Tunisie, élections législatives et présidentielles. Après avoir élu
les députés qui vont désormais les représenter et qui sont probablement
à leur image, les Tunisiens s'apprêtent à choisir l'homme qui sera leur
président pour les cinq années à venir. Seul intellectuel à avoir, dès
janvier 2011, mis en garde des dangers du "printemps arabe" et prédit la
régression tunisienne, Mezri Haddad nous livre ici sa lecture des
résultats des législatives et ses prévisions des présidentielles en
cours. Une analyse en contraste avec ce que les médias tunisiens et
occidentaux vous racontent.
Ce dimanche, mes compatriotes s’apprêtent à élire démocratiquement
leur président pour un mandat de cinq ans. Depuis l’effondrement de
l’Etat-Nation tunisien en janvier 2011, sous l’appellation fallacieuse
de « révolution du jasmin », il s’agit de la seconde élection au
suffrage universel direct, la présidence de l’islamo-droit-de l’hommiste
Moncef Marzouki (2011-2014) ayant été éphémère, temporaire et
exclusivement décidée par le principal parti politique
post-révolutionnaire, celui des Frères musulmans locaux, Ennahdha. Cette
usurpation de la présidence de la République fut un caprice de
l’histoire pas moins tragique que celui qui se prépare en ce moment même
et dont les signes avant-coureurs ont été les résultants affligeants
des élections législatives il y a de cela une semaine.
Des élections législatives boudés par des Tunisiens désenchantés
Affligeants d’abord par leur taux de participation : près de 60% des électeurs inscrits n’ont pas voté, ce qui en dit long sur le « seul pays modèle » qui aurait réussi son printemps dit arabe ainsi que sur le peuple le plus « instruit et politisé » du monde arabo-musulman, selon la logomachie utilitariste des printologues et les liturgies très savantes de certains think tanks anglo-américains qui ont échafaudé le printemps islamo-atlantiste. En d’autres termes, sur un corps électoral de 8 millions, à peine 2,5 millions ont voté. Pour la tranche d’âge comprise entre 18 et 20 ans, seulement 9% a voté, ce qui est symptomatique du désenchantement de cette jeunesse tunisienne actrice majeur de la « révolution du jasmin », qui n’a été a posteriori qu’un déplacement de servitude volontaire. On notera au passage le vote massif de la communauté tunisienne en France en faveur des islamistes d’Ennahdha, ce qui réitère et confirme les résultats des élections précédentes (2011 et 2014), et révèle la puissance d’intégration et de sécularisation du bon modèle laïc et républicain français !
Au moment de la « révolution du jasmin » de janvier 2011 précisément, galvanisé par la propagande islamiste d’Al-Jazeera et par l’emballement frénétique des réseaux sociaux, le peuple tunisien criait famine dans un pays qui réalisait parfois une croissance à deux chiffres et où toutes les strates sociales mangeaient à leur faim. A la place, on leur a servi un bon couscous démocratique : constitution de plus de 200 partis politiques et de près de 2000 associations, métastase de journaux et de sites d’information, abolition de la constitution bourguibienne, élection d’une Assemblée constituante, prolifération d’institutions dites démocratiques comme l’ISIE, sensée organiser et contrôler les élections, l’IVD, présidée par la tristement célèbre Sihem Bensedrine et missionnée par les islamo-gauchistes pour juger l’ancien régime et même celui du père de la nation, Habib Bourguiba, la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, présidée par le très suffisant et opportuniste Yadh Ben Achour, dont on mesure aujourd’hui le géni constitutionnel…. ! Gavé par ce festin démocratique, n’arrivant plus réellement à se nourrir comme jadis et naguère, surendetté, le peuple tunisien a déserté les urnes. Au pays de la révolution bouazizienne, le nombre de candidats aux législatives aurait pu dépasser celui des électeurs !
