérêt du public parce qu’on ne lui fait pas la
publicité qu’il mérite d'une part, et parce que la russophobie [6] est devenue, comme l'islamophobie [7], le fonds de commerce de beaucoup de médias, de partis politiques et de dirigeants occidentaux. Comment s’étonner de la censure médiatique ? Ce
livre met à la portée du grand public des faits irréfutables permettant
de constater la réduction en servitude de millions de Slaves par les Européens de l'Ouest et du Nord.
Mr Skirda vient donc à propos combler une lacune, par un ouvrage
faisant la synthèse des études consacrées à ce thème, notamment de la
monographie récente, non encore traduite en français, de l’historien
russe Dimitri E. Michine (2).
Notre auteur distingue nettement deux traites des Slaves : la traite
occidentale, qui s’exerça en Europe centrale, et la traite orientale,
qui sévit de la Pologne à l’Oural. La première ne dura que 300 ans, du
VIIIe au XIe siècle ; la seconde, qui débuta également au VIIIe
siècle, dura quelque mille ans. Elles impliquèrent l’une et l’autre des
peuples variés, qu’il s’agisse des victimes, les divers locuteurs de
langues slaves répandus de la Bohême à l’Ukraine, de la Pologne aux
Balkans, ou qu’il s’agisse, côté prédateurs, de nomades turco-mongols
venus des steppes de l’Asie centrale, les Polovtses, les Khazars [5] et les Tatars, auxquels il faut ajouter les Francs et les Juifs
rhadhânites (3) des Etats carolingiens, les Varègues de Scandinavie, les
Gênois et les Vénitiens, enfin les Turcs ottomans, lesquels prirent
part à ce crime contre l’humanité à diverses époques historiques.
La traite occidentale des Slaves
La traite occidentale qui débuta au VIIIe siècle
concernait des Tchèques, des Moraves, des Slovaques, des Polonais,
des Slovènes et des Croates de Slavonie qui furent razziés ou faits
prisonniers dans les guerres les opposant à leurs agressifs et puissants
voisins germains ou hongrois, quand ils ne s’opposaient pas en combats
fratricides, comme il arriva parfois entre Tchèques et Polonais. Les
prisonniers étaient acheminés vers Prague, grande plaque tournante de
l’esclavage, puis à Verdun, le plus important centre européen de
castration du Haut Moyen Age, pratique essentiellement réalisée par des
Juifs dont c’était la spécialité en raison de leur familiarité avec le
rite de circoncision. Le
transport et la vente étaient assurés par les Rhadânites, nom
signifiant en persan « connaisseur des routes » par lequel on désignait
les marchands juifs s’adonnant au trafic international ; leur itinéraire
empruntait la vallée du Rhône et le port d’Arles. Les Esclavons de
Slavonie pouvaient être enlevés à partir des côtes dalmates par des
bandes armées, puis expédiés à Venise, où on peut encore voir le quai
dit « des esclavons ».
La traite orientale des Slaves
Les peuples slaves qui s’étaient installés à l’est de l’Europe
connurent mille années de vicissitudes : établis sur des plaines
immenses dépourvues d’obstacles naturels permettant d’assurer leur
protection contre les envahisseurs, placés aux confins de l’Asie
centrale parcourue par d’incessantes hordes nomades de pillards, il ne
leur fallut pas moins de mille ans pour bâtir un État solide, capable de
résister aux agressions étrangères.
Paradoxalement, le premier État russe fut créé au IXe
siècle par des Scandinaves du nom de Varègues qui avaient été appelés en
renfort par les Ukrainiens en butte aux attaques des nomades polovtses,
petchénègues et khazars, mais les chefs vikings songeaient avant tout à
exploiter l’Ukraine comme une colonie dont la ressource principale
était l’habitant qu’ils razziaient avec une habileté de chasseurs
d’homme proverbiale, pour aller le vendre soit au nord, sur la plaque
tournante de l’esclavage viking que fut Hedebut au Danemark, soit au sud
à Byzance, capitale de la chrétienté d’Orient qui ne connut pas
l’extinction rapide de l’esclavage touchant la chrétienté occidentale à
la même époque. Peu à peu les Russes, dont le nom vient du suédois « ruotsi »
signifiant « rameurs », s’émancipèrent de leurs tuteurs païens : ils
obtinrent à partir de 964, sous Sviatoslav, des princes de leur sang et
parlant leur langue, puis se convertirent en 988 au christianisme sous
l’influence de missionnaires byzantins, et bâtirent un Etat qui dura
jusqu’à la conquête mongole au XIIIe siècle, mais qui fut incapable d’enrayer la traite esclavagiste.
