mardi 14 octobre 2014

C'est en IRAK qu'est née la civilisation humaine

«L'Histoire commence à Sumer» selon la formule célèbre de l'historien américain Samuel Noah Kramer. Située au sud de l'Irak actuel, Sumer est une région de l'antique Mésopotamie, une expression qui veut dire : «le pays d'entre les fleuves», d'après les mots grecs méso, (milieu), et potamos (fleuve). Cette région du Moyen-Orient, très ensoleillée et manquant de pluies, doit son nom au fait qu'elle est traversée par deux grands fleuves, le Tigre et l'Euphrate. Ces fleuves ont attiré très tôt de nombreuses communautés humaines et favorisé le développement de l'agriculture.
Avant-Propos d'Hannibal Genséric
Un certain nombre "d'experts " autoproclamés et adoubés par les médias mainstream ont prétendu et prétendent encore et toujours que l'Irak et la Syrie sont de création récente, suite aux accords des colonisateurs franco-anglais de dépeçage de l'empire ottoman, dans les débuts du vingtième siècle. Ces affirmations sont une colossale insanité : l'Irak et la Syrie sont des pays qui ont toujours existé depuis la nuit des temps. Aucun pays européen ou américain n'a d'existence ou de civilisation aussi anciennes que ces deux pays. Rappelons que Damas est la plus ancienne capitale du monde. Voici un premier article relatif à l'Irak.

8000 avant JC : le Croissant fertile

Le Croissant fertile (8000 avant JC)
Cette carte montre le Croissant fertile (en vert bien sûr). Dans cette région aujourd'hui en grande partie désertique qui va de l'Égypte à la Mésopotamie (l'Irak actuel) sont nées les villes, l'agriculture et l'écriture.

Ourouk, première cité-État

Vers 3.300 av. J.-C., se produit la révolution urbaine avec l'apparition, dans la région de Sumer, de nombreuses cités avec une organisation sociale hiérarchisée, dominée par un roi-prêtre. Ces communautés pratiquent le culte de la déesse de la fécondité.
L'une des plus prestigieuses de ces cités-États est Ourouk (en anglais Uruk, Érek dans la Bible, aujourd'hui Warka). Peuplée à son apogée de plusieurs dizaines de milliers d'habitants, ell a engendré la légende épique du roi-héros Gilgamesh. Cette légende évoque un déluge semblable à celui dont parle la Bible.
Ourouk est aussi à l'origine de la première écriture de l'histoire humaine. Il s'agit de signes gravés avec la pointe d'un roseau sur des tablettes d'argile humides qui sont ensuite séchées au soleil ou cuites au four. Ces signes sont en forme de clous ou de coins d'où le qualificatif de cunéiforme donné à cette écriture (d'après le latin cuneus, qui signifie coin).

Our, la cité d'Abraham

Sur les bords de l'Euphrate se développe au cours du millénaire suivant, la cité d'Our. De cette cité serait originaire Abraham, à l'origine du peuple hébreu.
La nécropole d'Our témoigne de la grandeur de la civilisation sumérienne. Avec environ 2.000 tombes dont beaucoup richement meublées et décorées, elle est contemporaine des pyramides d' Égypte (2700 à 2500 av. J.-C.).
L'étendard d'Our, dit panneau de la paix (nécropole d'Our, vers 2500 avant JC)
Nous avons conservé de l'époque sumérienne de nombreux cylindres-sceaux, des milliers de tablettes d'argile recouvertes de caractères cunéiformes et bien sûr d'innombrables oeuvres d'art : représentations de dieux et de rois. Elles témoignent des avancées exceptionnelles de cette première civilisation en matière intellectuelle et technologique.
Ainsi la production textile prend-elle son essor jusqu'à atteindre des dimensions industrielles. À la fin du IIIe millénaire av. J.-C., les tablettes d'argile mésopotamiennes font état de manufactures employant jusqu'à 6000 femmes et, à la même époque, la Mésopotamie possède, selon l'historien Pascal Butterlin, un cheptel de plusieurs dizaines de millions de moutons (*).
En agriculture, vers 3000 av. J.-C., les paysans inventent l'irrigation et aussi l'araire à semoir : les semences sont versées non plus à la volée mais à travers un tube en roseau fixé au manche de l'araire (charrue primitive). Cet outil-verseur augmente de moitié les rendements céréaliers par rapport au semis à la volée.
À la même époque apparaissent les premières roues dévoluent au transport (jusque-là, le principe de la roue était seulement appliqué aux tours de potier !). Il s'agit de roues pleines formées de planches assemblées par des pièces métalliques. Plus tard, au XVIIIe siècle av. J.-C., apparaîtront les roues à rayons. Plus légères, elles permettront l'emploi de chars de guerre légers et rapides.
Les apports de Sumer s'étendent à l'astronomie et au calcul. Bénéficiant d'un ciel très pur, les habitants de la région ont pris le temps d'observer les astres. Ils sont devenus très férus d'astronomie et nous leur devons la division sexagésimale du temps et du cercle : 60 minutes dans une heure, 24 heures dans une journée, 360 degrés dans un cercle.
À la lumière de toutes ces avancées civilisatrices, on conçoit que les auteurs de la Bible aient situé le paradis terrestre en Mésopotamie, sur le site actuel de Bagdad (*).