La stratégie machiavélique de Rached Ghannouchi
Des élections affligeantes aussi par leurs résultats. Malgré son net recul par rapport à l’élection dite constituante de 2011, lors de laquelle il a obtenu 89 sièges, le parti des Frères musulmans est arrivé en tête avec 17,6%, ce qui lui permet tout de même d’obtenir 52 sièges sur un total de 217, au sein d’une Assemblée parlementaire (ARP) monocamérale, désormais hétéroclite et balkanisée. Il faut une coalition de 109 députés pour former une majorité parlementaire et constituer un gouvernement. Il est donc probable qu’avec les partis parasites et certains candidats « indépendants », qui sont en réalité des variétés et ramifications idéologiques de la toile d’araignée islamiste, les Frères musulmans seront arithmétiquement en mesure de constituer le prochain gouvernement. Cerise sur le gâteau, leur chef, Rached Ghannouchi, a été élu député et il pourrait prétendre soit à la présidence de l’ARP, soit à la chefferie du gouvernement. A moins de garder sa ligne machiavélique depuis 2011 en désignant pour la fonction de chef du gouvernement une personnalité indépendante ou technocrate, pour donner aux bailleurs de fonds occidentaux et particulièrement européens l’illusion que l’islamisme n’est pas au pouvoir et que celui-ci n’est que l’émanation d’un consensus entre les différentes composantes socio-politiques tunisiennes si antagonistes soient-elles. En somme, régner sans gouverner, à l’instar de Khomeiny, son modèle théocratique.
Des daéchiens, des criminels et des voyous, élus députés
Plus affligeant encore, des partis parasites et nettement intégristes ont fait leur entrée dans cette auberge espagnole qu’est devenue -en réalité depuis 2011- l’ARP. Celle-ci est non seulement balkanisée mais clochardisée. Outre des criminels de droit commun, notamment Mohamed Salah Ltifi, un grand contrebandier de la région de Kasserine, ou des terroristes attitrés, dont Saïd Jaziri, qui a été expulsé du Canada en 2007 et dont l’ISIE vient d’invalider le résultat (non point pour l’idéologie intégriste dont il est vecteur mais pour avoir enfreint au règlement électoral !), cette nouvelle Assemblée parlementaire comptera dans ses rangs un nombre important de délinquants, de voyous et de daéchiens, bénéficiant désormais de l’immunité parlementaire ! Cette ARP composée de Rached Ghannouchi, Rached Khiari, Seifeddine Maklouf, Maher Zid, Imed Dghij, Ridha Jawadi, Mohamed Affas, Mohamed Salah Ltifi…est en contraste vertigineux avec celle de 1956, qui comptait en son sein Habib Bourguiba, Hédi Nouira, Mahmoud Matéri, Taïeb Mhiri, Mongi Slim, Jallouli Farès, Ali Belahouane, Abdallah Farhat, Ahmed Ben Salah, Mohamed Masmoudi, Mustapha Filali…Deux époques, deux peuples, une « élite » de daéchiens, d’islamistes et de brigands, et une Elite de diplômés et de résistants !!!
Arrivé quatrième après Ennahdha, Qalb Tounès (38 sièges) et Attayar -un parti populiste aux inclinations islamistes qui a obtenu 22 sièges-, Al-Karama, qui est un agrégat d’anarchistes, de voyous et de salafistes, dirigé par l’avocassier de tous les djihadistes et dont le programme électoral consiste à « décoloniser » la Tunisie en chassant de Tunis l’ambassadeur de France, a obtenu l’incroyable score de 21 sièges. Si l’on y ajoute une douzaine de députés-nomades, comme on les appelle en Tunisie et qui s’achètent et se vendent à la bourse du Bardot, ces trois partis pourront constituer une majorité de 109 députés et, par conséquent, diriger la Tunisie dans les cinq années à venir.
Le Parti destourien libre, seul contre tous !
La bonne nouvelle de ces élections législatives est que le Parti destourien libre (PDL), seul authentique héritier du bourguibisme et unique bête-noire des Frères musulmans locaux, dirigé par l’avocate Abir Moussi, a obtenu 17 sièges. Allergique à toutes compromissions avec les islamistes dont elle veut à juste titre interdire jusqu’à l’existence légale, elle a peu de chance de constituer une force bloquante au sein de l’ARP. Et pour cause, les autres partis politiques hypothétiquement susceptibles de former avec le PDL une coalition anti-islamiste sont peu nombreux dans la nouvelle ARP : Qalb Tounès, le parti du sulfureux Nabil Karoui, dont la naissance par fécondation in vitro remonte à trois mois ( !), a obtenu 38 sièges ; Tahya Tounès, celui de l’actuel chef de gouvernement Youssef Chahed, seulement 14 sièges. Quant à Nidaa Tounes, qui avait, grâce au vote féministe, emporté les deux scrutins de 2014 dépassant le score d’Ennahdha, avec les 3 sièges qu’il vient d’obtenir, il a quasiment disparu de la scène politique. Le parti « jetable », qui a permis à Béji Caïd Essebsi d’occuper le palais de Carthage jusqu’à son décès (c’était son grand dessein national), paye ainsi le prix de son alliance avec les Frères musulmans, trahissant son électorat radicalement anti-islamiste et principalement féministe.
