À partir d'octobre de
cette année, l'Iran louera un port à Lattaquié en Syrie pour y construire une
base pour sa marine. La décision a été prise lors de la rencontre de Bachar Assad avec Hassan Rouhani en février à Téhéran.
Or l’Iran est déjà
puissant en Syrie, où il dispose d’une douzaine de points forts et d’environ 12
mille militaires. Mais s’il acquiert une base sur la côte Est de la
Méditerranée, l’Iran ne pourra plus être délogé de Syrie. Ces considérations
sont perçues en Israël, où la République islamique est considérée comme
"l'ennemi numéro un". La Russie pourrait aussi s’en inquiéter, mais
moins qu’Israël ou les États-Unis.
Menace pour la Russie?
Le problème est
que les Iraniens vont construire leur base à Lattaquié, à 72 kilomètres de la
base de la marine russe à Tartous et de la base aérienne russe de Hmeimim.
Or, par son
comportement agressif et ses attaques répétées, Israël a montré à maintes
reprises qu'il ne tolère pas la présence iranienne en Syrie. L’installation des
S-300 russe, bien qu'elle ait modifié les itinéraires de vol de l'armée de
l'air israélienne attaquant la Syrie, ne les a pas arrêtés. Israël effectue des
frappes aériennes au départ du Liban et de l'Irak (avec l’accord tacite de
Moscou).
Comme ce fut le cas pour l’État Islamique, qui n'a jamais tiré une cartouche contre Israël, la Russie n'a jamais tiré un missile S-300 contre Israël.
Comme ce fut le cas pour l’État Islamique, qui n'a jamais tiré une cartouche contre Israël, la Russie n'a jamais tiré un missile S-300 contre Israël.
La distance
entre l'endroit où la base iranienne sera créée et les bases russes est
décente, mais pas sûre. Si demain Israël commence à bombarder Lattaquié, la
situation que l’on a vue avec la destruction de l'IL-20 russe [1] pourrait se reproduire. Même si cela
n’arrive pas à nouveau, l’agression militaire israélienne non loin des
positions des VKS (forces aérospatiales russes) gâchera néanmoins les relations
russo-israéliennes, et ternira la réputation de Poutine, l’ami de Netanyahou et
des oligarques mafieux juifs russes [2].
La situation
peut prendre des proportions encore plus alarmantes si les États-Unis sont
impliqués dans l’affaire. Après tout, Donald Trump et Benjamin Netanyahou ne trouveront
pas le sommeil tant qu'ils n'auront pas, au mieux expulsé l'Iran de la Syrie,
et au pire, détruit complètement l’Iran (à l’image de la Syrie, de la Libye et
de l’Irak). L’expansion de la présence militaire iranienne donnera une nouvelle
raison aux États-Unis de lancer une frappe de missiles. Le fondement juridique (américano-américain)
de l'attaque est prêt : Washington a récemment ajouté le Corps des Gardiens
de la Révolution Islamique à la liste des organisations terroristes.
Assad a-t-il choisi les Iraniens à la
place des Russes?
Un autre risque
pour la Russie est associé à Bachar Asad. Certains experts estiment que le
président syrien pourrait se soustraire à l'influence de la Russie en se
rapprochant beaucoup plus de l'Iran. L'argument est que dans la confrontation
avec Israël, les S-300 sous contrôle russe, sont TOUJOURS
restés silencieux. Par contre,
les défenses anti-aériennes iraniennes protégeront certainement la Syrie des
raids aériens israéliens.
Assad sort donc
tout doucement de l’influence de Moscou. Ainsi, il s’entretient plus rarement qu’auparavant
avec Vladimir Poutine [au cours des 4 dernières années, Poutine a reçu 13 fois
Netanyahou alors qu’il n’a reçu Assad que peu de fois) et ne demande plus
d’assistance militaire à Moscou.
De nombreux
experts « libéraux » estiment que l'influence iranienne en Syrie est
dangereuse pour Moscou et gâte les relations quasi idylliques avec ses "amis"
de Tel-Aviv [2]. Cependant, « ces
experts libéraux » ignorent le fait que la Russie, contrairement à l'Iran,
a un cercle de partenaires plus large dans la région et peut négocier
directement à la fois avec Téhéran et avec ses ennemis, allant de Tel-Aviv à
Riyad, en passant par Le Caire. D’autre part, Assad s'intéresse aussi à briser
son isolement dans le monde arabe et l'Iran ne peut pas l’y aider,
contrairement à la Russie. Cette caractéristique, alliée à la supériorité des
VKS dans le ciel syrien, font de Moscou un allié indispensable pour Damas.
Pourquoi la Russie ne devrait pas abandonner l'Iran
Les risques de
guerre ci-dessus sont peut-être exagérés, mais ils existent toujours. Mais
signifient-ils que la Russie doit empêcher l'Iran de se consolider sur la rive
orientale de la Méditerranée? Certainement pas.
Premièrement, en
limitant l'Iran, la Russie renforce automatiquement les États-Unis et Israël, c’est-à-dire
ceux qui essaient de démembrer la Syrie. Israël a occupé les hauteurs du Golan
en 1967 et ne les retournera pas sans une guerre féroce menée par la Syrie. D’autre
part, les États-Unis soutiennent la milice kurde et créent, de leurs mains, un
Kurdistan indépendant qui a pour mission de déstabiliser de manière permanente
la Syrie, l’Irak, la Turquie et l’Iran. Contrairement aux Américains et aux Israéliens,
l’Iran et la Russie s’emploient à rétablir l’unité de la Syrie et à lutter
contre les terroristes, qu’ils soient islamistes ou kurdes.
Deuxièmement,
l’Iran est un partenaire économique potentiellement important de la Russie. Il est
déjà impliqué dans le projet Nord-Sud, reliant Moscou à l’océan Indien via
Bakou et Téhéran. En outre, l’Iran peut donner à la Russie un accès direct à la
mer Méditerranée. Téhéran construit le chemin de fer vers Lattaquié à travers
l'Irak et la Syrie. Pour mener à bien ce projet interrompu par la guerre de
Syrie, il est nécessaire de compléter quelques kilomètres de routes en Irak et
3% de la toile ferroviaire en Syrie. La Russie et l'Iran ont un trafic maritime
à travers la mer Caspienne. Par conséquent, rien n'empêche Moscou de rejoindre
ce corridor de transport.
La base
militaire iranienne à Lattakié augmente le risque d'agression israélienne et
américaine dans la région. Mais, pour Moscou, se quereller de cette situation avec Téhéran à
cause de cela ne fera que renforcer les États-Unis et Israël contre… la Russie.
NOTES
Hannibal GENSERIC
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