jeudi 25 décembre 2014

Route de la Soie : de la Chine vers l'Espagne !

Vers l’ouest, jeune Han !18 novembre 2014 : une journée qui devrait rester éternellement dans l’histoire. Ce jour-là, à Yiwu, ville de la province chinoise du Zhejiang, à 300 kilomètres au sud de Shanghai, le premier train transportant 82 conteneurs de produits d’exportation, pour un poids de plus de 1 000 tonnes, a quitté un imposant complexe d’entreposage à destination de Madrid. Où il est arrivé le 9 décembre.

Bienvenue au nouveau train tchou-tchou trans-Eurasie. Avec plus de 13.000 km, il parcourra régulièrement le plus long itinéraire de train de marchandises dans le monde, 40 % plus long que la légendaire ligne du Transsibérien. Sa cargaison traversera la Chine d’est en ouest, puis le Kazakhstan, la Russie, le Bélarus, la Pologne, l’Allemagne, la France, et enfin l’Espagne.
 Le train va d'abord traverser toute la Chine de l'est à l'ouest, puis le Kazakhstan et la partie occidentale de la Russie, avant d'atteindre l'Ukraine, puis la Pologne, l'Allemagne, la France et enfin l'Espagne.
Il se peut que vous n’ayez pas la moindre idée de l’endroit où se trouve Yiwu, mais les hommes d’affaires qui sillonnent l’Eurasie pour les besoins de leur négoce, en particulier ceux du monde arabe, ont déjà les yeux braqués sur la ville « où se produisent ces choses étonnantes ! ». Nous parlons là de ce qui est probablement sur terre le plus grand centre de commerce de gros pour les biens de consommation de petite taille, allant des vêtements aux jouets.
Le trajet Yiwu-Madrid à travers l’Eurasie n’est que le commencement d’une série de développements qui changent la donne. Il est appelé à devenir le canal d’une logistique efficace, et de longueur incroyable. C’est la géopolitique avec une touche humaine qu’il va représenter, en associant, à travers un vaste territoire, petits négociants et marchés énormes. Il constitue déjà un exemple frappant de l’intégration eurasienne en mouvement. Et surtout, il est le premier des blocs de construction qui seront posés tout le long de la nouvelle route de la soie chinoise, vraisemblablement le projet du nouveau siècle, et sans aucun doute la plus grande aventure commerciale de la prochaine décennie.

L’ouest t’attend, jeune Han.

Un jour, si tout se déroule selon le plan (et conformément aux rêves des dirigeants de la Chine), tout cela sera tien, et le tout par train à grande vitesse, rien que ça ! Le voyage de la Chine à l’Europe sera une simple affaire de deux jours, pas les 21 jours que cela prend pour l’instant. En fait, au moment où ce train de marchandises quittait Yiwu, le train à grande vitesse D8602 prenait, lui, son départ d’Urumqi, dans la province du Xinjiang, en direction de Hami, à l’extrême ouest de la Chine. Il s’agit là de la première ligne à grande vitesse construite dans le Xinjiang. Mais d’autres lignes du même genre traverseront sous peu toute la Chine, à ce qui devrait se révéler une vitesse vertigineuse.
Aujourd’hui, 90 % du commerce mondial de conteneurs voyage encore par l’océan, et c’est précisément ce que Pékin envisage de changer. Sa nouvelle route de la soie, encore embryonnaire et relativement lente, représente une première percée dans ce qui est voué à être une révolution du commerce trans-continental terrestre par conteneurs.
Dans son sillage, elle générera tout un tas d’offres gagnant-gagnant, incluant notamment des coûts de transport plus bas qu’aujourd’hui. Elle favorisera l’expansion des entreprises de construction chinoises, toujours plus loin dans les États en stan d’Asie centrale. Elle apportera à l’Europe un moyen plus facile et plus rapide de déplacer l’uranium et les métaux rares en provenance d’Asie centrale. Et elle ouvrira une myriade de nouveaux marchés, concernant des centaines de millions de personnes.
Donc, si Washington a l’intention d’opérer un pivot vers l’Asie, la Chine, elle, a son propre plan en tête. Pour vous le représenter, pensez-y comme à une pirouette vers l’Europe à travers l’Eurasie.