Nabil Karoui/Kaïs Saïd : duel burlesque et signe de décadence
Telle est la véritable situation de la Tunisie neuf années après la « révolution du jasmin », qui devait la faire passer à une vitesse supersonique, de la « dictature » à la démocratie, du vice à la vertu, de la corruption à l’intégrité, de la soumission à la dignité, du chômage au plein emploi… C’est dans cette atmosphère morose et avec cette Assemblée-miroir de la nouvelle sociologie politique tunisienne que mes patriotes s’apprêtent à élire ce week-end leur président. Ils auront le choix kafkaïen entre un néo-fondamentaliste en puissance (Kaïs Saïd), soumis aux Frères musulmans et otage des milices intégristes et pseudo-révolutionnaires, et le très controversé (Nabil Karoui), compromis ces huit dernières années avec Ennahdha et qui a même été l’un des principaux artisans du rapprochement entre Rached Ghannouchi et Béji Caïd Essebsi. S’il a été l’architecte de cette funeste alliance entre Ennahdha et le défunt Nidaa Tounès, pourquoi ne referait-il pas le coup entre son parti-éprouvette, Qalb Tounès, et la secte des Frères musulmans ?
Pour qui voter ? Tragique dilemme, duel absurde qui résume à lui seul le degré de dégénérescence politiquer et culturelle auquel est parvenue la société tunisienne. Mes compatriotes sont devant une quadrature du cercle. S’ils échappent au potentiellement fondamentaliste Kaïs Saïd, ils risquent de subir le sort de Gribouille : éviter de basculer dans le fondamentalisme hard en tombant dans l’islamisme soft. Dans tous les cas de figure, les Frères musulmans resteront les seuls maîtres à bord du bateau ivre tunisien, comme ils sont au cœur du pouvoir depuis qu’ils ont phagocyté et investis les ministères de l’Intérieur, de la Défense et de la Justice.
Revanche posthume de Bourguiba et Ben Ali
Avec les résultats des législatives déjà connus et ceux des présidentielles que l’on peut conjecturer, la majorité silencieuse et même absente des Tunisiens laïcs et progressistes en sera affectée, mais elle trouvera toujours auprès de certains médias locaux et occidentaux de quoi la rassurer en prolongeant son espérance chimérique : des poncifs et autres truismes du genre « ces aléas font partie de l’apprentissage démocratique », ou « la Tunisie a mieux réussi son printemps que la Libye ou la Syrie », ou encore que « depuis la révolution française, la France a mis trois siècles pour parvenir à la démocratie… » !
Rousseau, qui n’était pas un odieux réactionnaire mais le philosophe de la révolution par excellence, disait dans son Contrat social que « La liberté est un aliment de bon suc, mais de forte digestion. Il faut des estomacs bien sains pour la supporter » ! Plus grave encore, il disait que, « s’il y avait un peuple de dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes » ! Si cela vaut pour les modèles démocratiques occidentaux aujourd’hui en crise, à plus forte raison pour la démocrature islamiste tunisienne.
Sans connaître Rousseau, feu Ben Ali disait, dans un discours au Caire le 4 avril 2000, qu’il « n’existe pas de formule idéale ni de modèle démocratique préconçu qui soit valable en tout temps et en tout lieu. Car la démocratie, à l’instar de toute œuvre humaine, est un processus évolutif. Sa réussite exige qu’il soit fait en sorte que l’assise tant historique que culturelle de la société soit imprégnée de toutes les composantes de ce processus ». En d’autres termes, qu’il n’y a pas plus périlleux que le placage d’un modèle politique exogène sur une société aux normes, valeurs et culture autre que celles pour laquelle ce modèle a été pensé et conçu.
