dimanche 8 octobre 2017

Survie de l’Arabie Saoudite & sommet de Moscou



Le roi Salmane d’Arabie Saoudite et le président russe Vladimir Poutine ont donné le coup d’envoi d’un sommet de trois jours au Kremlin, à Moscou. C'est  la première visite officielle à Moscou du roi d’Arabie Saoudite.

Son importance ne doit pas être sous-estimée.

Elle a tardé à venir. Le prince héritier Mohammed Ben Salmane, a rencontré plusieurs fois Poutine, tout comme d’autres hauts responsables saoudiens. Pour ces fidèles satrapes des États-Unis, l’objet de ces rencontres était d’essayer d’exercer des pressions sur les Russes, afin qu’ils réduisent leur production pétrolière et/ou de les menacer d’une guerre des prix.
Poutine les a plusieurs fois raccompagnés avec à peu près rien. Maintenant, sans doute dans son dernier voyage diplomatique majeur, le roi Salmane doit négocier l’avenir de son pays. Ces négociations sont trop importantes pour les confier à l’impétueux et inexpérimenté prince héritier.
Le Kremlin n’a pas répondu aux attentes de RiyadComme je l’ai déjà fait observer, les Saoudiens sont en difficulté financière. Leur budget national table sur des prix pétroliers bien plus élevés.
Des décennies d’extraction des richesses du sol non partagées avec la population, ont laissé les Saoud dans une position très fragile. Ne pas avoir créé d’infrastructure économique viable avec de la main-d’œuvre instruite et dynamique, les a forcés ces dernières années à tout bonnement augmenter le financement de « prestations » pour dompter les troubles civils.
Avec le prix du pétrole dans la plage inférieure des 60 dollars dans un avenir prévisible, l’Arabie Saoudite est piégée par ses relations avec les États-Unis et le pétrodollar.
C’est pourquoi le roi Salmane est en visite à Moscou, mais pas pour menacer, ni pour extorquer. Il va faire des courbettes devant Poutine. Il se rend compte de l’échec de la manœuvre dirigée par les États-Unis en Syrie, qui visait à concurrencer Gazprom sur le marché gazier européen.
Son prince héritier a embringué le pays dans d’intenables bourbiers diplomatiques et militaires. Et Salmane doit à présent essayer de trancher le nœud gordien dans lequel s’est lui-même fourré le gouvernement de sa famille.
« Pétrodollar ruiné ? »
Les Saoudiens ne peuvent pas se tirer de ce pétrin sans créer des liens plus forts avec la Russie. Leur taux de change par rapport au dollar US, pierre angulaire du système mondial du pétrodollar, qui fixe le prix du pétrole en dollars et recycle les excédents commerciaux en dollars, ravage leurs finances.
L’Arabie Saoudite pourrait équilibrer son budget avec des prix pétroliers plus bas si elle faisait ce qu’a fait la Russie à la fin de 2014 : permettre au riyal de flotter librement sur le marché. Cette mesure a permis à Poutine et à la Russie de faire face à la tempête financière et de se permettre d’intervenir en Syrie.
Dans le processus, la Russie et la Chine ont commencé à ériger l’infrastructure financière et régulatrice nécessaires pour évincer le dollar US du commerce pétrolier, et briser ainsi le monopole et affaiblir financièrement les États-Unis.
Mais, les Saoudiens ne peuvent pas se désengager. Cela fait partie de leur accord implicite avec les États-Unis : être leur avant-garde au Moyen-Orient. Mais le raté de la guerre visant à évincer Assad en Syrie, a révélé que les États-Unis ne peuvent pas projeter leur puissance au-delà de ce dont ils sont capables.
La Syrie deviendra le Waterloo de l’État profond des États-Unis ; l’apogée de la capacité des États-Unis à projeter leur puissance à l’étranger. La spectaculaire allocution de Poutine, le 28 septembre 2015 à l’ONU, et l’intervention militaire qui a suivi, ont été les moments décisifs du retournement de la situation.
À cause de l’effondrement dramatique de la campagne étasunienne qui se profile aussi là-bas, l’Afghanistan sera considéré pareillement dans l’Histoire [un Waterloo]. Mais, la Syrie est le moment où il s’est avéré que les États-Unis sont sur-sollicités.
L’ascendant de la Russie
Même Bloomberg a finalement admis que la Russie s’impose en maître du Moyen-Orient :
…Israéliens et Turcs, Égyptiens et Jordaniens, tous se ruent vers le Kremlin dans l’espoir que Vladimir Poutine, le nouveau maître du Moyen-Orient, puisse garantir leurs intérêts et résoudre leurs problèmes.
Et les Saoudiens savent cela. C’est pourquoi le roi Salmane se rend à Moscou pour rétablir ce que son prince héritier a brisé en surestimant l’engagement des États-Unis envers l’Arabie Saoudite, au détriment du reste du monde arabe.
Le moment de cette réunion est providentiel, avec le Président Trump et le gros de son gouvernement focalisés sur les crises intérieures à la suite du trio d’ouragans majeurs et du pire massacre de masse dans l’histoire du pays depuis celui de Wounded Knee.
Poutine exigera du roi un lourd tribut. N’attendez-vous à rien de moins que la levée du blocus financier contre le Qatar et la fin de la guerre au Yémen, qui épuise aussi bien le trésor saoudien que la patience des États-Unis.
Mais, contre tout cela, Poutine permettra au roi Salmane de sauver la face. La diplomatie russe comprend cet impératif. Cela ne sauvera pas les Saoudiens, ils ont encore beaucoup de travail, mais ne pas être adversaire de la Russie est une première étape cruciale.
Halsey News, Tom Luongo
Original : www.halseynews.com/2017/10/06/saudi-arabias-salman-putin-summit/
Traduction
Petrus Lombard


Le Kremlin n’a pas répondu aux attentes de Riyad
Le roi saoudien, cherchant à convaincre la Russie de prendre distance avec l’Iran, a signé des contrats se chiffrant à 3 milliards de dollars avec Moscou.
Reza Seradj, l’activiste médiatique, écrit sur son compte télégramme :
« La rencontre entre le roi Salman et Vladimir Poutine, ayant eu lieu dans l’une des salles dorées du Kremlin et aboutissant à des contrats de 3 milliards de dollars, a laissé le roi saoudien sur sa faim. Auparavant, les hautes autorités saoudiennes, en dépensant une somme colossale de 1,2 milliards de dollars avec les USA, étaient parvenues à avoir le soutien de Donald Trump. Menant la même stratégie avec le Kremlin, elles s’attendaient à ce que le chiffre colossal de 3 milliards de dollars puisse convaincre le dirigeant du Kremlin de geler ses relations avec l’Iran. Pour se faire, les Al-Saoud sont même allés jusqu’à renoncer à leur politique malveillante envers Bachar al-Assad. Mais la tactique a foncé dans le mur et face à la réussite de la diplomatie iranienne dans la région, la dynastie saoudienne s’est montrée incapable de couper l’herbe sous le pied de l’Iran».
Y faisant allusion, le journal américain Huffington post écrit : « Salman n’est pas arrivé à convaincre Poutine de s’éloigner de l’Iran ». Son voyage à Moscou, conjoint avec celui du président turc, Erdogan, à Téhéran, n’a donc pas influencé l’alliance établie entre la Russie, l’Iran et la Turquie.