vendredi 16 août 2019

«Le lobby sioniste est très actif en Algérie»


Un article proposé dans Afrique Asie.fr par un auteur algérien: Ahmed Bensaada

Docteur en physique, Ahmed Bensaada a été enseignant à l’Université d’Oran, chercheur à l’École polytechnique de Montréal et consultant scientifique pour des maisons d’édition. Il écrit régulièrement des articles, notamment dans Le Quotidien d’Oran, dans le journal égyptien Al-Ahram. Il a reçu de nombreux prix, (notamment au Canada 2006, et en Algérie 2010).
Il a surtout écrit « dès 2011 » un excellent livre, prémonitoire pour l’Algérie au vu des événements actuels: « Arabesques américaines » dans lequel il décrit le rôle des États-Unis dans les révoltes de la rue arabe.
Aujourd’hui, il nous présente, avec une grande clairvoyance, son analyse sur le hirak algérien dans une courte interview.

Algeriepatriotique
 : Vous avez publié une étude intitulée «Huit ans après la printanisation de l’Algérie». Pouvez-vous nous en faire un résumé ?

Ahmed Bensaada : Mon article traite de l’idéologie de «résistance individuelle non violente» qui s’est avérée très efficace dans la chute de nombreux gouvernements depuis une vingtaine d’années. Cette idéologie, théorisée par le professeur américain Gene Sharp, a été appliquée avec succès dans différents pays.
Cela a commencé avec les révoltes qui ont bouleversé le paysage politique des pays de l’Est ou des ex-Républiques soviétiques et qui ont été qualifiées de «révolutions colorées». La Serbie (2000), la Géorgie (2003), l’Ukraine (2004) et le Kirghizstan (2005) en sont quelques exemples. Depuis la fin de l’année 2010, cette théorie a été mise en pratique dans les pays arabes et c’est ce qui a donné le mal nommé «printemps» arabe.
Je vous rappelle que j’ai consacré des dizaines d’articles à l’étude de ces révoltes ainsi que deux ouvrages.
En analysant le hirak algérien et en comparant son modus operandi avec celui de cet éventail de cas, on remarque des similitudes frappantes. C’est ce qui nous amène à penser que la lutte non violente qui se déroule actuellement dans les rues de notre pays ne représente qu’un continuum qui a débuté par les «révolutions colorées» et qui s’est poursuivi par le «printemps» arabe. Il s’agit de ce que j’ai nommé la «printanisation» de l’Algérie.
Dénoncer les complots ourdis par des officines secrètes est systématiquement interprété comme une paranoïa. Comment convaincre les sceptiques, selon vous ?
Il n’y a rien de secret dans le rôle des organismes d’«exportation» de la démocratie. Leurs missions sont clairement affichées sur leurs sites et explicitement énoncées dans les discours de leurs responsables.
En plus, leurs relations avec le département d’Etat et leur alignement à la politique officielle de leur pays ne font aucun doute. Certaines d’entre elles, comme la NED, publient des rapports annuels détaillés qui mentionnent les ONG locales bénéficiaires, leurs mandats et les montants alloués à chacune d’entre elles.
D’autre part, le rôle de ces organismes dans les «révolutions colorées» et le «printemps» arabe a été scrupuleusement étudié et est maintenant bien documenté.
Mais à chaque fois qu’une révolte non violente voit le jour quelque part dans le monde, les mêmes réactions apparaissent : «la révolte est spontanée», «la jeunesse nous guide vers un avenir radieux», «la main de l’étranger ? C’est du complotisme ! Pourquoi infantiliser le peuple ? Vous protégez les dictateurs !»
Il existe deux explications à ces réactions. La première peut provenir de personnes ou de groupes financés par l’étranger et qui font le nécessaire pour le dissimuler afin de préserver la «pureté» de la cause. Cela est relayé par la puissante machine des médias mainstream qui utilisent le mensonge par omission, invitent toujours les mêmes pseudo-analystes et maintiennent la porte grand ouverte aux activistes.
La seconde, plus naturelle, émane de sentiments profondément humains liés au «romantisme révolutionnaire», à la capacité intrinsèque du peuple à se libérer de tout joug oppressif. L’incrédulité de certains est ainsi humainement compréhensible. En effet, rien ne vaut une belle révolte spontanée et populaire pour l’imaginaire collectif qui n’a aucune idée de ce qui se trame dans les coulisses. La révolte de David contre Goliath, du faible contre le puissant, du petit peuple armé de sa foi contre le tyran omnipotent. Dans ce cas, toute analyse critique cartésienne se heurte à une inévitable levée de boucliers.