Défection à l’Est ?

La rapidité avec laquelle tout cela se passe est stupéfiante. En septembre 2013, à Astana, au Kazakhstan, le président chinois Xi Jinping a lancé la ceinture économique de la nouvelle route de la soie. Un mois plus tard, alors qu’il se trouvait dans la capitale indonésienne, Jakarta, il annonçait une route de la soie maritime du 21e siècle. Pékin définit en effet le concept général qui est à la base de sa planification comme constitué d’une route et d’une ceinture, alors qu’en fait, ce à quoi elle pense ressemble plutôt à un ahurissant labyrinthe de routes, voies ferrées, voies maritimes et ceintures potentielles.
Nous parlons là d’une stratégie nationale, qui entend s’appuyer sur l’aura historique de l’ancienne Route de la soie, laquelle avait permis d’établir un pont et de relier entre elles des civilisations, d’orient et d’occident, tout en créant la base d’un vaste ensemble pan-eurasien de zones de coopération économique liées entre elles. Dores et déjà, les dirigeants chinois ont donné le feu vert d’un fonds d’infrastructure de 40 milliards de dollars, supervisé par la Banque de développement de Chine, afin de construire des routes, des lignes ferroviaires à grande vitesse, et des pipelines pour transporter l’énergie dans un assortiment de provinces chinoises. Ce fonds sera tôt ou tard étendu, de manière à couvrir des projets en Asie du Sud, en Asie du Sud-Est, au Moyen-Orient et dans certaines parties de l’Europe. Mais l’Asie centrale est la cible immédiate clé.
Les entreprises chinoises vont investir et soumissionner pour des contrats dans des dizaines de pays, le long des routes de la soie ainsi prévues. Après trois décennies de développement, à aspirer l’investissement étranger à une vitesse vertigineuse, la stratégie de la Chine est maintenant de laisser son propre flux de capitaux se déverser sur ses voisins. Elle a déjà décroché pour 30 milliards de dollars de contrats avec le Kazakhstan et pour 15 milliards de dollars avec l’Ouzbékistan. Elle a fourni au Turkménistan 8 milliards de dollars de prêts, tandis qu’un milliard de plus est parti au Tadjikistan.
En 2013, les relations avec le Kirghizstan ont été renforcées, pour atteindre ce que les Chinois dénomment le niveau stratégique. La Chine est déjà le plus grand partenaire commercial de tous ces pays, sauf l’Ouzbékistan, et, si les anciennes républiques socialistes d’Asie centrale de l’Union Soviétique sont toujours liées au réseau russe de pipelines, la Chine est à l’œuvre, là aussi, avec la création de sa propre version du Pipelinistan, y compris un nouveau pipeline de gaz au Turkménistan, et davantage encore à venir.
La concurrence entre les provinces chinoises sera féroce, pour une grande partie de cette activité et de l’infrastructure qui va avec. Le Xinjiang est déjà en cours de reconfiguration par Pékin, en vue de devenir une plaque tournante clé de son nouveau réseau eurasien. Début novembre 2014, Guangdong (l’usine du monde) a accueilli la première exposition internationale de la route de la soie maritime du pays, et des représentants de pas moins de 42 pays ont assisté à la fête.
C’est à présent avec enthousiasme que le président Xi lui-même vend sa province natale, le Shaanxi, qui abritait jadis à Xian le point de départ de la Route de la soie, et qui est désormais présentée en tant que plaque tournante du transport du XXIe siècle. Il a pour cela exposé son argumentaire d’une nouvelle route de la soie, entre autres au Tadjikistan, aux Maldives, au Sri Lanka, à l’Inde et à l’Afghanistan.
Tout comme l’historique Route de la soie, la nouvelle route doit être pensée au pluriel. Imaginez-la, dans le futur, comme un dédale aux multiples ramifications, de routes, de lignes ferroviaires et de pipelines. Un tronçon clé courra à travers l’Asie centrale, l’Iran et la Turquie, avec Istanbul comme site carrefour, où viendront se croiser les chemins. L’Iran et l’Asie centrale sont déjà activement engagés dans la promotion de leurs propres connexions à ce système.
Un autre tronçon clé suivra le chemin de fer transsibérien, et Moscou en sera le nœud clé. Une fois que ce remix ferroviaire du transsibérien à grande vitesse sera terminé, le temps de parcours entre Pékin et Moscou plongera, des six jours et demi actuels à seulement 33 heures. En fin de compte, Rotterdam, Duisburg et Berlin pourraient tous être des nœuds de cette future autoroute, projet qui ne laisse pas d’enthousiasmer les cadres d’affaires allemands.
La route de la soie maritime commencera dans la province de Guangdong, pour s’élancer vers le détroit de Malacca, l’océan Indien, la Corne de l’Afrique, la mer Rouge et la Méditerranée, se terminant pour l’essentiel à Venise, ce qui ne sera que justice poétique à la vérité. Marco Polo en sens inverse, si l’on y songe.
Il est prévu que tout cela soit achevé d’ici 2025, de manière à fournir à la Chine dans le futur le genre de puissance douce, qui aujourd’hui lui manque cruellement. Lorsque le président Xi salue la poussée destinée à briser le goulot d’étranglement de la connectivité à travers l’Asie, il en profite également pour promettre le crédit chinois à un large éventail de pays.
Sun Wukong, Xuanzang, Zhu Wuneng et Sha Wujing, les personnages de Xi You Ji, La pérégrination vers l’Ouest (ou Le voyage en occident), un des quatre romans classiques (« les Quatre livres extraordinaires ») de la Chine, qui date de la fin du XVIe siècle.
Sun Wukong, Xuanzang, Zhu Wuneng et Sha Wujing, les personnages de Xi You Ji,
La pérégrination vers l’Ouest (ou Le voyage en occident),
un des quatre romans classiques (« les Quatre livres extraordinaires »)
de la Chine, qui date de la fin du XVIe siècle.
Mélangez à présent la stratégie de la route de la soie avec une coopération accrue entre les pays du groupe BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), ajoutez-y la coopération accélérée entre les membres de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), et assaisonnez le tout d’une influence chinoise plus marquée sur les 120 membres du Mouvement des non-alignés (NAM) : est-il encore étonnant que l’on ait, dans les pays du sud, l’impression que, tandis que les États-Unis demeurent empêtrés dans leurs guerres sans fin, le monde soit en train de passer à l’Est ?

