Ce qu’est la Chine d’aujourd’hui, le public français
l’ignore à 95 %. Les 5% qui restent sont essentiellement des diplomates,
industriels, banquiers, militaires qui veulent savoir à qui ils ont affaire et
qui, pour cela, ne se renseignent pas en lisant le Monde, Libération, Télérama,
le Point, l’Express, l’Obs...
Les USA ont désigné la Chine comme leur ennemie. Mais
elle n’est pas l’ennemie de la France. Il importe au contraire que nos rapports
soient plus amicaux et ils ne peuvent l’être que si nous disons basta aux
caricatures agressives.
Merci à Bruno Guigue pour cet article documenté qui ne
conteste pas les défauts de l’Empire du milieu, mais qui en révèle aussi les
spectaculaires réussites .
Maxime VIVAS
Les médias occidentaux ont beau tenter d’occulter
cette évidence, elle saute aux yeux : la Chine a accompli en 70 ans ce qu’aucun pays n’a réussi
à faire en deux siècles. En fêtant l’anniversaire de la République
populaire, proclamée par Mao Zedong le 1er octobre 1949, les Chinois savent
quelle est la situation de leur pays. Mais ils savent aussi dans quel état il
se trouvait en 1949. Dévasté par des décennies de guerre civile et d’invasion
étrangère, c’était un
champ de ruines.
« La Chine d’avant 1949, rappelle Alain Peyrefitte, c’est un pays du Moyen-Âge, (..)
un pullulement de mendiants à moignons, d’enfants couverts de plaies, de
cochons noirs et de chiens efflanqués ; des loques, parmi lesquels se
glissent quelques brocarts. Quand les éléments se fâchaient, la famine balayait
tout. Les paysans étaient ruinés d’avance ; en cas de sécheresses ou
d’inondations, ils ne disposaient pas de la moindre réserve »
(Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera, 1973, T. 2, p. 85).
D’une pauvreté inouïe, le pays ne représentait plus
qu’une part infime du PIB mondial, alors qu’il en représentait 30% en 1820,
avant que le déclin de la dynastie Qing et l’intrusion des puissances
occidentales prédatrices, bientôt rejointes par le Japon, n’aient ruiné cette
prospérité. Ravagés par la guerre, les digues et les canaux sont délabrés.
Faute d’entretien, le réseau ferroviaire est dans un état lamentable.
Nourrissant à peine le monde rural, l’agriculture est tragiquement
sous-équipée.
Composée à 90% de paysans faméliques, la population a
le niveau de vie le plus faible de la planète : il est inférieur à celui
de l’Inde ex-britannique et de l’Afrique sub-saharienne. Sur cette terre où
l’existence ne tient qu’à un fil, l’espérance de vie est comprise entre 36 et
40 ans. Abandonnée à son ignorance malgré la richesse d’une civilisation
plurimillénaire, la population chinoise compte 80% d’analphabètes.
Aujourd’hui, l’économie chinoise représente 18% du PIB
mondial en parité de pouvoir d’achat, et elle a dépassé l’économie américaine
en 2014. La Chine est la
première puissance exportatrice mondiale. Sa puissance industrielle
représente le double de celle des États-Unis et quatre fois celle du Japon.
Pourtant l’endettement global du pays (dette publique et privée) est inférieur
à celui des États-Unis (250% contre 360%) et sa dette extérieure est faible.
Première puissance créditrice, la Chine détient les réserves de
change les plus importantes du monde (3.000 milliards de dollars).
Premier partenaire commercial de 130 pays, elle a contribué à 30% de la
croissance mondiale au cours des dix dernières années. La Chine est le premier producteur mondial
d’acier, de ciment, d’aluminium, de riz, de blé et de pommes de terre.
Avec 400 millions de personnes, les classes moyennes chinoises sont les plus
importantes du monde, et 140
millions de Chinois sont partis en vacances à l’étranger en 2018.
Ce développement économique a amélioré les conditions
d’existence matérielle des Chinois de façon spectaculaire. L’espérance de vie
est passée de 40 à 64 ans sous Mao (de 1950 à 1975) et elle approche
aujourd’hui 77 ans (contre 82 ans en France, 80 ans à Cuba, 79 ans aux USA et
68 ans en Inde). Le taux de mortalité infantile est de 7‰ contre 30‰ en Inde et
6‰ aux États-Unis. L’analphabétisme
est quasiment éradiqué. Le taux de scolarisation est de 98,9% dans
le primaire et de 94,1% dans le secondaire.
Encore plus significatif, le taux de pauvreté, selon
la Banque mondiale, est passé de 95% en 1980 à 17% en 2010 et 3,1% en 2017. Xi
Jinping a promis son éradication pour 2020. Selon Branko Milanovic,
ex-économiste en chef à la Banque mondiale, l’apparition d’une énorme classe
moyenne en Chine est la principale cause de la réduction des inégalités
mondiales entre 1988 et 2008. En vingt ans, 700 millions de personnes ont été
extraites de la pauvreté. Le salaire moyen a doublé, notamment sous l’effet de
la mobilisation ouvrière, et les entreprises étrangères ont commencé à
délocaliser leur activité à la recherche d’une main d’œuvre moins coûteuse.
