Pas un jour ne passe sans que les crânes d’œuf du Think-Tankland
washingtonien ne fassent ce qu’ils font de mieux ; promouvoir toutes
sortes de scénarios pour la guerre avec la Russie, froide et chaude,
ainsi que des myriades de confrontations avec la Chine et l’Iran.
Cela
correspond aux cinq menaces existentielles contre les États-Unis,
débusquées par le Pentagone, où la Russie et la Chine trônent tout en
haut et où l’Iran traîne à la quatrième place – tous avant la variété du
terrorisme version Califat bidon de Daesh.
J’ai exposé ici
quelques faits de realpolitik concis pour contrer l’hystérie,
soulignant la façon dont l’avantage russe dans les missiles
hypersoniques rend inutile toute la construction de rhétorique et de
fanfaronnade paranoïaque de l’OTAN.
Le système américain de
défense Aegis [1] a été transféré des navires sur la terre. Le système de
défense antimissile Patriot est sans valeur. Aegis est environ 30% plus
efficace que le système THAAD ; il peut être plus efficace, mais sa
portée est également limitée.
Aegis n’est pas du tout une menace
pour la Russie – pour l’instant. Pourtant, lorsque le système sera mis à
niveau – et cela peut prendre des années – il pourra causer à la Russie
une inquiétude sérieuse, car l’Exceptionalistan le pousse de plus en
plus vers l’est, près des frontières de la Russie.
Quoi qu’il en
soit, la Russie reste à des années-lumière d’avance dans les missiles
hypersoniques. Le Pentagone sait que contre le système S-500, le F-22,
le F-35 horriblement coûteux [et qui ne vole pas encore, NdT]
et les avions furtifs B-2, grandes vedettes d’un programme d’avions de
chasse multimilliardaire en dollars, sont totalement obsolètes.
Donc, le vieux gène culturel est de retour : «l’agression russe», sans laquelle le Pentagone ne peut absolument pas se battre pour son droit divin à être inondé de fonds sans limites.
Washington
avait 20.000 planificateurs au travail à la fin de la Seconde Guerre
mondiale, axés sur la reconstruction de l’Allemagne. Il n’en restait
plus que six pour reconstruire l’Irak, après sa destruction lors de
l’opération Shock and Awe en 2003.
Ce n’était pas de l’incompétence ; c’était le Plan A
depuis l’origine. L’ex-URSS a été considérée comme une menace puissante
à la fin de la Seconde Guerre mondiale – donc l’Allemagne devait être
reconstruite. L’Irak était une guerre choisie pour faire main basse sur
les champs de pétrole – en tandem avec la mise en œuvre d’un capitalisme
de catastrophe pur et dur [style théorie du chaos]. Personne à Washington ne s’est jamais soucié de reconstruire, encore moins de le faire.
L’agression russe
ne marche pas pour l’Irak ; tout concerne l’Europe de l’Est. Le
ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a clairement déclaré,
et ce, de toutes les façons, que le déploiement de l’Aegis sera
contrecarré de manière appropriée – au même moment où les médias du Big
Business américain commencent à admettre que l’économie russe se remet des effets de la guerre des prix du pétrole.
Jetez un œil à mon trésor en cash
Dans cet article, mon but était de montrer que la Chine n’est pas House of Cards.
Quelle que soit la dette réelle chinoise par rapport au PIB – les
chiffres varient entre 23% et 220% – ce n’est rien pour une économie de
la taille de la Chine, en particulier parce qu’elle est entièrement
contrôlée en interne.
La Chine conserve plus de $3.000 milliards
en dollars américains et autres monnaies occidentales dans ses réserves,
alors qu’elle éloigne progressivement son économie de la vraie House of Cards : l’économie du dollar américain.
Donc,
dans ces circonstances, que signifie la dette extérieure ? Pas grand
chose. La Chine pourrait – même si elle ne le fait pas encore – produire
plus de yuans et racheter sa dette, exactement comme ce qu’ont fait les
États-Unis avec l’assouplissement quantitatif (QE) et la Banque
centrale européenne (BCE) avec sa demande à certains pays favoris – les partisans acharnés de l’OTAN – de fournir plus que leur part.
Et
pourtant, Pékin n’a pas vraiment besoin de le faire. La Chine, la
Russie, l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et ce qui reste
des BRICS – le Brésil est sur le banc de touche jusqu’à au moins 2018 –
sont lentement mais sûrement en train de forger leur propre monnaie
interne et leur système de transfert de devises – en Chine et en Russie,
cela fonctionne déjà en interne – en marginalisant SWIFT et la Banque
des règlements internationaux (BRI).