Le rousseauiste et radicalement anti-islamiste Bourguiba disait à son tour que « tant que le peuple est inculte et ignorant, il est incapable d’élire les bons et de se détourner des mauvais ». Dans un mémorable discours prononcé le 12 juillet 1968 à Bucarest, il précisait que « La démocratie est le stade suprême de l’évolution d’une société. Elle n’est pas donnée au départ mais vient tout naturellement lorsque les conditions qu’elle requiert sont réunis. Ces conditions sont un Etat moderne qui est respecté par la population parce qu’il est respectable, une nation qui forme déjà un ensemble cohérent et solidaire, un peuple qui atteint un niveau d’éducation de vie tel qu’il puisse recevoir la démocratie non pas comme un luxe dont on ne sait quoi faire, ou un jouet que l’on casse, mais comme un bien précieux, signe de maturité et moteur de progrès ».
Parole d’outre-tombe à méditer par un peuple, régressé en « poussières d’individus », dont on a transfiguré l’histoire, souillé la Souveraineté, ruiné l’espoir et confisqué la mémoire…paroles éternelles pour une nation crépusculaire.
Mezri HaddadDes élections législatives boudés par des Tunisiens désenchantés
Affligeants d’abord par leur taux de participation : près de 60% des électeurs inscrits n’ont pas voté, ce qui en dit long sur le « seul pays modèle » qui aurait réussi son printemps dit arabe ainsi que sur le peuple le plus « instruit et politisé » du monde arabo-musulman, selon la logomachie utilitariste des printologues et les liturgies très savantes de certains think tanks anglo-américains qui ont échafaudé le printemps islamo-atlantiste. En d’autres termes, sur un corps électoral de 8 millions, à peine 2,5 millions ont voté. Pour la tranche d’âge comprise entre 18 et 20 ans, seulement 9% a voté, ce qui est symptomatique du désenchantement de cette jeunesse tunisienne actrice majeur de la « révolution du jasmin », qui n’a été a posteriori qu’un déplacement de servitude volontaire. On notera au passage le vote massif de la communauté tunisienne en France en faveur des islamistes d’Ennahdha, ce qui réitère et confirme les résultats des élections précédentes (2011 et 2014), et révèle la puissance d’intégration et de sécularisation du bon modèle laïc et républicain français !
Au moment de la « révolution du jasmin » de janvier 2011 précisément, galvanisé par la propagande islamiste d’Al-Jazeera et par l’emballement frénétique des réseaux sociaux, le peuple tunisien criait famine dans un pays qui réalisait parfois une croissance à deux chiffres et où toutes les strates sociales mangeaient à leur faim. A la place, on leur a servi un bon couscous démocratique : constitution de plus de 200 partis politiques et de près de 2000 associations, métastase de journaux et de sites d’information, abolition de la constitution bourguibienne, élection d’une Assemblée constituante, prolifération d’institutions dites démocratiques comme l’ISIE, sensée organiser et contrôler les élections, l’IVD, présidée par la tristement célèbre Sihem Bensedrine et missionnée par les islamo-gauchistes pour juger l’ancien régime et même celui du père de la nation, Habib Bourguiba, la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, présidée par le très suffisant et opportuniste Yadh Ben Achour, dont on mesure aujourd’hui le géni constitutionnel…. ! Gavé par ce festin démocratique, n’arrivant plus réellement à se nourrir comme jadis et naguère, surendetté, le peuple tunisien a déserté les urnes. Au pays de la révolution bouazizienne, le nombre de candidats aux législatives aurait pu dépasser celui des électeurs !
La stratégie machiavélique de Rached Ghannouchi
Des élections affligeantes aussi par leurs résultats. Malgré son net recul par rapport à l’élection dite constituante de 2011, lors de laquelle il a obtenu 89 sièges, le parti des Frères musulmans est arrivé en tête avec 17,6%, ce qui lui permet tout de même d’obtenir 52 sièges sur un total de 217, au sein d’une Assemblée parlementaire (ARP) monocamérale, désormais hétéroclite et balkanisée. Il faut une coalition de 109 députés pour former une majorité parlementaire et constituer un gouvernement. Il est donc probable qu’avec les partis parasites et certains candidats « indépendants », qui sont en réalité des variétés et ramifications idéologiques de la toile d’araignée islamiste, les Frères musulmans seront arithmétiquement en mesure de constituer le prochain gouvernement. Cerise sur le gâteau, leur chef, Rached Ghannouchi, a été élu député et il pourrait prétendre soit à la présidence de l’ARP, soit à la chefferie du gouvernement. A moins de garder sa ligne machiavélique depuis 2011 en désignant pour la fonction de chef du gouvernement une personnalité indépendante ou technocrate, pour donner aux bailleurs de fonds occidentaux et particulièrement européens l’illusion que l’islamisme n’est pas au pouvoir et que celui-ci n’est que l’émanation d’un consensus entre les différentes composantes socio-politiques tunisiennes si antagonistes soient-elles. En somme, régner sans gouverner, à l’instar de Khomeiny, son modèle théocratique.
