mardi 14 mai 2019

La Turquie est en ligne de mire du Plan Kushner pour le Grand Israël


La ligne de démarcation entre la Turquie et les États du Golfe - avec les États-Unis et Israël dans les coulisses - est devenue assez délicate. Les pressions sur Erdogan sont en augmentation. Or, ce dernier est un bagarreur de rue, susceptible de réagir avec ses poings. à l’instar de la Turquie, l’Iran est soumis à une "attaque éclair sur son Trésor" tous azimuts.
L’Iran, comme la Turquie, est susceptible, d'une manière ou d'une autre, de se défendre contre ceux qui poussent le président Trump et ses faucons vers la confrontation . Ces deux pays savent  qui attise le feu et qui en blâmer: ce sont MbZ et son acolyte, MbS [1]. Les prochaines évolutions de cette tension qui s’aggrave auront probablement lieu en Afrique du Nord et dans la Corne de l'Afrique.
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Cette ligne de faille devrait être ajoutée aux autres lignes qui fractionnrnt déjà le Moyen-Orient.
Le langage belliqueux de Trump est souvent interprété comme une fanfaronnade calculée dans le but d’obtenir un avantage concurrentiel. Mais peut-être que le président ne voit pas que sa bellicosité est en train de devenir contagieuse à Washington DC et parmi les groupes de réflexion de cette ville. Tous les carriéristes, qui espèrent être promus ou qui occupent un poste au sein de l’exécutif, veulent désormais singer la rhétorique intransigeante du «bandit armé» Bolton (idéalement sur Fox News).
Rappelons ici est que Trump est un oligarque de l’immobilier. En tant que tel et en cas de nécessité, il est capable de « retourner sa veste » et de virer à 180 degrés. Il l’a souvent fait dans ses affaires immobilières. Les demi-tours ne le dérangent pas. C’est comme ça qu’il fait des affaires. Mais qu’en est-il de son équipe? Ce n'est pas très clair. ….
Les pressions exercées par les États-Unis sur Erdogan sont vraiment intenses: non seulement  des sanctions; mais aussi les appels répétés des principales banques américaines de Wall Street à court-circuiter la lire turque jusqu'à sa «mort». De nouvelles sanctions par les États-Unis sont prévues (davantage de «guerres» sur le trésor), si la Turquie reçoit les S-400 de la Russie. Pour le moment, il y a la sanction du retrait de la "dérogation" américaine concernant le "pétrole léger" que la Turquie importe d'Iran. Or, les raffineries turques sont conçues spécialement pour ce pétrole iranien léger, et leur adaptation aux autres pétroles coûterait cher.
Ensuite, il y a les pressions stratégiques. Il y a d’abord l’intention déclarée de Trump d’inscrire les Frères Musulmans (FM) au rang de groupe terroriste. C’est encore dans le projet de «mécanisme politique » à Washington, mais on s’attend à ce que cela se produise.
Rappelez-vous que l’AKP est affiliée aux FM (au moins dans sa composante majeure). Erdogan est de culture FM et se voit comme le patron de tous les Frérots du monde. De plus, l’AKP finance les organisations sociales affiliées aux FM en Turquie (et ailleurs. En Tunisie, les municipalités dirigées par des Frérots ont reçu des camions bennes à ordures sur lesquels le drapeau turc est fièrement peint, aux côtés de l’inscription « don de la Turquie, alors qu’il n’y a pas de drapeau tunisien).
Les commentateurs turcs accusent , avec raison, certains États du Golfe d'avoir lancé Trump sur la voie de la proscription [2]. ; et ce n’est pas une mince affaire.
Il y a ensuite les Kurdes de Syrie que les États-Unis ont l'intention de doter de missiles sol-air Stinger. Est-ce que, par hasard, ISIS utilise maintenant des hélicoptères?
Il y a ensuite la récente déclaration d’un responsable du département d’État américain selon laquelle les États-Unis occuperont le tiers oriental de la Syrie pour une "longue durée" et y investiront. (C’est-à-dire armeront davantage les Kurdes). Et l’envoyé américain, James Jeffry, fait pression sur Erdogan pour qu’il accepte des gardes-frontières kurdes armés pour contrôler la frontière sud entre la Turquie et la Syrie.
Il n’est donc pas surprenant que des cercles proches d’Erdogan voient le nœud se serrer autour du cou de la Turquie et voient dans ce «projet» kurde une «plateforme» à partir de laquelle on cherche à affaiblir la Turquie elle-même. Pour les dirigeants turcs, cela équivaut à un complot qui vise à détruire ouvertement la Turquie.
Enfin, dans la catégorie de guerre de "front" directe du Golfe contre la Turquie, le changement de régime  au Soudan a été réussi contre un président proche des FM; et il va entraîner l’expulsion probable de la Turquie de sa base navale soudanaise située en face de Djedda. Et pour couronner le tout, il y a l’assaut en cours en Libye, du général Haftar contre Tripoli et Misrata (qui sont défendues par des forces islamistes (FM) soutenues par la Turquie et le Qatar), sans oublier qu’une proportion significative de la population du nord de la Libye est d'ethnie turcique.
