Le roi Salmane d’Arabie Saoudite et le président russe Vladimir Poutine ont donné
le coup d’envoi d’un sommet de trois jours au Kremlin, à Moscou. C'est la
première visite officielle à Moscou du roi d’Arabie Saoudite.
Son
importance ne doit pas être sous-estimée.
Elle a tardé
à venir. Le prince héritier Mohammed Ben Salmane, a rencontré plusieurs fois
Poutine, tout comme d’autres hauts responsables saoudiens. Pour ces fidèles
satrapes des États-Unis, l’objet de ces rencontres était d’essayer d’exercer
des pressions sur les Russes, afin qu’ils réduisent leur production pétrolière
et/ou de les menacer d’une guerre des prix.
Poutine les
a plusieurs fois raccompagnés avec à peu près rien. Maintenant, sans doute dans
son dernier voyage diplomatique majeur, le roi Salmane doit négocier l’avenir
de son pays. Ces négociations sont trop importantes pour les confier à
l’impétueux et inexpérimenté prince héritier.
Comme je
l’ai déjà fait observer, les Saoudiens sont en difficulté financière. Leur
budget national table sur des prix pétroliers bien plus élevés.
Des
décennies d’extraction des richesses du sol non partagées avec la population,
ont laissé les Saoud dans une position très fragile. Ne pas avoir créé
d’infrastructure économique viable avec de la main-d’œuvre instruite et
dynamique, les a forcés ces dernières années à tout bonnement augmenter le
financement de « prestations » pour dompter les troubles civils.
Avec le prix
du pétrole dans la plage inférieure des 60 dollars dans un avenir prévisible,
l’Arabie Saoudite est piégée par ses relations avec les États-Unis et le
pétrodollar.
C’est
pourquoi le roi Salmane est en visite à Moscou, mais pas pour menacer, ni pour
extorquer. Il va faire des courbettes devant Poutine. Il se rend compte de
l’échec de la manœuvre dirigée par les États-Unis en Syrie, qui visait à
concurrencer Gazprom sur le marché gazier européen.
Son prince
héritier a embringué le pays dans d’intenables bourbiers diplomatiques et
militaires. Et Salmane doit à présent essayer de trancher le nœud gordien dans
lequel s’est lui-même fourré le gouvernement de sa famille.
« Pétrodollar
ruiné ? »
Les
Saoudiens ne peuvent pas se tirer de ce pétrin sans créer des liens plus forts
avec la Russie. Leur taux de change par rapport au dollar US, pierre angulaire
du système mondial du pétrodollar, qui fixe le prix du pétrole en dollars et
recycle les excédents commerciaux en dollars, ravage leurs finances.
L’Arabie
Saoudite pourrait équilibrer son budget avec des prix pétroliers plus bas si
elle faisait ce qu’a fait la Russie à la fin de 2014 : permettre au riyal
de flotter librement sur le marché. Cette mesure a permis à Poutine et à la
Russie de faire face à la tempête financière et de se permettre d’intervenir en
Syrie.
Dans le
processus, la Russie et la Chine ont commencé à ériger l’infrastructure
financière et régulatrice nécessaires pour évincer le dollar US du commerce
pétrolier, et briser ainsi le monopole et affaiblir financièrement les
États-Unis.
Mais, les
Saoudiens ne peuvent pas se désengager. Cela fait partie de leur accord
implicite avec les États-Unis : être leur avant-garde au Moyen-Orient.
Mais le raté de la guerre visant à évincer Assad en Syrie, a révélé que les
États-Unis ne peuvent pas projeter leur puissance au-delà de ce dont ils sont
capables.
La Syrie
deviendra le Waterloo de l’État profond des États-Unis ; l’apogée de la
capacité des États-Unis à projeter leur puissance à l’étranger. La
spectaculaire allocution de Poutine, le 28 septembre 2015 à l’ONU, et
l’intervention militaire qui a suivi, ont été les moments décisifs du
retournement de la situation.
À cause de
l’effondrement dramatique de la campagne étasunienne qui se profile aussi
là-bas, l’Afghanistan sera considéré pareillement dans l’Histoire [un
Waterloo]. Mais, la Syrie est le moment où il s’est avéré que les États-Unis
sont sur-sollicités.
L’ascendant
de la Russie
Même
Bloomberg a finalement admis que la Russie s’impose en maître du Moyen-Orient :
…Israéliens
et Turcs, Égyptiens et Jordaniens, tous se ruent vers le Kremlin dans l’espoir
que Vladimir Poutine, le nouveau maître du Moyen-Orient, puisse garantir leurs
intérêts et résoudre leurs problèmes.
Et les
Saoudiens savent cela. C’est pourquoi le roi Salmane se rend à Moscou pour
rétablir ce que son prince héritier a brisé en surestimant l’engagement des
États-Unis envers l’Arabie Saoudite, au détriment du reste du monde arabe.
Le moment de
cette réunion est providentiel, avec le Président Trump et le gros de son gouvernement
focalisés sur les crises intérieures à la suite du trio d’ouragans majeurs et
du pire massacre de masse dans l’histoire du pays depuis celui de Wounded
Knee.
Poutine exigera
du roi un lourd tribut. N’attendez-vous à rien de moins que la levée du blocus
financier contre le Qatar et la fin de la guerre au Yémen, qui épuise aussi
bien le trésor saoudien que la patience des États-Unis.
Mais, contre
tout cela, Poutine permettra au roi Salmane de sauver la face. La diplomatie
russe comprend cet impératif. Cela ne sauvera pas les Saoudiens, ils ont encore
beaucoup de travail, mais ne pas être adversaire de la Russie est une première
étape cruciale.
Halsey News, Tom
Luongo
Original : www.halseynews.com/2017/10/06/saudi-arabias-salman-putin-summit/
Traduction Petrus Lombard
Traduction Petrus Lombard
Le Kremlin n’a pas répondu aux attentes de Riyad
Le roi saoudien, cherchant à convaincre la Russie de prendre distance avec l’Iran, a signé des contrats se chiffrant à 3 milliards de dollars avec Moscou.
Le roi saoudien, cherchant à convaincre la Russie de prendre distance avec l’Iran, a signé des contrats se chiffrant à 3 milliards de dollars avec Moscou.
Reza Seradj,
l’activiste médiatique, écrit sur son compte télégramme :
« La
rencontre entre le roi Salman et Vladimir Poutine, ayant eu lieu dans l’une des
salles dorées du Kremlin et aboutissant à des contrats de 3 milliards de
dollars, a laissé le roi saoudien sur sa faim. Auparavant, les hautes autorités
saoudiennes, en dépensant une somme colossale de 1,2 milliards de dollars avec
les USA, étaient parvenues à avoir le soutien de Donald Trump. Menant la même
stratégie avec le Kremlin, elles s’attendaient à ce que le chiffre colossal de
3 milliards de dollars puisse convaincre le dirigeant du Kremlin de geler ses
relations avec l’Iran. Pour se faire, les Al-Saoud sont même allés jusqu’à
renoncer à leur politique malveillante envers Bachar al-Assad. Mais la
tactique a foncé dans le mur et face à la réussite de la diplomatie iranienne
dans la région, la dynastie saoudienne s’est montrée incapable de couper
l’herbe sous le pied de l’Iran ».
Y faisant
allusion, le journal américain Huffington post écrit : « Salman
n’est pas arrivé à convaincre Poutine de s’éloigner de l’Iran ». Son
voyage à Moscou, conjoint avec celui du président turc, Erdogan, à Téhéran, n’a
donc pas influencé l’alliance établie entre la Russie, l’Iran et la Turquie.