« En tant que juif et
citoyen français, je suis extrêmement choqué ». L’ancien président de MSF
explique l’extrême dangerosité de l’assimilation de l’antisionisme à
l’antisémitisme annoncée par le président français
« L’antisionisme
est l’une des formes modernes de l’antisémitisme. Derrière la négation de
l’existence d’Israël, se cache la haine des juifs ». C’est ainsi que
le président français a commenté, lors dîner du CRIF (Conseil représentatif des
institutions juives de France), la récente hausse d’actes antisémites en
France.
Lors de
ce discours, Emmanuel Macron a annoncé que la France suivrait désormais la dite
« définition de l’antisémitisme de l’IHRA [International Holocaust Remembrance
Alliance] ».
Il a
également précisé qu’une loi serait proposée pour réduire la diffusion en ligne
de discours de haine.
Selon la
presse israélienne, le Premier ministre Benyamin Netanyahou a exprimé, lors
d’un appel téléphonique avec le dirigeant français précédent le
discours, sa satisfaction devant l’adoption par la France d’une définition de
l’antisémitisme incluant désormais l’antisionisme.
Selon cette
définition de travail de l’antisémitisme, « non
contraignante », de l’IHRA, « l’antisémitisme est une certaine
perception des juifs qui pourrait s’exprimer à travers la haine envers les
juifs. Les manifestations verbales et physiques d’antisémitisme peuvent être
dirigées à l’encontre de juifs ou de non-juifs ainsi qu’envers leurs biens,
envers des institutions de la communauté juive ou des bâtiments religieux ».
Si ce
document de travail indique des exemples clairs d’antisémitisme – négation du
génocide juif, complotisme à tout crin, exclusion des individus au nom de leur
judaïsme –, deux points soulèvent des interrogations. Le document précise que
« les manifestations [d’antisémitisme] pourraient inclure le ciblage de
l’État d’Israël, conçu comme une collectivité juive. Cependant, des critiques
d’Israël similaires à celles formulées à l’encontre de tout autre pays ne
sauraient être considérées comme antisémites ».
Toutefois,
dans les onze exemples d’antisémitisme que déploie le document, le point 6 pose
qu’est considéré comme antisémite le fait de « refuser au peuple juif
son droit à l’autodétermination », ajoutant « par exemple, en
affirmant que l’existence d’un État d’Israël est un projet raciste ».
Toute la
question repose sur ce « droit à l’autodétermination ». Est-il clos
depuis la création d’Israël en 1948 ou s’accomplit-il à travers la colonisation
continue des territoires palestiniens pratiquée depuis par l’État
d’Israël ? Autrement dit, ce « refus » portera-t-il sur
l’existence effective de l’État d’Israël ou sur cette politique d’expansion
entendue comme un « droit à l’autodétermination » non encore
abouti ?
Dans ce
dernier cas, c’est alors le propre droit à l’autodétermination du peuple
palestinien, tout autant reconnu par la résolution 181 de l’ONU du 21 novembre 1947, qui serait
nié.
Toute critique de la politique
coloniale israélienne, et de ses corollaires violents, sera-t-elle ramenée
à « refuser au peuple juif son droit à l’autodétermination », donc à de
l’antisémitisme ?
Le
discours d’Emmanuel Macron intervient dans un contexte français très
particulier, entre tensions sociales sur fond de manifestations des Gilets jaunes et d’actes antisémites.
Rony
Brauman, médecin, président de Médecins sans
frontières (MSF) de 1982 à 1994, aujourd’hui directeur de recherche à la
Fondation MSF et professeur à l’Université de Manchester (HCRI), alerte sur
l’extrême dangerosité de la décision du président français.
Middle East Eye : Emmanuel
Macron a déclaré au dîner du CRIF : « L’antisionisme est une des formes
modernes de l’antisémitisme » et annoncé que la France le reconnaîtra
comme tel ». Mais deux jours avant, il disait : « Je ne pense pas que pénaliser l’antisionisme
soit une bonne solution ». Quelle est la portée politique de ces
hésitations et pourquoi cette décision ?
Rony Brauman :
Je constate mais ne peux expliquer les volte-face et hésitations successives
d’Emmanuel Macron sur cette question de l’antisionisme désormais assimilé à
l’antisémitisme. C’est là un sujet délicat qui se frotte à plusieurs
possibilités. Ce sont probablement les hésitations du pouvoir qui se retrouvent
dans ces atermoiements.
Il s’agit de criminaliser des positions
critiques sans toutefois faire de l’antisionisme un
délit d’opinion de façon claire. Mais in fine, cela reviendra au même,
car ce délit d’opinion
sera de toute façon mis en place de façon détournée
Emmanuel
Macron n’a pas annoncé vouloir introduire l’antisionisme dans le code pénal.
Mais sa décision de lier
antisémitisme et antisionisme va fournir, de façon détournée, un cadre
d’interprétation juridique et judiciaire applicable contre la campagne BDS
[Boycott, Désinvestissement, Sanctions]. Cela pourrait servir aussi
contre des gens qui soutiennent ce boycott, qui pourraient être alors
inquiétés.