Le TGV Transsibérien reliera l’Europe de l’ouest à la côte du Pacifique en 48 heures

Kawasaki (Japon), Siemens (Allemagne) et Alstom (France) sont les principales firmes spécialisées dans l’infrastructure des chemins-de-fer à grande vitesse. La compagnie française Alstom avait été presque déclarée par les Russes comme la gagnante de l’appel d’offre pour la réalisation du premier tronçon de chemin-de-fer à grande vitesse (TGV) transsibérien. Dans la première étape, le Projet TGV de la firme alsacienne Alstom aurait relié Moscou à la capitale du Tatarstan (803 km) en 3 heures et demie, en roulant à une vitesse moyenne de 320 km/h. Aujourd’hui, la distance est parcourue par les trains russes en presque 11 heures.
À la suite du refus de la France de remplir les tâches contractuelles dans la livraison des porte-hélicoptères Mistral, la place de la compagnie Alstom dans le mégaprojet ferroviaire russe sera prise par la China Railway Corporation (CRH), la partenaire de la firme russe Ouralvagonzavod. Pratiquement, CRH veut monopoliser la modernisation des chemins-de-fer russes par un joint-venture avec les Russes. C’est pourquoi CRH a déjà inclus ce premier tronçon sur la route Moscou-Kazan dans un projet TGV pour la distance Moscou-Pékin, avec une longueur totale de 7.000 km.
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L’intérêt de la compagnie chinoise CRH pour le réseau ferroviaire transsibérien est généré par les milliers de rames de containers qui circulent chaque jour sur les chemins-de-fer depuis les centres logistiques allemands (BMW, Mercedes, Audi, Volkswagen) de Leipzig et Munich vers les fabriques de la région Shenyang en Chine. Ainsi, CRH réduit la durée du voyage d’une semaine à 48 heures sur la ligne TGV Moscou-Pékin .
Le TGV est un projet majeur d’infrastructure ferroviaire de Vladimir Poutine qui comprend aussi deux ceintures concentriques couvrant la zone autour de Moscou. A mentionner que Shanghai est la seule ville au monde qui possède aussi des trains à grande vitesse à sustentation magnétique qui ont déclenché l’admiration de Poutine. Baptisé Maglev par les firmes allemandes Thyssen Krupp et Siemens, le train relie l’aéroport au centre-ville, en recouvrant les 30 kilomètres en 7 minutes 21 secondes, à une vitesse maximale de 430 km/h.