C’est ainsi, comme le rapporte Abdel Bari Atwan dans Rai al-Youm (en arabe) : «le développement le plus important au niveau de la scène libyenne consiste en l'intervention du président turc, lors d’un appel à M. Al-Sarraj (premier ministre à Tripoli) lui assurant qu'Erdogan consacrera toutes les capacités de son pays pour empêcher -ce qu'il a appelé «le complot» contre le peuple libyen- de réussir. Il a également salué le rôle joué par Al-Sarraj et son gouvernement dans la lutte contre l’attaque de Tripoli par Haftar. Selon nous, cela signifie un soutien militaire et pas seulement politique », conclut Bari Atwan.
En bref, Erdogan (en alliance avec le Qatar) se bat contre les forces de Haftar soutenues par les États-Unis, les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite - et il soutient le GNA (Gouvernement d’Union Nationale) soutenu par l'ONU (et l'Italie).
L’assaut de Haftar s’est, pour le moment, enlisé à la périphérie de Tripoli. Il semble peu probable que le Qatar ou la Turquie acceptent ce coup d'État monté par les Émirats arabes unis et les Saoudiens, sans y opposer une lutte sanglante. Pour le moment aussi, la GNA - par l'intermédiaire de la Banque centrale - contrôle les recettes pétrolières (bien que Haftar garde les champs). Ce dernier peut essayer de renverser cela et prendre les revenus pour lui-même. Mais la Banque centrale contrôle l’accès à ces fonds, détenus sur un compte bloqué à New York.
Le point ici est que, bien que la Turquie subisse d'énormes pressions, à la fois internes (son économie fragile et avec le nouveau maire d'Istanbul remettant en cause les principes mêmes de la politique de l'AKP), ainsi qu'externes, les États du Golfe subissent également une pression, de nature différente.
Premièrement, la guerre au Yémen ne se passe pas bien pour l'Arabie saoudite. Le front sud saoudien semble se désintégrer gravement et les forces yéménites poussent dans le sud de l’Arabie saoudite. deuxièmement, la tentative des pays du  Golfe d'installer des régimes de sécurité militaire au Soudan, en Algérie et en Libye n'est en aucun cas assurée de réussir. Le risque ici est que l'instabilité générée par ces tentatives de coups d'État se propage dans toute l'Afrique du Nord comme une tache d’huile. Le Tchad est inquiet (Haftar y a tenté un coup d’état quelques années auparavant); La Mauritanie pense que les EAU s'intéressent de trop près à ses ressources, et le Maroc est en désaccord avec les EAU pour leur rôle envers le Qatar.
Ce qui nous ramène à une image plus grande: Trump est sur le point d'activer une refonte du Moyen-Orient [3]. Kushner et les représentants ne s’en cachent pas [4]. Leur objectif est de réorganiser la région à leur guise: Israël doit devenir le Grand Israël (chassant quelques 6,5 millions de Palestiniens). Et pour faciliter ce plan, trois nations historiques - les piliers de la région - doivent être réduites: la Grande Syrie devient encore moins grande (perdant un tiers de son territoire déjà réduit); et les nations perses et turques doivent être réduites, affaiblies et leurs gouvernements actuels renversés et remplacés par des dirigeants plus dociles [les dirigeants peu dociles de Tunisie, de Libye, d’Égypte, du Soudan et d’Irak ont été remplacés, soit par des invasions militaires, soit par des coups d’état comme ceux du Printemps Arabe . Il suffit de regarder pour voir que les dirigeants dociles n’ont pas été touchés : ce sont les rois et les émirs. Les seuls dirigeants non dociles qui restent aujourd’hui sont ceux de Syrie et d’Algérie]
Il y a cependant des défauts évidents à cette initiative ambitieuse. Le premier provient directement de la source sur les sanctions: David Cohen, ancien sous-secrétaire au Trésor américain pour le terrorisme et le renseignement financier. C'est-à-dire de l'ancien «M. Sanctions» lui-même:
« Au cours des dernières décennies, les sanctions sont devenues un outil essentiel de la politique étrangère américaine. L’administration Trump a fait un usage particulièrement intensif de cet outil, en particulier dans ses efforts pour induire un changement de régime au Venezuela et en Iran… Et bien que l’administration ait été plus vague dans son appel au renversement du régime clérical iranien, les exigences qu’il a imposées à Téhéran sont si pénibles que, comme l’a affirmé l’ancien ambassadeur américain Robert Blackwill, il est «impossible à l’Iran de les accepter sans changer fondamentalement son leadership et son système de gouvernement». En d’autres termes, le président des États-Unis, Donald Trump, «exige un changement de régime Iran sans l'appeler comme ça. "

