Interview de Omeyya Seddik, président de l’association Al-Muqaddima,
conseiller spécial auprès du Centre Humanitarian en Libye, organisation
suisse spécialisée dans la médiation et la résolution de conflits.
L’effondrement de l’État en Libye et la guerre intestine à laquelle se livrent les forces pro-Haftar qui appuient le gouvernement de Tobrouk et l’alliance qui soutient le gouvernement de Tripoli, appelée communément Fajr Libya, affectent la situation économique, sécuritaire et sociale à la frontière Est de la Tunisie. Sur le terrain, les forces de Fajr Libya contrôlent la plus grande partie du territoire libyen. La demande des populations frontalière à Ben Guerdane et à Dhehiba de négocier avec les forces de Fajr Libya pour régler les différends sur la frontière a parfois été interprétée, comme une tentative de manipulation par Fajr Libya pour infléchir la diplomatie tunisienne.
Elle est composée de toutes les formations de l’ouest du pays (Tripolitaine), à l’exception de Zintan : Misrata, les villes de l’ouest (Zaouia, Gharien, Sabrata…) ; les groupes amazigh (Zouara, Jebel Neffousa), des formations qui se réclament de l’islam politique ; les frères musulmans, des anciens du groupe islamique combattant libyen (proches d’Abdelhakim Belhadj) et plusieurs groupes locaux qui ne sont pas affiliés, certains sont islamistes, quelques-uns salafistes, d’autres ne le sont absolument pas ou sont opposés à l’islam politique. Cette alliance ne s’est pas faite sur une base idéologique, mais sur une communauté d’intérêt.
Elu en juillet 2012 pour 18 mois, il n’a pu achever les tâches pour lesquelles il a été mandaté [assurer le pouvoir durant la période transitoire devant déboucher sur l’adoption d’une constitution], des manifestations populaires et des pressions diverses par des groupes armés sont exercés contre la prolongation de son mandat.
En juin 2014, des élections sont organisées et se déroulent avec une très faible participation [environ 16 % du corps électoral, à comparer avec les 42 % enregistrés lors des élections législatives précédentes]. Elles ne font malgré cela pas l’objet de contestation significative jusqu’à la crise institutionnelle du mois d’août 2014.
Les Libyens se retrouvent ainsi avec deux institutions législatives à la légitimité contestée et avec deux gouvernements : les uns à Tobrouk (Abdallah al-Thinni chef du gouvernement, Aguila Saleh Aissa, président de la Chambre) et les autres à Tripoli (Omar al Hassi chef du gouvernement, Nouri Abou Sahmein président du Congrès). Les uns considèrent que l’installation de la Chambre à Tobrouk est nécessaire afin de la soustraire aux pressions des forces contrôlant la Tripolitaine et à l’insécurité prévalant à Benghazi. Les autres soutiennent que son installation à Tobrouk procède d’un projet putschiste soutenu par l’Egypte voisine et les pays du golfe (Emirats Arabes Unis et Arabie Saoudite).
Au début, le gouvernement de Tobrouk obtient une large reconnaissance internationale, mais il devient petit à petit évident qu’il n’est pas possible de stabiliser un pays contre des forces politiques qui contrôlent la plus grande partie du territoire et sont soutenues par les plus grandes villes du pays. A moins d’une intervention militaire extérieure importante que le contexte international et régional ne permet pas. L’ONU, à travers sa mission en Libye, tente aujourd’hui d’obtenir un compromis prenant acte de l’impossibilité d’exclure aucune des deux parties antagonistes d’une issue ne pouvant être que politique.
Source : https://inkyfada.com/2015/04/frontiere-libye-tunisie-omeyya-seddik/
L’effondrement de l’État en Libye et la guerre intestine à laquelle se livrent les forces pro-Haftar qui appuient le gouvernement de Tobrouk et l’alliance qui soutient le gouvernement de Tripoli, appelée communément Fajr Libya, affectent la situation économique, sécuritaire et sociale à la frontière Est de la Tunisie. Sur le terrain, les forces de Fajr Libya contrôlent la plus grande partie du territoire libyen. La demande des populations frontalière à Ben Guerdane et à Dhehiba de négocier avec les forces de Fajr Libya pour régler les différends sur la frontière a parfois été interprétée, comme une tentative de manipulation par Fajr Libya pour infléchir la diplomatie tunisienne.
Qui contrôle réellement la frontière tunisienne côté libyen ?
La partie nord du côté de Ben Guerdane-Ras jedir est contrôlée par les brigades dites des Thuwwar de Zouara, région de culture amazighe et par les autorités locales élues de la même région sur mandat et avec l’appui du gouvernement de Tripoli. Plus au sud, la zone où se trouve le poste frontière de Dhehiba-Wazen est contrôlé par des formations de Jebel Nefoussa, qui sont également de culture amazighe, mais dépendent des autorités locales de Nalut. Les deux font partie de l’alliance que certains nomment Fajr Libya qui soutient le gouvernement de Tripoli.Que représente aujourd’hui Fajr Libya ?