Quand le dragon embrasse l’ours

Après avoir conclu en mai un accord géant de fourniture de gaz naturel pour 400 milliards de dollars (à peu près la capacité du gazoduc sibérien, dont la construction a commencé cette année), la Russie et la Chine ont ajouté un deuxième accord, d’une valeur de 325 milliards de dollars, relatif au pipeline de l’Altaï, qui commencera en Sibérie occidentale.
Ces divers contrats montrent de quel côté souffle le vent au cœur de l’Eurasie. 
En dépit du fait que les banques chinoises ne pourront pas remplacer celles qui ont été touchées par les sanctions de Washington et de l’Union européenne contre la Russie, elles offrent à une Moscou meurtrie par la récente dégringolade des prix du pétrole un certain soulagement, sous la forme d’un accès au crédit chinois.
Sur le front militaire, la Russie et la Chine se sont engagées à des exercices militaires conjoints de grande envergure, alors que le système de missiles de défense aérienne avancée S-400 de la Russie prendra bientôt la route de Pékin. En outre, pour la première fois dans l’ère de l’après-guerre froide, Poutine a récemment évoqué, en Asie, la vieille doctrine de sécurité collective de l’ère soviétique, comme étant un pilier possible d’un nouveau partenariat stratégique sino-russe.
Le président chinois Xi a pris l’habitude d’appeler tout cela du joli nom d’arbre à feuilles persistantes de l’amitié sino-russe, mais vous pourriez tout aussi bien vous le représenter comme étant le pivot stratégique de Poutine vers la Chine. Dans les deux cas, Washington n’est pas exactement ravie de voir Russie et Chine commencer à réunir leurs forces ensemble. 
A l’excellence russe dans l’aérospatiale, la technologie de défense et la fabrication d’équipements lourds, vient correspondre l’excellence chinoise en matière d’agriculture, d’industrie légère et de technologie de l’information.
Depuis des années, il est également clair qu’à travers l’Eurasie, ce sont les pipelines de la Russie, non ceux de l’Occident, qui sont susceptibles de l’emporter. En fin de compte, le dernier opéra spectaculaire du Pipelinistan (l’annulation par Gazprom du projet de gazoduc South Stream qui devait acheminer davantage encore de gaz naturel russe vers l’Europe) ne fera que garantir une plus grande intégration énergétique dans la nouvelle Eurasie, à la fois de la Turquie et de la Russie.