C’est d’ailleurs ce qui fait la force de cette idéologie de «résistance individuelle non violente».
Algeriepatriotique a été catalogué comme «site complotiste» pour avoir mis à nu plusieurs fois les manœuvres du lobby sioniste, notamment. Quel rôle ce dernier joue-t-il dans ce qui se passe en Algérie actuellement ?
Depuis l’avènement des TIC (technologies de l’information et de la communication), les médias mainstream, qui sont la propriété d’une poignée de grands groupes industriels, ont vu leur influence dans l’opinion publique sérieusement malmenée par les nouveaux médias numériques. Pour contrecarrer cet effet, les médias mainstream ont créé ce concept de site «conspirationniste» ou «complotiste» dans lequel ils ont, certes, catalogué de vrais sites farfelus mais, aussi, des sites d’information sérieux mais dont la ligne éditoriale s’éloigne du mainstream. «Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage», dit l’adage.
Pour revenir au lobby sioniste, il est certain qu’il est fortement actif car l’Algérie est un des derniers bastions du «Front de la fermeté». Il n’y a qu’à voir le nombre de drapeaux palestiniens qui sont déployés dans les marches du hirak pour comprendre l’intensité du lien affectif qui lie l’Algérie à la Palestine.
Néanmoins, il faut préciser que cette nébuleuse agit généralement de manière indirecte. En effet, ce lobby est très présent dans les organismes d’«exportation» de la démocratie. Ainsi, Carl Gershman, avant d’accéder à la présidence de la NED, avait travaillé dans le département de recherche de l’Anti-Defamation League du B’nai B’rith et a été membre du Conseil d’administration du Congrès juif américain.
Gershman est un grand défenseur de la politique raciste et belliqueuse d’Israël. Dans un récent discours au Forum juif de Kiev (6-8 mai 2019), Karl Gershman a défendu l’état hébreu, tout en comparant ses crimes à la situation de l’Algérie d’avant le hirak.
Il reprit d’abord les déclarations du rabbin Lord Jonathan Sacks lors d’un débat sur l’antisémitisme à la Chambre des Lords britannique «C’est pourquoi Israël – la seule démocratie au Moyen-Orient pleinement opérationnelle avec une presse libre et un pouvoir judiciaire indépendant – est régulièrement accusé des cinq péchés capitaux contre les droits de l’Homme : racisme, apartheid, crimes contre l’humanité, purification ethnique et tentative de génocide».
Il ajouta ensuite : «Un exemple de cette évolution effroyable est que le 18 mars [2019], au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, Israël a été agressé dans sept rapports biaisés et cinq résolutions hostiles. Rien n’a été présenté au Conseil sur aucun autre pays du monde – pas sur l’Algérie, où les manifestations qui ont abouti au renversement du régime corrompu et répressif de Bouteflika avaient commencé un mois plus tôt […].»
En 2004, Gershman avait participé à une conférence qui s’était tenue à Rome et qui avait pour thème «L’antisémitisme, une menace pour la démocratie». Il y révéla des motivations pro-israéliennes quant à la promotion de la démocratie au Moyen-Orient : «Quelles que soient leurs différences, les baâthistes et les islamistes partagent une haine viscérale des valeurs libérales qui trouve sa plus grande expression dans la diffamation d’Israël et du peuple juif.»
Ce lobby procède aussi par un travail de fond en adoubant, par exemple, des mouvements comme le MAK qui a repris du poil de la bête à l’occasion du hirak. Dans un travail de plus longue haleine, des voyages sont organisés à des «intellectuels bien de chez nous» comme Sansal, Dilem ou Akkouche pour fouler le sol des Territoires occupés en vue de paver la route à une politique de normalisation bien entamée par d’autres pays arabes.
De manière plus insidieuse, le lobby sioniste a réussi à infiltrer le réseau des activistes et cyberactivistes arabes à travers le forum «Fikra». Ce forum, qui prétend «soutenir les démocrates arabes dans leur lutte contre l’autoritarisme et les extrémistes», est une création du lobby américain pro-israélien, géré et financé par ses soins. Parmi les nombreux participants provenant d’une dizaine de pays arabes, notons la présence d’activistes algériens.