Quand ils seront prêts à
proposer au reste du monde de se joindre à eux, alors la dette
extérieure libellée en dollars US sera insignifiante.
Le Think-Tankland US, comme d’habitude, reste sans voix. Comme l’explique une de mes sources chinoises : «Chaque fois qu’une grande gueule occidentale mentionne le problème de la dette chinoise,
elle cite un chiffre qui semble sortir d’un chapeau, incluant toutes
les dettes, du gouvernement central, des provinces, de toutes les
entreprises, les prêts des banques étrangères. Puis elle compare ce
chiffre total en Chine avec la seule dette centrale publique des pays
occidentaux et du Japon.»
La source ajoute : «La Chine a
un bilan équivalent à $60.000 milliards. Les prêts provenant de sources
externes sont de l’ordre de $11.000 milliards, tandis que la trésorerie
et équivalent, est comprise entre $3600 et 4.000 milliards. Tout cet
argent – ou ces actifs très liquides – est la plus grande force
discrétionnaire entre les mains des dirigeants de la Chine, alors qu’il
ne vaut pas la peine de mentionner ce dont dispose tout autre
gouvernement occidental.»
Sans oublier que, globalement,
Pékin parie sur ce que le Forum économique mondial appelle la quatrième
révolution industrielle.
La Chine est déjà la plate-forme centrale
mondiale pour la production, l’approvisionnement, la logistique et la
chaîne de valeur.
Ce qui nous ramène aux Routes de la soie : One Belt, One Road (OBOR).
Tous les chemins mènent à ces nouveaux axes qui relieront, de plus en
plus profondément, l’économie chinoise aux infrastructures dans toute
l’Eurasie. Ces routes permettront, simultanément, de développer la
puissance globale de la Chine, de contrecarrer géopolitiquement le pivot vers l’Asie des US,
jusqu’à ce jour sans effet – incluant les provocations du Pentagone
dans la mer de Chine méridionale – et d’améliorer la sécurité
énergétique de la Chine.
Les sanctions, comme les diamants, sont éternelles
Un autre grand morceau de bravoure du récit de l’Exceptionalistan, est que les États-Unis sont inquiets
à propos de l’incapacité des banques européennes à faire des affaires
en Iran. C’est n’importe quoi. En fait, c’est le département du Trésor
des États-Unis qui menace des flammes de l’enfer toute banque européenne
qui oserait faire des affaires avec Téhéran.
L’Inde et l’Iran ont conclu un contrat, qui fait date,
de $500 millions pour développer le port iranien de Chabahar – un nœud
clé dans ce qui pourrait être surnommé la Nouvelle Route de la soie
Indo-Iranienne, reliant l’Inde à l’Asie centrale, via l’Iran et
l’Afghanistan.
Immédiatement après, le département d’État américain a le culot d’annoncer que l’accord sera examiné,
car les sénateurs américains – dont l’allégeance à Israël est
proverbiale – demandent si l’accord viole les sanctions persistantes
contre l’Iran qui refusent de disparaître. Cela se produit en parallèle
avec le récit officiel, en cours de montage, concernant des troubles
qui contamineraient les anciennes républiques soviétiques d’Asie
centrale – en particulier le Kazakhstan et le Tadjikistan. Les pirates à
la solde de la CIA devraient bien connaître ces troubles – que la CIA
fomente elle-même.
L’Inde faisant des affaires avec l’Iran est suspectée.
Mais, par ailleurs, elle est plus qu’autorisée à formaliser un accord
de coopération militaire historique avec les États-Unis, vaguement
surnommé Accord de soutien logistique (LSA) – selon lequel les
deux armées peuvent utiliser leurs bases aériennes et navales pour le
réapprovisionnement, la réparation et des opérations vaguement définies.
Il
ne manque donc plus un bouton de guêtre dans l’arsenal de
l’Exceptionalistan pour contrer la Russie, la Chine et empêcher toute
normalisation réelle avec l’Iran. Ces offensives localisées – pratiques
et rhétoriques – sur tous les fronts signifient une seule et unique
chose ; le fractionnement et la fracturation, par tous les moyens
nécessaires, de l’intégration des Routes de la soie eurasiennes.
On peut
simplement parier que Moscou, Pékin et Téhéran ne seront pas dupes.
Par Pepe Escobar – Le 28 mai 2015 – Source strategic-culture
Traduit et édité par jj, relu par nadine pour le Saker Francophone
NOTES