Donald Trump
veut changer l’implication des États-Unis en Afrique et dans le Maghreb, ce qui
poussera les antagonismes entre les pays de la région et modifiera l'équilibre
des forces. Le politologue Mustapha Tossa esquisse les changements à venir.
RT France : Le nouveau président élu des États-Unis Donald Trump fat
actuellement les démarches concernant le Moyen Orient. Pensez-vous que les pays
du Maghreb doivent s’attendre à certains changements avec l’administration
de Trump ?
Mustapha
Tossa (M. T.) : Ils doivent
s’attendre à des changements. Сe qu’on peut dire sur la politique étrangère de
Donald Trump, c’est qu’elle a été très claire pour ce qui concerne les relations avec la Russie, elle a été aussi
vive à l’égard des relations avec l’Europe et l’OTAN. Mais pour tout ce qui
concerne l'Afrique et le Maghreb, on a l’impression qu’actuellement cette
région est dans l’angle mort de vision de Donald Trump.
Il n’y a pas
eu beaucoup de déclarations qui peuvent révéler le sens de la nouvelle politique américaine. La
seule indication c’est que Donald Trump a décidé et a déclaré que sa nouvelle
politique serait de se débarrasser du fardeau financier imposé par
l’implication américaine sur le continent africain et donc, le Maghreb. Bien
sûr, les capitales du Maghreb sont dans l’attente. La question est de savoir,
qui va profiter de ces changements effectués par la diplomatie américaine.
Il y a des
fortes chances que l'Algérie et le Maroc se livrent une compétition féroce
RT France : Quels sont les pays qui pourraient en profiter ?
M.
T. : Il faut dire
que, si on parle particulièrement des capitales du Maghreb, il y a des fortes
chances que les deux pays qui se livrent une compétition féroce, que sont le
Maroc et l’Algérie, puissent avoir leur atout à jouer.
L’Algérie
peut faire jouer l’atout économique. Elle est perçue par l’administration
américaine depuis un certain temps, surtout par un homme d’affaires avisé,
comme Donald Trump, comme un marché énergétique potentiel.
Le Maroc est
un allié stratégique traditionnel de l’administration américaine, il joue un
rôle extrêmement important dans la lutte contre le terrorisme. Cette vision du
Maroc en tant qu’acteur incontournable dans cette lutte, est un élément
stabilisateur dans la région et elle peut également être vue comme un élément valorisant.
Il
faut ajouter à cela que les pays du Maghreb vont faire, ce qui est prévu
et attendu, un vrai lobbying auprès de l’administration nouvelle de Donald
Trump. Chacun va essayer de faire valoir ses atouts et ses avantages.
On peut
s’attendre à ce que l’administration américaine sous Trump puisse avoir une
vision beaucoup plus tranchée et claire des enjeux stratégiques que nécessite
la résolution du conflit au Sahara occidental
RT France : Comment va évoluer la situation du Front Polisario,
mouvement armé opposé au Maroc pour le contrôle du Sahara occidental
?
M. T. :
Le problème
du Sahara occidental empoisonne actuellement les relations algéro-marocaines et
menace l’ensemble de la stabilité régionale. Ce problème-là risque de connaître
un développement majeur. Vu le tempérament de Donald Trump et sa
manière de percevoir la diplomatie et les crises internationales, on peut
imaginer que la nouvelle administration, soit sur le plan diplomatique ou sur
celui des affaires étrangères, puisse percevoir ce conflit comme un élément
qui peut constituer un terreau pour les terroristes et les éléments
déstabilisateurs de la région.
A partir de
cette lecture-là, on peut s’attendre à ce que l’administration américaine sous
Trump puisse avoir une vision beaucoup plus tranchée et claire des enjeux
stratégiques que nécessite la résolution de ce conflit. On s’attend à ce que la nouvelle
administration ait moins de sympathie pour les séparatistes du Polisario, puisque la réalité du
terrain stratégique et sécuritaire prime forcement sur toute autre vision.
RT France : Le Maroc misait plutôt sur l’élection d’Hillary Clinton. Donald Trump
ayant gagné, le Maroc pourrait-il subir certaines actions négatives de la
part de la nouvelle administration ?
