Dans les
articles précédents, les moyens militaires et économiques par lesquels les États-Unis visaient
initialement l’hégémonie mondiale ont été analysés, en détaillant comment ils
sont devenus la superpuissance (déclinante) qu’elle est aujourd’hui.
Dans les
deux analyses, j’ai souligné pourquoi la menace de la puissance militaire
américaine n’est plus crédible et comment les sanctions et le comportement
brutal des géants multinationaux et des organismes internationaux (FMI,
Banque mondiale, BRI, etc.) ont cessé d’être efficaces.
Cela a mis
les États-Unis de plus en plus hors sujet, laissant dans le processus un vide à
combler par les puissances émergentes comme la Chine et la Russie, qui
introduisent effectivement un nouvel ordre mondial basé sur la multipolarité.
Dans cette troisième et dernière partie de la série, je vais analyser les
événements spécifiques qui montrent comment la combinaison militaire,
économique et diplomatique entre l’Iran, la Russie et la Chine ont forgé, par
des moyens connus et moins connus, un ordre mondial alternatif à l’Amérique
unipolaire.
La Russie,
la Chine et l’Iran ont profité ces dernières années de la puissance militaire
et économique déclinante des États-Unis, poussés par une méfiance générale
envers les capacités diplomatiques et politiques de Washington, à la fois avec
Obama et maintenant avec Trump. Les deux articles précédents montraient que
Moscou, Pékin et Téhéran, même s’ils faisaient face à des situations
différentes, partageaient des intérêts similaires et coordonnaient leurs
stratégies militaire, économique et diplomatique.
Le succès du
triptyque euro-asiatique repose sur le principe essentiel de la transformation
des ennemis en acteurs neutres, des acteurs neutres en alliés et de
l’amélioration des relations avec les anciennes nations alliées. Pour que ce
projet puisse se réaliser, les efforts économiques, militaires et diplomatiques
sont déployés selon le pays et le contexte régional. La flexibilité dont Moscou
et Pékin ont fait preuve dans les négociations a donné lieu à des accords
historiques, non seulement dans le secteur de l’énergie, mais aussi dans le
domaine militaire, ainsi que dans l’éducation et la réduction de la pauvreté.
L’Arabie
saoudite, la Turquie et la Syrie sont trois pays qui, analysés individuellement,
révèlent cette stratégie précise de la Russie, de la Chine et de l’Iran. Une
attention particulière est concentrée sur le Moyen-Orient pour plusieurs
raisons. C’est la région où la puissance militaire déclinante de l’Amérique,
incapable d’atteindre ses objectifs géopolitiques en Syrie, révèle la
perte progressive de l’influence économique de Washington, accentuée par la
position de plus en plus précaire du pétrodollar, qui est sur le point d’être
défié par les échanges en pétroyuan entre la Chine et l’Arabie
saoudite.
Des ennemis aux neutres
La défaite
militaire des ennemis de la Syrie est, pour l’essentiel, due à l’Armée arabe
syrienne (AAS), à l’Iran (plus le Hezbollah) et à la coopération militaire de
la Russie, ainsi qu’au soutien diplomatique et économique de Pékin.
Grâce à la
stratégie adoptée par Poutine en Syrie, la Russie a pu stopper le projet engagé
par les États-Unis, l’Arabie saoudite, la Turquie, le Qatar, la France, le
Royaume-Uni, la Jordanie et Israël pour démanteler la Syrie.
La Fédération de
Russie est entrée progressivement dans le conflit syrien, et les résultats
militaires ont immédiatement favorisé l’axe de la résistance, l’armée
américaine étant incapable d’intervenir directement pour changer le cours des
événements.
Les conséquences
de ce choix ont conduit les alliés historiques de la région à douter de
l’engagement réel de Washington et de la capacité militaire américaine à
intervenir dans un conflit au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA) et à
changer le cours du conflit en faveur de Riyad, de Doha, d’Ankara ou de Tel-Aviv. La nouvelle administration Trump s’est montrée incapable de répondre aux
attentes des plans hégémoniques régionaux saoudiens, même si le Royaume a
accepté d’acheter jusqu’à 110 milliards de dollars d’armes américaines et s’est
engagé à investir davantage aux États-Unis.
Riyad est
dans une position encore plus difficile qu’on ne le pense habituellement. Il
doit supporter seul le poids du pétrodollar, qui est de plus en plus instable
grâce à la volonté chinoise d’imposer le paiement en yuans et non en
dollars. De plus, Riyad voit peu de bénéfices tangibles dans le soutien
militaire des États-Unis à ses politiques anti-iraniennes agressives, même si
Trump a affiché des idées différentes de celles d’Obama concernant l’accord sur
l’Iran. L’Arabie saoudite a un intérêt commun avec Israël dans la région et
tous deux manifestent une colère partagée devant l’efficacité
décroissante de Washington dans la région.
