Vladimir
Poutine a annoncé le 29 décembre que le gouvernement syrien et
l’opposition syrienne armée s’étaient entendus sur l’instauration d’un
cessez-le-feu et l’amorce de négociations. Ce cessez-le-feu est valable pour
tout le territoire syrien. Il a été approuvé par “les principales forces”
de la rébellion. Au total, sept groupes rebelles [1],
dont le puissant Ahrar al-Cham, ont signé. Ils participeront aux négociations
de paix à deux exceptions près, mais de taille, les deux groupes classés dans
la liste des terroristes à éradiquer par l’ONU : le groupe État Islamiste et
Fateh al-Cham, alias El-Nosra, alias Al-Qaïda, actuellement allié de la très
disparate et inefficace coalition américaine.
Les négociations de paix
commenceront en janvier à Astana au Kazakhstan. La réunion d’Astana précédera
des négociations inter-syriennes qui doivent être organisées par l’ONU le 8
février à Genève.
« Il y a quelques heures, s’est produit un événement
que nous n’attendions pas seulement depuis longtemps, mais pour l’avènement
duquel nous avons beaucoup travaillé. Trois
documents ont été signés : le premier sur l’arrêt des combats, le second
sur les mesures de contrôle du régime de cessez-le-feu, le troisième sur
l’ouverture de pourparlers de paix. » (Vladimir Poutine, le
26 décembre, cité par le quotidien russe Kommersant).
Poutine a cependant précisé qu’après trois jours de
calme la trêve est encore fragile et qu’il faudra beaucoup de patience pour
trouver un accord sur lequel tous les participants auront du céder quelque chose.
Rien d’étonnant à cela, c’est la base même de toute négociation.
Le ministre de la Défense russe, Sergueï Choïgou, a
déclaré pour sa part que « les militaires menaient depuis deux mois des
pourparlers avec les leaders de l’opposition syrienne par l’intermédiaire de la
Turquie ».
L’opposition syrienne contrôle en gros le centre et le
nord de la Syrie, mais uniquement des régions plus ou moins désertiques. Il
est curieux que si des pourparlers étaient en cours entre Russes et opposition
syrienne, aucune mention n’en a été faite dans la presse occidentale. Au
moins quelques-uns des centaines d’espions, officiers de renseignement,
présents en Syrie aussi bien à Damas qu’à Alep ont dû le découvrir et ils n’en
auraient pas informé leurs gouvernements ?
Ne serait-ce
pas plutôt que ceux-ci étaient parfaitement au courant et qu’ils ont fait
pression sur leurs médias pour que la chose reste secrète afin de leur éviter
une “perte de face” catastrophique ?
Les deux hommes viennent de concrétiser la
nouvelle alliance russo-turque.
La réaction outrée des medias occidentaux montre que
c’est bien de cela qu’il s’agit, car Poutine écarte a priori les États-Unis et la France des
négociations prévues, ce qui démontre que la politique diplomatique menée
par John Kerry, Laurent Fabius et maintenant Jean-Marc Ayrault a été un énorme
échec en Syrie.
Un seul exemple, la réaction du quotidien
gouvernemental et socialiste français L’Obs : « Un cessez-le-feu en
trompe l’œil : Cet arrêt des combats doit cependant être relativisé : il
n’est qu’un nouveau cessez-le-feu parmi des dizaines qui, soit ne sont jamais
entrés en vigueur, soit se sont très rapidement effondrés. Ce cessez-le-feu
sera d’autant plus relatif que deux des plus importants groupes rebelles,
l’organisation djihadiste “État islamique” (Daech) et l’ex-Front al-Nosra
(Al-Qaïda), rebaptisée Fateh al-Cham, en sont exclus. Mais pour le
Kremlin, l’essentiel est sans doute l’effet d’annonce, le coup de relations
publiques, qui vise à faire oublier les accusations de
“crimes de guerre” voire de “crimes
contre l’humanité” lancées à l’encontre des forces russes en Syrie ».
Il n’est pas faux de dire que toutes les tentatives et
annonces de cessez-le-feu tentées par Obama et Hollande ont échoué jusqu’ici.
Cela a tenu à leur mauvaise préparation et à l’évidente volonté
franco-américaine d’en écarter le gouvernement légal et légitime de la Syrie.
Sans oublier la toute aussi évidente volonté franco-américaine de faire main basse sur le pétrole et le gaz
syrien, irakien et libyen par la déstabilisation systématique de ces
trois pays, autant pour complaire à l’Arabie Saoudite que pour nuire à l’ennemi
qui justifie les agressions de l’OTAN, la Russie, et à l’ennemi des Arabes
sunnites, l’Iran. Quant aux “crimes de guerre” et “crimes contre l’humanité”,
on en reparlera quand nos médias montreront ce qui se passe à Mossoul sous le
bombes franco-américaines.
