Dans le grand jeu planétaire entre
la thalassocratie déclinante et la multipolarité eurasienne ascendante, notre
bonne vieille Europe est nulle part, tiraillée entre son allégeance servile à
l'empire US et ses intérêts qui la poussent naturellement à l'ouverture vers
les adversaires d'icelui. Washington avait bien compris la chose, qui depuis la
Seconde Guerre finance et soutient la construction européenne afin d'avoir une structure technocratique à sa main sur
le Vieux continent.
Poutine a beau jeu de moquer l'UE : « Croyez-vous qu'un des pays
européens veuille voir des missiles balistiques à moyenne portée
américains déployés en Europe ? Aucun d'eux n'en veut, mais ils préfèrent se
taire. Où est leur souveraineté ? » Et d'en remettre une couche
en comparant Bruxelles au
Politburo de l'URSS ! Ce faisant, il rejoint, piquante coïncidence, les
pays d'Europe orientale dans leur analyse. Voir la Pologne, championne pourtant
incontestée de la russophobie primaire, dire la même chose que le Kremlin sur
l'UE en dit long sur la recomposition parfois complexe à laquelle nous
assistons. Nous avons déjà abordé ces bizarreries à plusieurs reprises :
L'UE et ce qu'elle véhicule commence
à sortir par les yeux et les oreilles d'à peu près tout le monde y compris,
nouveau paradoxe, chez ceux qui en rêvaient il y a encore dix ans et devaient
en être les principaux bénéficiaires : les pays d'Europe orientale. Que le
Visegrad Post - du nom du
groupe formé après la chute du Mur par la Pologne, la Hongrie, la
République tchèque et la Slovaquie en vue d'accélérer le processus
d'intégration européenne - en vienne à parler de "soviétisation de Bruxelles" en dit
long sur le désamour et l'amère déception ressentis à Varsovie, Prague ou
Budapest.
Nous évoquions déjà la chose l'année dernière :
L'Europe américaine sera-t-elle mise
à mort par ceux-là même qui étaient censés la régénérer ? L'on peut
sérieusement se poser la question quand on voit le divorce grandissant entre
l'UE et les pays d'Europe centrale et orientale, fers de lance de la
"Nouvelle Europe" si chère aux néo-cons [1].
Le pied droit de Washington donne des coups au pied gauche et c'est tout le
système vassalique européen qui risque de tomber. On comprend qu'Obama préfère
penser à autre chose en jouant au golf...
Rappelons d'abord que la construction européenne fut,
dès le départ, un
projet américain. Des archives déclassifiées montrent que les
soi-disant "pères de l'Europe" - Schuman, Spaak ou le bien-nommé Monet - travaillaient en
réalité pour les États-Unis. Pour Washington, il était en effet plus
aisé de mettre la main sur le Vieux continent par le biais d'une structure
globale noyautée de l'intérieur que de négocier pays par pays avec des
dirigeants indépendants.
La chute du Mur et l'intégration à
l'UE des anciennes démocraties populaires n'étaient que le cache-sexe de
l'avancée de l'OTAN vers la Russie. Mieux encore, ces pays nouvellement libérés
de la tutelle soviétique et férocement anti-russes pour des raisons historiques
compréhensibles étaient susceptibles d'établir un nouveau rapport de force très
favorable aux États-Unis au sein de l'UE face à certaines poussées de fièvre
frondeuse toujours possibles de la "vieille Europe" (De Gaulle,
Chirac et Schroeder...)
Or, au moment où les institutions
européennes sont noyautées et soumises comme jamais aux désidératas US, le
château de cartes est en train de s'écrouler... Ce sont d'abord les sanctions
anti-russes qui ont créé une brèche. Si elles furent accueillies avec des
transports de joie par la Pologne et les pays Baltes, leur réception en
Hongrie, en Slovaquie et même en République tchèque fut bien plus mesurée,
c'est le moins qu'on puisse dire. Première cassure au sein de la "nouvelle
Europe".
Et maintenant, la question des
réfugiés pourrait bien sonner l'hallali. La Pologne, pays ô combien pro-US,
refuse tout à fait d'obéir aux injonctions des institutions elles aussi ô
combien pro-US de Bruxelles. Diantre, Brzezinski n'avait pas prévu ça...
Varsovie, ainsi que Budapest ou
Bratislava, rejettent
totalement ce qu'ils considèrent comme un diktat de Bruxelles et ses
menaces d'amende (250.000 euros par réfugié refusé). Les mots sont intéressants
:
- Jaroslaw Kaczynski, chef du
PiS au pouvoir : "Une telle décision abolirait la souveraineté des États
membres de l'UE. Nous refusons cela car nous sommes et serons en charge de
notre propre pays".
- Peter Szijjarto, ministre
hongrois des Affaires étrangères : "La menace d'amende de la part de la
Commission est du chantage pur et simple".
Notons en passant la naïveté
confondante de ces dirigeants qui croyaient apparemment benoîtement que
l'entrée dans l'UE allait préserver la souveraineté de leur pays...
La gueule de bois de ces pays rêvant
autrefois de l'Ouest est encore amplifiée par l'invraisemblable marasme
économique qui caractérise le Vieux continent. Dans un article au titre évocateur - L'incroyable
rétrécissement de l'Europe - le pourtant européiste Wall Street Journal
se lamente : selon la Banque mondiale, entre 2009
et 2017, la croissance a atteint 139% en Chine, 96% en Inde, 34% aux États-Unis
et... - 2% dans l'UE !! Bruxelles ou la seule zone de
décroissance de la planète. De quoi donner du grain à moudre aux z'horribles
partis "populistes" qui ne manquent pas de répéter que la zone euro
est un véritable trou noir économique, un tonneau sans fond, et que la monnaie
unique est un boulet.