Déclin et renaissance de Sumer

Grâce à l'écriture, les chefs des cités sumériennes transmettent plus facilement leurs ordres à leurs soldats et à leurs adjoints. Personne ne peut faire mine d'ignorer ces ordres. L'autorité des chefs s'accroît et conduit à la naissance de véritables États avec une administration efficace et des sujets obéissants.
Pendant le IIIe millénaire av. J.-C., les cités-États de Sumer ne cessent de se combattre entre elles un peu comme les républiques urbaines de l'Italie de la Renaissance. Ces rivalités vont causer leur chute.
Vers 2300 av. J.-C., la région de Sumer est soumise par un conquérant venu du pays d'Akkad, au nord de la Mésopotamie. Il s'agit de Sargon 1er, roi d'Agadé. Les nouveaux maîtres, les Akkadiens, semblent être des Sémites venus de la péninsule arabe. Leur langue est parente de l'arabe comme de l'hébreu. Ils tirent leur supériorité militaire de la maîtrise de l'arc.
Le déclin rapide de la dynastie akkadienne entraîne une renaissance des cités sumériennes, à commencer par Our. L'une des principales rivales d'Our est Lagash, dont le prince le plus célèbre est Goudéa. Nous en avons gardé de nombreuses et belles représentations en calcite.
Grâce aux réseaux d'irrigation, la paysannerie obtient des surplus importants qui permettent de nourrir de nombreux citadins. De la sorte, les plus grandes des cités sumériennes atteignent jusqu'à 40.000 habitants, à une époque où la population totale de la planète n'excède pas quelques dizaines de millions d'hommes.
Au tournant du IIIe millénaire au IIe millénaire, après l'an 2000 av. J.-C., ces cités vont laisser place à une cité de Mésopotamie centrale promise à la plus glorieuse des destinées : Babylone.
De la ziggourat à la tour de Babel
Vers 5000 av. J.-C. apparaissent en Mésopotamie des temples à plateforme. Ils vont donner naissance au fil du temps à un modèle architectural appelé à faire date : la ziggourat. Il s'agit d'un temple édifié sur une pyramide à étages, à base carrée.
L'ensemble est construit en briques, comme tous les édifices de la région. La brique, seul matériau de construction disponible en l'absence de pierres et de forêts, se prête à une quasi-«industrialisation» des travaux de construction : maisons, monuments mais aussi canaux d'irrigation.
Les premières ziggourats sont bâties à Our, Ourouk et Nippur vers 2100 av. J.-C., par le roi Our-Nammou. À Ourouk, la ziggourat se tient au cœur d'un sanctuaire appelé Eanna, voué à la déesse Inanna (ou Innin).
Au fil du temps, les ziggourats vont se multiplier en Mésopotamie du sud. En briques, elles se feront de plus en plus élevées, par addition d'étages, jusqu'à atteindre la hauteur de 90 mètres pour celle de Babylone, Etemenanki (Temple des fondations du ciel et de la terre), dédiée au dieu Mardouk.
La ziggourat de Babylone est à l'origine du mythe biblique de la tour de Babel (les premiers hommes auraient élevé cette tour pour atteindre le ciel et défier Dieu ; celui-ci les aurait punis de leur arrogance en détruisant la tour et en leur faisant parler des langues différentes de façon à les diviser à jamais). Le minaret de l'ancienne mosquée de Samarra (Irak), construit au IXe siècle, a inspiré les représentations modernes de la tour de Babel.