Par ce
biais, il s’agit de criminaliser des positions critiques sans toutefois faire
de l’antisionisme un délit d’opinion de façon claire. Mais in fine,
cela reviendra au même, car ce délit d’opinion sera de toute façon mis en place
de façon détournée, et il ne vaut que pour certains propos, ceux qui concernent
les juifs. Ce faisant,
on jette de l’huile sur le feu qu’on prétendait éteindre.
Car
comment mieux suggérer implicitement que les
juifs doivent bénéficier d’un statut particulier, que les sionistes seraient
mis par le pouvoir à l’abri de la critique et qu’Israël serait ainsi
sanctuarisé contre les critiques sévères ? Comment mieux
nourrir les théories complotistes qu’en se livrant à ce genre de
manœuvres ? Il y a là un cheminement intellectuel qui m’échappe. C’est
désastreux.
MEE : Existe-t-il un seul
antisionisme ? Le Bund polonais, certains juifs orthodoxes, certains mouvements
du judaïsme libéral américain ont pu se qualifier ou se qualifient comme
antisionistes par exemple…
Rony Brauman :
Il y a effectivement plusieurs formes d’antisionisme. À l’origine,
l’antisionisme était l’opposition, d’ailleurs majoritairement juive, au
mouvement national juif. Ce dernier était très minoritaire parmi les juifs
européens. Ceux qui se vivaient comme assimilés y voyaient le risque d’être
soupçonnés de double allégeance ; quant aux orthodoxes, ils y voyaient un
détournement impie de la Bible, seul le messie étant habilité selon eux à
rassembler le peuple d’Israël. Rappelons-nous au passage que les juifs établis depuis toujours en Palestine, eux,
n’étaient pas en faveur d’un État juif.
Après la
création d’Israël, l’antisionisme a pu être compris de deux façons. D’abord,
comme la continuation d’un refus de l’existence même de l’État d’Israël en tant
qu’État juif. Mais c’est là une opinion abstraite car après tout, cet État
existe et se déclarer contre cet État n’a qu’une portée symbolique mais aucune
portée pratique.
Cette
opinion peut cependant exister et les gens qui étaient antisionistes jusqu’en
1948, de même que leurs héritiers intellectuels, ont le droit de persister dans
cette conviction sans être taxés d’antisémites.
La
seconde acception de cette notion d’antisionisme relève de l’opposition à la colonisation de la
Cisjordanie, au blocus de Gaza, à la politique de l’État israélien, sans
pour cela contester la réalité et l’existence de l’État d’Israël.
C’est ce
que montrent des enquêtes, où l’on constate fréquemment que des gens se disent
antisionistes tout en étant, ou plutôt, parce qu’ils sont en faveur de la
solution à deux États : une partie de la Palestine mandataire revenant aux
Palestiniens et l’autre, au demeurant la plus importante, aux Israéliens. Antisioniste veut alors dire
favorable à l’évacuation des territoires occupés.
J’observe
un mélange, voire une confusion de ces deux acceptions. À titre personnel, je
ne me définis pas comme antisioniste mais comme post-sioniste, a-sioniste ou
non-sioniste. Je veux dire par là que c’est dans une construction politique
post-nationaliste que se trouve à mon sens la solution du conflit.
Les deux populations vivent de facto dans un seul État, sous une
même autorité, mais l’une a tous les droits, l’autre n’en a aucun. Je
pense que c’est le
démantèlement de ce système d’apartheid qui est à l’ordre du jour.
MEE : Emmanuel Macron
s’est référé à la définition de l’IHRA. C’est cette même définition en
onze exemples qu’a fini par adopter le parti travailliste britannique en septembre dernier.
Qu’est-ce que cet organisme ?
Rony Brauman :
À l’origine, l’International Holocaust Remembrance Alliance n’avait aucun
rapport avec Israël. Son but était, notamment en Europe, d’entretenir la
mémoire du génocide juif.
À
l’instar d’autres ONG pro-israéliennes, l’IHRA a entrepris aussi de lutter
contre l’antisémitisme. Cette lutte, dont je ne discute évidemment pas le
bien-fondé, ne se fait cependant pas du point de vue de la négation du génocide
juif mais du point de vue de la critique d’Israël.
Comment
mieux nourrir les théories complotistes qu’en se livrant à ce genre de
manœuvres ? C’est désastreux
Ce glissement et cette façon de faire,
voulus par le lobby israélien en
Europe, sont extrêmement pervers et cela ne peut que nourrir le complotisme et
nuire à toute forme de critique politique d’Israël.
L’État
d’Israël est cité à neuf reprises dans les exemples qui accompagnent la
définition afin d’illustrer sa mise en application. C’est dans cet esprit qu’à
l’occasion de la tenue à Paris, en 2017, d’une conférence sur l’étiquetage des
produits en provenance des territoires occupés, que le CRIF a déclaré que cette
réunion internationale était « pire que l’affaire Dreyfus ». Netanyahou, de son
côté, l’a qualifiée d’antisémite !
