Le gouvernement Obama a annoncé vendredi une « pause opérationnelle »
du désastreux programme du Pentagone qui n’a pu armer et former des «
rebelles sélectionnés » en Turquie pour les renvoyer en Syrie.
Au lieu de cela, les responsables du Pentagone et de la Maison
Blanche ont indiqué qu’ils mettraient désormais l’accent sur le
cimentage de liens avec les dirigeants des milices « rebelles »
existantes, constituées majoritairement de forces islamistes sunnites
liées à Al-Qaïda. Le soutien américain à ces groupes inclura apparemment
tant les armes et les munitions que l’appui aérien rapproché à partir
d’avions de guerre déployés par les États-Unis et leur soi-disant
coalition.
Ce changement de politique suit la révélation le mois dernier par le
général Lloyd Austin, chef du Commandement central américain, que
seulement « quatre ou cinq » combattants formés par les États-Unis
opéraient actuellement en Syrie, et qu’à peine plus d’une centaine était
en cours de formation. Et ce, après l’attribution de $500 millions pour
que le Pentagone forme plus de 5.000 de ces combattants dès la première
année.
Dans les semaines qui ont suivi la révélation d’Austin, le Pentagone
s’est vu forcé de rétracter son démenti initial d’informations vérifiées
qu’un groupe de combattants formé par les États-Unis et envoyé en Syrie
avait immédiatement livré armes, bagages et véhicules au Front al-Nosra, filiale
syrienne d’Al-Qaïda.
Le changement de stratégie suit aussi la première semaine des frappes
aériennes russes contre les terroristes islamistes en Syrie, dont certains
avaient déjà reçu des livraisons d’armes organisées par la CIA, de la part des avions qui devaient "les bombarder".
L’agence américaine d’espionnage avait, à partir de 2011, mis en place
en Turquie une station clandestine et organisé l’acheminement vers la
Syrie d’armes venant des stocks libyens après le renversement et
l’assassinat de Mouammar Kadhafi dans la guerre de destruction de régimes, appelée "Printemps Arabe", menée par les États-Unis, l’OTAN et leurs harkis islamistes.
Washington et Moscou prétendent mener leurs campagnes militaires
respectives en Syrie avec l’objectif de détruire l’Etat islamique (EI),
une émanation d’Al-Qaïda et le produit direct du carnage et de la
destruction déchaînés contre l’Irak, la Libye et la Syrie par l’armée
américaine et la CIA.
Mais en réalité les gouvernements américain et russe se battent pour
des objectifs opposés: Washington, pour renverser le gouvernement du
président Bachar al-Assad et installer un régime fantoche américain et
Moscou pour soutenir le gouvernement Assad, son seul allié au
Moyen-Orient.
Le gouvernement Obama s’est vu la cible de critiques croissantes
d’adversaires républicains et de sections du complexe militaire et du
renseignement américain pour sa supposée « inaction » face à l’offensive
russe en Syrie. Cela s’est exprimé vendredi dans un article intitulé «
Contrer Poutine », publié conjointement par l’ancien secrétaire à la
Défense d’Obama, Robert Gates, et l’ancienne conseillère à la sécurité
nationale du gouvernement Bush, Condoleezza Rice.
L’article appelle à des actions pour « créer un meilleur équilibre
des forces militaires sur le terrain », dont la création de « zones
d’exclusion aérienne », ainsi qu’un « solide soutien » à diverses forces
anti-régime. Il appelle à un effort pour « solidifier notre relation
avec la Turquie », principal sponsor des milices islamistes à
l’intérieur de la Syrie.
L’annonce du gouvernement Obama vient également après l’envoi d’une
lettre à la Maison Blanche, au Pentagone et à la CIA par un groupe
bipartisan du Sénat de législateurs critiques de la politique du
gouvernement en Syrie et qui demandent la fin du programme de formation
de « rebelles ».
« Le programme Train and Equip Syria [Former et Equiper la Syrie] va
au-delà d’une utilisation, inefficace, de l’argent du contribuable.
Comme beaucoup d’entre nous en avaient averti au début, ce programme
apporte maintenant de l’aide aux forces mêmes que nous visions à écraser
», déclare la lettre, signée par les sénateurs démocrates Tom Udall
(Nouveau-Mexique), Joe Manchin (Virginie-Occidentale) et Chris Murphy
(Connecticut) et par le républicain Mike Lee (Utah).
Le changement de politique annoncé vendredi ne modifiera pas cet
aspect du programme, mais va seulement retirer le cache-sexe de forces
syriennes « modérées », les armes étant remises directement aux
islamistes qui sont la force dominante parmi les « rebelles anti-Assad
».