L’une des questions fondamentales du développement est
celle de l’accès aux technologies modernes. La Chine de Mao a d’abord
bénéficié de l’aide de l’URSS, mais elle a été interrompue en 1960 lors du
schisme sino-soviétique. C’est pour régler ce problème crucial que Deng
Xiaoping a organisé en 1979 l’ouverture progressive de l’économie chinoise
aux capitaux extérieurs : en échange des profits réalisés en Chine, les
entreprises étrangères y procéderaient à des transferts de technologie en
faveur des entreprises chinoises.
En 40 ans, les
Chinois ont assimilé les technologies les plus sophistiquées, et l’élève a dépassé
le maître !
Aujourd’hui, la part de la Chine dans les industries de haute technologie
atteint 28% du total
mondial et elle devrait surclasser les États-Unis en 2021. Il est
vrai que la Chine dispose de ressources humaines considérables. Elle envoie
550.000 étudiants à l’étranger et elle en reçoit 400.000. Dotée de 80
technopoles, elle est numéro un mondial pour le nombre de diplômés en sciences,
technologie et ingénierie, et elle en forme quatre fois plus que les États-Unis.
Cette percée technologique du géant chinois va
désormais de pair avec la transition écologique. Signataire de l’Accord de
Paris sur le climat, la Chine est le premier investisseur
mondial dans les énergies renouvelables. Elle possède 60% des
panneaux solaires et 50% des éoliennes de la planète. 99% des bus électriques
en service dans le monde sont fabriqués en Chine. Elle possède 50% des véhicules électriques et elle
en fabrique trois fois plus que les États-Unis.
La Chine a aussi le réseau ferré à grande vitesse le
plus grand du monde (30.000 km) et elle a pour objectif de passer à 40.000 km.
L’entreprise publique chinoise CRRC est numéro un mondial de la construction de
TGV : elle fabrique 200 trains par an et travaille pour 80 pays. Enfin, la Chine a engagé la plus grande
opération de reboisement de la planète (35 millions d’hectares).
Prenant au sérieux la désastreuse pollution de l’atmosphère dans la région de
Pékin, elle a réussi à y réduire de 50% les émissions de particules toxiques en
cinq ans.
Ce développement spectaculaire de la République
populaire de Chine est le résultat de 70 ans d’efforts titanesques. Pour y
parvenir, les Chinois ont inventé un système socio-politique original, mais que
les catégories en usage en Occident peinent à décrire. Loin d’être une « dictature totalitaire », en
effet, c’est un système néo-impérial dont la légitimité repose exclusivement
sur l’amélioration des conditions d’existence du peuple chinois.
Organe dirigeant du pays depuis 1949, le Parti communiste chinois sait que la moindre
déviation hors de la ligne du mieux-être collectif serait incomprise et
provoquerait sa chute. Habitués à penser que la démocratie repose sur le rituel
électoral, les
Occidentaux ne comprennent pas ce système. D’ailleurs, ils ne voient
même pas que leur « démocratie »
s’accommode d’une désignation du président par les banques, alors
qu’en Chine les banques obéissent au président.
Pour conduire le développement du pays, les
communistes chinois ont bâti une économie mixte pilotée par un Etat fort. Son
objectif prioritaire est la croissance, appuyée depuis les réformes de 1979 sur
la modernisation des entreprises publiques dominant les secteurs-clé, la
constitution d’un puissant secteur privé, le recours aux capitaux étrangers et
les transferts de technologie en provenance des pays plus avancés.
Contrairement à ce qu’on dit parfois, c’est
Mao Zedong lui-même qui a initié ce processus en 1972, lorsqu’il a rétabli les
relations avec les États-Unis.
Pour développer le pays, il fallait dîner avec le
diable ! Manifestement, les communistes chinois ont appris à le faire.
Mais ce rapprochement avec l’Occident capitaliste, ce « compromis
acrobatique » visé à juste titre par certains marxistes, était un moyen et
non une fin. Tout en justifiant l’ouverture économique, Jiang Zemin a
rappelé en 1997 que la
Chine ne perdait pas de vue l’édification du socialisme. C’est
pourquoi l’État doit conduire le développement, la propriété publique rester dominante et le
secteur financier demeurer sous contrôle.
