Une nouvelle semaine à Washington et une nouvelle scène d’horreur.
Cette fois, c’était le procureur général Jeff Sessions qui était sur le
grill des sénateurs qui l’interrogeaient pour savoir si, quand et
comment il aurait pu rencontrer certains Russes, ou n’importe quel
Russe, ou quelqu’un qui pourrait bien connaitre un Russe. Outre aller à
la pêche d’éventuelles contradictions qui pourraient être utilisées pour
soutenir une accusation d’entrave à la justice ou de faux témoignage –
on retrouve ici la méthodologie sordide habituelle des enquêtes à
motivation politique – l’objectif transparent était d’empoisonner à la
source toute initiative éventuelle d’améliorer les liens avec Moscou.
La stratégie semble fonctionner. L’ambassade de Russie à Washington
confirme que pour la première fois depuis la fondation de la Fédération
de Russie, le Département d’État n’a pas envoyé le pro forma des
félicitations pour les fêtes nationales. Peut-être que les bureaucrates
avaient peur d’être mouillés et de devenir eux-mêmes des cibles de
multiples enquêtes pour «collusion» avec le Kremlin. (Heureusement, cet analyste intrépide de Washington n’a aucun scrupule à faire ces associations .)
Ou plus probablement, ils font eux-mêmes partie de la foule de
russophobes qui minent la Maison Blanche. Il a été rapporté que peu de
temps après son investiture, Trump a cherché à ouvrir le dialogue avec
le Kremlin et a établi un début de sommet avec le président Vladimir
Poutine. Cela a produit une contre réaction hystérique de l’État
profond. Comme le rapporte le chroniqueur conservateur et ancien
candidat à la présidence de Patrick Buchanan :
«Le Département d’État a été chargé de travailler sur les détails.
«Au lieu de cela, dit Daniel Fried, coordonnateur de la politique des sanctions, il a reçu des appels « paniqués » de « S’il vous plaît, mon Dieu, arrêtez ça ».
« Les opérateurs de l’État, déloyaux envers le président et hostiles à la politique russe sur laquelle il avait été élu, ont collaboré avec des éléments du Congrès pour saboter toute détente. Ils ont réussi.
« ‘Ça aurait été gagnant-gagnant pour Moscou’, a déclaré Tom Malinowski, qui se vantait la semaine dernière de son rôle dans le blocage d’un rapprochement avec la Russie. Les employés de l’État ont saboté l’une des principales politiques pour lesquelles les Américains avaient voté, et ils l’ont substitué par la leur ».
C’est beaucoup pour un gouvernement constitutionnel et l’État de droit …
Mais maintenant c’est encore pire. Cette semaine, le Congrès a lancé la législation visant à codifier en statut les sanctions imposées à la Russie
par Barack Obama sur l’Ukraine et les accusations sans preuve
d’ingérence électorale russe. Les dispositions pour une dérogation
présidentielle, qui sont la norme dans toute loi sur les sanctions, sont
particulièrement étroites. Les partisans de cette loi au Congrès disent
clairement que leur objectif est de sortir cette affaire des mains du
président. Les Démocrates qui apparemment n’ont aucun autre agenda
politique ni d’idées, veulent continuer à battre le tambour russe jusqu’aux élections du Congrès de 2018 .
En fin de compte, il y a beaucoup de raisons pour lesquelles la
classe politique déteste Trump. Ses hérésies sur l’immigration et le
commerce sont en haut de la liste. Mais ne vous y trompez pas: pour
l’Etat profond et son armée, les médias traditionnels, diaboliser la
Russie et Vladimir Poutine en personne est une dangereuse obsession. (Il
y a des raisons de soupçonner que la «collusion russe» était présente
dans la tête du tireur gauchiste fanatique qui a attaqué un membre républicain du Congrès :
«Le tireur a également signé une pétition appelant à une enquête sur
les liens entre Trump et la Russie, confirmant qu’il avait été
radicalisé par l’obsession des grands médias sur les théories du complot
au sujet de l’interférence de la Russie sur les élections ».)
Il reste à voir si la longue interview d’Oliver Stone avec Poutine
sur Showtime network aura un impact. Jusqu’à présent, le commentaire
semble être partagé entre les descriptions de la substance de la
discussion et les attaques contre Stone pour avoir discuté avec un si mauvais, mauvais homme :
« Prenant la parole après l’interview, Stone a réfuté les allégations
selon lesquelles il est devenu sans le savoir un messager de la
propagande pro-Poutine ou des informations malhonnêtes données par le
président ».
