Dans notre grand jeu Qui remplacera le califat pour redessiner la carte du Moyen-Orient ?, les choses s'accélèrent et nous sommes entrés dans la dernière phase, cruciale, celle qui peut faire perdre ou rapporter gros.
Nous ne nous trompions pas en évoquant le chant du cygne
de Daech. Un coup d'oeil sur la carte le confirme, l'EI ne sera bientôt
plus qu'un souvenir : les petits hommes en noir reculent chaque jour et
leur territoire fond comme neige au soleil.
Pas plus tard qu'aujourd'hui, ils ont perdu des milliers de km2
en Irak, les Unités de Mobilisation Populaire chiites et l'armée
fédérale avançant à la vitesse de l'éclair le long de la frontière
syrakienne (1) et arrivant en vue
du noeud stratégique d'Al Qaïm/Al Bukamal sur l'Euphrate. Le fidèle
lecteur est familier de la toponymie du lieu, dernier bastion de Daech
et, bientôt, bataille finale du conflit.
L'opération a été directement ordonnée par le Premier ministre Abadi, qui semble plus proche de Téhéran
(et d'Ankara !) depuis l'affaire du référendum kurde. Quand il y a
quelques jours, Washington par la voix de Tillerson a demandé, avec une
mauvaise foi invraisemblable, à ce que les milices chiites et leurs
conseillers iraniens quittent l'Irak maintenant que l'EI est en passe
d'être défait, la réponse cinglante de Bagdad ne s'est pas faite attendre.
De l'autre côté de la frontière, l'armée syrienne et le Hezbollah ont enfin mis la main sur le verrou du T2 à 70 kilomètres d'Al Bukamal. Désormais, la route est ouverte et il semble que des combats aient déjà lieu 30 kilomètres plus loin tandis que des renforts arrivent et que l'offensive devrait être confiée,
sur conseil russe, au légendaire commandant des Tiger Forces. Quand on
voit le chemin parcouru depuis le début de l'année (gains en jaune)...
La
situation serait donc idéale pour le 4+1 si les mercenaires YPG de
l'empire n'en remettaient une couche, brouillant quelque peu les
pistes...
Pendant que les loyalistes s'échinent à nettoyer Deir ez Zoor des dernières poches daéchiques et à avancer, difficilement, le long de l'Euphrate
sur la lancée de leur prise de Mayadin, les Kurdo-américanisés ont
soudainement poussé très au sud (3) et raflé plusieurs champs de
pétrole. En réalité, quelques tribus sunnites alliées à l'EI ont été
retournées et Daech s'est tout simplement retiré sans combattre,
laissant comme un air de suspicion. On ne serait pas surpris que
quelques valises remplies de billets verts aient changé de main...
On
le voit, la pince kurdo-américaine à l'est de l'Euphrate est désormais
plus méridionale et proche d'Al Bukamal que la pince loyaliste à l'ouest
du fleuve, même si la charge sera vraisemblablement menée à partir du
T2.
Est-ce à dire qu'après des mois de tergiversations, le système
impérial a finalement vampirisé le Donald et décidé de courir à la
frontière syro-irakienne pour réduire l'arc chiite via les Kurdes, après
s'être fait damer le pion en juin ? Malgré les récentes déclarations inhabituellement va-t'en-guerre de Tillerson sur la "fin de règne de la famille Assad" (mais le T-Rex n'est plus trop cohérent ces derniers temps), on peut en douter.
Il se pourrait même que tout cela soit en réalité le fruit d'un accord
entre Russes et Américains, les premiers retenant les forces syriennes
et le Hezbollah, récompensant ainsi avec quelques puits de pétrole les
Kurdes.
27 Octobre 2017
,
Rédigé par Observatus geopoliticus