dimanche 20 octobre 2019

Syrie. Temps étranges...


Il se passe des choses irréelles depuis quelques heures, à la limite de l'entendement. Alors qu'ils ont quitté le Rojava dans les conditions que l'on sait, les Américains, qui ne sont donc plus sur le terrain, ont négocié (de quel droit ?) un accord de cessez-le-feu avec la Turquie.
 
Le voici en anglais :
Les YPG ont cinq jours pour quitter la "zone de sécurité" de 30 km voulue depuis toujours par le sultan et la zone serait administrée par l'armée turque ! Quelqu'un a-t-il dit à ces petits génies négociateurs que l'armée syrienne et les Russes y sont maintenant présents ?
Là où les choses deviennent carrément surréalistes, c'est que les Kurdes ont accepté l'accord qui revient, ni plus ni moins, à un nettoyage ethnique de la zone. Après avoir été jeté sous les roues du camion par Trump, le leadership kurde va même jusqu'à préciser que le cessez-le-feu a été accepté à la demande... du président américain.
Alors que les Ottomans passent un mauvais quart d'heure sur le terrain, globalement repoussés par les YPG-loyalistes sauf à Ras al-Ain qu'ils ont réussi à encercler, les Kurdes, dont la naïveté est confondante, abandonnent tous leurs avantages pour faire plaisir à ceux qui viennent de les trahir et ne sont même plus sur place.
Précisons tout de même, dans ce maelstrom kafkaïen, un point qui pourra avoir son importance : le commandement des SDF considère (faussement ?) que cet accord ne porte que sur la zone s'étendant entre Tell Abyad et Ras al-Ain et affirme que les forces de défense resteront à leur place partout ailleurs. Pourtant, le texte n'apporte aucune précision et les Turcs se disent pleinement satisfaits de ce que les Américains aient accédé à toutes leurs conditions. Gageons que ce quiproquo, relevé par plusieurs observateurs (ici ou ici), fera capoter cet invraisemblable accord.
Apparemment très content de lui et de cette reddition en rase campagne, le Donald semble nous rejouer Madame de Pompadour. Après moi, le déluge. Ses propres alliés commencent à se poser de sérieuses questions et The American Conservative, journal qui l'a pourtant toujours soutenu, se demande ouvertement si le bonhomme ne serait pas "mentalement instable". Et encore, était-ce avant la visite de Pence à Ankara...
Le Deep State et ses médias, ainsi que des membres du Congrès, commencent déjà à critiquer vertement le pacte. Si les fidèles lecteurs me permettent cette opinion toute personnelle, votre serviteur ne peut qu'être d'accord. Voir les Chroniques du Grand jeu et CNN sur la même longueur d'onde, qui l'eut cru ? C'est décidément la journée de toutes les surprises.
Reste à savoir quelle sera la réaction de Damas et de Moscou. Il n'aura échappé à personne, en tout cas pas à nous, que les cinq jours prévus par l'accord correspondent au temps qu'il reste avant la visite d'Erdogan à Sochi. A moins d'une nouvelle poutinade, rare mais toujours possible, on ne voit pas comment les Russes et les Syriens pourraient accepter cet état de fait ni qui les ferait déloger de la zone si remarquablement gagnée. On ne comprendrait pas non plus que les Kurdes ne finissent par revenir à la raison...

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