Vladimir Poutine a pris
part à la dernière séance plénière de la XIe session du Club
International de Discussion Valdaï. Le thème de la réunion était : L’ordre mondial : de nouvelles règles ou un jeu sans règles ?
Cette année, 108 experts, historiens et analystes politiques
originaires de 25 pays, dont 62 participants étrangers, ont pris part
aux travaux du Club.
Pour voir la totalité du discours, aller à : http://www.sayed7asan.blogspot.fr
Commentaire
Peut-on considérer qu'il s'agit d'une réaction de Poutine au discours d'Obama où ce dernier a comparé la menace russe à celle que présente l'EI ou le virus Ebola?
Un blogueur russe a résumé les points les plus importants du discours de Poutine :
1 - La Russie a fini de jouer et ne perdra plus son temps dans des négociations d’antichambre ne portant que sur des questions triviales. Toutefois, la Russie est prête pour des conversations et des accords sérieux s’ils conduisent à la sécurité collective, reposent sur l’équité et tiennent compte des intérêts de chacune des parties.
2 – Tous les systèmes mondiaux de sécurité collective sont aujourd’hui en ruines. Il n’existe plus du tout de garantie internationale de sécurité. L’entité qui a détruit tout cela porte un nom : les États-Unis d’Amérique.
3 – Les bâtisseurs du Nouvel Ordre Mondial ont échoué, ils ont bâti un château de sable. Qu’un nouvel ordre mondial de quelque nature que ce soit doive être bâti ou pas ne relève pas de la décision de la seule Russie, mais c’est une décision qui ne sera pas prise sans elle.
4 – La Russie préconise une approche prudente des innovations dans l’ordre social, mais elle n’est pas opposée à ce qu’on les examine et que l’on en discute afin de déterminer si certaines d’entre elles se justifient.
5 - La Russie n’a pas l’intention d’aller pêcher dans les eaux troubles résultant de l’expansion constante de l’ « empire du chaos » de l’Amérique. Elle n’a aucun intérêt à bâtir un nouvel empire à elle (ce n’est pas nécessaire : la Russie doit d’abord s’attacher à développer son propre territoire, qui est déjà très vaste). La Russie ne souhaite pas non plus jouer le rôle de sauveur du monde comme elle a pu le faire dans le passé.
6 - La Russie ne tentera pas de refaçonner le monde à son image, mais elle ne laissera pas non plus les autres la refaçonner à leur propre image. La Russie ne s’exclura pas du monde, mais quiconque tentera de l’en exclure devra s’attendre à un retour de bâton.
7 - La Russie ne tient pas à ce que le chaos se répande, elle ne veut pas la guerre et n’a aucune intention d’en déclencher une. Cependant, aujourd’hui la Russie considère l’éclatement d’une guerre mondiale comme presque inévitable, elle y est préparée et continue de s’y préparer. La Russie ne veut pas la guerre, mais elle ne la craint pas.
8 - La Russie n’a pas l’intention de repousser activement ceux qui tentent encore de bâtir leur Nouvel Ordre Mondial, du moins tant qu’ils n’empiètent pas sur ses intérêts vitaux. La Russie préférerait se tenir à l’écart et les regarder se goinfrer autant qu’ils le peuvent. Cependant, ceux qui tenteront d’entraîner la Russie dans ce processus sans tenir compte de ses intérêts apprendront ce que souffrir signifie vraiment.
9 - Dans la politique étrangère et, à plus forte raison, dans la politique intérieure de la Russie, le pouvoir ne reposera pas sur les épaules des élites et leurs tractations d’antichambre, mais sur la volonté du peuple.
À ces neuf points, j’aimerais en ajouter un dixième :
10 - Il reste une chance de bâtir un nouvel ordre mondial sans déclencher un conflit planétaire. Ce nouvel ordre mondial doit nécessairement inclure les États-Unis, mais uniquement aux mêmes conditions que les autres: dans le respect du droit et des accords internationaux ; en s’interdisant toute action unilatérale ; dans le respect complet de la souveraineté des autres nations.
Pour résumer : fini de jouer.
Allez, les enfants, rangez vos jouets. L’heure est venue pour les
adultes de prendre des décisions. La Russie est prête. Le monde aussi ?