Les Khazars judaïsés expédiaient les
victimes de leurs rapts vers l’est, à Itil, leur capitale située sur la
Volga, de même qu’à Boulgar plus au nord, ainsi qu’à Boukhara et
Samarcande, centres de castration et d’un commerce esclavagiste
fructueux à destination non seulement de Bagdad, mais aussi de
l’Extrême-Orient. Les Khazars quittèrent la scène de l’histoire au XIe siècle, chassés par les Byzantins, ils émigrent en Europe occidentale, où, grâce aux fortunes colossales gagnées sur le dos des esclaves slaves, ils vont truster les plus hautes sphères de la finance et de la politique Occidentales. Ils ont conquis la Palestine, les États-Unis (la Réserve Fédérale et toutes les banques importantes), la France, la Grande Bretagne, etc. On les désigne discrètement par l'Empire anglo-sioniste, en espérant échapper aux affres de l'Inquisition Khazare.
C’est alors que les Gênois, auxquels l’empereur latin de Byzance a
confié la maîtrise de la mer Noire, entrent en scène pour deux siècles :
installés dans les anciennes colonies grecques qu’ils exploitent en
intermédiaires d’une traite alimentée par les razzias mongoles au
détriment de Slaves et de Grecs orthodoxes ou de païens abkhazes,
tcherkesses ou tatars, ils ravitaillent l’Égypte des Mamelouks en jeunes
garçons destinés à renforcer l’armée (janissaires). Leurs rivaux vénitiens se
taillent une petite part du marché, en se spécialisant dans
l’exportation de femmes à partir de leur port de Tana sur la mer d’Azov.
Chassés de la mer Noire par l’avancée des Turcs ottomans, maîtres de
Byzance depuis 1453, les Italiens se replièrent sur la Méditerranée
orientale et laissèrent la Crimée aux Tatars.
Ce peuple turco-mongol converti à l’islam au XIVe siècle menait des incursions ravageuses du XVe au XVIIIe
siècle sur le monde russe. Vassaux des Turcs ottomans, les Tatars,
ravitaillaient Istanbul et son empire en esclaves et en janissaires prélevés sur les
terres des Slaves orientaux. Leurs déprédations prirent fin sous le
règne de la tzarine Catherine II, victorieuse de l’Empire ottoman.
Un bilan désastreux
Le bilan humain de cette traite millénaire est difficile à
quantifier, faute de documents, surtout pour les périodes lointaines.
Entre le VIIIe et le XIIe siècle, Mr Skirda estime
le nombre de victimes à plusieurs centaines de milliers d’êtres
humains, auxquels il faut ajouter un million de prisonniers réduits à la
servitude, s’ajoutant au million de tués du fait de la conquête
mongole.
Le total des victimes de la traite des Slaves entre le VIIIe et le XVIIIe siècle est évalué en millions par Mr Skirda. Ce prélèvement catastrophique a
largement contribué au retard économique de l’Europe orientale par
rapport à l’Europe occidentale qui, comme l'Amérique, a bâti son essor et sa richesse sur l'esclavage slave pour les uns, africain pour l'autre. C'est ainsi que "la Renaissance" a débuté en Italie, le pays qui a été le premier importateur / exportateur de Slaves.
Mr Skirda attribue la renaissance économique occidentale des Xe et XIe siècles aux profits réalisés par les marchands italiens grâce à la
traite des Slaves, de la même manière que l’essor du capitalisme en Angleterre, en France, en Belgique, etc. est essentiellement du aux profits réalisés grâce à la
colonisation et à la traite des Nègres (la fortune de Bordeaux a été faite grâce au trafic d'esclaves pour l'Amérique).
Hannibal GENSERIC
Notes :
1) Alexandre Skirda, La Traite des Slaves : l’esclavage des Blancs du VIIIe au XVIIIe siècle, Editions de Paris Max Chaleil, octobre 2010.
Historien et essayiste, Alexandre Skirda, né en 1942 de parents réfugiés
de la guerre civile, est un spécialiste du mouvement révolutionnaire
russe. Il a publié dans la même collection Nestor Makhno, le cosaque libertaire, Les anarchistes russes, les soviets et la révolution de 1917, Le Socialisme des intellectuels de Makhaïski (traduction et présentation).
2) Dimitri E. Michine, Sakalibas, slavanié v islamskom miré (Sakalibas, les Slaves dans le monde musulman), 2002.
3) Radhânites :aristocratie marchande du monde juif médiéval dont le
nom persan, signifiant « connaisseur des routes », évoque le rayonnement
mondial de l’Orient à l’Europe et à l’Extrême-Orient. Mr Jacques Attali
rend hommage à leur connaissance des langues les plus variées et à leur
sens des affaires qui les rendirent indispensables dans les relations
entre le monde arabe et la chrétienté, notamment au cours du Haut Moyen
Age (cf. Les Juifs, le monde et l’argent, Paris 2002). Des
auteurs persans et arabes attestent le rôle des Radhânites dans la
traite esclavagiste et leur spécialité de la castration des esclaves
(par exemple Ibn Kordabeh, maître des postes persan en 847, ou Ibn
Hankel, auteur arabe du Xe siècle).
4) Georges Young, Constantinople des origines à nos jours, Payot, Paris 1948.
Correspondance Polémia – 14/07/2013
5) Voir aussi :