Le micmac en cours dans le Nord syrien, débuté
dimanche par un explosif communiqué de la Maison Blanche, a, depuis, fait les
gros titres. Sans surprise, le Deep State et les médias à son service
ont immédiatement sauté à la gorge de Trump, d'autant plus que les Kurdes,
courageux mais pas téméraires, lâchés ici, se raccrochant aux branches là, font
une nouvelle fois des ouvertures à Assad.
Plutôt que de revenir sur la confusion qui a suivi
l'annonce tonitruante du Donald, bien résumée ici, ou de s'attarder sur les toutes dernières évolutions,
il nous paraît plus judicieux de reproduire un billet assez prémonitoire, publié il y a deux mois et
analysant les implications stratégiques profondes de ce qui se passe
actuellement :
Si le feuilleton d'Idlib n'en finit pas de ne pas finir et
demeure une épine dans le pied des loyalistes, victorieux par ailleurs, un
déblocage pourrait peut-être prochainement voir le jour, qui aurait
d'importantes répercussions sur une bonne partie du territoire syrien. Le
conditionnel reste cependant de mise, tant les négociations en coulisses sont
complexes et mettent en scène une multiplicité d'acteurs aux objectifs différents
: Damas, les Turcs, Moscou, les Kurdes, les Américains, l'Iran.
L'espoir d'un rapprochement entre Assad et les Kurdes
sous la houlette russe ayant fait long feu (torpillage US mais aussi entêtement
de Damas sur l'autonomie à donner aux Kurdes), l'on semble se diriger lentement
mais durablement vers une recomposition qui était déjà dans les tuyaux depuis
un bout de temps, un troc qui, selon le principe des vases communicants, verrait Ankara
"donner" Idlib aux Syro-Russes en échange d'un feu vert contre le
Rojava kurde.

Si l'idée n'est pas nouvelle, certains éléments
peuvent laisser penser que cette fois, ça pourrait être la bonne, comme n'est
pas loin de le penser Frédéric Pichon. Début août, Moscou a usé d'un ton inhabituellement
direct, donnant 24 heures aux Turcs pour faire respecter l'accord sur le
retrait des barbus de la DMZ. Ankara ayant évidemment été incapable de faire
quoi que ce soit et HTS ayant refusé tout net, les Syro-Russes sont passés à l'offensive. Les Sukhois s'en donnent à
cœur joie et il se murmure même que les spetsnaz ont mis la main à la pâte avec quelques opérations derrière les
lignes.
Dans le même temps, Erdogan a menacé encore une fois, mais plus fort que de coutume,
d'envahir le Rojava kurde. Certes, c'est presque devenu une habitude chez lui
et d'aucuns n'y verront qu'un énième chantage, mais le ton semble cette fois plus assuré. A tel point que les Américains, parrains des
SDF, se sont crus obligés à plusieurs reprises d'avertir sévèrement le sultan de ne pas franchir le Rubicon
(ou l'Euphrate en l'occurrence). On doit bien s'amuser au siège de l'Alliance
atlantique...
L'accord conclu in extremis entre Ankara et Washington
reste vague et, comme les autres, pourrait ne déboucher sur rien de concret,
auquel cas les Turcs seraient susceptibles de mettre, pour une fois, leurs
menaces à exécution. Cela n'arrangerait évidemment pas les affaires de
l'empire, pris entre le marteau de son allié otanien et l'enclume de sa chair à
canon kurde syrienne. Amusante coïncidence, cela embêterait également son grand
ennemi iranien !
Une invasion turque du Rojava repousserait en effet
les Kurdes plus au Sud, vers la frontière syro-irakienne, interface de l'arc
chiite. Cette concentration de troupes hostiles, cornaquées par Washington,
près du noeud stratégique d'Al Bukamal rendrait la situation
explosive et ne serait pas du tout bien reçue à Téhéran...

Nous n'en sommes pas encore là et n'y serons peut-être
jamais, même s'il convient de ne pas en écarter tout à fait la possibilité. Les
premiers éléments de réponse commenceront à tomber dans les jours/semaines à
venir. Le sultan s'est-il une nouvelle fois contenté d'aboyer ou va-t-il, cette
fois, réellement mordre ? L'offensive syro-russe sur l'Idlibistan sera-t-elle
une nouvelle fois arrêtée après quelques villages repris ou est-elle partie
pour durer ? Comment dit-on wait and see en turco-arabo-kurde ?
Source : Chroniques du Grnd Jeu
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