Les Algériens ont convergé vers les grandes places le 22 février pour exiger le départ du système. Certains disent que c’est l’entêtement de Bouteflika qui a poussé les Algériens à se révolter, d’autres estiment que c’est Facebook qui a rassemblé les Algériens autour d’une seule et même revendication. Qu’en est-il, selon vous ?
Loin d’être spontanées, les révoltes non violentes se préparent longtemps à l’avance. Dans mon livre Arabesque$, j’explique que les activistes arabes ont été préparés des années avant le début du «printemps» arabe.
Certes, les révoltes qui ont balayé la rue arabe sont une conséquence de l’absence de démocratie, de justice sociale et de confiance entre les dirigeants et leur peuple. Richesses mal distribuées, manque de libertés, régimes autocratiques, hogra, corruption, etc. Tout ceci constitue donc un «terreau fertile» à la déstabilisation. Ce terreau est constitué de femmes et d’hommes qui ont perdu confiance en leurs dirigeants dont la pérennité maladive ne laisse entrevoir aucune lueur d’espoir.
Mais cela n’est pas suffisant : une «étincelle» qui fédère le peuple est nécessaire. Dans le cas de la Tunisie, c’était la mort de Mohamed Bouazizi, alors que celui de l’Algérie, c’était le cinquième mandat.
Et c’est à ce moment que la formation des cyberactivistes est importante. Dans le cas de l’Algérie, Facebook et les autres médias sociaux ont eu un rôle très important. L’organisation, la mobilisation, les appels à manifester, la synchronisation et la diversité des actions à mener sur le terrain n’auraient jamais été possibles de manière aussi efficace sans les nouvelles technologies.
Mais cela n’est pas nouveau. Rappelons-nous qu’en Egypte la révolte de la Place Tahrir avait été surnommée «Révolution Facebook» ou «Révolution 2.0» et qu’Israa Abdel Fattah, la cofondatrice du Mouvement du 6 Avril (financé par des organismes américains), fer de lance de la contestation égyptienne, était connue sous le nom de «Facebook Girl».
Comment les officines auxquelles vous faites référence dans votre étude interviennent-elles dans le hirak algérien ?
Les organismes d’«exportation» de la démocratie fonctionnent de façon similaire, quel que soit le pays. Ils s’occupent du financement des ONG locales, de la formation des activistes et, pour plus de synergie, s’occupent de leur réseautage.
En ce qui concerne le financement, nous avons montré que de nombreuses ONG algériennes ont été financées bien avant le début du «printemps» arabe. Et cela n’a jamais cessé depuis, comme expliqué dans mes deux récents articles. Comme par hasard, ces ONG sont toujours au premier rang de la contestation. Elles l’étaient également avec le défunt CNCD, en 2011.
Le financement ne provient pas uniquement de la bourse de l’Oncle Sam. Des organismes européens, comme les Stiftungs allemands et d’autres moins évidents à identifier, sont mis à contribution. Les documents publiés par mon ami Mohamed Bouhamidi sont très éloquents à ce sujet.
Pour la petite histoire, notons que la structure de la NED (créée en 1983 par le président R. Reagan) s’est inspirée de celle des Stiftungs allemands et, comme la CIA collaborait avec ces organismes allemands pour financer des mouvements à travers le monde bien avant la création de la NED, les relations sont restées solides jusqu’à nos jours. Ainsi, à titre d’exemple, le mouvement pro-européen Euromaïdan, qui a secoué l’Ukraine fin 2013 début 2014, a aussi bien été aidé et soutenu par l’IRI et le NDI (deux des quatre satellites de la NED) que par le Konrad Adenauer Stiftung (lié au CDU allemand).
Dans le volet formation, nous savons que des jeunes Algériens ont été formés à la «résistance individuelle non violente» par les Serbes de Canvas. Cela a été confirmé par un des dirigeants du Mouvement du 6 Avril, l’Egyptien Mohamed Adel, qui a reconnu s’être rendu en Serbie avec quatorze autres militants algériens et égyptiens.
En matière de maîtrise du cyberespace et de réseautage, les noms de cyberactivistes algériens figurent dans les listes de participants aux formations dispensées à la «Ligue arabe du Net» par les organismes d’«exportation» de la démocratie.
