Les propos tenus lundi par le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov, ainsi
que ceux du ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, ont souligné que
Moscou a une perspective sur l’Iran diamétralement opposée au président Donald
Trump ou à ses hauts fonctionnaires.
Se référant
à la qualification donnée par Trump à l’Iran d’« État terroriste numéro
un », Peskov a souligné que toute amélioration des relations entre la
Russie et les États-Unis sera enracinée dans la réalité que les deux pays ont
des positions opposées sur de nombreuses questions, et l’Iran est l’une
d’entre-elles :
« Nous
ne sommes pas d’accord avec la définition (de Trump). Vous savez tous que la
Russie entretient des relations chaleureuses avec l’Iran, nous coopérons sur un
certain nombre de questions et nous apprécions nos liens économiques qui, nous
l’espérons, vont aller plus loin. Ce n’est un secret pour personne que Moscou
et Washington ont des opinions diamétralement opposées sur de nombreuses
questions de politique internationale et régionale. En attendant, cela ne peut
et ne doit pas être un obstacle lorsqu’il s’agit d’établir une communication
normale et des relations pragmatiques mutuellement bénéfiques entre la Russie
et les États-Unis. »
Lavrov a
salué le rôle de l’Iran dans la lutte contre les groupes terroristes :
L’Iran n’a
jamais été complice de liens avec le Front al-Nusra ou Daesh. En outre, l’Iran
contribue à la lutte contre Daesh. Nous avons longtemps préconisé l’idée de
créer un front antiterroriste unifié. Je suis convaincu que l’Iran doit faire
partie de notre effort commun si nous évaluons objectivement les contributeurs
potentiels à une telle alliance.
En effet,
Moscou suivra également de près le programme de politique étrangère de Trump,
dans son ensemble. Après une forte condamnation de la Russie par l’ambassadeur
des États-Unis à l’ONU, Nikki Haley, au sujet de la dernière vague de violence
dans l’est de l’Ukraine, Trump a téléphoné au président Petro Porochenko à
Kiev samedi, et a également discuté de l’Ukraine avec le secrétaire général de
l’OTAN Jens Stoltenberg dimanche. Les commentaires de la Maison Blanche (ici et là) étaient soigneusement rédigés, mais le texte
de l’OTAN (ici) mentionnait que les relations avec la Russie
figuraient dans la conversation avec Stoltenberg.
Fait
intéressant, lors d’une conférence de presse à Moscou dimanche, Lavrov a
également précisé que les attentes de la Russie concernant l’administration
Trump sont enracinées dans le réalisme :
« Nous
sommes prêts à faire notre chemin vers l’amélioration des relations avec
les États-Unis […] En même temps, nous comprenons qu’il faudra des efforts
sérieux des deux parties pour réparer les graves dommages causés à nos
relations bilatérales […] Il serait prématuré de parler du type de
relations que nous pourrions avoir avec l’administration républicaine. Nous
devons attendre […] pour tirer des conclusions à long terme […] une coopération
efficace entre la Russie et les États-Unis est possible, mais uniquement dans
le respect mutuel des intérêts des uns et des autres. »
Tour
Spasskaya – Kremlin |
De toute
évidence, ce n’est pas comme si les sentinelles du Kremlin ne se souciaient
plus de verrouiller les portes principales des tours de Spasskaya,
Borovitskaya, Troitskaya et Nikolskaya.
Pendant ce
temps, le ministère chinois des Affaires étrangères a exprimé son opposition aux sanctions de Trump
contre l’Iran. Un commentaire de Xinhua a également noté que « l’aventure
diplomatique et l’antagonisme inconscient » de l’administration Trump
concernant l’Iran prônent « une ère d’agressivité de la part
du nouveau chef suprême des politiques étrangères des
États-Unis ». L’évaluation de Moscou ne peut pas être très différente de
celle de la Chine concernant le comportement erratique de l’administration
Trump.
Dans
l’ensemble, même un bon ami d’Israël comme David Ignatius du Washington Post
admet que « Il (Trump) a commencé cette confrontation sans beaucoup de
préparation ou de planification stratégique […] L’Iran est un ennemi commode
pour Trump. Israël et les États arabes du Golfe partagent l’antipathie de
l’administration envers l’Iran. »
Ignatius met
en garde contre les dangers :
« Le
Commandement central des États-Unis a des milliers de troupes en Irak et dans
le Golfe qui pourraient être vulnérables aux représailles iraniennes […] L’Iran
est un adversaire endurci […] Toute confrontation doit tenir compte de la
position forte de l’Iran en Syrie et en Irak et de sa capacité à contrecarrer
l’engagement de Trump à éradiquer État islamique […] L’Iran tient quelques
goulots d’étranglement. Son plus fort effet de levier est en Irak […] Les
Iraniens peuvent mobiliser des milliers de miliciens chiites irakiens à travers
le pays. Les conseillers américains sont vulnérables aux attaques de ces
milices soutenues par l’Iran, comme il y a dix ans.
L’Iran est
l’un des défis de politique étrangère les plus difficiles auquel Trump devra
faire face, et il devrait faire attention à éviter les actions
précipitées mal planifiées qui en feraient sa Baie des cochons. »
C’est un
avertissement assez sévère, mais éminemment raisonnable. Dans un discours prononcé lundi à Téhéran, le président iranien,
Hassan Rouhani, a vraisemblablement laissé entendre à peu près la même chose,
dans un contexte persan, en disant que le «paradigme des négociations »
sur l’accord nucléaire iranien constituait un « modèle pour les
pourparlers de paix syriens au Kazakhstan ».
M.K. Bhadrakumar
Article
original paru sur Indian Punchline
Traduit et édité par jj, relu par Catherine pour le
Saker Francophone