MEE : Dans le contexte
social français actuel, cette décision prise par Emmanuel Macron de lier
sionisme et antisémitisme n’est-elle pas dangereuse d’abord pour les Français
de confession juive ?
Rony Brauman :
Il y a là une instrumentalisation perverse de l’antisémitisme qui sert en
l’occurrence à disqualifier un mouvement social, celui des Gilets jaunes. Cette
instrumentalisation a pour effet pervers de placer les juifs dans le cercle
fantasmé des puissants, des dominants, de ceux qui maîtrisent les discours et
les médias. Ils seraient ceux qui imposent leur vérité et leur description des
situations au détriment de tout le reste. C’est là un jeu extrêmement
dangereux.
À titre
personnel, en tant que juif comme en tant que citoyen français, je suis
extrêmement choqué par les déclarations d’Emmanuel Macron.
MEE : En Israël, les
élections d’avril se préparent à coup d’alliances entre, par exemple, Benjamin Netanyahou et le mouvement raciste
kahaniste. Une autre alliance, contre lui cette fois, s’est faite entre ses
principaux rivaux, dont Benny Gantz et Yaïr Lapid. Selon la presse israélienne,
Emmanuel Macron a confirmé personnellement à Benyamin Netanyahou sa décision de
lier antisémitisme et antisionisme, juste avant de faire son discours devant le
CRIF. Est-ce là une ingérence dans la politique israélienne, et vice versa ?
Rony Brauman :
Ces circonstances aggravent encore plus l’indécence de cette situation.
Benyamin Netanyahou avait déjà été invité à la commémoration de la rafle du Vel
d’Hiv l’an passé. Il l’avait auparavant été par Manuel Valls alors Premier
ministre.
Il y a
là une instrumentalisation perverse de l’antisémitisme qui sert en l’occurrence
à disqualifier un mouvement social, celui des Gilets jaunes
Or, il
n’y avait pourtant aucune raison à cette invitation. Sinon à créer un amalgame dangereux entre
juif, sioniste et politique israélienne. C’est là une confusion qui
ne peut être que renforcée par ce genre de pratiques et de déclarations.
J’y vois
même une sorte de « double blind »
ou d’injonctions contradictoires constantes : il ne faut pas confondre les juifs et Israël,
donc ne pas utiliser la politique israélienne contre les juifs. Mais d’un autre
côté, les juifs et Israël sont constamment confondus puisque quand sont
commémorées des atrocités commises contre les juifs, on le fait aux côtés du
Premier ministre israélien.
MEE : Plutôt
qu’antisionisme = antisémitisme, n’observe-t-on pas une autre équation qui
poserait que désormais, de nombreux
partis politiques ou dirigeants d’extrême droite ouvertement sionistes
le sont sur la base d’une vision antisémite des juifs ?
Rony Brauman :
Benjamin Netanyahou
s’est effectivement acoquiné avec la pire racaille d’extrême droite,
du Brésilien Jair Bolsonaro à l’Autrichien Heinz-Christian Strache, du
président philippin à d’autres dirigeants ouvertement racistes (Marine Lepen).
Quand on observe les alliances internes que le Premier ministre noue avec des mouvements explicitement
racistes et violents, cela ajoute à ce sentiment de dépit et
d’outrage qu’on ne peut que ressentir après la déclaration d’Emmanuel Macron.
L’antisémitisme
n’a attendu ni le sionisme ni la création d’Israël pour s’alimenter. Mais on ne
peut que constater que de tels comportements et déclarations le nourrissent,
l’amplifient, en élargissent la portée. Tout cela est très dangereux.
Vendredi 22 février 2019 -
Rony
Brauman est un médecin
(spécialisé en pathologie tropicale) de nationalité française né le
juin 1950 à Jérusalem.
Il est principalement connu pour son rôle dans l'humanitaire.
Ses grands-parents sont d'origine juive polonaise et parlent le yiddish. Son
père fut un résistant et un militant sioniste, qui
s'installa avec sa famille en Israël dès la
création de cet Etat en 1948. A 5 ans, il part vivre avec sa mère en France.
Il est le cousin du cinéaste Eyal Sivan.
Dans sa jeunesse, il a été maoïste2.
En
mars 2011, il s'oppose à l'intervention militaire en Libye
dans laquelle la France
est engagée8.
« Ce qui me gêne dans cette opération, c’est qu’on prétend installer la
démocratie et un État de droit avec des bombardiers. Je ne sais pas où cette
idée a été puisée, mais ce que je vois c'est qu'à chaque fois qu’on a essayé de
le faire, non seulement on a échoué mais le remède qu’on prétendait apporter
était pire que le mal ».
Source :
Wikipédia
VOIR AUSSI :
- France.
La Licra vue par Israël Adam Shamir
GB / France. L'élite aime les juifs et méprise le peuple goy
Hannibal GENSÉRIC
Décidément Macron n'en rate pas une !
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