Des daéchiens, des criminels et des voyous, élus députés
Plus affligeant encore, des partis parasites et nettement intégristes ont fait leur entrée dans cette auberge espagnole qu’est devenue -en réalité depuis 2011- l’ARP. Celle-ci est non seulement balkanisée mais clochardisée. Outre des criminels de droit commun, notamment Mohamed Salah Ltifi, un grand contrebandier de la région de Kasserine, ou des terroristes attitrés, dont Saïd Jaziri, qui a été expulsé du Canada en 2007 et dont l’ISIE vient d’invalider le résultat (non point pour l’idéologie intégriste dont il est vecteur mais pour avoir enfreint au règlement électoral !), cette nouvelle Assemblée parlementaire comptera dans ses rangs un nombre important de délinquants, de voyous et de daéchiens, bénéficiant désormais de l’immunité parlementaire ! Cette ARP composée de Rached Ghannouchi, Rached Khiari, Seifeddine Maklouf, Maher Zid, Imed Dghij, Ridha Jawadi, Mohamed Affas, Mohamed Salah Ltifi…est en contraste vertigineux avec celle de 1956, qui comptait en son sein Habib Bourguiba, Hédi Nouira, Mahmoud Matéri, Taïeb Mhiri, Mongi Slim, Jallouli Farès, Ali Belahouane, Abdallah Farhat, Ahmed Ben Salah, Mohamed Masmoudi, Mustapha Filali…Deux époques, deux peuples, une « élite » de daéchiens, d’islamistes et de brigands, et une Elite de diplômés et de résistants !!!
Arrivé quatrième après Ennahdha, Qalb Tounès (38 sièges) et Attayar -un parti populiste aux inclinations islamistes qui a obtenu 22 sièges-, Al-Karama, qui est un agrégat d’anarchistes, de voyous et de salafistes, dirigé par l’avocassier de tous les djihadistes et dont le programme électoral consiste à « décoloniser » la Tunisie en chassant de Tunis l’ambassadeur de France, a obtenu l’incroyable score de 21 sièges. Si l’on y ajoute une douzaine de députés-nomades, comme on les appelle en Tunisie et qui s’achètent et se vendent à la bourse du Bardot, ces trois partis pourront constituer une majorité de 109 députés et, par conséquent, diriger la Tunisie dans les cinq années à venir.
Le Parti destourien libre, seul contre tous !
La bonne nouvelle de ces élections législatives est que le Parti destourien libre (PDL), seul authentique héritier du bourguibisme et unique bête-noire des Frères musulmans locaux, dirigé par l’avocate Abir Moussi, a obtenu 17 sièges. Allergique à toutes compromissions avec les islamistes dont elle veut à juste titre interdire jusqu’à l’existence légale, elle a peu de chance de constituer une force bloquante au sein de l’ARP. Et pour cause, les autres partis politiques hypothétiquement susceptibles de former avec le PDL une coalition anti-islamiste sont peu nombreux dans la nouvelle ARP : Qalb Tounès, le parti du sulfureux Nabil Karoui, dont la naissance par fécondation in vitro remonte à trois mois ( !), a obtenu 38 sièges ; Tahya Tounès, celui de l’actuel chef de gouvernement Youssef Chahed, seulement 14 sièges. Quant à Nidaa Tounes, qui avait, grâce au vote féministe, emporté les deux scrutins de 2014 dépassant le score d’Ennahdha, avec les 3 sièges qu’il vient d’obtenir, il a quasiment disparu de la scène politique. Le parti « jetable », qui a permis à Béji Caïd Essebsi d’occuper le palais de Carthage jusqu’à son décès (c’était son grand dessein national), paye ainsi le prix de son alliance avec les Frères musulmans, trahissant son électorat radicalement anti-islamiste et principalement féministe.