M. T. : Pas du tout. Ce n’est pas
seulement le Maroc qui misait sur l’élection d’Hillary Clinton, c’est les
trois quarts de la planète – l’Europe, les pays arabes, vous allez aussi avoir
un certain nombre de pays importants – ils croyaient tous que la victoire ne
pouvait pas échapper à Hillary Clinton. Il se trouve que les ressorts de la
politique américaine ont donné la victoire à Donald Trump. Il y a une réelle politique
à suivre et le Maroc est un des premiers pays à avoir adressé ses félicitations
à la nouvelle administration. Et il va falloir établir des relations
diplomatiques basées sur les intérêts mutuels des deux pays.
La vision de Donald Trump par rapport à la diplomatie
est moins de changer les régimes ou vouloir absolument imposer la démocratie
que de composer avec ce qui existe, avec l’obsession première de lutter contre
le terrorisme
RT France : Pensez-vous les ONG qui opèrent sur le territoire du Maghreb
liées aux États-Unis, vont diminuer leur activité après l’élection de
Donald Trump ?
M. T. : Je ne peux l’affirmer qu’en
fonction des déclarations de Donald Trump lui-même pendant cette campagne et
d’un certain nombre de ses collaborateurs qui sont en cours de nomination. Il
est clair que la diplomatie américaine a décidé de se désengager d’un certain
nombre de territoires, ce désengagement est politique, mais il est également
financier. Ces organisations internationales ne peuvent agir dans ces pays qu’avec
l’appui financier et logistique de l’administration américaine. Si Donald Trump
estime que cela a un coût trop important pour que ces organisations puissent
continuer leurs activités sur les territoires africain et maghrébin, cela veut
dire que forcément cela va avoir un impact sur leur résultat, sur leur enquête,
leur vision du monde.
On peut
également dire que la vision de Donald Trump par rapport à la diplomatie est moins de changer les régimes ou vouloir
absolument imposer la démocratie que de composer avec ce qui existe, avec
l’obsession première de lutter contre le terrorisme. On est un peu loin de la
vision qu’avait le démocrate américain quand il agissait en sous-main pour déstabiliser
quelque régime dans le but d’aider la démocratie dans ces pays, notamment
africains et arabes. On est en présence d’un homme, de l’administration qui dit
: «Moi, c’est America first, ce qui se passe à
l’international à part la guerre contre le terrorisme ne m’intéresse
pas».
La main de
l’administration américaine ne tremblera pas et ils prendront des décisions
quasiment déterminantes, contrairement à ce qu'avait l’habitude de faire
l’administration de Barack Obama
RT France : A votre avis, l’élection de Donald Trump est plutôt une bonne
ou mauvaise nouvelle pour le Maghreb ?
M. T. : Ce n’est ni bonne ni une
mauvaise nouvelle. Maintenant, l’homme est là, et il faut traiter avec lui et
avec sa vision. Les Maghrébins peuvent se dire qu'ils vont faire ressortir le
meilleur, comme ils pouvaient se forcer à un optimisme obligé. Il ne faut pas oublier que c’est
une nouvelle page qui s’ouvre pour les pays du Maghreb ; il faudra
l’écrire et, à force de relations diplomatiques, faire valoir leur rôle dans le
concert de la région. C’est une bataille ; il est certain qu’on va
assister à une vraie compétition entre les capitales du Maghreb pour pouvoir
toucher au plus près le pouvoir américain, ce qui est une compétition saine. Je
veux simplement insister sur le point qu’un conflit qui empoisonne toute la
région – celui du Polisario – a des fortes chances d’être perçu par
l’administration américaine, comme un foyer de tension, une région où les
organisations terroristes peuvent profiter du chaos et du vide sécuritaire et
politique pour tenter de déstabiliser la région et, dans ce cas-là, telles que
les décisions de Trump ont été annoncées, la main de l’administration
américaine ne tremblera pas et ils prendront des décisions quasiment
déterminantes, contrairement à ce que avait l’habitude de faire
l’administration de Barack Obama.
https://francais.rt.com/opinions/33038-donald-trump-prendra-decisions-determinantes-maghreb