Du point de
vue saoudien, tout s’est dégradé en une période relativement courte. La défaite
en Syrie a coïncidé avec l’accord sur le nucléaire (Plan d’action global commun
– JCPOA) entre l’Iran et les pays du 5 + 1. Dans ces deux scénarios,
Riyad ressent la profonde trahison par son ancien allié nord-américain. La
pression économique chinoise sur Riyad pour qu’il accepte les paiements en
yuans pour son pétrole, jointe à la capacité croissante de
Moscou d’intervenir efficacement dans la région et au rôle
diplomatique et politique renouvelé de l’Iran grâce à l’accord JCPOA, ont
engagé Riyad sur une voie menant certainement à la destruction. La seule
solution est un changement stratégique qui pourrait affecter la région de
manière significative.
La visite du
roi saoudien Salman à Moscou pour signer des accords commerciaux (un fonds
d’investissement de plus de 1 milliard de dollars a été créé) était d’une
importance symbolique. Les actions du roi, menées en personne, reflétaient la
reconnaissance du nouveau rôle dominant de la Russie au Moyen-Orient à la suite
des intentions américaines d’abandonner leur influence dans la région. La
nécessité pour le roi saoudien de paraître personnellement à Moscou concerne
également directement la succession au trône, avec Mohammed bin Salman pour
hériter des clés du royaume, malgré les désastres au Yémen et la crise du
Conseil de coopération du Golfe (CCG) provoquée par le choc avec le Qatar. Dans
une situation d’extrême faiblesse, notamment avec des prix du pétrole
très bas, la monarchie saoudienne n’a plus que quelques cartes à jouer et
doit engager un dialogue avec Moscou et éventuellement entamer une coopération
dans divers domaines liés à l’énergie et à l’investissement. Initialement,
l’excuse principale pour la rencontre de Moscou entre Poutine et le roi
saoudien était de coordonner la production et la vente de pétrole et de gaz,
une nécessité pour les deux pays étant donné la chute des prix du pétrole au
cours des 24 derniers mois. Le premier objectif atteint par Poutine et le roi
saoudien semble être une envolée du prix du pétrole à un niveau
acceptable, suite à l’échec de la stratégie de Washington et de Riyad visant à
ruiner Moscou en faisant chuter les prix.
En outre, la
réunion entre Poutine et le roi saoudien s’est concentrée sur l’acceptation de
la défaite de Riyad en Syrie, reconnaissant Assad comme le seul dirigeant
légitime de la République arabe syrienne.
Beaucoup de
choses se développent en coulisses, ce qui est évident avec la reconnaissance
par Riyad d’une solution politique comme seul moyen de mettre fin au conflit,
mais cela n’est jamais mentionné par les représentants officiels
saoudiens. Il sera très difficile pour ces derniers d’abandonner le
projet de changement de régime, même si la pression politique, diplomatique,
militaire et économique de la Chine et de la Russie augmentent. Une foi commune
habite Riyad et Tel-Aviv, comme le montrent les deux tentatives répétées de
persuader Poutine d’abandonner son amitié avec l’Iran et Assad, mais sans
succès. La fidélité manifestée par Moscou à Téhéran et à Damas a également eu
un effet positif sur les Saoudiens, qui doivent reconnaître que si Poutine peut
avoir des points de vue différents sur certaines questions, il est un homme de
parole. Contrairement aux États-Unis, où les nouvelles administrations peuvent
parfois jeter leurs amis sous les roues de l’autobus, Poutine maintient
ses promesses, même sous une pression extrême. En ce sens, la décision de Trump
de dé-certifier l’accord avec l’Iran est une démonstration de bonne volonté de
la nouvelle administration Trump envers Israël et l’Arabie saoudite.
Cette
dernière se retrouve avec des réserves monétaires très faibles en raison
de la baisse du prix du pétrole et de son implication dans plusieurs guerres.