Le président russe Vladimir Poutine
accuse « la dictature unilatérale des Etats-Unis et
l’imposition du modèle occidental » de causer l’escalade des conflits et
l’extension du chaos, expliquant que le monde avait besoin de
« nouveaux consensus mondiaux et de forces responsables » pour
« restaurer l’efficacité des systèmes d’institutions internationaux et régionaux. »
Etant donné que tous les pays dans le monde font face à des problèmes similaires, la coopération
ou la coordination internationale est la « manière logique » de les
résoudre, a déclaré Poutine .
Poutine a rappelé que Moscou n’allait pas se couper du reste du monde, prenant la coopération de la Russie avec les pays d’Asie-Pacifique comme exemple.
« Moscou a réalisé que le monde a
changé. Nous sommes prêts à tenir compte des changements et à faire les
ajustements nécessaires. Mais nous ne permettrons pas qu’on néglige
totalement nos intérêts et nous ne le laisserons jamais faire, » a
dit Poutine.
La pression extérieure ne servirait qu’à
consolider la société russe, a confié Poutine, ajoutant que la Russie
était un pays autosuffisant qui fonctionnerait quelles que soient les
conditions économiques.
Par ailleurs, Poutine s’en est pris aux
Etats-Unis et à leur « omniprésente » implication dans les affaires du
monde. « Est-ce que la manière dont les Etats-Unis gèrent leur
leadership est bénéfique? Est-ce que leurs interventions omniprésentes
dans toutes les affaires du monde amènent la paix et le bien-être, le
progrès et la démocratie? Non. »
Poutine a estimé que les ambitions des
Etats-Unis et de leurs alliés avaient atteint un niveau où elles
commencent à être présentées comme l’opinion de l’intégralité de la
communauté internationale.
Peut-on considérer qu'il s'agit d'une réaction de Poutine au discours d'Obama où ce dernier a comparé la menace russe à celle que présente l'EI ou le virus Ebola?
Cette déclaration d’Obama, qui d’ailleurs est tout à fait
symptomatique de la façon dont les USA, leurs vassaux occidentaux conçoivent les relations
internationales, n’a certes pas arrangé les choses. Ceci dit, je pense
qu’en l’occurrence, Poutine réagit à l’attitude américaine et européenne
au cours de la crise ukrainienne et plus généralement encore à la
conception du monde monopolaire ou maniaco-polaire qui est celle des
atlantistes.
En
effet, ladite conception détruit les conditions de cette rationalité
qui devrait définir les relations internationales en garantissant la
conservation d’un horizon de paix sans pacifisme. On passe par les rapports de force mais on ménage les portes de sortie.
Or, la rhétorique obamienne fait penser à celle de Laurent Fabius
lorsqu’il dit que « Bachar el-Assad ne mériter[ait] pas d’être sur terre
» (août 2012). Elle détruit ainsi les conditions d’un dialogue
diplomatique qui n’est certes pas un dialogue angélique mais qui permet à
l’adversaire ou à l’antagoniste de formuler sa propre réponse. Or,
quand on incarne le Mal absolu, quand on ne mérite pas d’être sur terre,
ce droit vous est automatiquement refusé.
Je
préciserai, pour ponctuer cette réflexion, que Poutine me semble encore
plus dur vis-à-vis de l’UE que vis-à-vis des USA nonobstant leur rôle
de meneur à l’échelle mondiale. Poutine n’a pas lancé dans ses discours
d’appels forts en direction de l’UE, celle-ci étant au contraire l’objet
de ses critiques. Il y a une belle mention vers la fin d’un partenariat
entre l’Europe occidentale et l’Eurasie mais une mention assez peu
accentuée, constat qui me semble être l’inflexion principale de ses
discours.
La
Russie a été profondément déçue par l’attitude de l’UE au cours de la
crise ukrainienne. Les Européens ont joué aux va-t-en-guerre en
renforçant une crise qui était parfaitement évitable et dont Poutine a
énuméré d’une façon succincte les étapes de l’escalade provoquée par
l’action conjointe de l’UE et des USA. A cet égard, on pourrait évoquer
l’affaire du coup de fil entre Poutine et Barroso il y a quelques mois.
Ce dernier avait affirmé que le Président russe était prêt à entrer à
Kiev. En réalité, Poutine qui répugnait à parler directement au
Président de la Commission européenne considérant qu’il n’était pas un
chef d’Etat, avait fait remarquer qu’il se trouvait dans une posture de
négociations et qu’il pourrait être à Kiev dans 15 jours. La déclaration
de Barroso est tout aussi emblématique que celle d’Obama. Elle témoigne du refus occidental d’entamer un dialogue
raisonnable et raisonné avec la Russie.