Finalement, des indices montrent que certaines figures visibles du hirak algérien ont suivi des formations dans des pays européens après le «printemps» arabe. Des investigations sont en cours.
Quels sont les indices de leur implication ?
Comme expliqué dans mon article, les révoltes non violentes suivent un pattern bien établi portant, sur le terrain, le sceau de Canvas. L’utilisation de campagnes de communications dites positives et négatives, la fraternisation avec l’«ennemi», l’utilisation du poing d’Otpor, la présence d’individus ou de groupes financés par les officines étrangères en tête des manifestations, la proposition comme leader de personnalités auparavant inconnues du grand public ainsi que l’usage des «méthodes d’action non violente» parmi les 199 figurant dans le manuel élaboré par Canvas en sont quelques exemples.
D’autre part, la coordination des actions à mener sur le terrain, le partage d’informations en temps réel, la transmission d’instructions pour que les manifestations soient conformes aux principes de base de la lutte non violente, le timing des évènements et ce, à travers tout le territoire national, prouvent une utilisation efficiente du cyberespace qui ne peut être acquise que par une solide formation.
Que cherchent ces officines, Canvas, NDI, NED, etc. en Algérie ? Quel type de régime veulent-elles «imposer» ?
Tout d’abord, une petite mise au point. Il ne faut pas classer Canvas avec la NED et ses homologues. Canvas n’est qu’une école serbe de «révolutionnaires en herbe» utilisée par les organismes d’«exportation» de la démocratie comme la NED, Freedom House et autres, pour former des activistes.
Le rôle de la NED a été clarifié dans le discours inaugural de cette «fondation».
Le 16 octobre 1983, le président Reagan déclara : «Ce programme ne restera pas dans l’ombre. Il s’affirmera avec fierté sous le feu des projecteurs. (…) Et, bien sûr, il sera cohérent avec nos intérêts nationaux.»
Selon le journaliste américain William Blum : «Les programmes de la NED incarnent généralement la philosophie de base selon laquelle les travailleurs et les autres citoyens sont mieux servis dans un système de libre entreprise […], d’intervention minimale du gouvernement dans l’économie et d’opposition au socialisme sous toutes ses formes. Une économie de marché est synonyme de démocratie, de réforme et de croissance et l’accent est mis sur les avantages des investissements étrangers dans leur économie.» «[…] En bref, les programmes de la NED sont en harmonie avec les besoins et objectifs de base de la mondialisation économique du Nouvel Ordre mondial, tout comme les programmes sont sur la même longueur d’onde que la politique étrangère des Etats-Unis.»
Ainsi, les Etats-Unis, à travers des organismes spécialement conçus, utilisent la démocratie et le droit-de-l’hommisme pour exporter des politiques néolibérales à travers le monde.
Cette politique est encore plus claire avec le milliardaire et spéculateur américain George Soros dont la fondation Open Society (Société ouverte) travaille de concert avec la NED et les autres organismes d’«exportation» de la démocratie.
Selon Leandra Bernstein, «l’action et l’argent de George Soros sont devenus des instruments pour démanteler la souveraineté nationale des Etats, en remplissant les caisses d’organisations ‘’philanthropiques’’ ou ‘’droit-de-l’hommistes’’». Pour Soros, «si une nation voulait contrôler ses propres ressources naturelles» ou «développer son économie et sa force de travail à l’aide de tarifs douaniers et de régulations», elle était considérée comme société fermée. En fait, «toute nation qui rejette la mondialisation (c’est-à-dire l’impérialisme du libre-échange) est condamnée à ce titre et fera l’objet d’attaques de la part des organisations de Soros».
On voit bien que l’«exportation» de la démocratie qui se fait à travers des changements de régime menés à bien grâce aux principes de la lutte non violente a des visées économiques et hégémoniques.
Dans les conflits armés, des personnes autochtones sont choisies pour préserver les intérêts de la puissance victorieuse. Souvenons-nous des cas Ahmed Chalabi en Irak ou Hamid Karzai en Afghanistan. Il en est de même dans les révoltes non violentes qui s’accompagnent de l’apparition de certaines figures qu’on cherche à imposer en les drapant d’une «bénédiction» populaire.