Nabil Karoui/Kaïs Saïd : duel burlesque et signe de décadence
Telle est la véritable situation de la Tunisie neuf années après la « révolution du jasmin », qui devait la faire passer à une vitesse supersonique, de la « dictature » à la démocratie, du vice à la vertu, de la corruption à l’intégrité, de la soumission à la dignité, du chômage au plein emploi… C’est dans cette atmosphère morose et avec cette Assemblée-miroir de la nouvelle sociologie politique tunisienne que mes patriotes s’apprêtent à élire ce week-end leur président. Ils auront le choix kafkaïen entre un néo-fondamentaliste en puissance (Kaïs Saïd), soumis aux Frères musulmans et otage des milices intégristes et pseudo-révolutionnaires, et le très controversé (Nabil Karoui), compromis ces huit dernières années avec Ennahdha et qui a même été l’un des principaux artisans du rapprochement entre Rached Ghannouchi et Béji Caïd Essebsi. S’il a été l’architecte de cette funeste alliance entre Ennahdha et le défunt Nidaa Tounès, pourquoi ne referait-il pas le coup entre son parti-éprouvette, Qalb Tounès, et la secte des Frères musulmans ?
Pour qui voter ? Tragique dilemme, duel absurde qui résume à lui seul le degré de dégénérescence politiquer et culturelle auquel est parvenue la société tunisienne. Mes compatriotes sont devant une quadrature du cercle. S’ils échappent au potentiellement fondamentaliste Kaïs Saïd, ils risquent de subir le sort de Gribouille : éviter de basculer dans le fondamentalisme hard en tombant dans l’islamisme soft. Dans tous les cas de figure, les Frères musulmans resteront les seuls maîtres à bord du bateau ivre tunisien, comme ils sont au cœur du pouvoir depuis qu’ils ont phagocyté et investis les ministères de l’Intérieur, de la Défense et de la Justice.
Revanche posthume de Bourguiba et Ben Ali
Avec les résultats des législatives déjà connus et ceux des présidentielles que l’on peut conjecturer, la majorité silencieuse et même absente des Tunisiens laïcs et progressistes en sera affectée, mais elle trouvera toujours auprès de certains médias locaux et occidentaux de quoi la rassurer en prolongeant son espérance chimérique : des poncifs et autres truismes du genre « ces aléas font partie de l’apprentissage démocratique », ou « la Tunisie a mieux réussi son printemps que la Libye ou la Syrie », ou encore que « depuis la révolution française, la France a mis trois siècles pour parvenir à la démocratie… » !
Rousseau, qui n’était pas un odieux réactionnaire mais le philosophe de la révolution par excellence, disait dans son Contrat social que « La liberté est un aliment de bon suc, mais de forte digestion. Il faut des estomacs bien sains pour la supporter » ! Plus grave encore, il disait que, « s’il y avait un peuple de dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes » ! Si cela vaut pour les modèles démocratiques occidentaux aujourd’hui en crise, à plus forte raison pour la démocrature islamiste tunisienne.
Sans connaître Rousseau, feu Ben Ali disait, dans un discours au Caire le 4 avril 2000, qu’il « n’existe pas de formule idéale ni de modèle démocratique préconçu qui soit valable en tout temps et en tout lieu. Car la démocratie, à l’instar de toute œuvre humaine, est un processus évolutif. Sa réussite exige qu’il soit fait en sorte que l’assise tant historique que culturelle de la société soit imprégnée de toutes les composantes de ce processus ». En d’autres termes, qu’il n’y a pas plus périlleux que le placage d’un modèle politique exogène sur une société aux normes, valeurs et culture autre que celles pour laquelle ce modèle a été pensé et conçu.
Le rousseauiste et radicalement anti-islamiste Bourguiba disait à son tour que « tant que le peuple est inculte et ignorant, il est incapable d’élire les bons et de se détourner des mauvais ». Dans un mémorable discours prononcé le 12 juillet 1968 à Bucarest, il précisait que « La démocratie est le stade suprême de l’évolution d’une société. Elle n’est pas donnée au départ mais vient tout naturellement lorsque les conditions qu’elle requiert sont réunis. Ces conditions sont un Etat moderne qui est respecté par la population parce qu’il est respectable, une nation qui forme déjà un ensemble cohérent et solidaire, un peuple qui atteint un niveau d’éducation de vie tel qu’il puisse recevoir la démocratie non pas comme un luxe dont on ne sait quoi faire, ou un jouet que l’on casse, mais comme un bien précieux, signe de maturité et moteur de progrès ».
Parole d’outre-tombe à méditer par un peuple, régressé en « poussières d’individus », dont on a transfiguré l’histoire, souillé la Souveraineté, ruiné l’espoir et confisqué la mémoire…paroles éternelles pour une nation crépusculaire.
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