l’âge des cités-états

Nous allons parler dans cet épisode des débuts de la période historique en Mésopotamie, qui démarre symboliquement avec l’invention de l’écriture vers -3300, et qui s’achève avec l’essor de l’empire d’Akkad en 2340 av. J.-C.. Cette époque est caractérisée par une fragmentation en cités-états souvent rivales, et par une nette domination culturelle du pays des Sumériens en Basse Mésopotamie.
Mésopotamie : les cités-Etats, une carte animée de Vincent Boqueho pour Herodote.net, 2014

Mésopotamie : les cités-Etats, une carte animée de Vincent Boqueho pour Herodote.net, 2014

Le renouveau des cités

En -3300, Uruk est toujours la plus vaste ville du monde, mais elle tend à perdre peu à peu son rôle moteur. En 3100 av. J.-C. s’ouvre une période assez obscure pendant laquelle aucune ville ne se distingue vraiment. La culture sumérienne tend même à disparaître sur les plateaux iraniens, tandis qu’elle poursuit sa progression au nord-ouest dans l’actuelle Syrie. Le mythe sumérien du Déluge, qui inspirera plus tard les Hébreux, prend peut-être sa source à cette époque.
Dans tous les cas, un certain renouveau apparaît à partir de 2900 av. J.-C. : des cités-États puissantes commencent à sortir du lot en soumettant les petites villes avoisinantes. Dans le pays des Sumériens au sud, des villes comme Ur, Nippur ou Lagash rivalisent avec Uruk. Plus au nord en Mésopotamie centrale habite un peuple sémitique, les Akkadiens, totalement converti à la culture sumérienne. La puissante cité-état de Kish s’y distingue parmi d’autres.
Toutes ces villes sont dirigées par un roi, qui doit toutefois composer avec l’importance du monde divin : ainsi le temple et le palais sont-ils les 2 principales institutions des cités. Chaque ville vénère ses propres dieux, mais un panthéon commun à toute la Basse Mésopotamie commence à apparaître avec la triade An, Enlil et Enki. Enlil le dieu du vent finit par s’imposer comme dieu suprême : ainsi Nippur, dont c’est le dieu tutélaire, va progressivement devenir le principal centre religieux du pays.
Au gré des conflits, certaines villes de Basse Mésopotamie parviennent temporairement à obtenir une relative hégémonie : la ville de Kish notamment acquiert ce statut dès 2900 av. J.-C. et conservera une grande puissance pendant plusieurs siècles. La ville d’Uruk parviendra aussi périodiquement à retrouver son rôle central : ainsi son roi Gilgamesh, qui régna vers 2650 avant notre ère, deviendra le héros d’une célèbre épopée appréciée jusqu’en Égypte.
La Basse Mésopotamie doit aussi faire face à des menaces extérieures : ainsi sur les plateaux à l’est, les Élamites ont étendu leur propre civilisation, profitant de l’affaiblissement de la culture d’Uruk vers -3000. En particulier, la ville de Suse, autrefois intégrée à la sphère sumérienne, bascule à cette époque dans le domaine élamite. Les Élamites créent même leur propre système d’écriture, qui n’a pas encore été déchiffré.
La Haute Mésopotamie se réveille un peu plus tard : vers -2500, des cités-États sémitiques puissantes prennent leur essor dans l’actuelle Syrie : notamment Mari située sur l’Euphrate, et Ebla à l’extrême nord-ouest de l’aire culturelle sumérienne. Les royaumes y sont bien plus vastes qu’en Basse Mésopotamie, mais beaucoup moins densément peuplés.
En 2400 av. J.-C., Mari exerce sa suzeraineté sur un domaine immense, depuis Ebla au nord jusqu’à la Basse Mésopotamie au sud. Mais bientôt, le roi de Kish va retrouver la première place. En quelques années, il va réussir à unir pour la première fois toute la Mésopotamie en fondant le premier vaste empire de l’Histoire humaine.

Bibliographie

On peut lire sur la Mésopotamie ancienne l'ouvrage-culte de Samuel Noah Kramer : L'Histoire commence à Sumer (Arthaud). Je recommande aussi l'Atlas de la Mésopotamie et du Proche-Orient ancien (Michael Roaf, Brepols, 1991), clair et riche en documents.
Alban Dignathttp://www.herodote.net/3300_avant_JC-synthese-167.php
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