Décidément
Damas la Magnifique est devenue un haut-lieu de la politique
proche-orientale. Et contrairement à ce que l’on pense, les destinées du
monde ne sont pas jouées à Lausanne où, au cours de la semaine dernière,
les diplomates sont entrés en lice pour débattre du nucléaire iranien. Ce
qui importe beaucoup plus c'est le dossier naval russe en passe d'être
tranché entre Damas et Moscou. Aussi bien acteur qu'observateur, Thierry
Meyssan le Damasquin nous fait part de son commentaire qui se détache
crûment sur le fond policé et tout vernis de la pensée académique
française représentée par Hélène Carrère D'Encausse.
Question. Quel est votre commentaire sur la Syrie? On pense notamment au Daesh et aux conflits proche-orientaux…
Thierry Meyssan.
Je pense que le Président Assad est parfaitement conscient que le
problème de la Syrie c'est de durer par rapport à un environnement en
pleine réorganisation. Il ne fait aucun doute que l'armée arabe syrienne
a déjà gagné par trois fois cette guerre qui continue tout de même!
Parce qu'une puissance extérieure organise l'arrivée des nouveaux
combattants ou le recrutement en Syrie même! Mais c'est surtout des
étrangers! La position du président Assad c'est: « Nous durons jusqu'à
ce que la paix revienne dans la région! Et nous savons que cette paix
peut effectivement revenir d'ici trois mois puisque c'est l'objet des
négociations bilatérales entre les Etats-Unis et l'Iran qui durent
maintenant depuis maintenant à peu près 2 ans et qui se déroulent en
parallèle des négociations sur le nucléaire à Genève.
Q. Il y a à peu près un mois, Hélène Carrère D'Encausse s'est prononcée sur la question ukrainienne et la Syrie. Selon elle, la Russie continuerait à jouer le rôle crucial au Proche-Orient tant que la Russie resterait en bons termes avec l'Europe! Elle aurait dit également que le jour où Obama décide de pacifier avec l'Iran et la Syrie, il aurait besoin de la Russie, car il ne peut se passer d'elle. Qu'en pensez-vous?
Thierry Meyssan. Je pense qu'encore une fois Madame D'Encausse est complètement à côté de la plaque! Ce qui se passe est complètement différent! En fait, il y a trois ans, les États-Unis avaient pour projet de partager le Proche-Orient avec la Russie. Cela a été l'objet de la Conférence de Genève 1, en juin 2012. Et au moment où les États-Unis étaient vraiment prêts à faire ce partage, car ils pensaient que cela leur éviterait d'avoir un très grand déploiement militaire au Proche-Orient, et cela leur permettrait de geler la question israélienne parce que la Russie ne laisserait pas tomber Israël où il y a plus d'1 Million d'anciens ressortissant de l'URSS, à ce moment les États-Unis ont changé d'avis et ont commencé à prendre la Russie en grippe.
Et tout cela a progressivement dégénéré jusqu'à l'affaire ukrainienne.
Aujourd'hui les États-Unis sont tout à fait sur une autre vision puisqu'ils viennent de conclure un pré-accord avec l'Iran où ils vont diviser le Proche-Orient pour les 10 années à venir entre d'un côté l'Arabie Saoudite et Israël, et de l'autre côté, l'Iran. Ils ont accepté ce qu'ils refusaient autrefois, à savoir la présence iranienne à la fois en Palestine, en Syrie, au Liban, en Irak et au Bahreïn! Cet accord devrait être signé, de manière définitive, avec la levée des sanctions, sous le prétexte nucléaire le 30 juin prochain. D'ici là, pendant trois mois, les deux camps vont essayer de faire avancer quelques-uns de leurs différends dans chacun des pays que je viens de citer.
Q. Il y a à peu près un mois, Hélène Carrère D'Encausse s'est prononcée sur la question ukrainienne et la Syrie. Selon elle, la Russie continuerait à jouer le rôle crucial au Proche-Orient tant que la Russie resterait en bons termes avec l'Europe! Elle aurait dit également que le jour où Obama décide de pacifier avec l'Iran et la Syrie, il aurait besoin de la Russie, car il ne peut se passer d'elle. Qu'en pensez-vous?
Thierry Meyssan. Je pense qu'encore une fois Madame D'Encausse est complètement à côté de la plaque! Ce qui se passe est complètement différent! En fait, il y a trois ans, les États-Unis avaient pour projet de partager le Proche-Orient avec la Russie. Cela a été l'objet de la Conférence de Genève 1, en juin 2012. Et au moment où les États-Unis étaient vraiment prêts à faire ce partage, car ils pensaient que cela leur éviterait d'avoir un très grand déploiement militaire au Proche-Orient, et cela leur permettrait de geler la question israélienne parce que la Russie ne laisserait pas tomber Israël où il y a plus d'1 Million d'anciens ressortissant de l'URSS, à ce moment les États-Unis ont changé d'avis et ont commencé à prendre la Russie en grippe.