Il y a deux siècles, la Chine était encore l’atelier
du monde. Aggravant ses contradictions internes, l’impérialisme occidental a
ruiné l’empire mandchou vieillissant. Les guerres du XXème siècle, à leur tour,
ont plongé le pays dans le chaos. Aux yeux des Chinois, la République populaire de Chine a pour vertu d’avoir mis
fin à ce long siècle de misère et d’humiliation qui commence en 1840
avec les « guerres de l’opium ». Libérée et unifiée par Mao,
la Chine s’est engagée sur la voie étroite du développement. D’une pauvreté
aujourd’hui inimaginable, isolée et sans ressources, elle a exploré des chemins
inconnus et tenté, avec le maoïsme, de transformer radicalement la société.
Plus précisément, le maoïsme se caractérise par la tentative, pour reprendre
la terminologie marxiste, d’accélérer le développement des forces productives
en misant sur la transformation révolutionnaire des rapports sociaux.
Autrement dit, de généraliser la lutte des classes à l’intérieur du pays pour
consolider le socialisme. Ce volontarisme a eu des effets positifs en
contribuant à généraliser l’éducation, mais il a complètement échoué à stimuler
l’économie. Contrastant avec l’accroissement démographique causé par les
progrès sanitaires, l’effondrement de la production agricole a provoqué la catastrophe du « Grand Bond
en avant », qui fut responsable – avec les conditions
climatiques et l’embargo occidental – de la dernière famine qu’ait connue la
Chine (1959-1961).
Avec la Révolution culturelle, dont le point culminant
fut atteint en 1966-68, Mao et les Gardes Rouges
décidèrent à nouveau de mobiliser les masses, mais contre le parti lui-même
afin de l’empêcher de « restaurer le capitalisme » et de sombrer dans
un « révisionnisme » de type soviétique. Cette révolution dans la
révolution a rapidement rencontré ses limites. En cultivant l’effervescence
idéologique d’une jeunesse fanatisée, elle a causé des violences inutiles et
des destructions qui contrariaient l’effort de développement. Tournant à vide,
cette agitation a généré un chaos qui appelait nécessairement sa négation, et l’Armée populaire de libération
se chargea en effet d’y mettre un terme.
Dans une résolution adoptée en 1982, le Parti
communiste chinois a porté un jugement sévère sur cette expérience historique,
qualifiée de « dérapage gauchiste », et il a progressivement engagé
des réformes. Marxiste à sa façon, le « socialisme aux caractéristiques
chinoises » défini en 1997 repose alors sur l’idée que le développement
des forces productives est la condition indispensable de la transformation des rapports
sociaux, et non l’inverse.
Comme l’écrit Jean-Claude Delaunay, « la
révolution fut conçue par les fondateurs du marxisme comme un fruit devant être
cueilli quand il serait mûr, et qui le serait en toute vraisemblance car le
verger était fourni ». Mais pour les communistes chinois, la
révolution serait plutôt « le fruit d’un verger qu’il faudrait
d’abord cultiver, puis faire grandir et tailler en conséquences ».
(Les trajectoires chinoises de modernisation et de développement, 2018, p.
283). En clair, le socialisme n’est pas le
paupérisme ! Et pour engager la transformation des rapports
sociaux, encore faut-il assurer un certain niveau de développement des forces
productives.
Après avoir libéré et unifié le pays, aboli le
patriarcat, réalisé la réforme agraire, amorcé l’industrialisation, doté la
Chine du parapluie nucléaire, vaincu l’analphabétisme, donné aux Chinois 24 ans
d’espérance de vie supplémentaire, mais aussi commis des erreurs tragiques dont
le peuple chinois a tiré le bilan, le maoïsme a passé la main après 25 ans de
règne (1950-1975). Ses successeurs ont alors tenu compte des inflexions de la
vie internationale et tiré parti de la mondialisation, mais sans jamais lâcher
le gouvernail. Forts des enseignements du passé, les Chinois ont multiplié leur
PIB, industrialisé le pays, vaincu la pauvreté, élevé le niveau scientifique et
technologique du pays de façon inédite.
L’expérience historique de la République populaire de
Chine est unique : c’est la réussite d’une stratégie de sortie du sous-développement à une
échelle sans précédent, et sous la direction exclusive d’un parti communiste.
Certes les problèmes demeurent immenses (vieillissement de la population), les
paradoxes stupéfiants (un socialisme avec des capitalistes), les fragilités non
négligeables (fléchissement de la croissance). Mais la Chine de 2019 a
l’intention de poursuivre le mouvement. Elle entend bâtir une « société de
moyenne aisance », développer son marché intérieur, promouvoir la
transition écologique. Il faudra se faire une raison : décidée à refermer
la parenthèse de la domination occidentale, la Chine aspire à retrouver la
place qui lui revient.
Bruno GUIGUE
Source :
Ils ont réussi car ils n'ont pas eu la mafia juive infiltrée partout?
RépondreSupprimerExact. La révolution bolchevique était essentiellement juive, donc loin des intérêts de la population russe et des moujiks russes. L'URSS a fini par s'écrouler car elle était minée de l'intérieur dès le départ.
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