C’en est fini du temps de l’unipolarité

En Eurasie, tous ces développements entrelacés suggèrent un glissement tectonique au plan géopolitique, glissement dont les médias américains n’ont tout simplement pas encore commencé à se saisir. Ce qui ne veut pas dire que personne ne remarque rien. Vous pouvez parfaitement sentir dans l’air la panique naissante au sein de l’establishment washingtonien. 
Les habituels suspects, remuant les lèvres tels des carpes, se sont mis à balbutier que cette Chine arrogante, qui bouleverse l’ordre international, va ruiner pour l’éternité la paix et la prospérité en Asie, et pourrait bien susciter un nouveau type de guerre froide dans la région. 
Du point de vue de Washington, une émergence de la Chine reste bien sûr la principale menace en Asie, sinon dans le monde, alors même que le Pentagone dépense des sommes gigantesques pour maintenir intact son empire tentaculaire de bases sur tous les continents. Ayant pris naissance à Washington, ces histoires sur la nouvelle menace chinoise dans les régions Asie Pacifique et Asie du Sud-Est ne font cependant jamais mention du fait que la Chine (tout comme la Russie) reste encerclée par des bases américaines, alors qu’elle-même n’a pas de base propre en dehors de son territoire.
Quiconque a suivi de près ce que la Chine a accompli au cours de ces trois dernières décennies sait que, quels que soient ses problèmes, quelles que puissent être les menaces, elle ne s’effondrera pas. Et le fait que les dirigeants chinois réfléchissent également à la façon dont il serait possible, dans un proche avenir, de remodeler aussi les relations avec l’Europe, d’une manière qui serait historique, permet de mesurer mieux les ambitions du pays, à savoir de reconfigurer complètement les cartes mondiales du commerce et de la puissance économique.

Qu’en est-il de cette communauté harmonieuse ?

Au moment même où la Chine propose une nouvelle intégration eurasienne, Washington a opté pour un Empire du chaos, un système mondial dysfonctionnel qui entretient à présent la destruction et les retours de bâton à travers le Grand Moyen-Orient et jusqu’en Afrique, et même aux périphéries de l’Europe.
Dans ce contexte, une paranoïa de nouvelle Guerre froide se lève aux États-Unis, en Europe et en Russie. L’ancien dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev, qui sait une chose ou deux des guerres froides (en en ayant lui-même terminé une), ne pourrait pas être plus inquiet qu’il n’est. L’ordre du jour de Washington, cherchant à isoler et vraisemblablement à entraver la Russie, se révèle en fin de compte dangereux, même s’il se pourrait bien qu’il soit à long terme voué à l’échec.
À l’heure actuelle, quelles que soient ses faiblesses, Moscou reste la seule puissance capable de négocier un équilibre stratégique mondial avec Washington, et de mettre certaines limites à son Empire du chaos. Les pays de l’Otan, eux, continuent de suivre docilement dans le sillage de Washington, et la Chine manque encore de poids stratégique.
Pendant ce temps, la frénésie est la norme. À part deux contrats gaziers monstres d’une valeur de 725 milliards de dollars US (les pipelines Power of Siberia et Altai) et une offensive récente liée au projet de Nouvelle route de la soie en l’Europe de l’Est , pratiquement personne en Occident ne se rappelle qu’en septembre dernier le Premier ministre chinois Li Keiqiang a signé pas moins de trente huit accords commerciaux avec les Russes, dont une transaction d’échange et un accord fiscal, ce qui implique une interaction économique totale.
On pourrait avancer que l’évolution géopolitique axée sur l’intégration entre la Russie et la Chine est sans doute la plus grande manœuvre politique à survenir au cours des cent dernières années. Le plan directeur de Xi est sans ambiguïté : l’établissement d’une alliance commerciale entre la Russie, la Chine et l’Allemagne. Les entreprises et le secteur industriel allemands la souhaitent absolument, même si les politiciens allemands n’ont pas encore compris le message. Xi et Poutine construisent une nouvelle réalité économique en Eurasie, une réalité aux ramifications politiques, économiques et stratégiques à la fois multiples et cruciales.
Un jour, il se peut très bien que l’Allemagne emporte certaines parties de l’Europe loin de la logique de l’Otan : les chefs d’entreprises et les industriels allemands ont en effet un œil sur l’avenir commercial potentiellement lucratif qui pourrait être le leur dans une nouvelle Eurasie. 
Aussi étrange que cela puisse paraître au milieu de la guerre actuelle des mots au sujet de l’Ukraine, la fin de partie pourrait encore réserver la surprise d’une alliance Berlin-Moscou-Pékin.
À l’heure actuelle, le choix entre les deux modèles disponibles sur la planète semble en effet frappant : l’intégration eurasienne ou la propagation d’un empire du chaos. La Chine et la Russie savent ce qu’elles veulent, et il en va de même, semble-t-il, de Washington. La question est : que choisiront de faire les autres pièces mobiles de l’Eurasie ?


Sources diverses