Il faut ajouter à cela une défaite militaire en Syrie et une débâcle encore
plus grande au Yémen. Pour couronner le tout, les États-Unis, leur allié
le plus précieux, se désintéressent de plus en plus du sort de la monarchie et
du royaume saoudiens, grâce à l’indépendance énergétique croissante résultant
de la fracturation hydraulique. Ajoutons à cela le Conseil de coopération du
Golfe (CCG), qui s’est divisé à la suite de la guerre économique contre le
Qatar, montrant un autre exemple de Washington ne soutenant pas Riyad dans
toute la mesure où la monarchie en Arabie saoudite l’espérait. Le raisonnement
pour Riyad est aussi simple que possible. Si Washington n’est pas en mesure de
soutenir militairement l’Arabie saoudite, mais que Riyad doit supporter le
fardeau économique, alors le royaume est dans une situation extrêmement
difficile et a besoin d’alternatives comme la Russie et la Chine. Il est
impensable pour l’Arabie saoudite de continuer à soutenir l’hégémonie des
pétrodollars alors que l’Iran devient un leader régional au Moyen-Orient.
Le meilleur
moyen est de négocier avec les principaux acteurs, et la Russie apparaît comme
le médiateur parfait, comme annoncé récemment. La Chine attend que tous ces
différends soient réglés pour mettre à profit son pouvoir économique et
reléguer définitivement dans le passé les quarante dernières années de chaos
dans la région issues de la rivalité saoudo-iranienne.
Pour Riyad,
même si la tentative de séparer la Russie et l’Iran échouait,
cela créerait néanmoins des relations qui enverraient un signal clair à
l’Occident. L’achat de systèmes anti-missiles S-400 est une démonstration
éclatante de l’influence russe croissante au Moyen-Orient, et Riyad a
peut-être une crainte compréhensible de représailles américaines dans le cas où
elle commencerait à changer ses habitudes en vendant son pétrole en yuan
plutôt qu’en dollars.
Moscou a
réalisé un miracle diplomatique avec l’Arabie saoudite, grâce aux efforts
militaires en Syrie, à la pression économique chinoise par l’émission de
petroyuans et au succès diplomatique iranien, notamment grâce à l’accord sur
l’énergie nucléaire qui a permis de réhabiliter Téhéran sur la scène politique
internationale.
L’achat de
systèmes d’armes russes avancés envoie un signal clair et indique que le
royaume saoudien est prêt à assumer une position plus neutre en frappant à
la porte du monde multipolaire, en reconnaissant le pouvoir
économique chinois et la prédominance militaro-technologique de la Fédération
de Russie.
Des neutres aux amis
En se
transformant en un pays plus neutre, Riyad pourrait tenter d’équilibrer
l’influence économique et militaire américaine par le soutien de la Russie et
de la Chine. L’importance pour la Russie et la Chine d’avoir un pays neutre
doté d’une grande capacité financière dans la région devrait également être
notée.
Dans le cas de la Turquie, l’intervention de la Russie en Syrie,
associée aux aspirations turques à devenir un centre énergétique
euro-asiatique, a progressivement rapproché Moscou et Ankara. Grâce à un
travail diplomatique efficace après la destruction d’un avion russe par la
Turquie, les relations se sont progressivement améliorées, parallèlement au
succès opérationnel de l’armée syrienne et de l’armée de l’air russe contre les
terroristes soutenus par la Turquie. La défaite militaire de la Turquie était
déjà claire il y a douze mois. Au cours des trois ou quatre derniers mois,
Erdogan semble avoir changé de priorités, se concentrant sur la question kurde
et sur les relations croissantes avec le Qatar (le mouvement politique des
Frères musulmans est essentiel dans les deux pays et dans leurs
relations). Entre-temps, la Turquie se distancie de ses alliés de l’OTAN,
gravitant de plus en plus dans l’orbite de « l’axe de résistance »
que sont l’Iran, l’Irak et la Syrie.
Les
pourparlers de paix syriens à Astana ont jeté les bases diplomatiques
des efforts de Téhéran et Moscou pour persuader Ankara d’abandonner
l’option militaire (même si cela était déjà prévisible une fois que la Russie
avait décidé d’intervenir). Au lieu de cela, Ankara serait encouragé à
s’engager dans d’importants accords énergétiques avec Moscou. Il semble
qu’Ankara ait maintenant décidé de devenir un centre énergétique, transportant
du gaz, par le Turkish Stream, de la Russie vers l’Europe ainsi que du
gaz du Qatar et de l’Iran. Il semble même que la Chine ait l’intention de se
connecter aux installations turques pour l’approvisionnement en gaz et en
pétrole, renforçant ainsi le rôle central d’Ankara comme plate-forme de transit
énergétique pour la région.