Fajr Libya est une opération qui a été lancée en juillet 2014 par une alliance large principalement à l’ouest du pays et qui soutient le Congrès général national libyen (CGNL) et le gouvernement de Tripoli. L’opération Fajr Libya a été effectuée pour déployer le contrôle sur la partie ouest du pays et chasser les effectifs de Zintan, pro-Haftar, qui contrôlent l’aéroport de Tripoli. Depuis, tous ceux qui ont soutenu l’opération sont appelés Fajr Libya.Elle est composée de toutes les formations de l’ouest du pays (Tripolitaine), à l’exception de Zintan : Misrata, les villes de l’ouest (Zaouia, Gharien, Sabrata…) ; les groupes amazigh (Zouara, Jebel Neffousa), des formations qui se réclament de l’islam politique ; les frères musulmans, des anciens du groupe islamique combattant libyen (proches d’Abdelhakim Belhadj) et plusieurs groupes locaux qui ne sont pas affiliés, certains sont islamistes, quelques-uns salafistes, d’autres ne le sont absolument pas ou sont opposés à l’islam politique. Cette alliance ne s’est pas faite sur une base idéologique, mais sur une communauté d’intérêt.
Comment en est-on arrivé là ?
Le 16 mai 2014, le général Khalifa Haftar lance l’opération militaire « Al karama » annoncée comme une opération antiterroriste, mais qui semble cibler toutes les tendances de l’islam politique et leurs alliés. Cette opération est considérée par une partie importante des Libyens comme une tentative de putsch militaire. Le CGNL est de plus en plus contesté.Elu en juillet 2012 pour 18 mois, il n’a pu achever les tâches pour lesquelles il a été mandaté [assurer le pouvoir durant la période transitoire devant déboucher sur l’adoption d’une constitution], des manifestations populaires et des pressions diverses par des groupes armés sont exercés contre la prolongation de son mandat.
En juin 2014, des élections sont organisées et se déroulent avec une très faible participation [environ 16 % du corps électoral, à comparer avec les 42 % enregistrés lors des élections législatives précédentes]. Elles ne font malgré cela pas l’objet de contestation significative jusqu’à la crise institutionnelle du mois d’août 2014.
Comment se manifeste cette crise ?
La Libye a dorénavant deux gouvernements et deux organes législatifs. Le 1er août, un membre élu [le plus âgé] de la nouvelle Chambre des représentants convoque une première réunion de cette dernière, prenant de vitesse le président du CGNL censé le faire selon la déclaration constitutionnelle afin de procéder à la cérémonie de passation des pouvoirs. La réunion devait, selon la même déclaration constitutionnelle se tenir à Benghazi, deuxième ville du pays et capitale de la Cyrénaïque [Barqa en arabe] afin d’afficher la volonté d’inaugurer une politique de décentralisation et d’équité entre les régions. Or, Benghazi connaît une situation de grande insécurité du fait des combats qui opposent l’opération al- Karama conduite par le général Haftar aux formations qui lui sont hostiles. Du coup, Nouri Abou Sahmein, président du CGNL annonce qu’il convoquera ladite réunion à Tripoli le 4 août. Il est pris de vitesse par la convocation d’une première réunion de la chambre à Tobrouk, petite ville de l’est proche de la frontière égyptienne.Les Libyens se retrouvent ainsi avec deux institutions législatives à la légitimité contestée et avec deux gouvernements : les uns à Tobrouk (Abdallah al-Thinni chef du gouvernement, Aguila Saleh Aissa, président de la Chambre) et les autres à Tripoli (Omar al Hassi chef du gouvernement, Nouri Abou Sahmein président du Congrès). Les uns considèrent que l’installation de la Chambre à Tobrouk est nécessaire afin de la soustraire aux pressions des forces contrôlant la Tripolitaine et à l’insécurité prévalant à Benghazi. Les autres soutiennent que son installation à Tobrouk procède d’un projet putschiste soutenu par l’Egypte voisine et les pays du golfe (Emirats Arabes Unis et Arabie Saoudite).
Au début, le gouvernement de Tobrouk obtient une large reconnaissance internationale, mais il devient petit à petit évident qu’il n’est pas possible de stabiliser un pays contre des forces politiques qui contrôlent la plus grande partie du territoire et sont soutenues par les plus grandes villes du pays. A moins d’une intervention militaire extérieure importante que le contexte international et régional ne permet pas. L’ONU, à travers sa mission en Libye, tente aujourd’hui d’obtenir un compromis prenant acte de l’impossibilité d’exclure aucune des deux parties antagonistes d’une issue ne pouvant être que politique.
L’Etat islamique est-il aux portes de la Tunisie ?
Daech est présent à Syrte, et c’est loin de nos frontières. Il y a eu une recrudescence d’attentats à Tripoli dernièrement et des attaques de Daech contre Fajr Libya, mais il est possible que ce soit des représailles contre l’opération de grande envergure lancée par Fajr Libya et surtout de Misrata contre les positions de Daech. Aucun élément sérieux n’atteste d’une présence de l’organisation qui se fait appeler Etat islamique à proximité des frontières tunisiennes.Source : https://inkyfada.com/2015/04/frontiere-libye-tunisie-omeyya-seddik/
Note de l'auteure :
J'ai
voulu écrire sur ce sujet pour décortiquer le discours qui lie
contrebande et terrorisme et mieux comprendre la situation à la
frontière, qui est une réalité qui ne concerne pas que les populations
locales.