En ce qui concerne le fond, relativement peu d’attention a été
accordée dans les médias américains à l’accusation catégorique de
Poutine selon laquelle « les services spéciaux des États-Unis» ont
soutenu les terroristes, y compris en Tchétchénie. Bien sûr, toute
personne y prêtant la plus petite attention devrait savoir que le fait
d’armer les djihadistes est une partie intégrante de la politique
américaine, qui remonte au moins à l’Afghanistan dans les années 1980 et
répété en Bosnie, au Kosovo, en Libye et en Syrie aujourd’hui. En
effet, dès les années 1950, les Etats-Unis avaient établi une relation
très étroite avec les Frères musulmans et ses éléments terroristes comme
une arme contre Gamal Abdel Nasser en Egypte et les Baasistes en Syrie
et en Irak, que Washington pensait être un peu trop amis avec l’Union
Soviétique et beaucoup trop socialistes et laïques pour le goût de nos
amis de l’Arabie Saoudite et du Golfe.
Il y a une véritable symbiose entre l’impératif antirusse dans la
politique étrangère américaine et l’aide apportée aux éléments radicaux
islamiques. Cela n’a pas pris fin lorsque l’Union Soviétique et et le
communisme se sont effondrés, au contraire, cela s’est plutôt
intensifié. C’est pourquoi les appels constants pour un front commun
contre le terrorisme de Moscou ont toujours été rejetés. Une telle
coopération n’a pas de sens pour une nomenklatura dont le premier
objectif est l’hostilité envers Moscou et pour ceux pour qui les
djihadistes sont au pire des « amennemis » (frienemies) – des personnes
qui peuvent être gênantes, mais utiles.
Nous ne pouvons qu’imaginer à quel point le monde serait complètement
différent si les États-Unis devaient reconnaître que la Russie est un
pays qui à bien des égards n’est pas différent des États-Unis ou de
l’Europe et que nous avions des intérêts communs. Mais pour l’État
profond des États-Unis, cela reviendrait à changer de camp dans un
conflit mondial, où l’on ne voit essentiellement que des djihadistes
comme «combattants de la liberté» contre un adversaire géopolitique. Ces
mêmes «élites» inconscients sont alors perplexes quand les terroristes
djihadistes «modérés» qu’ils ont soigneusement couvés, bichonnés, nous
attaquent ici au pays.
Ce modèle irrationnel est à l’origine de l’hostilité des dirigeants
américains envers la Russie et envers toute perspective d’une
normalisation des relations bilatérales. Dans une large mesure, c’est ce
qui sous-tend le « coup d’état soft » dirigé contre Trump, dont les
sessions de mise au pilori étaient un épisode. (Un rapport tardif basé sur des sources non fiables, non vérifiées
suggère que le conseiller spécial sur l’enquête sur la Russie, Robert
Mueller, étend son enquête pour y inclure une obstruction potentielle de
la justice par le président Donald Trump. Mueller, un ami personnel du
directeur du FBI évincé James Comey, a déjà rempli son équipe avec les démocrates partisans.)
Ceux qui sont derrière cette tentative de coup d’état pensent que
nous pouvons continuer à traiter la Russie comme si elle était une
puissance mineure de l’ampleur de la Serbie, l’Irak, la Libye, la Syrie,
ou même l’Iran. Ils pensent que si nous continuons simplement à
pousser, pousser, pousser, soit les Russes vont s’effondrer soit ils
renonceront. Ils feront tout leur possible pour circonscrire Trump et
l’empêcher de poursuivre une autre voie que celle désastreuse qui avait
été tracée par Bill Clinton, George Bush et Barack Obama. Ils ne voient
pas d’ autre issue que de faire tomber Poutine et le retour de la Russie
à l’état de vassal comme sous l’ère Eltsine – expression utilisée par
Poutine dans l’interview de Stone – ou, mieux encore, son démembrement
territorial le long des lignes proposées par feu Zbigniew Brzezinski .
Est-ce que l’entrevue d’Oliver Stone changera les esprits? Il est
trop tôt pour le dire. Mais si le coup d’état soft contre Trump réussit,
cela pourrait ne plus avoir d’importance, car alors l’Amérique ne
pourrait plus être considérée comme une république constitutionnelle
autonome, même dans un sens résiduel. Nous avons peut-être déjà passé
notre propre Rubicon et ne le savons pas encore.
James George JATRAS | juin 16, 2017 | Ron Paul Institute
Traduction : Avic
Source: Réseau International
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