Depuis
presque quatre ans, Katharina von Schnurbein s’est fait passer pour une
championne des Juifs d’Europe.
Pris au
pied de la lettre, ses discours dans de nombreuses conférences suggèrent
qu’elle est une consciencieuse fonctionnaire animée du désir de mettre fin à la
persécution. Un examen plus détaillé révèle qu’elle a suivi un agenda mis en
place par Israël et ses soutiens.
Le
véritable objectif de cet agenda a été de museler le mouvement de solidarité
avec la Palestine.
Von
Schnurbein a été nommée en décembre 2015 première coordinatrice de l’Union
Européenne contre l’antisémitisme.
L’idée
de ce poste n’est pas née dans les bureaux de Bruxelles.
Au cours
du mois de mai 2015, le gouvernement israélien a reçu à Jérusalem un
« forum mondial pour combattre l’antisémitisme ».
Un
« plan d’action » pour l’Europe a été dressé à cette occasion par les
lobbyistes pro-israéliens de Grande Bretagne, de France et des Pays Bas.
L’une de
ses recommandations était que l’UE nomme un coordinateur contre
l’antisémitisme. Une autre était que l’Union « envisage » d’impliquer
des forces de police ostensiblement dédiées à l’amélioration de la sécurité des
Juifs.
Sinistre
Une
proposition similaire a été faite le même mois à une conférence organisée à
Bruxelles par le Comité Juif Américain, importante association pro-israélienne.
L’
« appel à agir » émis à cette occasion a déformé la réalité. Il
prétendait que « les Juifs dans tout le continent [Europe] avaient subi
l’été dernier une levée de violence antisémite et des menaces, au moment du
conflit provoqué par le Hamas avec Israël ».
La
réalité, c’est que l’attaque sur Gaza a été provoquée par Israël.
Son
gouvernement s’est servi du tir de roquettes par quelques combattants de la
résistance comme prétexte pour infliger une violence pire sur les habitants de
Gaza, qui vivaient déjà sous blocus.
Il est
vrai que quelques incidents antisémites – tels que le bris de vitres d’une
synagogue de Belfast – sont arrivés l’été dernier.
Cependant,
Israël et ses soutiens ont également cherché à dénaturer les très importantes
manifestations de solidarité avec Gaza à travers le monde comme étant conduites
par de l’antisémitisme.
Il
faudrait regarder dans ce contexte la recommandation faite par le Comité Juif
Américain pour que les gouvernements de l’UE « engagent les autorités
policières » à combattre l’antisémitisme.
Vera
Jourova, commissaire européenne à la justice, a participé en 2015 à la
conférence du Comité Juif Américain.
Travaillant
en tandem avec von Schnurbein, elle a par conséquent pris des initiatives recherchées
par le lobby pro-israélien.
En juin
de cette année, par exemple, Jourova a mis en place un groupe de travail
officiellement dédié à la rédaction de nouvelles stratégies contre
l’antisémitisme.. Ce groupe comprend des représentants des forces de police des
pays de l’UE.
C’est
une sinistre démarche.
Le
travail de l’Union Européenne dans ce domaine est maintenant conduit par une
définition douteuse de l’antisémitisme approuvée en 2016 par un club de 33
Etats connu sous le nom d’Alliance Internationale pour le Souvenir de
l’Holocauste (IHRA).
Cette
définition est assortie d’exemples hautement contestables de commentaires
condamnés pour être antisémites. On trouve parmi eux l’affirmation comme quoi
la création d’Israël a été une « tentative raciste ».
Israël a
été conçu comme un Etat où les colonisateurs juifs auraient plus de droits que
les indigènes palestiniens. Les Palestiniens expulsés de force de leur terre
natale à la création d’Israël, ainsi que leurs descendants, n’ont pas eu le
droit de revenir chez eux pour la seule raison qu’ils n’étaient pas Juifs.
Rappeler
ces faits historiques serait sans doute considéré comme antisémite selon cette
définition.
A
l’origine, la définition a été rédigée il y a plus de dix ans par des
associations pro-israéliennes – comme faisant partie d’un exercice sponsorisé
par l’UE.
Théoriquement,
cette définition n’est pas juridiquement contraignante. Cependant, on ne peut
voir l’implication des forces de police dans l’évaluation de commentaires sur
Israël que comme une tentative pour criminaliser ceux qui disent la vérité sans
fard sur les activités de l’État.
Pernicieux
Von
Schnurbein n’a cessé de salir le mouvement de solidarité avec la Palestine.
En
visite à Jérusalem au début de l’année, elle a déclaré qu’on peut percevoir
deux nouvelles formes d’antisémitisme en Europe depuis la deuxième Guerre
Mondiale.
La
première a été la banalisation de l’Holocauste par la droite. La seconde a été
« l’idée anti-sioniste de gauche que l’existence de l’État d’Israël en
elle-même était une tentative raciste ».
Son
allégation était pernicieuse. Elle suggérait qu’on pouvait comparer les
apologues d’Adolf Hitler aux militants qui s’opposent à l’oppression d’Israël
sur les Palestiniens précisément parce qu’ils sont indignés par le fanatisme
sous toutes ses formes.
Et en
plus, elle emmêlait – délibérément, comme on s’en rendrait compte – deux
tendances politiques distinctes.
La haine
des Juifs par l’extrême droite est issue de la simple haine des gens qui
appartiennent à une ethnie ou une religion différentes. L’opposition de gauche
au sionisme, d’autre part, est fondée sur une critique de l’idéologie de l’État
d’Israël.
S’attaquer
au sionisme est un devoir moral pour de véritables socialistes, comme ce l’est
de lutter contre toute discrimination envers les Juifs, fondée sur leur
identité religieuse ou ethnique.
La
semaine dernière, von Schnurbein a participé au lancement d’un rapport du
gouvernement israélien qui accusait d’antisémitisme la campagne de boycott,
désinvestissement et sanctions menée par les Palestiniens.
De façon
absurde, le rapport suggérait que mon collègue Ali Abunimah avait une
arrière-pensée en faisant remarquer la conduite criminelle d’Israël.
Dans son
discours lors du lancement, von Schnurbein a relevé un incident de 2015 au
cours duquel des militants BDS ont demandé au chanteur Matisyahu de démasquer
Israël pendant une visite en Espagne.
Elle a
prétendu que mettre Matisyahu sur le gril à propos des activités d’Israël était
antisémite.
Comme
c’est un Juif de citoyenneté américaine, Matisyahu ne peut être tenu pour
responsable de ce que fait Israël, a-t-elle argumenté.
Von
Schnurbein a oublié d’expliquer que Matisyahu est apparu dans des vidéos de
propagande israélienne et qu’il a fait partie de ceux qui ont levé des fonds pour
l’armée israélienne.
Il a été
questionné sur son amour déclaré pour Israël, pas parce qu’il est Juif.
Von
Schnurbein a été acclamée comme une « infatigable héroïne » par un
lobbyiste pro-israélien.
Elle a
été également récompensée d’un « prix des droits de l’Homme » par une
association qui soutient les colonies illégales d’Israël en Cisjordanie occupée
et ses crimes de guerre à Gaza.
Il n’est
pas difficile de découvrir pourquoi elle reçoit de telles accolades. Plutôt que
de combattre la persécution, elle a soutenu un Etat d’apartheid malfaisant.
* Par David Cronin
Traduction :
J. Ch. pour l’Agence
Média Palestine
Version
originale : The
Electronic Intifada
VOIR AUSSI :
Hannibal GENSÉRIC
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