Et tout cela a progressivement dégénéré jusqu'à l'affaire ukrainienne.
Aujourd'hui les États-Unis sont tout à fait sur une autre vision puisqu'ils viennent de conclure un pré-accord avec l'Iran où ils vont diviser le Proche-Orient pour les 10 années à venir entre d'un côté l'Arabie Saoudite et Israël, et de l'autre côté, l'Iran. Ils ont accepté ce qu'ils refusaient autrefois, à savoir la présence iranienne à la fois en Palestine, en Syrie, au Liban, en Irak et au Bahreïn! Cet accord devrait être signé, de manière définitive, avec la levée des sanctions, sous le prétexte nucléaire le 30 juin prochain. D'ici là, pendant trois mois, les deux camps vont essayer de faire avancer quelques-uns de leurs différends dans chacun des pays que je viens de citer.
Si ça a lieu, c'est à la fois une bonne nouvelle pour la Russie qui aura la paix pendant dix ans au Proche-Orient, sauf peut-être au Yémen qui restera en dehors de ces accords. Mais c'est aussi quelque chose qui est défavorable à la Fédération de Russie puisque l'Iran prend alors au Proche-Orient la place que l'Union Soviétique avait lassé vacante: pendant l'entre-deux guerres, le Proche-Orient était divisé entre Moscou et Washington! Là, la Fédération de Russie doit abandonner cette ambition pour le Proche-Orient!
Cependant,
s'il y avait une paix régionale, il est clair que la Russie pourrait
rejouer un grand rôle économique dans cette région, mais pas
nécessairement politique et militaire!
Q. Que pensez-vous du port de Tartous en passe de devenir la base principale pour la flotte russe de Méditerranée?
Thierry Meyssan. Cette question est en discussion entre la Syrie et la Russie depuis de très-très nombreuses années! Bien avant cette guerre! Je crois que les négociations ont été entamées entre 2004 et 2005. Le Ministre de la Défense syrien le Général Hassan Turkmani avait proposé à la Russie de lui offrir (!) non seulement le port de Tartous, mais aussi 30 kilomètres de côte pour que la Russie puisse avoir une base navale en Méditerranée!
Q. Que pensez-vous du port de Tartous en passe de devenir la base principale pour la flotte russe de Méditerranée?
Thierry Meyssan. Cette question est en discussion entre la Syrie et la Russie depuis de très-très nombreuses années! Bien avant cette guerre! Je crois que les négociations ont été entamées entre 2004 et 2005. Le Ministre de la Défense syrien le Général Hassan Turkmani avait proposé à la Russie de lui offrir (!) non seulement le port de Tartous, mais aussi 30 kilomètres de côte pour que la Russie puisse avoir une base navale en Méditerranée!
Cependant
à l'époque la Russie avait rejeté cette proposition syrienne qui était
en fait sans contrepartie!!! Évidemment la Syrie pensait que si la
Russie était présente, cela serait le meilleur moyen pour éviter la
guerre que les États-Unis avaient décidée déjà depuis 2001. A l'époque,
la Russie n'avait pas de flotte en Méditerranée. La Russie commençait à
peine à reconstruire son armée. Et aujourd'hui où la Russie a
redéveloppé sa puissance militaire et, notamment, maritime, elle a
besoin du port de Tartous, mais elle a besoin aussi d'un autre port en
Méditerranée. Pour ça, elle s'est tournée vers Chypre.
Je pense
que pour la Syrie c'est une excellente nouvelle. Ça n'a rien à voir
avec la question de la location d'un port tel qu'on en voit d'habitude.
Il s'agit d'un accord stratégique. C'est un lien militaire entre les
deux pays.
Si la
Russie s'installe de manière pérenne à Tartous, il est évident que la
Russie ne laissera pas attaquer la Syrie. Mais ce type d'Alliance est de
loin beaucoup plus fort que les traités que l'on voit habituellement.
J'insiste sur ce point parce qu'à l'instant nous parlions de l'évolution
de la région, de l'accord entre l'Iran et les États-Unis… L'Iran est un
partenaire toujours difficile pour la Russie. Alors que la Syrie, au
contraire, a toujours été un partenaire extrêmement loyal et coopérant!
Source: Sputnik
|
12-04-2015 |