«Mais pour que les sanctions fonctionnent… elles doivent viser un changement de comportement acceptable par la cible, même à contrecœur. La partie ciblée doit également croire que les sanctions seront levées si elle abandonne le comportement en question.

«Toutefois, la logique des sanctions coercitives ne tient pas lorsque l'objectif des sanctions est un changement de régime. En termes simples, étant donné que le coût de l'abandon du pouvoir sera toujours supérieur au bénéfice de l'allégement des sanctions, un État ciblé ne peut en aucun cas accéder à une demande de changement de régime…

«Il y a peu de chances de s'attendre à un résultat différent aujourd'hui au Venezuela ou en Iran. Les sanctions unilatérales des États-Unis ont de lourdes conséquences, mais cet impact économique ne doit pas être confondu avec le succès de la politique, en particulier lorsque l'objectif est de changer de régime. "
Et un autre expert, le colonel américain Pat Lang, note que les dernières pagailles de la tentative de soulèvement militaire au Venezuela pour renverser le président Maduro sont aussi inacceptables que le débarquement de 1961 de la "Baie des Cochons" à Cuba. (sur la base de la conviction erronée que le peuple cubain allait se soulever lui aussi immédiatement pour soutenir cette invasion américaine).
Cet épisode vénézuélien souligne à quel point la rhétorique machiste américaine est souvent plus en paroles qu’en actes. (c.-à-d. que l'image de soi machiste est inversement liée aux performances réelles). Bien sûr, tous les pays du Moyen-Orient en ont pris bonne note.
Donc, si les sanctions ne réussissent pas et que les États-Unis tentent d'État de type Maidan en Iran ou en Russie, n'y a-t-il rien à craindre?
Pas tout à fait. Car, bien que la tentative de créer «l'avant-poste de l'Occident» au Moyen-Orient, la force dominante conduira la région - que les États-Unis le manient mal ou non - le point ici, est différent: la bellicosité verbale américaine en hausse, émanant des responsables, n'est pas juste fantaisie. Il s’agit de la notion des «guerres éternelles» des États-Unis. La guerre sans fin et générationnelle - dans la doctrine en vigueur - contre la Russie et l’Iran. Le langage du «mal cosmique» utilisé pour désigner l’Iran et le président Poutine est un langage délibéré. Cela fait partie de la séparation progressive des lignes d’engagement et de communication entre l’Occident, la Russie et l’Iran (le public américain n’a pas encore eu l’habitude de considérer le peuple chinois comme un «mal»).
Peu à peu, les canaux d'intercommunication se sont atrophiés; les domaines de coopération construits au fil des ans sont maintenant coupés; on renonce aux accords de désarmement et de sécurité soigneusement préparés et signés. Et la formule selon laquelle il n’y a personne avec qui parler - car «leur» nature est de mentir, de tricher et d’être trompeur - est établie.
Bien entendu, ceux qui voient le langage belliqueux prononcé par Bolton et Pompeo comme une simple stratégie de négociation sont parfaitement libres de continuer dans cet avis, mais d'autres peuvent le voir comme la construction pièce par pièce d'un tunnel étroit se terminant par un seul exit: une escalade permanente contre la "malignité".
Le vrai problème est le suivant : est-ce que Trump voit et comprend cela? Ou s’est-il convaincu que l’air bravache de l’administration, au sens large, est en train de gagner: Making America Great Again? Sur cette question, notre avenir à tous est suspendu.
Source :
Turkey Is in the Crosshairs of the Kushner Plan for a Greater Israel

Traduction et annotations : Hannibal Genséric
NOTES
[1] Derrière le Saoudien Mohammed ben Salmane, il y a un mentor, Mohammed ben Zayed, l’homme fort des Émirats arabes unis. Mais ce binôme, qui veut remodeler toute la région, commence à souffrir de désaccords : l’assassinat de Khashoggi et la guerre du Yémen, dont Abou Dhabi tire profit pour développer son empire maritime.
[2] Une proscription (du latin pro scribo qui signifie « afficher ») est une condamnation arbitraire annoncée par voie d'affiches, et qui donne licence à quiconque de tuer les personnes dont les noms sont affichés.

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