Le micron élyséen s'en rend bien
compte, en proie à son propre "Maïdan" des Gilets Jaunes.
L'ironie n'aura échappé à personne... Ceux-là même qui tressaient des louanges aux cagoulés néo-nazis de Kiev prennent aujourd'hui des
airs consternés devant la révolte de la France d'en bas. Dans le rôle du clown de
service, BHL est imbattable. Celui qui tapait sur l'épaule des
nervis de Svoboda et du Pravy Sektor est soudain terrorisé devant le "fascisme nouveau"
qui verrait apparemment le jour en France. Si les cons volaient...
Ainsi va l'Europe chancelante,
flottant comme un petit bouchon ivre sur le grand océan, tout spécialement
depuis que les ordres de Washington sont brouillés suite à l'élection du
Donald. Si la tête de l'empire se déchire, imaginez le vassal...
Des bouffées d'autonomie prennent
parfois les euronouilles, comme sur le Nord Stream II. Pas de surprise pour le lecteur : la nécessité du gazoduc était tellement
évidente que les remontrances menaçantes de tonton Sam n'y ont rien fait. Comme
le dit un analyste, c'était couru d'avance.
La Conférence de Munich a vu une intéressante
passe d'armes entre le vice américain, le bien nommé Pence (centime
outre-Manche), et les euronouilles qui, pour une fois, ne manquaient pas de
sel. A la bordée de critiques américaines sur l'Iran (vous ne devez
pas saboter nos sanctions), sur le Nord Stream (vous devez
le refuser), sur le Venezuela (vous devez plus faire pour
soutenir l'autoproclamé que nous avons choisi) et sur les armes russes
(vous ne devez pas acheter les armes de nos adversaires), les Européens
ont fait le dos rond sans céder. [2]
Mogherini a rencontré le ministre iranien des
Affaires étrangères et soutenu que l'accord nucléaire devait être poursuivi.
Certes, Bruxelles se paye de mots dans cette histoire puisque les compagnies
européennes ont quitté l'Iran de peur des sanctions US, Total en tête. Micron (la fiotte) avait d'ailleurs
merveilleusement symbolisé l'asthénie européenne l'année
dernière :
Apprenant le retrait de Washington
de l’accord sur le nucléaire iranien, en mai 2018, le président français
Emmanuel Macron a bien invité l’Union européenne à « donner toutes les
garanties aux entreprises qui le souhaitent, en Iran, de pouvoir poursuivre
leurs activités ». Mais il l’a fait en trahissant aussitôt son impuissance,
puisque son propos alambiqué fixait également comme « limite » l’impératif de
ne pas résister aux décisions des États-Unis...
Plus intéressante est la réponse de
Frau Milka sur le gazoduc : « Durant la Guerre froide, nous importions de
grandes quantités de gaz russe. Je ne vois pas en quoi la situation serait pire
maintenant. La Russie demeure un partenaire. »
Certes. Et pourtant,
l'euronouillerie continue allègrement à se tirer une balle dans le pied en
succombant aux pressions impériales et en renouvelant les sanctions contre la Russie, même si cela
lui coûte des centaines de milliers d'emplois... Cela n'a
pas échappé au facétieux Lavrov qui, à cette même Conférence de Munich, a ironisé sur la servilité de ses hôtes : « Pendant que
les Européens se laissaient entraîner dans une inutile confrontation avec la
Russie, perdant des milliards à cause de sanctions imposées à eux
d'outre-Atlantique, le monde a continué à changer. » Faisant le parallèle
entre l'intégration de l'Eurasie (routes de la Soie, Organisation de
Coopération de Shanghai, Union Eurasienne) et, en creux, la
désintégration européenne, il conclut gentiment en disant que « l'UE
aurait bien besoin d'une rénovation ».
Complètement perdue dans ce
maelstrom, la presstituée européenne tente maladroitement de surnager. Ne
sachant plus très bien dans quel sens doit aller sa propagande, elle se
contente ces derniers temps de couvrir ses mensonges passés.
Quand le comité d'enquête bipartisan
du Sénat américain arrive à la conclusion qu'il n'y a pas eu de collusion entre
Trump et la Russie, la MSN états-unienne fait une tête d'enterrement mais se
voit tout de même obligée d'en parler. Ce n'est pas le cas de sa consœur
européenne qui, après deux ans de désinformation systématique, passe tout
simplement la nouvelle sous silence. Pas vu, pas pris...
Autre nouvelle escamotée, l'admission par le producteur de la BBC en charge de la
Syrie que l'attaque chimique de la Douma était une
mise en scène, une obscène mascarade. Certes, le fidèle lecteur du blog le sait depuis longtemps, mais imaginez la panique parmi la
journaloperie. On imagine la fébrilité gagner les couloirs des rédactions et le
caquètement de nos plumitifs : que fait-on ? La solution la plus simple
est souvent la meilleure : rien. Le silence des vautours soudain devenus
agneaux. [3]
Source : Observatus
Geopoliticus
Hannibal GENSÉRIC
"La Vérité libère." Montée de la conscience planétaire, et implosion de l'immonde... son corolaire.
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