Ce sont la Russie, l’Iran et la Turquie qui
vont encadrer les négociations de paix.
L’invitation faite à la Turquie par Poutine montre sa
grande intelligence et sa grande connaissance de la géopolitique
internationale. En invitant la Turquie, avec laquelle la Russie était encore à
couteaux-tirés il y a quelques mois, Poutine la détache du bloc OTAN américano-européen. L’Union
Européenne et de l’élite financière mondiale menée par les institutions
financières Goldman Sachs, Rothschild, Lazard, etc. pensent qu’elles réussiront
à saboter les négociations de paix lancées par la Russie avant leur conclusion
qui signerait la mainmise de Moscou sur tout le Moyen-Orient, jusqu’ici chasse
gardée anglo-saxonne. Mieux vaut la continuation de la guerre en Syrie que de
voir la Syrie redevenir ce que Sergeï Lavrov, ministre russe des Affaires
étrangères annonce : « Nous sommes partisans du maintien de la
souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale de la Syrie et
nous nous prononçons encore et toujours pour que la République arabe syrienne
demeure un État uni, pluriethnique, pluriconfessionnel, démocratique et
laïque » (Nezavissimaïa Gazeta, quotidien moscovite).
La nouvelle
alliance russo-turque est déjà effective sur le terrain : l’agence de presse turque Dogan a fait état le 30 décembre de raids par
l’aviation russe à Al-Bab (nord), bastion de l’EI en Syrie que des rebelles
syriens appuyés par Ankara tentent de prendre. Et la lutte contre l’autre
groupe terroriste continue. Poutine fait ce qu’il a annoncé. Il fait ce que sont
incapables de faire en Syrie Américains et Français.
La claque est d’autant plus violente pour Hollande et
Obama que l’armée syrienne, la Coalition Nationale Syrienne (CNS), principale composante
de l’opposition en exil et la “Haute autorité syrienne pour des négociations”
regroupant un grand nombre d’ensembles islamistes d’opposition, ont confirmé
leur participation aux négociations auxquelles Poutine les a invité ! « Actuellement,
tout semble prêt pour un cessez-le-feu et l’instauration d’un dialogue direct
entre le Gouvernement et les forces de l’opposition qui souhaitent préserver
l’intégrité territoriale de la Syrie et sa souveraineté. Les troupes
d’opposition qui ne se soumettront pas au cessez-le-feu seront reconnues comme
terroristes au même titre que l’État islamique et le Front Al-Nosra »
(Source ONU).
Il y a depuis peu en Syrie beaucoup de troupes
iraniennes, de confession chiite. D’autre part, l’opposition armée syrienne est
soutenue par la Turquie, une opposition qui ne compte plus sur les pays
occidentaux (notamment la France) jugés velléitaires, impuissants et dont les
intentions ne semblent pas claires. « Sans la Turquie, l’entrée en
contact avec l’opposition était quasi impossible, estime l’un des experts
onusiens. Les Américains se sont révélés incapables d’exercer de l’influence
sur elle, toutes leurs propositions conduisaient à l’impasse. Se tourner
vers la Turquie a permis de régler le problème d’Alep. Par
ailleurs, Ankara contrôle l’Armée syrienne libre, et c’est sur le territoire
turc qu’ont eu lieu les tentatives de réunir toute l’opposition syrienne. Même
si elles furent infructueuses, le fait est que la Turquie a des contacts
solides avec elle. »
Le quotidien en ligne Gazeta.ru relève
que cette initiative de paix pourrait se heurter à deux obstacles : le
premier est que l’accord n’inclut pas les forces kurdes, sur lesquelles Moscou
et Ankara s’opposent. Poutine voudrait faire une place aux Kurdes dont les
troupes se sont bien battues contre l’EI, Erdogan a peur de la revendication nationaliste
kurde. Le second est le projet stupide de résolution franco-britannique à
l’ONU, qui prévoit la mise en place de sanctions contre la Syrie. Comme si
celle-ci, en ruines, avait besoin de sanctions quand c’est un vaste Plan
Marshall qu’il lui faudrait. Mais la haine contre Bachar el-Assad domine toujours
dans les cervelles d’oiseaux de la diplomatie franco-anglo-saxonne.
Publié le 4 janvier 2017 par L'Imprécateur
[1] Liste des groupes terroristes qui ont adhéré au cessez-le-feu en Syrie. Plus de 50.000 terroristes impliqués
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