L’autre
aspect qui a fermement convaincu Erdogan de céder aux inquiétudes syriennes est
la question kurde. Les Forces démocratiques syriennes (FDS), composées
principalement de combattants kurdes, opèrent en Syrie sous le commandement et
au nom de la coalition internationale dirigée par les États-Unis. Ankara a
qualifié les Kurdes du SDF d’extension armée du Parti des travailleurs du
Kurdistan (PKK), ce dernier est considéré comme un groupe terroriste en
Turquie. Cette divergence entre Washington et Ankara n’a cessé de croître, même
pendant l’administration Trump, contrairement aux prévisions faites durant la
période électorale américaine.
Avec
l’utilisation progressive du SDF en Syrie, par la coalition internationale
dirigée par les États-Unis, les stratégies de Trump et Erdogan ont fini par se
télescoper. Trump a besoin de donner à son public domestique l’impression que
les États-Unis sont dévoués à la lutte contre l’État islamique, même si cela
signifie qu’il faut compter sur les soldats kurdes, rompant ainsi les relations
avec la Turquie. Erdogan considère cela comme une question de sécurité
nationale. La situation a dégénéré au point où, il y a quelques jours, un
différend diplomatique a conduit à la suspension de la délivrance de visas par
les ambassades respectives à Ankara et à Washington. Erdogan considère l’aide
américaine aux Kurdes comme une trahison de la pire espèce de la part d’un
allié de l’OTAN. Une réaction naturelle contre ces actions des États-Unis
a donc été l’accord entre l’Irak, l’Iran, la Syrie et la Turquie pour préserver
l’intégrité territoriale face à la question kurde.
La
bénédiction des Chinois et des Russes est évidente dans cette situation. Afin
de pacifier la région, la reconstruire et l’intégrer dans le projet One Belt
One Road (la route de la soie maritime et le corridor de transport
Nord-Sud) les guerres doivent cesser et la diplomatie doit prévaloir. Pour
Ankara, c’est une occasion unique de sortir de la guerre en Syrie sans
apparaître comme l’une des factions vaincues (d’où la participation turque aux
pourparlers d’Astana avec la Russie et l’Iran). Dans le même temps, la Turquie
souligne l’importance de sa position géographique en tant que centre de
distribution d’énergie sur le supercontinent eurasien. Tout cela se fait au
détriment des États-Unis, la Turquie se libérant de la pression de Washington.
Moscou a
déjà levé toutes les sanctions contre la Turquie, et vice versa, augmentant
considérablement le commerce avec des perspectives de croissance considérables
dans les années à venir. En ce qui concerne les ventes d’armes à l’Arabie
saoudite, l’influence russe est en pleine expansion, grâce aux systèmes S-400
en cours de vente à Ankara au milieu des protestations véhémentes de
nombreux pays de l’OTAN. Le système S-400 est un effort supplémentaire pour
décourager l’agression américaine, mais c’est aussi la première indication de
la volonté de diversification d’Ankara, cette fois militairement, constituant
un pilier du nouvel ordre mondial multipolaire.
Ankara,
après de nombreux échecs diplomatiques et militaires, a rétabli son rôle dans
la région aux côtés de l’Iran et du Qatar, dans un contexte où son partenariat
avec Moscou et Pékin va garantir à Erdogan une marge de manœuvre pour se
désengager progressivement du système de l’OTAN qui a causé tant de problèmes
au pays. Une entrée future dans l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS)
pourrait sceller le passage d’Ankara dans le monde multipolaire, devenant ainsi
un allié à part entière de Moscou et de Pékin. En attendant, il est déjà
possible de dire que Moscou et ses alliés ont réussi dans leur tâche improbable
de transformer une nation, la Turquie, qui était sur le point de s’impliquer
directement dans l’effort pour abattre Assad, en l’un des plus importants
garants de l’intégrité territoriale de la Syrie. Erdogan a accepté qu’Assad
reste au pouvoir dans un avenir proche, et a même accepté d’aider à combattre
les terroristes en Syrie, comme en témoignent les récentes opérations
militaires turques à Idlib.
La
profondeur de la sincérité de ces nouvelles amitiés entre Moscou, Riyad et
Ankara demande encore à être testée. Erdogan et les monarques saoudiens sont
réputés pour ne pas tenir leur parole. Dans son état actuel, cela semble
être un chef-d’œuvre économique, politique et militaire de la triade iranienne,
russe et chinoise. La guerre en Syrie est presque gagnée, les groupes
terroristes soutenus par les Saoudiens et les Turcs ont été neutralisés, et les
conditions d’une intégration économique et militaire eurasienne complète de
Riyad et Ankara ont été établies.