Le Pentagone a reconnu qu’un des principaux obstacles à son programme
de formation avait été le processus de sélection censé exclure ceux
dont les vues étaient proches d’Al-Qaïda, et l’exigence qu’ils
combattent l’État islamique comme l’ennemi principal, plutôt que le
gouvernement d’Assad. Il a été incapable de trouver ces recrues en
nombre même approchant ce qui avait été projeté.
Le président Barack Obama a reconnu lors d’une conférence de presse
la semaine dernière que le programme de Formation-Equipement du
Pentagone « n’a pas fonctionné comme il était censé le faire ». Il a
ajouté, « Et la raison en partie est, franchement, le fait que nous
avons essayé de les encourager à se concentrer seulement sur l’EI ».
Il semblerait que la réponse du gouvernement à cet échec est
d’abandonner les restrictions précédentes, fournissant ainsi directement
l’aide militaire américaine aux forces qui luttent pour le renversement
du gouvernement syrien, y compris les islamistes qui auraient été exclus du
programme de formation du Pentagone.
Dans la première annonce du nouveau programme, le secrétaire à la
Défense Ash Carter, parlant à Londres après une rencontre avec son
homologue britannique, Michael Fallon, a dit que ce serait calqué sur «
le travail que nous avons fait avec les Kurdes dans le nord de la Syrie
.. . Voilà exactement le genre d’exemple que nous aimerions poursuivre
avec d’autres groupes dans d’autres parties de la Syrie à l’avenir. Cela
sera la base du projet du Président ».
La coordination des États-Unis avec les Kurdes, en particulier
pendant le siège par l’EI de la ville syrienne de Kobane, à la frontière
turque, impliquait que les Kurdes fournissent des forces terrestres
tout en identifiant des cibles pour des frappes aériennes par l’aviation
américaine.
Dans le cadre du nouveau programme, les responsables du Pentagone ont
déclaré que l’armée américaine formerait des « facilitateurs », des
dirigeants de diverses milices, qui seraient formés à la coordination
avec les avions de guerre américains dans le ciblage et la frappe de
forces au sol.
L’« exemple » kurde fut problématique du fait de l’alliance de
Washington avec la Turquie qui avait permis que les frappes aériennes
américaines se fassent à partir de la base aérienne d’Incirlik et
d’autres bases turques en échange de l’approbation tacite par Washington
des bombardements turcs contre les Kurdes.
L’identité « d’autres groupes » avec qui Washington veut reproduire
cette stratégie est loin d’être claire. Certaines informations des
médias ont cité la « Coalition arabe syrienne » comme bénéficiaire
probable des armes et du soutien aérien rapproché américains. Avant
l’annonce de vendredi, cependant, personne n’avait jamais entendu parler
de cette coalition, qui semble être quelque chose que le Pentagone
espère concocter à partir des groupes « rebelles » existants.
Les forces dominantes qui combattent le gouvernement Assad se
composent de l’EI, que Washington prétend vouloir détruire, le Front
al-Nosra, qui est sur la liste du Département d’État des organisations
terroristes étrangères et Ahrar al-Sham, autre groupe islamiste dont les
fondateurs sont issus d’Al-Qaïda. D’autres factions plus petites se
battent largement en alliance avec ces forces.
Dans la mesure où l’armée américaine fournit un appui aérien à ces
milices, il se pourrait bien qu’elle entre en conflit direct avec les
avions de guerre russes qui eux, les bombardent.
Loin d’être une retraite tactique, il apparaît que la suspension du
programme de Formation-Equipement du Pentagone ne fait que préparer le
terrain à une guerre bien plus sanglante en Syrie, tout en intensifiant
le danger réel d’affrontement militaire entre les deux plus grandes
puissances nucléaires, les Etats-Unis et la Russie.
Bill Van Auken
Article paru en anglais, WSWS, le 10 octobre 2015Irak: des équipements américains récemment fournis à Daech
Les forces de l’armée et les unités populaires irakiennes ont poursuivi le processus de nettoyage des zones septentrionales de la ville de Baïji où ils ont découvert une quantité d’équipements américains dans des localités sous contrôle des terroristes daéchiens.
Selon ce rapport, depuis plus d’un an, l’administration américaine prétend que son objectif dans la création de la coalition arabo-occidentale était de viser les positions de Daech, mais au cours des derniers mois, les unités populaires et l’armée irakiennes ont fait état de l’envoi par avions des aides militaires de cette coalition à destination des éléments terroristes de Daech.
Hannibal GENSERIC