Mikheil Saakachvili, après la révolution des Roses en Géorgie (2003) ; Viktor Iouchtchenko, après la révolution Orange en Ukraine (2004) ou la tentative avortée de placer Mohamed El-Baradei après la révolution du Lotus en Egypte (2011) sont des exemples de candidats pro-américains.
En Algérie, le hirak a aussi très rapidement produit les noms de personnes susceptibles de diriger le sort du pays après l’éviction du président Bouteflika. Et le battage médiatique n’a pas encore cessé pour certains.
Les visées économiques et hégémoniques ne s’appliquent pas uniquement aux Etats-Unis, bien au contraire. Les pays européens, en particulier la France, histoire coloniale et doctrine Monroe obligent, ont des intérêts en Algérie.
D’autre part, l’alignement de l’Algérie sur la Russie pour l’approvisionnement en matériel militaire et sur la Chine pour les grands projets nationaux laissent espérer des contrats juteux en cas de changement de paradigme politique.
Avec ses énormes richesses, son immensité territoriale et son importante position géostratégique, il est clair que l’Algérie attise la convoitise de nombreuses puissances.
Qui du peuple ou de ces officines auront eu raison du système, selon vous ? Autrement dit, qui a fait tomber Bouteflika ?
C’est la combinaison des deux qui a fait tomber le président Bouteflika. L’application judicieuse des principes de la lutte non violente permet de fédérer le «peuple» contre le «tyran» autour d’une exigence : le départ du «tyran». Elle fait passer la peur du camp du «peuple» vers celui du «tyran».
Cette synergie n’enlève rien au mérite et à la bravoure du peuple qui est sorti comme un seul homme pour demander le départ d’un système usé par le pouvoir, les affaires et la corruption.
Il faut être clair : la grande majorité des manifestants n’a rien à voir avec les officines et ignore certainement tout de leur existence mais sort dans la rue pour des causes nobles. Ce sont ceux qui sont en haut de la pyramide du hirak qui organisent, orientent et dirigent. Et cela est un autre point fort de l’idéologie de «résistance individuelle non violente».
L’efficacité de cette combinaison permet d’expliquer pourquoi les émeutes antérieures au «printemps» arabe ont toutes été violemment étouffées comme celles de Gafsa (Tunisie, 2008) ou celles d’Al-Mahalla (Egypte, 2008) alors que, quelques mois plus tard, (et surtout quelques formations plus tard), le «peuple» a vaincu le «tyran».
Comment voyez-vous les perspectives du mouvement populaire pacifique en Algérie à court terme ?
Le mouvement populaire est resté très pacifique, c’est le signe très positif d’une réelle maturité politique. Le seul problème vient de l’inflation des revendications émanant de certaines voix du hirak. A un certain moment, il faut savoir raison garder et passer à la table des négociations car la confrontation est mauvaise conseillère et peut avoir de fâcheuses conséquences. En Algérie, nous en savons quelque chose.
Pour celles et ceux qui craignent que le système perdure, il faut les convaincre que la situation politique algérienne ne sera jamais pareille dans l’avenir et que la vigilance du peuple est garante du changement.
Quant aux personnes ou aux groupes qui ont reçu des subsides d’organismes «démocratisants» étrangers, il faut impérativement qu’elles placent l’intérêt de leur pays, l’Algérie, avant celui des autres. L’histoire nous montre que dans les mouvements de ce type, les activistes pro-occidentaux disparaissent une fois la «révolution» achevée. Au sujet des «révolutions colorées», le journaliste Hernando Calvo Ospina écrivit : «[…] La distance entre gouvernants et gouvernés facilite la tâche de la NED et de son réseau d’organisations, qui fabriquent des milliers de ‘’dissidents’’ grâce aux dollars et à la publicité. Une fois le changement obtenu, la plupart d’entre eux, ainsi que leurs organisations en tout genre, disparaissent, sans gloire, de la circulation.» On aurait pu écrire exactement la même chose sur les «dissidents» du «printemps» arabe.
Nul doute que notre peuple sera à la hauteur de la gravité et des exigences de l’heure et fera de ce mouvement un vrai printemps arabe (sans guillemets), d’où bourgeonnera l’unité d’une nation, à jamais soudée contre le despotisme, la corruption et la hogra.
Interview réalisée par Karim B. et Mohamed El-Ghazi

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