Soutenir les amis dans le besoin
En fin de
compte, il convient de souligner la contribution de la Russie, de la Chine et
de l’Iran au gouvernement et au peuple syriens. Au cours des six années
d’agression contre la République arabe syrienne, l’Iran n’a jamais manqué de
contribuer en termes de main-d’œuvre, d’équipement et de soutien logistique
dans la lutte contre le terrorisme. Moscou, au début du conflit, avant même
d’intervenir directement, a pris des mesures pour régler la dette extérieure
syrienne envers la Russie et a prêté de l’argent en fournissant des armes, de
l’énergie et de la logistique pour contribuer activement à la défaite des
terroristes.
La
République populaire de Chine a déjà ouvert la voie à l’avenir de la Syrie sur
le plan économique, déclarant que le pays est une route de transit importante
et une destination finale d’une partie de la Route de la soie. Le pouvoir
économique chinois permettra à Damas de reconstruire une nation dévastée par
six années de terrorisme et d’agression étrangère. Avec les capacités
militaires russes, Damas disposera de tous les moyens nécessaires pour mettre
fin au conflit et stabiliser le pays, se donnant ainsi les moyens d’empêcher
toute future agression occidentale. D’un point de vue politique et
diplomatique, les actions conjointes de Téhéran, Pékin et Moscou, avec Damas,
font partie intégrante de l’axe qui s’étend de l’Iran à l’Irak et à la Syrie et
arrive en Méditerranée, voire en Turquie. Avec la combinaison d’éléments
économiques, militaires et politiques, la Syrie a survécu à une agression
presque sans précédent, émergeant comme victorieuse, assurant ainsi sa capacité
à déterminer son avenir de manière autonome sans intervention externe
hostile.
Conclusions générales
La voie
tracée par Moscou, Pékin et Téhéran devrait stabiliser le Moyen-Orient, grâce à
la résolution du conflit syrien. Certains éléments clés de ce changement
global, dont nous sommes témoins, sont : la pression économique chinoise
sur les Saoudiens pour qu’ils acceptent le paiement du pétrole en yuan,
l’éradication du terrorisme en Irak et dans les pays voisins, le contournement
des sanctions imposées à l’Iran par les États-Unis et leurs alliés, la mutation
de la Turquie en plate-forme régionale de distribution d’énergie
La Chine
intervient économiquement dans un certain nombre de régions, en particulier au
Moyen-Orient, pour soutenir la puissance militaire russe par l’argent, la
diplomatie, l’investissement économique (Route de la soie) et en fournissant
des liquidités aux alliés, comme on l’a vu avec la Russie quand elle a été
frappée par des sanctions occidentales. Pour Pékin, le déclin du terrorisme est
un facteur clé pour favoriser le développement de l’infrastructure de la Route
de la soie en Chine, permettant à la Chine d’investir dans des zones détruites
au Moyen-Orient pour faciliter les plans de reconstruction. À l’heure actuelle,
la Syrie, l’Égypte, la Libye et le Pakistan semblent avoir une grande
importance pour les stratégies futures de la Chine.
La Russie et
la Chine dirigent des organisations telles que les BRICS, l’UEE, l’OCS et
l’AIIB. La grande stratégie consiste à soutenir la création d’une alternative à
l’ordre mondial néolibéral fondé sur le dollar américain et à contenir les
effets du déclin de l’empire américain. Les nations auront de plus en plus à
choisir entre deux systèmes : l’ordre mondial multipolaire, basé sur
l’amitié et la coopération gagnant-gagnant, ou l’ordre unipolaire, basé sur la
puissance militaire et économique déclinante de l’Amérique.
Le robuste soutien
économique chinois, ainsi que la puissance militaire russe et l’importance de
l’Iran au Moyen-Orient, protègent avec succès des pays comme la Syrie des
interventions militaires américaines, creusant un fossé entre de vieux alliés
américains et ouvrant la voie à l’isolement économique et militaire inéluctable
de Washington dans la région. Ainsi, des pays confrontés à la même pression
américaine, comme la Corée du Sud, le Mexique et le Venezuela, vont de plus en
plus se tourner vers le monde multipolaire dirigé par la Russie et la
Chine, accélérant le déclin et l’influence des États-Unis au-delà du
Moyen-Orient.
L’ordre
mondial multipolaire est là pour rester. Les États-Unis ne sont plus la seule
superpuissance, mais plutôt l’une des deux autres puissances nucléaires.
Au plus tôt les États-Unis s’en rendront compte, mieux ce sera pour
l’humanité et pour la paix dans le monde.
Par Federico
Pieraccini – Le 18 octobre 2017 – Source Strategic Culture
Traduit par
jj, relu par Catherine pour le Saker Francophone